Albert Ier

Toudi mensuel n°42-43, décembre-janvier 2001-2002

Histoire de la monarchie belge

Albert I Histoire d'un mythe


Ce roi est tout à fait important. Laurence Van Ypersele a montré, après beaucoup d'autres, que le modèle de la monarchie qu'a imposé ce roi a influencé directement Léopold III. On contemple en négatif en Léopold III ce qui a été perçu comme positif chez Albert Ier. Albert Ier a bénéficié de circonstances heureuses mais son talent et son intelligence les appelaient.

Il n'aime pas plus la démocratie que son fils (mais les circonstances font que l'on ne s'en aperçut pas), il considérait que le texte du traité des XXIV articles (stipulant la neutralité belge), l'obligeait autant que la Constitution dans le domaine de la conduite de l'armée (et de la guerre), où il s'estimait seul compétent. Il ne vécut pas 1914-1918 comme une guerre patriotique mais comme une guerre à mener en fonction des traités européens. D'où, comme l'a vu Robert Devleeshouwer, un décalage complet entre sa manière de la voir et de la vivre et la manière dont le gouvernement et le pays la virent et la vécurent. La victoire qui empêcha le divorce de se révéler dans le cas d'Albert Ier se transforma en déroute chez Léopold III, ce qui permit que se manifestent deux conceptions de l'indépendance du pays: celle du roi, et celle du peuple, du peuple wallon en particulier. Celle du roi était une indépendance liée à l'équilibre des puissances, celle du pays wallon fut une aspiration à la souveraineté nationale dont le ressort est la démocratie, la liberté et l'émancipation sociale: la Résistance réunit tous ces aspects.

Jean Stengers dans L'action du roi en Belgique..., Ducuiot, Gembloux, 1992, estime qu'il y une diminution graduelle des pouvoirs du roi de 1831 à aujourd'hui. Luc Schepens dans Albert Ier et le gouvernement Broqueville (Duculot, Gembloux, 1983) a une autre lecture et le témoignage d'Henri Pirenne va dans le même sens. Pirenne écrivait en 1933: «L'autorirté morale du souverain lui permet désormais d'user plus largement que ses prédécesseurs de ses pouvoirs constitutionnels.» (Tome X de l'Encyclopédie française, Paris, 1933, n°10, 68, p. 12). Cela a perdu Léopold III.

On trouve aussi chez Albert Ier les mêmes relents antisémites que chez son fils et des diatribes manifestement antiwallonnes (M-R Thielemans, Albert Ier, carnets et correspondance de guerre, Duculot, Gembloux, 1991) même si le roi n'a pas fait droit non plus aux revendications de la Flandre pendant la guerre. En revanche, à la réception de la fameuse lettre de Destrée il écrivit à son secrétaire ces mots qui frappent: «Tout ce qu'il dit est absolument vrai» (2) tout en rejetant les conclusions politiques que Destrée en tirait (MR Thielemans et E.Vandewoude, Le Roi Albert au travers de ses lettres indéites, Bruxelles 1982, pp. 435-436).

On retrouve Albert Ier dans son fils mais aussi dans son petit-fils Baudouin Ier, moins dans Albert II dont les interventions ne manquent pas, elles non plus. En 1996, à la veille de la Marche blanche, Albert II fut un peu le joker du gouvernement. face à une crise difficile et inhabituelle. Avec Albert II, comme avec la fin du règne de Baudouin Ier (le principe constuitutionnel des gouvernements de législature), l'influence du roi dans la formation des gouvernements a subi une amputation importante mais pas nécessairement son pouvoir d'influence au jour le jour. Mais avec Albert II, la monarchie décline, manifestement1. La surprise est venue du fait que ce soient des événements du passé mettant en cause Baudouin Ier qui aient relancé au parlement même la contestation de la monarchie, fait nouveau.

Mais où les élites wallonnes trahissent vraiment la mémoire de leur peuple en prétextant de sujets plus «urgents».

Ajout de ce 8 mai 2011: le mythe du roi Albert ne s'est pas écrit en flamand

Il est important de dire que, après une analyse fouillée de la presse flamande, wallonne et bruxelloise,, l'auteure de ce livre estime que le mythe du roi Albert ne s'est pas écrit en flamand. Et la remarque est prolongée par la note en bas de page suite à ce jugement où l'on peut lire Comme le confirmera l'analyse des autres sources. (note 276, placée p. 423.).

  1. 1. Encore qu'il y ait eu le rôle de «joker du gouvernement» joué par Albert II à la veille de la Marche blanche en 1996.