Une nouvelle histoire de Wallonie (III)

III. Du Congrès national wallon à la Wallonie autonome de 2016 et années suivantes
2 November, 2023

L'affiche qui dénonce le menonge de Léopold III qui se remarie (on le voit ici batifolant avec sa femme). Elle est en néerlandais bien que cela concerne surtout les prisonniers wallons) : "Mon sort sera le vôtre"

Le livre d'Arnaud Pirotte insiste sur les progrès et l'institutionnalisation du dialogue social, le vote des femmes, le système de Sécurité sociale. Il traite d'épiphénomène l'ascension du Parti communiste à la troisième place des partis en Belgique, mais à notre sens, ce parti aura une grande influence en Wallonie. Le chapitre en question s'intitule :

« 1945-1950 : De la Libération à l'insurrection »

Il consacre plusieurs pages au Congrès national wallon des 20 et 21octobre à Liège. Il détaille en pourcentages les votes rattachistes (46%), autonomistes (40% : la solution de Dehousse, un fédéralisme poussant loin les compétences fédérées), indépendantistes (14%) et le Sénat paritaire (1%).

Salle du Congrès national wallon des 20 et 21 octobre 1945 à Liège. Le fait est que la question royale n'y fut pas évoquée.

Ce qui étonna c'est cette majorité au fond antibelge. Les travaux des Congrès suivants (dont celui de Charleroi qui se tint dans une ville pavoisée aux couleurs wallonnes), aboutirent à la formulation d'un projet de révision constitutionnelle en 1948 pour lequel votèrent tous les députés wallons, sauf le PSC qui vota, avec le reste de la Chambre - parlementaires de Flandre et de Bruxelles-, la non-prise en considération de la proposition. Pendant le même temps la question royale battait son plein. Une consultation populaire le 12 mars 1950 donne une majorité écrasante de OUI en Flandre (72%), mais une majorité de NON en Wallonie (58%) et à Bruxelles (52%). Un congrès national wallon extraordinaire réaffirme le rejet du roi par la Wallonie. André Renard y intervient pour lui apporter le soutien de la FGTB de Liège-Huy-Waremme.

En juin le PSC obtient la majorité absolue, fait voter la fin de l'impossibilité de régner par les Chambres réunies et revenir le roi le 22 juillet. Ce qui provoque une série d'attentats et une grève générale en Wallonie.

Manifestants ouvriers wallons défilant dans la capitale en prélude à la marche sur Bruxelles prévue pour 1er août 1950.

Quatre grévistes sont tués à Grâce-Berleur, le 30 juillet. Dans la nuit du 31 juillet au 1eraoût, le roi accepte de se retirer au bénéfice de son fils qui prête le serment constitutionnel le 11 août, interrompu par le cri « Vive la République ! » lancé par Henri Glineur et attribué à Julien Lahaut qui sera assassiné une semaine plus tard à son domicile de Seraing. L'enterrement des victimes de Grâce puis de Julien Lahaut sera suivi chaque fois par des foules considérables.Le chapitre suivant est intitulé « 1950-1960 :

Le déclin dans l'indifférence

Les années d'après-guerre sont aussi le début de « golden sixties » avec la croissance économique, le progrès social, du progrès également de la centralisation, le temps d'une capitale choyée et parée pour l'exposition universelle de 1958 et par laquelle il semble que toutes les voies de communication semblent devoir passer ce qui marginalise le projet d'une autoroute de Wallonie que Jean Duvieusart réclamait depuis 1938 et qui ne sera terminée que partiellement en 1972 bien après que toutes les liaisons soient réalisées en Flandre de même que celles qui passent par Bruxelles.

Expo 58 : un triomhalisme exempt de lucidité

Il est assez rare de lire à propos de cette exposition les lignes qui suivent et qui sont plus que nécessaires : « Bruxelles se prépare pour célébrer la modernité. A l'occasion de l'exposition universelle de 1958, elle sera richement dotée. Bruxelles renforce ainsi sa centralité dans l'espace belge et...wallon, tant au niveau de l'infrastructure qu'au niveau symbolique. Parée des derniers atours de la modernité, la ville symbolise désormais le progrès pour des millions de Wallons subjugués. » (p. 257-258). Les observations du Conseil économique wallon (organisme encore officieux), énumère pourtant les difficultés de la Wallonie et le déséquilibre des investissements de l'État, sommes énormes à Anvers, poursuite d'une centralisation qui n'apporte rien à la Wallonie. La catastrophe de Marcinelle en 1956, outre les victimes en majorité italiennes si l'on prend l'échelon national, mais en majorité wallonne si l'on prend l'échelon régional wallon, révèle en tout cas le caractère défectueux des installations minières. L'évêque de Tournai y voit non une catastrophe mais un massacre.

