Quelle violence au Pays basque ?
Il n'existe pas un seul argument, un seul ensemble de faits significatifs qui prouvent que les individus détachés de leur communauté nationale sont plus universalistes ou plus réellement cosmopolites que ceux qui se sentent particulièrement liés à leurs compatriotes.
Pedro Irabara (Les Temps Modernes, juin, juillet août 2001, p. 194)
Il faut se défier de toute unanimité, y compris contre la violence et le crime. La violence et le crime au Pays Basque nous semblent parfaitement irrationnelles car le Pays basque dispose manifestement d'une autonomie extrêmement élargie, et même - ce qui est unique en Europe occidentale - d'une force de police autonome. La livraison de juillet-août des Temps Modernes examine de près la question basque. En signalant que l'Espagne elle aussi semble parfois soumise à un processus de disparition à la belge dans la mesure où la Constitution prévoit des Communautés autonomes s'emparant parfois de compétences ou légiférant dans des domaines que conteste l'État central. Or, quasiment dans chacun des procès menés par l'Espagne contre les communautés autonomes, ce sont celles-ci qui l'ont emporté. Dans une «notice» à la fin de la livraison, on peut lire: «Ce n'est pas le pouvoir central qui détermine le rythme de l'évolution décentralisatrice, mais les Communautés autonomes elles-mêmes; par la façon dont elles donnent l'impulsion au rapport de force politique et parviennent à l'orienter.» (p.314). On sait que les parlementaires nationalistes de Catalogne, en soutenant des gouvernements centraux privés de majorité, y ont excellé.
Les événements politiques récents
C'est probablement principalement la violence que la livraison de juillet-août des Temps Modernes examine de près (1). En commençant par rappeler les événements les plus récents. En septembre 1998, le PNV (nationaliste modéré) et d'autres tendances analogues se rapprochent du nationalisme radical proche de l'organisation terroriste ETA, soit la coalition Euskal Herritarok (EH). Ce rapprochement amène à une trêve de l'ETA et le PNV espère à la fois y gagner électoralement et «offrir à l'organisation terroriste une piste d'atterrissage politique qui lui permette de aire son adieux aux armes» (p.5). Mais la trêve est rompue fin 99, EH quitte le parlement basque en septembre 2000 laissant le PNV minoritaire. La violence se réenclenche de manière sauvage. Des élections ont lieu le 13 mai de cette année, Desquelles le Parti populaire (droite) et le PSE (Parti socialiste espagnol), qui s'en tiennent au statut actuel du Pays basque, escomptent la défaite nationaliste. Celle-ci ne se produit pas et les nationalistes restent majoritaires en Euskadi.
La violence condamnée
Les assassinats d'innocents sont impossibles évidemment à approuver mais pas à comprendre. Car l'État espagnol a lui-même une tradition de violence et des traditions peu démocratiques, traditions longtemps poursuivies après Franco. L'actuelle démocratie espagnole est d'ailleurs en un sens l'héritière du franquisme, car tout le personnel en place sous Franco ne fut en rien modifié et même si les institutions démocratiques bouleversèrent le pays.
La violence de l'ETA n'est pas à comparer avec la violence des terroristes d'extrême-gauche en France, Allemagne, ou Wallonie (les CCC). Elle n'est pas une violence isolée, désespérée. Elle peut compter sur l'appui d'une fraction nationaliste radicale de la société basque et sur une sorte de compréhension du nationalisme plus modéré. Les partis non nationalistes ne remettent pas en cause une autonomie fort étendue.
Mario Onaindia juge particulièrement sévèrement la violence basque. Elle est, selon lui, un signe d'identité pour l'ETA, mais aussi pour les nationalistes les plus radicaux. Il cite l'un d'entre eux, Inaki Esnaola qui, lisant la constitution espagnole, y voyant que l'armée est le gage de l'unité de l'État espagnol raisonne ainsi selon l'auteur: «si telle était la fonction de l'armée espagnole, alors, lorsque le peuple basque demanderait l'indépendance, l'armée serait fondée à occuper militairement Euskadi; par conséquent on pourrait lui opposer, à ce moment-là, une résistance armée. La violence de l'ETA était donc légitimée parce qu'il n'était pas nécessaire au fond d'attendre l'occupation: la prudence politique conseillait plutôt de mettre en oeuvre immédiatement la violence...» (p. 25). Selon l'auteur, l'ETA basque n'est pas un groupe se séparant d'une organisation politique préalable, recourant à la violence et pouvant se retrouver dans le paysage politique au cas où la situation permettrait de renoncer à la violence. Il a besoin de cette violence et ne peut s'en défaire. C'est seulement lorsqu'il comprit dans les derniers mois avant le pacte de 1998 que la société basque se mobilisait de manière à peu près unanime contre lui que l'ETA changea de stratégie. Et il en est revenu à la violence.
