L'assassinat de Julien Lahaut reconstitué ("Keerpunt")

Par l'émission Keerpunt de la VRT 2 en décembre 2007
15 January, 2010

Histoire de la monarchie belge Histoire de Belgique et de Wallonie

Voici la reconstitution du meurtre de Lahaut (18 août 1950), par l'émission Keerpunt sur la VRT 2 (le 17 décembre 2007)

Texte du commentaire et du scénario

[Le Président de la Chambre Van Caulewaert]- J'invite son Altesse royale, le Prince royal à prêter le serment constitutionnel.

(Un cri venant des travées des Chambres réunies) - Vive la République!

(Huées, applaudissements pour Baudouin Ier )

(Voix du commentateur de l'émission Keerpunt) - En fait ce n'est pas Lahaut qui lança ce cri, mais un communiste moins connu. Cependant c'est le flamboyant Président du parti communiste qui dût payer. Il y a à peine cinq ans que le nom de son assassin présumé est connu, François Goossens, un ancien combattant et un ardent royaliste. Mais le véritable auteur des faits, aujourd’hui d’un âge avancé, ne sort de l'ombre qu'au milieu de l'an passé. Il témoigne anonymement par l'entremise d'un comédien.

- (Le comédien) – Ce Goossens allait tout faire lui-même. Il fallait seulement que je le couvre. Durant le trajet en voiture, il me demanda alors de le faire avec lui. Il convint d’un signal. Il a alors sonné à la porte de Lahaut.

- Monsieur.

- C'est pour camarade Lahaut.

- Euh...Maintenant ?

- Oui.

- Un petit instant. (1)

(Voix du commentateur) Goossens donne le signal, mais ne respecte pas ce qui avait été convenu, soit de tirer ensemble.

(Le comédien) – Il n’a pas tiré. J’ai tiré tout seul ! Le connard…

(Voix du commentateur) François Goossens était issu de la Résistance et se découvrit un nouvel ennemi après la guerre avec les communistes, alors populaires. Une inimitié qu'il partageait avec l’Eglise. Il eut de longues conversations avec Monseigneur Leclef, le bras droit du Cardinal Van Roey. Soixante ans après les faits, la question de savoir si ces conversations ont un lien ou non avec l’assassinat de Lahaut reste posée.

(1) Conversation en français au domicile de Lahaut.

Qu'en penser?

Voici ce qui s'est passé le 11 août 1950. L'invitation que le Président de la Chambre Van Cauwelaert lance au Prince Royal de prêter le serment constitutionnel (futur Baudouin Ier, mais qui va devenir en cet instant le Chef de l'Etat), a été également exprimée en français, mais c'est seulement en néerlandais que nous l'entendons sur ce film. Suivi du cri fameux qui fut lancé, comme le dit le commentaire, par un communiste de moindre importance que le flamboyant Président du Parti Communiste, Julien Lahaut. Que l'on voit ensuite parler dans une réunion communiste.

Son assassinat à Seraing le 18 août 1950 est alors reconstitué. Les auteurs de l'émission vont plus loin que le livre de Van Doorslaere et Verhoeyen et nomme l'assassin, le décrivant comme un ancien combattant qui a trouvé après la guerre un autre ennemi, les communistes, alors populaires. Rudi Van Doorslaer et Etienne Verhoeyen, L'assassinat de Julien Lahaut. Une histoire de l'anticommunisme en Belgique, EPO, 1987, montre que la Justice belge aurait pu trouver le coupable de ce crime, commis à la suite d'un calcul de l'extrême droite. Celle-ci espérait que, à une réaction communiste violente à la mort de Lahaut, répondrait une réaction très dure de la gendarmerie à laquelle l'extrême droite se serait alliée espérant de cette façon aller vers le coup d'Etat. Calcul peu en rapport avec la situation politique générale d'une Europe et d'un Occident s'enfonçant dans la guerre froide et où toute déstabilisation aurait affaibli le monde libre ou ce que l'on appelait comme cela à l'époque.

Ce qui rend crédible la reconstitution de la VRT, c'est le fait que parmi ses prénoms, Goossens a celui d'Adolphe, nom par lequel (pour des raisons de discrétion), Verhoeyen et Van Doorslaer nommèrent l'assassin qu'ils avaient découvert et dont ils avaient publié les motivations dans leur livre de 1987. Ils l' avaient décrit exactement (d'un point de vue idéologique), comme le fait l'émission de la VRT 2.

Le choix de Lahaut comme personnalité communiste à assassiner ne tient donc pas nécessairement, d'abord, au cri que celui-ci lança (ou qu'on lui attribua alors), selon Verhoeyen et Van Doorslaer.

Il est important cependant de dire que ce cri valeureux donnait la mesure de la violence de l'insurrection populaire et républicaine en Wallonie, même si aucun mot d'ordre républicain n'y avait été lancé. Ce dernier point n'est pas aussi étonnant qu'on ne le dit. Les révolutionnaires français en 1792, proclamèrent la République en septembre d'une façon en quelque sorte discrète. Ce n'est pas une lapalissade de dire que la République commence par un soulèvement contre le roi et tout un système social. L'élan populaire ne se soucie pas nécessairement de subtilités institutionnelles. Tout en sachant, en fait, les enjeux de sa révolte, comme Arlette Farge l'a montré dans Dire et mal dire, Seuil, Paris, 1992. Dans les milliers d'archives populaires qu'elle a ouvertes l'historienne parisienne ne découvre pas la notion même de République (que les Français ont ensuite longuement façonnée), mais l'idée (qui n'étonnera que les intellectuels élitistes), que c'est la Nation qui doit se gouverner.

Le choix d'un Lahaut alors vilipendé pour son geste, permettait de rendre plus plausible la mise à mort violente de l'un des leaders les plus populaires de la gauche et de la Wallonie qui venait de contraindre Léopold III à se retirer. C'était aussi une manière de se couvrir. De bout en bout l'assassinat de Lahaut est marqué par le professionnalisme des assassins (fausse vraie plaque de voiture du véhicule qui les conduit à Seraing par exemple).

La reconstitution met bien en scène cela: Goossens apparaît déterminé quand il sonne à la porte et le simple mouvement de son imperméable en donne bien le sentiment. Cependant, il y a là une erreur de détail. Nous sommes en été. Il ne pleut pas. Alors pourquoi ces imperméables et l'haleine qui sort de la bouche des assassins? Ces détails sont secondaires.

Ce qui l'est moins, c'est le refus des institutions belges de faire la lumière sur cet assassinat depuis que la ministre Laruelle a invoqué des raisons absurdes d' économie. C'est de la ministre MR que vient le refus, mais ses partenaires gouvernementaux n'ont guère mis en cause son refus.

L'article sur Julien Lahaut dans la Wikipédia de langue néerlandaise est à lire absolument (et idéalement, il devrait être traduit) : Julien Lahaut

Comments

Deux nouveaux livres sur Lahaut

D'une part celui de Jules Pirlot qui vient de paraître: /////////////////Julien Lahaut vivant///////////////Editions du cerisier, Cuesmes, août 2010 et, d'autre part,////////une refonte de l'ouvrage de Van Doorslaer et Verhoeyen, à paraître.