« 1960-1973. La Wallonie lutte pour sa survie »

L'année 1960 c'est d'abord le traumatisme de l'opinion en Wallonie sur le mauvais déroulement de l'accession du Congo à l'indépendance qui selon Histoire de Walloniecontraint le gouvernement à assainir les finances publiques. J'avais, encore fort jeune, observé ce traumatisme chez un de mes oncles, syndicaliste FGTB convaincu, du Borinage, mais qui se mobilisa sur le champ à la fin de cette année contre la politique d'austérité entamée. Jean-Luc Marion pense qu'il n'est pas sûr que nous ayons vraiment compris 1914-1918. La grève dite « du siècle » qui est aussi la dernière véritable grande grève générale dont la tradition s'était instaurée en 1886 est sans doute dans ce cas aussi. Ce fort mouvement social suivi quelque peu en Flandre puis abandonné là-bas, est d'une rare violence qu'on ne retrouvera plus jamais. Elle dure 34 jours. Elle révèle une fracture qui a toujours existé à mon avis dans le mouvement ouvrier en raison des différences importantes des situations en Flandre et Wallonie. Elle est le point de départ aussi d'un mouvement wallon qui devient populaire, pas seulement en raison de la création du Mouvement populaire wallonqui est une façon aussi de poursuivre la lutte suspendue le 23 janvier après que Renard ait échoué à obtenir le « second front politique » soit la démission des parlementaires socialistes à la Chambre et au Sénat pour empêcher le vote de l'austérité.

L'assaut contre la gare des Guillemins le 6 janvier 1960

L'une des causes de la grève, c'est le sentiment collectif que la Wallonie voit son industrie se déliter. Les lois sur l'expansion économique auxquelles Gaston Eyskens a donné son nom, avantagent la Flandre. La Décision politique en Belgiquea très bien décrit le mécanisme qui amène à l'érection de SIDMAR : la prédominance flamande dans les domaines du crédit public, la fascination des dirigeants flamands pour la sidérurgie, la certitude des holdings francophones pour un retour sur investissement immédiat vu les sommes énormes avec lesquelles l'Etat participe à la création de cette entreprise. Côté wallon, Léo Collard président des socialistes tente de briser l'élan du MPW au sein du PSB et y parvient en 1964, à la veille d'un recul sans précédent du PSB aux élections de 1965. Avec le rapport Sauvy sur le mauvais état de la démographie wallonne, la peur de voir la Wallonie minorisée dans l'Etat belge s'accentue. Le pétitionnement wallon est lié à cela en ce qu'il demande qu'on n'adapte pas tout de suite le nombre des sièges à la population (mais aussi le référendum d'initiative populaire vu les échecs de réalisation du fédéralisme par voie parlementaire). Ce chapitre parle aussi des évolutions économiques et sociale ou sociétales avec l'augmentation de la consommation, le combat sur l'avortement, l'apparition de la télé, la généralisation du téléphone et des appareils électroménagers, les nouveaux loisirs, la diminution du nombre d'agriculteurs etc. Surtout sans doute la grève de la FN d'Herstal, une des premières luttes en Europe pour l'équivalence des salaires entre femmes et hommes. L'affaire des Fourons et l'affaire de Louvain. En ce qui concerne les Fourons, une petite erreur. Le rattachement des Fourons (4.000 habitants) au Limbourg n'est pas une « compensation » au rattachement de Mouscron-Comines (60.000 habitants) au Hainaut. La seule chose échangée fut le principe : à commune d'un rôle linguistique, province du même ordre. La fin de ce chapitre traite de l'apparition du Rassemblement wallonsur la scène politique et de la première réforme de l'Etat qui met en place au moins les Parlements des deux Communautés, exigence flamande et peu wallonne mais que l'on ne va ensuite cesser de défendre, du côté Bruxellois francophone mais aussi wallon, contre l'octroi de la plénitude des compétences des entités fédérées à la Wallonie.