Jugement aussi sévère de Mario Elorza qui pense que le fond profond du nationalisme basque est le racisme - doctrine élaborée par Sabino Arana - mais un racisme qui s'est transformé et épuré à la faveur du franquisme: «Franco avait réussi à donner raison aux énoncés du père fondateur. Sabino Arana avait, en effet, défini Euskadi comme un pays occupé militairement par l'Espagne, ce qui était faux à l'époque de l'élaboration de sa doctrine, mais voilà qu'à présent la dictature rendait cette occupation effective. L' ETA surgit quand les mouvements de libération du tiers monde étaient à leur apogée et n'hésita pas à considérer que la lutte du peuple basque pour son indépendance était du même ordre, éloignant ainsi le double fantôme du conservatisme et du racisme dont jusqu'alors était grevé le nationalisme basque. La race sera remplacée par la langue - de là que l'appellation d'Euskadi cède sa place au traditionnel Euskal Herria, pays des " euskal-dunes ", des bascophones. Une coloration de marxisme superficiel fera le reste, apportant au mouvement un aval révolutionnaire bien accordé au style d'autres courants contestataires de la décennie. Et suivant la tactique des mouvements de libération nationale, l'instrument de l'action sera la lutte armée, c'est-à-dire la terreur. Sous ces changements se maintenait le noyau dur du projet sabinien: ici Euskadi, là-bas l'Espagne...» (p.95).
Ignacio Villota étend d'une certaine façon la condamnation aux nationalistes non-violents: «même si les membres du PNV rejetaient la violence, ils commençaient à penser que la finalité de leur propre combat coïncidait avec celle de l'ETA et de HB ou, comme le dirait Arzalluz aujourd'hui, que le HB et l'ETA sont proches des revendications historiques du PNV.» (p.110) (le PNV regroupe les nationalistes modérés ou en tout cas non-violents).
Il note cependant que dans les milieux gouvernementaux madrilènes il y a eu longtemps une tendance à ne pas faire de distinction entre les objectifs statutaires et les objectifs nationalistes - comme si «le Statut n'était pas encore acquis de plein droit.» (p.112).
La violence comprise
Il faut avouer que Les Temps modernes ont fait un immense effort pour présenter ici la question du pays basque et de celle de la violence au pays Basque à travers de multiples points de vue allant de la condamnation radicale à des explications renvoyant les adversaires (États espagnol et terrorisme basque), à leur propre violence.
L'article le plus complet à notre sens, le plus clair se présente cependant apparemment comme complexe puisque Francisco Letamendia y tente une comparaison entre trois nationalismes, le basque, l'irlandais et le québécois. L'État auquel ont affaire les Québécois est un État «faible», dans la tradition de Locke et la tradition libérale visant à un État protecteur d'une société avec des droits et des devoirs qui lui appartiennent. L'État auquel ont affaire les Basques est plutôt un État fort dans la tradition de Rousseau (France, Allemagne, Espagne), dont la tâche est de régénérer la société non de la protéger. Ceux qui pourraient trouver cette distinction trop tranchée doivent prendre en compte que l'auteur utilise en un bref texte des distinctions classiques qui ne sont sans doute pas à prendre ou à laisser, mais qui donnent à penser, permettent de penser.
L'État faible comme l'État anglais laisse subsister les institutions de la société civile en Écosse et Irlande ou Pays de Galles. Il laisse le Québec francophone demeurer lui-même (du moins jusqu'à aujourd'hui car l'État canadien a de fâcheuses tendances à devenir fort).
