Panique au village, le film !

5 August, 2009

Nous avons déjà souvent évoqué dans les colonnes de Toudi les diverses œuvres de Vincent Patar et Stéphane Aubier 1, concentré azimuté d'esprit punk, de subversion et d'anarchie aux champs. Après la vingtaine d'épisodes de « Panique au village », nos deux pirates de l'animation se sont lancés dans l'adaptation de cette dernière série en long métrage qui, à lui tout seul représenta, le cinéma wallon lors du dernier festival de Cannes. Pour reprendre le synopsis 2 du film : « Cow-boy et Indien sont des professionnels de la catastrophe, dès qu'ils ont un projet, le chaos sort de sa boîte. Cette fois, ils veulent souhaiter un joyeux anniversaire à Cheval. Quel cadeau? Un barbecue à faire soi-même! Belle idée, sauf que la commande dérape, et que Cow-boy et Indien se font livrer un milliard de briques! Ce n'est plus un anniversaire, c'est un tsunami! La maison de Cheval disparaît sous les briques, écrasée. Il faut la reconstruire! Tu parles d'un anniversaire! Surtout que des voleurs s'emparent des murs dès qu'ils sont bâtis! Décidemment, Cheval ne pourra jamais profiter de ce jour spécial pour rejoindre la pouliche qu'il aime, Madame Longrée, et qui donne des leçons de piano au conservatoire d'à côté. Au lieu de cela, il devra affronter d'improbables créatures sous-marines, un ours en colère, trois scientifiques fous et une matriarche psychopathe ». Le décor est, en quelque sorte, planté pour les 75 minutes pied au plancher qui vont défiler devant nos yeux ébahis de spectateurs mais le film n'oublie pas aussi de ralentir le tempo. Pour des amateurs de rock comme le sont les auteurs, la question du rythme à donner au film a été probablement centrale, il existe en effet un monde entre un format court exigeant un tempo d'enfer et une mécanique du rire super efficiente et un long métrage qui plus est d'animation. On pouvait craindre qu'au bout d'une demi-heure, les personnages 3 et leurs voix ne deviennent tout simplement soulants. Tout le monde sera d'accord pour dire que les meilleures scènes du film sont celles qui se passent au village, au début et à la fin du film donc. Le film connait une sorte de flottement dans sa partie médiane, l'épisode « pingouin mécanique » et savants fous pour résumer, les personnages sont comme désorientés une fois éloignés de leur milieu habituel. Toutefois, cette respiration permet au film d'éviter un sentiment de frénésie, à moins de vouloir donner la sensation aux spectateurs qu'ils ont la tête dans un four micro-ondes ou une essoreuse pendant 75 minutes, il fallait insérer dans le scénario divers moments plus calmes. L'apparition d'une magnifique jument rousse, professeure de piano, répondant au doux nom de Jacqueline Longrée et ayant la chance d'avoir la voix de Jeanne Balibar, la seule voix au monde capable de faire fondre les glaces de l'antarctique, est aussi un moyen d'humaniser le tempo du film. Un 45t punk d'une minute trente, 1 2 XU de Wire par exemple, a son charme mais un 33t punk peut aussi être très bien (Chairs missing ou 154 des mêmes Wire), heureusement Patar et Aubier le savaient ! De toute façon pour garder le côté azimuté, les deux auteurs pouvaient compter sur la prestation sonore dans le rouge de Benoît Poelvoorde, voix de Steven le fermier, notons au passage une de ses répliques, d'ores et déjà inscrite dans l'histoire du cinéma, « Allez les vaches, suivez mes pneus ! ». On pouvait craindre aussi que éloignés du village les personnages de « panique » ne perdent de leur universalité, car un faux paradoxe du cinéma fait que plus un film est ancré dans un lieu donné, voire même restreint, plus il a des chances d'être universel, par exemple Déjà s'envole la fleur maigre de Paul Meyer , de nombreux films du Finlandais Aki Kaurismäki ou les films « africains » de Jean Rouch, et bien non, les « accents » de Wallonie sont toujours bien là, certaines répliques même dites en français sonnent comme une transposition littérale d'expression wallonne. Lors d'une avant-première, des spectateurs se posaient la question de savoir comment le film « passait » en dehors de nos frontières, ils furent étonnés d'apprendre qu'il sera distribué dans une trentaine de pays et chaque fois synchronisé en tenant compte des spécificités de chaque pays, par exemple dans la version britannique Cheval aura un bel accent écossais... Un ami m'a même fait remarquer que la guerre que se livre le village et les voisins Atlantes incompréhensibles du village sous-marin d'en bas était comme le reflet de la situation du pays, aux querelles succédant les réconciliations puis les querelles et ainsi de suite. Le film est, en tout cas, financé partiellement par la Communauté flamande et une partie de l'équipe d'animation était flamande, il est probable que les scénaristes vivant presque tous à Bruxelles, sans doute inconsciemment (quoique...), ont reproduit à l'écran la dualité ou le dualisme belge, ceci bien sûr sans la moindre animosité ou agressivité, bien au contraire, seule l'intervention malheureuse mains bien intentionnée de Cow-boy et Indien interrompra la grande fête finale de réconciliation !

  1. 1. Anarchie à la ferme et panique au village ! Courts métrages d'animation
  2. 2. Synopsis
  3. 3. Panique au village