Les deux derniers chapitres : « 1973-1988. Vers un fédéralisme ambigu » et « 1988-2022 La Wallonie malgré elle entre espoir et dépendance »

Ce sont peut-être les deux chapitres dont le compte rendu est le plus difficile. Un auteur de compte rendu est cependant heureux de rencontrer une phrase comme celle-ci à propos des « Trente glorieuses » : « Colorée d'optimisme, imprégnée d'un hédonisme assumé dans une société de loisirs et marquée par des mouvements libérateurs (pilule contraceptive, émancipation des femmes), cette période laissait naïvement entrevoir un avenir de progrès continus et illimités. » (p. 286). On énumère ensuite les difficultés ou les erreurs comme les destructions au moins partielles du cœur de Namur, Liège, Verviers, Namur, Charleroi. Puis , la crise pétrolière de 1973, la non-convertibilité du dollar en or, la guerre du Kipour, l'aggravation du déclin wallon (et les chiffres de Michel Quévit dans Flandre-Wallonie. Quelle solidarité ?...), ceux de l'ONEM pour l'emploi et le chômage, le lent progrès des réformes institutionnelles, la fin du Rassemblement wallon, la question (toujours pendante), de l'utilité de la Communauté française qui pour les auteurs fait partie de tout ce qui bride l'autonomie wallonne.

La réforme de l'Etat d'août 1980, appelée à l'époque « régionalisation définitive » consacre l'existence d'une Wallonie (malheureusement appelée Région wallonne selon les auteurs). L'article, alors appelé 107 quater, de la Constitution l'instituant avait bien été voté en 1970. Mais cet article restait vide faute de majorité pour le remplir. François Perin avait bien essayé de lui donner forme en mettant en place une régionalisation préparatoire en 1974. Mais outre d'autres péripéties, son parti, le Rassemblement wallonéclatait en 1976, une partie de ses troupes rejoignant les libéraux du PRLw. En 1977, un accord entre partis (dont le FDF et la Volksunie), représente un pas important vers la régionalisation définitive. Mais ses aspects proprement communautaires et linguistiques mécontentent l'opinion flamande consciente ou radicale. Et. le chef du gouvernement mis en place en 1977, le fait échouer l'année suivante. De nouvelles élections ont lieu cette année. Le Rassemblement wallons'y maintient. Mais il se scinde encore en 1981 et disparaît du Parlement en 1985

Le Parlement de Wallonie à l'arrière-plan et, tout à droite de la photo sur l'autre rive, la Présidence de la Wallonie

Deux réformes de l'Etat suivent en 1988-89 et en 1993 « sans vraiment simplifier les institutions , souvent opaques pour les citoyens » (p.308). A la page 311, le livre énumère de manière claire, malgré cela, les compétences que n'exerce plus l'État central mais les Régions et les Communautés p. 311. Il évoque l'élargissement des compétences des régions, la future révolution copernicienne qui pourra rendre plus important les fédérés que le fédéral (dont l'accession de Spitaels à la tête du gouvernement wallon en 1992, est un peu le symbole), mais aussi, avec la présidence de Di Rupo « un courant néo-belgicain qui neutralise progressivement l'aile régionaliste de la famille socialiste » (p. 315). Phénomène à l'égard duquel on a pu prendre du champ et qui justifie le titre d'un des deux chapitres dont nous rendons compte. Est équivoque aussi, la manière dont la Belgique (sans doute déjà dans les années 50), rêve de trouver une solution à la question qui la divise et la mine, dans l'union plus grande des autres nations européennes, nations qui l'avaient « neutralisée » après 1830.

Curieusement d'ailleurs (ou pas selon la logique du fédéralisme qui prévoit que l'exercice des compétences exclusives se prolonge sur la scène internationale), le Président de la Wallonie, Paul Magnette fait examiner pendant plusieurs années le traité de commerce CETA par le Parlement wallon qui reçoit des personnalités comme le Premier ministre du Québec, des commissaires européens. Le président de la Cour de Justice de l'UE déclare au Parlement wallon qu'il peut agir comme un Parlement national. Ainsi que le rappelle la présentation de la Wallonie sur le Portail de Wikipédia qui lui est dédié.

Le livre n'hésite pas à aborder les affaires politico-judiciaires comme celles qui mettent en cause les socialistes Claes et Spitaels. Avant d'évoquer aussi l'assassinat d'André Cools ,et l'affaire Dutroux, ils évoquent les problèmes communautaires qui envahissant l'espace public belge, complexifient ce que la dualité de cet espace complexifie encore et dont il retarde les solutions : « Le débat citoyen se construit plus nettement sur base d'un espace linguistique et médiatique commun. » (p. 320-321). Mais on pourrait le faire remarquer : l'espace public wallon n'est pas servi comme il le faudrait par la concentration médiatique dans la capitale. Le livre n'en parle pas et pourtant la réprobation de la politique socialiste en matière d'enseignement (qui concerne aussi Bruxelles), est devenue flagrante le 1ermai 1996 avec le ratage de tous les meetings socialistes à cette date qui déstabilisa les dirigeants socialistes.