Le mouvement nationaliste basque est une formation très complexe, selon Letamendia, enracinée dans l'histoire de l'Espagne avec les guerres carlistes, soit les guerres d'une des branches des Bourbons en vue de récupérer le trône d'Espagne.
Les carlistes sont des légitimistes et des réactionnaires. Le nationalisme basque y plonge ses racines mais il en émerge transformé, d'abord en populisme nationaliste, celui de Sabino Arana, un mouvement qui est à la fois en opposition au «projet étatico-national de l'oligarchie basque, dépendante du marché national, et au mouvement ouvrier de Biscaye» (p.282). Ce mouvement bénéficie de l'autonomie accordée par la IIe République espagnole qui sera abattue par Franco et dont les nationalistes basques se feront les défenseurs. Ensuite, le mouvement basque va voir naître en son sein un nationalisme basque sous la houlette de l'ETA. Cette organisation, d'abord démocrate-chrétienne, fédéraliste européenne et atlantiste va évoluer vers le marxisme et l'impérialisme sous l'influence des luttes de libération coloniales. Elle est très divisée. Les «militaires», en tuant l'amiral Carrero Blanco en 1973 l'emportent.
Puis après la mort de Franco, le mouvement se donne une légitimité politique à travers la coalition politique Herri Batasuna qui naît en 1978. Après le coup d'État militaire de 1981 (arrêté par le discours du roi d'Espagne ordonnant aux blindés de rentrer dans leurs casernes), l'ETA retourne à la violence pour imposer à l'Espagne l'indépendance du Pays Basque. À cette violence répondra - à nouveau pourrait-on dire et même devrait-on dire - la violence espagnole. Les négociations menées à Alger entre le Ministère de l'intérieur espagnol et l'ETA pour parvenir à un accord (en 1989), échouent. Et finalement le gouvernement socialiste espagnol qui avait combattu le terrorisme par les méthodes du terrorisme est en crise du fait des révélations sur ces agissements. En 1996, il est remplacé par le Parti populaire moins compréhensif que le Parti socialiste à l'égard du nationalisme basque modéré. Une série d'initiatives, comme on l'a dit plus haut ont mené au regroupement des nationalistes basques en 1998, rapprochement suivi d'une nouvelle rupture en 1999.
L'explication de Letamendia
La grande idée de Letamendia c'est que les nationalismes périphériques ou les autonomismes (et nous pensons que l'on pourrait en dire de même du nationalisme wallon), imitent la manière dont fonctionne l'État-nation qu'ils combattent. Mais quoi qu'il en soit, il vaudra la peine de lire en entier Letamendia car son analyse est l'une des rares qu'il nous ait été donné de lire permettant de comprendre que puisse subsister la violence basque, celle de l'IRA étant par exemple plus compréhensible. Avant de lire Letamendia, nous aurions tendance à dire que, par sa propagande intensive contre le nationalisme québécois, le Canada reproduit à un niveau symbolique la violence physique de l'État espagnol. Il s'agit évidemment, pour le Canada fédéral de distributions de drapeaux, de financement des médias nationaux avec une propagande constante via des slogans etc. En Belgique, cette forme de violence symbolique, contre la Wallonie et contre la Flandre, s'exerce via certains médias comme la RTBF et, dans une moindre mesure, via la Fondation Roi Baudouin. De sorte que pour comprendre des questions comme la question wallonne, la question québécoise, il n'est pas inintéressant de passer par cette lecture du c as basque. Nous nous excusons de cette longue citation que nous croyons indispensable (les intertitres sont de nous):
1) Définition et description du nationalisme périphérique violent
Les nationalismes périphériques violents ont eux aussi une nature spéculaire. Mais leur mimétisme par rapport à l'État-nation est différent, en portée et en radicalité: quand les nationalismes non violents n'imitent que la communauté et la société nationales, les nationalismes violents, eux, qui contestent la légitimité de l'usage étatique de la force, imitent l'État en tant que centre monopolisateur de la violence. Dans sa phase de maturité, le nationalisme violent, par cette double mimésis, à l'égard de l'État, à l'égard de la Nation, construit une structure duelle, dominée par un groupe armé organisé comme contre-État et par une communauté civile de légitimation de ce groupe qui forme une contre-Nation.
Le nationalisme violent organise sa communauté de légitimation, et s'auto-organise en son ensemble, selon trois niveaux hiérarchiques: le groupe armé (ou groupe-État), avant-garde incontestable; les mouvements sociaux qu'il se subordonne, qu'il contrôle et radicalise: un ou des partis politiques.
2) Effets de la persistance de la violence nationaliste et conditions de son émergence
La longue persistance d'une violence politique organisée crée des contradictions toujours plus profondes entre la dimension identitaire et la dimension instrumentale du nationalisme violent, cette dernière se trouvant alors paralysée. Si le passage à l'instrumental exige de tout nationalisme périphérique qu'il surmonte ses limites ethniques pour gagner à sa cause la majorité de la population habitant le territoire, la violence prolongée, par contre, induit une polarisation croissante des attitudes et des solidarités, durcit les frontières des groupes ethniques ou idéologiques, et même les frontières intra-ethniques. Là où coexistaient un nationalisme systémique et un nationalisme antisystème, ils ont tendance à devenir ennemis.
La violence qui entraîne des risques graves aussi pour ceux qui l'exercent, les accule à un point de non-retour. Son apparition, d'habitude, exige la conjonction de facteurs de déclenchement, à la fois externes et internes. Ces facteurs de déclenchement sont le plus souvent liés à des événements graves, changements de régime, décolonisations, partitions d'États, persécution de groupes ethniques. En Occident, l'influence des luttes de libération du tiers monde et quelques unes des conséquences perverses des processus de modernisation - qui se traduisirent en colonialisme économique interne - se firent facteurs de déclenchement.
Il y a deux conditions d'émergence d'une violence nationaliste organisée. La première est l'existence d'une situation d'exclusion sociale ou politique (ou les deux à la fois). Cette exclusion peut affecter le collectif ethnico-national dans son ensemble ou certains de ses secteurs, ou certaines revendications spécifiques (politiques, linguistiques, religieuses), assumées en profondeur et à contenu national. La seconde est l'existence d'un réseau serré de groupes qui protègent les valeurs des organisations violentes et les alimentent en hommes et autres ressources; des groupes dont les codes d'honneur interdisent en principe la délation.
3) La violence nationaliste d'État en réaction
En réaction aux nationalismes périphériques violents naît un nouveau type de centralisme, celui des nationalismes antiterroristes d'État. Ils mettent l'accent sur des valeurs de pluralisme de pacifisme et d'humanisme, qu'ils opposent à celles du nationalisme violent; et ils soutiennent la rationalité des réponses antiterroristes du gouvernement dans les sphères médiatiques, politico-judiciaires et internationales.
Bien que le discours normatif de l'État insiste, en matière de lutte antiterroriste, sur la combinaison de l'efficacité et de la légalité, tout tend à séparer ces dernières. Les réponses corporatistes et la recherche d'une efficacité à court terme poussent la répression à oublier les limites de la légalité. La polarisation hostile du corps social de l'État-nation, harcelé par le terrorisme, fournit une légitimation au second degré qui se manifeste par une approbation tacite plus que par la défense explicite de ces actions éventuellement illégales. (pp. 284-285)
Violence, pays basque et nation
On trouvera, outre cette explicitation de la question basque, énormément de réflexions utiles à la problématique nationale en général et notamment face à la mondialisation. L'un des acquis le plus fondamental de cette lecture, c'est l'idée mille fois prouvée mais rarement dite qu'il n'y a pas vraiment de lieu purement «a-nationaliste» si l'on peut ainsi s'exprimer. Certes, les nationalismes qui luttent pour un État autonome ou un État indépendant sont les plus visiblement nationalistes au sens péjoratif, mais le cas du Pays basque montre que l'État-nation existant lui a répondu parfois d'avance par un nationalisme tout aussi dangereux. Ramon Zallo parle de la tendance actuelle à la fragilisation des États en raison d'un double mouvement de cette fragilisation, vers le haut, avec les instances super-étatiques, et vers le bas, avec ce que l'on appelle les régions. Mais il montre aussi que tout ne s'explique pas comme cela et par cela. En outre, il entreprend de combattre une tendance très présente dans le champ intellectuel français qu'il situe chez E.Morin et I.Ramonet: «parler de ces deux tendances comme vecteurs de logiques alternatives opposées) par exemple fusion versus fiction (Ramonet) ou association versus disjonction (Morin) -, c'est introduire dans la problématique une tournure inutilement dualiste qui alimente le traditionnel préjugé quant aux nationalismes minoritaires: tous devraient être qualifiés de "réveil des tribus", tous seraient motivés par une irrationnelle quête de pureté ethnique face à la " rationalité " de l'État moderne.» (p.199).