Cette Histoire de Wallonieévoque aussi ce qui (à notre avis c'est grâce à l'autonomie de la Wallonie que cela est devenu clair), l'anomalie qui fait du Président de la Wallonie en réalité le second de son président de parti, les autres ministres étant d'ailleurs aussi « vassalisés » de même (p. 323). Le livre insiste aussi sur la manière dont les partis se répartissent les postes en vue et rémunérateurs dans l'administration. Voir Qu'est-ce que la Présidentocratie? Il aurait pu aussi stigmatiser la pratique consistant à faire de même à l'intérieur du Parlement où les postes signifiant en termes de prestige et de rémunérations plus modestes mais non moins importantes, relèvent de la décision également du Président de parti : Président du Parlement, vice-présidents, chefs de groupes etc. Surtout quand on sait que les membres du gouvernement abandonnent leur mandat parlementaire en faveur de leurs suppléants qui doivent leur place sur la liste également au parti. Le livre évoque aussi les problèmes à Charleroi et l'affaire Publifin. Il est question aussi de la montée de nouveaux partis ou du poids qu'ils finissent par acquérir comme le PTB, Ecolo. De modifications profondes dans la façon d'appréhender la mort (euthanasie), la sexualité (avortement). Le mouvement laïc est reconnu à l'égal des cultes et les conseillers laïcs rétribués par l'Etat

Pour cette Histoire de Wallonie, le déclin est enrayé à la fin des années 80. Mais la moyenne de la croissance en Wallonie est inférieure à celle de l'UE ou de la Belgique.

Plan Marshall et pôles de compétitivité

De 1996 à 2010 la Wallonie se stabilise selon ce livre. Les pôles de compétitivité du Plan Marshall inaugurent une politique plus efficace en se centrant sur la logistique et le transport, l'aéronautique et le spatial, le génie mécanique, la science du vivant, l'agro-alimentaire à quoi s'ajoutent en 2009, les technologies environnementales et le numérique. Le livre évoque aussi les carences dans l'enseignement primaire et secondaire. Malgré le redressement il y a toujours un trop grand nombre de pauvres, des poches de chômage, le chômage des jeunes est trop élevé, l'esprit d'entreprendre pas assez développé. A propos de la lutte contre la pauverté on peut voir comment celle-ci peut se loger dans le mouvement de la société wallonne Les pauvres et la "Wallonie qui gagne".

La Wallonie a des atouts comme l'exploitation de la logistique d'un pays au centre du continent qui développe ses voies d'eau, ses ports et aéroports, des entreprises au succès mondial comme EVS (serveurs vidéo), Techspace aéro, Odoo, éditeur de logiciels de gestion d'entreprises, IBA dans le domaine des fabrications de proto-thérapie.

L'écluse de Lanaye ou l'accès de la Wallonie à la mer

La Communauté française demeure une institution encombrante et nuisible pour laquelle , les partis « francophones » vont négocier avec la Flandre un refinancement en échange de nouvelles compétences aux Régions (ce qui est un peu absurde puisque rien ne dit que la Wallonie devenant politiquement plus importante serait nécessairement un désavantage). Le modèle régional semble à nouveau l'emporter puisque, comme en 1991, plusieurs compétences déjà acquises par la Communauté avaient été transférées aux Régions. Cette fois, c'est lorsque la sixième réforme de l'Etat transfère les allocations familiales, les soins aux personnages âgées et la santé aux Communautés : ces compétences sont directement re-transférées aux Régions.

Mais comme on le dit p. 342 « les francophones minoritaires tentent de préserver au maximum le cadre dans lequel ils subissent une domination. Leur attachement à l'Etat belge unitaire provient sans doute aussi d'une nostalgie du temps où la Wallonie était à la source de la prospérité du pays. » . Cette posture explique la longueur de la crise gouvernementale qui suit les élections du 13 juin 2010, l'accord gouvernemental ne se faisant finalement que le 6novembre 2011. C'est alors Di Rupo qui va présider le gouvernement fédéral jusqu'en octobre 2014. Ces élections de 2010 qui voient le triomphe de la NVA avec 28% des suffrages en Flandre (le Vlaams Belang en engrangeant 19), avaient été précédées de celles de 2007 où le cartel CD&NVA avait obtenu 29% des voix en Flandre. La crise gouvernementale de 194 jours est suivie d'un gouvernement « intérimaire » de Verhofstadt, qui cède la place au vainqueur des élections Yves Leterme en mars 2008 mais qui démissionne lui-même en décembre de la même année, est remplacé par Eric Van Rompuy qui lui-même devient président du Conseil européen et cède la place à nouveau à Yves Leterme qui démissionnera au bout de cinq mois, c'est la résistance des Wallons et des Bruxellois à l'extension des compétences qui explique la chose.