Bien plus utile nous semble la réflexion de Paul Alliès dans la livraison de septembre-octobre-novembre 2000 des Temps modernes qui tente de renvoyer dos à dos la critique de la mondialisation par le souverainisme et la critique libérale de l'État-nation. Nous ne ferons que résumer cette pensée qui insiste sur le fait que l'État-nation s'étant voulu un absolu et la fin de l'histoire humaine, ce qui lui succède adopte mimétiquement les mêmes prétentions, sans pour autant bénéficier de plus de légitimité. L'auteur renvoie à des propositions habermassiennes que nous formulons sous la houlette de Jean-Marc Ferry très souvent dans ces colonnes. Elles ne mènent pas à un repli souverainiste sur l'État-nation comme chez les souverainistes français (souvent opposés ou très méfiants à l'égard des nationalismes minoritaires dont le nationalisme wallon). Ni à accepter la mondialisation et la disparition des nations dans une Europe des régions. Mais à un système d'association des souverainetés qui nous semble bien correspondre aux exigences actuelles.
Dans ce même des Temps Modernes, nous avons pris connaissance de Notes de voyage en Euskadi d'une auteure se présentant comme «belge» et qui se contente de manifester son écoeurement vis-à-vis de tout nationalisme, au fond de manière un peu idéaliste. Juliette Simont écrit, exprimant ainsi en style indirect les réactions qu'elle a provoquées au Pays Basque: «On lui a fait confiance et on lui a beaucoup parlé à Bilbao, parce qu'elle vient d'un petit pays compliqué, fédéral, bilingue, lourd de problèmes (...). On ne la comprend pas du tout quand elle dit que non, elle " n'aime pas sa terre ", mais respecte son pays - c'est tout autre chose - pour autant, justement, qu'il est tel qu'il n'incline nullement au chauvinisme. Qu'elle n'a pas, non, le coq wallon incrusté dans le coeur, que ses histoires d'amour avec des " terres " ont toujours eu lieu ailleurs, dehors, là où on parle une autre langue et où l'on n'est pas du même " sang " qu'elle, là où elle sera à jamais étrangère.» (pp. 424-425). Ce texte reprend sans esprit critique tous les stéréotypes belges (petit pays compliqué), mais assume le principal de l'idéologie de la belgitude: l'absence de nationalisme en Belgique hors de Flandre, ce qui est aussi une manière de nier l' histoire avec ses immenses turpitudes (la colonisation au Congo) ou la révolte de 1950 contre Léopold III que l'ultra-monarchiste Pierre Mertens s'est permis de maquiller en guerre ethnique.
Javier Elzo indique aussi, avec beaucoup de modestie et d'esprit critique que «sans la politique et sa dérive terroriste, vraisemblablement le Pays basque, au dehors, passerait complètement inaperçu» (p.265). C'est possible, encore que les nations existantes en Europe occidentale ont toutes un caractère et un rôle singuliers que l'Europe contribue peut-être à mettre en valeur. La Wallonie s'insère également dans une organisation transplanétaire, la Francophonie, où elle ne passe inaperçue que grâce aux efforts de la Communauté française.
Les deux n° des Temps Modernes sont d'une grande richesse. On regrettera que les Français semblent incapables de faire aussi bien sur la Belgique ou la Wallonie comme trop de publications désastreusement sottes le soulignent à l'envi.
La souveraineté, horizons et figures de la politique in Les Temps modernes, septembre- octobre-novembre 2000 (n° 610), 442 pages et La question basque, confins, violence, confinement, in Les Temps modernes, juin-juillet-août 2001 (n°614), 320 pages.