Nous avons eu encore deux gouvernements Michel I plus ou moins stable (mais largement minoritaire en Wallonie), puis Michel II (qui, minoritaire, expédiera les affaires courantes), puis de Wilmès I après les élections de 2019 (de même nature que Michel II : minoritaire et affaires courantes) et de Wilmès II (celui-ci de plein exercice mais minoritaire avec l'appui du Parlement vu la pandémie). Il est suivi du gouvernement de Croo qui assume une part de la pandémie, la guerre d'Ukraine, gouvernement solide mais très tiraillé entre sept partis dont certains en déliquescence (dont celui du Premier ministre).

Un compte rendu difficile d'un livre simple et clair

La lutte contre la pauvreté dans le mouvement de la société wallonne avec le RWLP (Réseau Wallon de Lutte contre la Pauvreté).

La lecture de ce livre simple et clair qui souligne ce qui est important pour la Wallonie et le dit très bien avec, cependant, un parti pris mais un parti pris honnête et inévitable, c'est qu'il fait l'histoire de la Wallonie et doit donc insister sur ce qui la concerne. Ceci apparaîtra comme un parti pris seulement pour ceux (hélas ! très nombreux) qui regrettent les évolutions institutionnelles qui au bout de six réformes de l'Etat depuis 1970. Elles ont donné à la Wallonie un statut que sa dénomination constitutionnelle voile en réalité : Jean-Marie Klinkenberg, qui a longtemps présidé le Haut conseil de la langue française le dit depuis longtemps, la Wallonie n'est pas une région mais un Etat. Voir Citoyenneté des mots pour la dire.

Ce n'est pas le livre qui rend le compte rendu difficile mais qu'on ne soit pas passé, simplement, d'un Etat unitaire à un Etat fédéral ou même à une confédération d'Etats. Depuis 1970, au long des six réformes de l'Etat belge, celui-ci se vide peu à peu de ses compétences mais subsiste. Or, même si on n'est pas séparatiste, cela complique tout. Il y a des élections locales qui n'introduisent, elles, aucune complexité insurmontable.

Mais il y a des élections fédérales, régionales et européennes. Le même jour ! Les élections régionales concernent trois régions et la Communauté germanophone. Un citoyen de Wallonie utilise ses droits pour élire un Parlement fédéral belge, un Parlement européen, un Parlement wallon. Et comme si ce n'était pas encore assez, son vote va déterminer la composition du Parlement d'une quatrième entité qui n'est ni européenne, ni belge, ni wallonne, ni bruxelloise, mais indirectement les deux dernières entités, entité francophone, que nous désignons par un adjectif, desquelles il faut soustraire, cependant, les Bruxellois néerlandophones (et les Germanophones d'Eupen et Saint-Vith). Pour exercer ce droit de manière citoyenne et donc consciente, les Wallons ont donc à envisager cinq espaces politiques différents : l'Europe, la Belgique (en y tenant compte de ce qui s'y travaille politiquement en Flandre et à Bruxelles), Bruxelles, la Wallonie et l'espace Wallonie-Bruxelles. C'est d'autant plus difficile pour lui que les médias francophones concentrés à Bruxelles ne donnent aucune priorité à la Wallonie. Symboliquement, d'ailleurs, presque tout y demeure « belge » : le roi, le cinéma, le sport, la culture en général et tous ceux qui s'y rapportent, rarement considérés comme wallons contrairement aux fromages et autres produits régionaux, ainsi que le folklore. L'espace médiatique francophone raffole de ce dernier aspect. C'est un espace centré à Bruxelles et sur Bruxelles qui souligne lourdement, si c'est le cas, quand il s'agit d'informations-services, sur ce qui vaut pour la Wallonie et ce qui vaut pour Bruxelles accentuant chez les Wallons, ainsi surplombés, leur sentiment d'être secondaires (on désigne par exemple comme cela leurs aéroports).

Manifestation à Amsterdam contre le CETA et en soutien de la Wallonie : "Wij staan achter Wallonië", "Nous soutenons la Wallonie"

Voilà un livre bien écrit, bien informé, de maniement aisé, d'un prix démocratique (12 €), qui pourrait aider à combler le gouffre béant de l'absence de la Wallonie dans l'enseignement. Il ne regarde pas la Wallonie de haut. Ce qui permettrait à la Wallonie « d'écrire de son nom sa participation à l'universel humain ».

Première partie : Une nouvelle ''Histoire de Wallonie'' (I) Deuxième partie Une nouvelle ''Histoire de Wallonie'' (II)