Pour situer André-Joseph Léonard (1940-2010)
Comme en matière de politique intérieure belge, comme dans bien d'autres situations, il est remarquable qu'une vision erronée des problèmes peut venir du fait que l'on n'a pas toujours une vision historique des choses. Dans le cas de la nomination d'André Léonard comme archevêque de Malines, on a surtout retenu les moments où, s'exprimant de manière abrupte, l'ancien évêque de Namur a pu choquer l'opinion publique en général (et d'ailleurs également catholique en particulier), en se prononçant sur l'avortement, l'euthanasie, l'homosexualité et ces questions qui sensibilisent les médias (qui sont des questions graves, mais auxquelles on se limite et auxquelles l'Eglise finit par donner le sentiment qu'elle limite son message). 1
En fait, si cette manière très dure de dire les choses est aussi ce qui est à la source de l'affaire Léonard, il faut bien voir aussi que l'homme choque surtout en raison du fait qu'il n'a pu que très difficilement dialoguer avec les prêtres et les chrétiens de son diocèse. Les nombreuses sources présentées ci-dessous en témoignent.
On doit parler d'abord de sa simple biographie telle qu'elle apparaît sur le site officiel du diocèse de Namur:
Ensuite de la manière dont le voit un site lié au doyenné de Couvin (mais ouvert et pluraliste):
Il y a d'abord les premiers remous autour de sa nomination
André Berten Sur la nomination d'André Léonard comme évêque de Namur, Le Soir du 8 février 1991
Il y a surtout la suppression de l'enseignement théologique tel qu'il était organisé
A tort ou à raison l'ensemble du clergé namurois, à quelques exceptions près, a ressenti durement le fait que le nouvel évêque ait mis en cause l'école Le Sénevé qui combinait au Grand Séminaire, formation des futurs prêtres (école qui forme les futurs prêtres et, dans ce cas particulier, ceux également du diocèse de Liège), formation des laïcs et catéchèse. Nous sommes plutôt habitués à une censure ou des menaces sur la presse, tel film de cinéma, les pressions organisées dans les partis politiques même démocratiques. Ayant le savoir de ces scandales, nous avons sans doute moins conscience, surtout 19 ans après les faits, qu'André Léonard a mis à mal principalement, en arrivant, toute une formation théologique qui avait la confiance des prêtres et des laïcs du diocèse, qui y était fortement appréciée et qui n'était nullement en rupture avec la Foi de l'Eglise puisque plusieurs des enseignants de Namur se sont retrouvés professeurs ou enseignants à l'Université Catholique de Louvain. En voici quelques échos. Toute cette affaire a fait l'objet - fait exceptionnel pour le modeste diocèse de Namur - de très nombreux reportages télévisés, les doyens et d'autres représentants des prêtres diocésains négociant quasiment en direct avec leur évêque comme des sortes de délégués syndicaux ou des parlementaires, sans qu'aucune solution de compromis n'ait jamais pu être trouvée.
On comprend facilement ici que ce n'est pas à proprement parler une rupture radicale doctrinale profonde qui aurait divisé le nouvel évêque et son clergé de même que de très nombreux laïcs, mais une orientation simplement pastorale, et même si dans le cas d'espèce c'était aussi une opposition d'opinions, où celle d'un seul homme (ou quasiment) a prévalu, sans qu'aucun dialogue n'y ait mené.
Le président du Grand Séminaire de Namur a présenté sa démission Le Soir du 1er juin 1991
En attendant un document-bilan, sans doute décisif, du Conseil épiscopal Le Soir du 12 juin 1991
Mgr Léonard, toujours l'impasse Le Soir du 1er juillet 1991
La poursuite du dialogue de sourds avec au départ une étude du CRISP sur ces événements
L'évêque de Namur met en cause son clergé et la presse Le Soir du 5 octobre 1992
La base ecclésiale toujours circonspecte Le Soir du 17 septembre 1993
L'acteur André-Mutien Léonard Le Soir du 21 avril 2005
En 2008 une prise de position très caractéristique sur la Belgique
Lettre ouverte de Mgr Léonard sur la fin de la Belgique
Caractéristique dans la mesure où elle ramène le problème belge au problème flamand et du respect des Wallons pour les Flamands comme si l'arrogance francophone dont il est question dans la lettre n'avait pas été bien plus le fait de la bourgeoise francophone de Flandre (qui domine la Belgique depuis 1880 au minimum), et comme si la minorisation wallonne n'existait pas et n'avait jamais existé. Comme l'admonestation se lie à l'invitation, faite à une une opinion publique jugée unitariste donc hostile à cette perspective, d'accepter l'augmentation réclamée par la Flandre des parts d'autonomie dans la gestion de la Belgique par les Régions, on se dit que la seule chose proposée aux Wallons dans cette Lettre est bien de se soumettre. C'est d'autant plus étonnant que l'on trouve, tant en Flandre que sous la plume d'observateurs qu'on peut juger neutres du problème belge, une vision bien différente de l'histoire de Belgique 2. Enfin, c'est tout de même frappant de voir que l'analyse de l'évêque utilise un argument qui est fondamentalement antipolitique: puisque Wallons et Flamands s'entendent bien dans les rencontres quotidiennes, pourquoi pas au plan politique et étatique? On pourra lire par exemple sur cette question de savoir si la réforme de l'Etat est le fait de la seule classe politique, l'avis circonstancié de l'historien flamand Marnix Beyen 3
Le rebondissement de l' affaire Léonard avec sa nomination comme archevêque de Malines
Mgr Léonard: un choix qui laisse la Belgique perplexe (ajout de ce 2 février 2010)
Une désignation qui ne laise personne indifférent La Libre Belgique du 17 janvier 2010
Ringlet sur Mgr Léonard in Le Soir du 18 janvier 2010
Mgr Léonard: félicitations et interrogations RTBF 18/1/2010
Mgr Léonard à Bruxelles. Quand le cauchemar devient réalité, Golias du19 janvier 2010
Interviews de plusieurs prêtres namurois au JT de la RTBF le 18 janvier 2010 à 19h30
Ont été interrogés Maurice Léonard (homonyme sans lien de parenté), doyen d'Andenne, René Dardenne, aumônier fédéral de la JOC, Gérard Lecoq, prêtre en charge des plus démunis. François de Brigode a présenté ces avis comme émanant des milieux progressistes. Christophe Deborsu, le journaliste qui s'est chargé de ces interviews s'est exprimé comme suit:
Ce n'est pas très difficile de rencontrer des prêtres anti/Mgr Léonard. A Namur là où il était évêque, de nombreux ecclésiastiques sont consternés par sa nomination.
L'interview de Maurice Léonard se clôture comme suit:
Réponse: ... Manifestement, je ne pense pas qu'il aime notre monde.
Question: Il pensait, il voulait devenir archevêque?
Réponse: Il a tout fait pour devenir cardinal, pas nécessairement archevêque. Mais cardinal.
Question: Un jour pape?
Réponse: Oh! cela ne lui déplairait pas, je crois, mais il faut être fou pour cela...
Un bilan flatteur mais qui embarrasse
Le site officiel de la nomination du nouvel archevêque propose un bilan de son épiscopat à Namur intitulé Que retiendra Mgr Léonard de son épiscopat? Ce qui peut sembler une formule étrange et qui peut ne pas sembler tout à fait sincère si l'on a lu ce qui précède
Le site officiel tel que consulté le 19 janvier introduit comme suit à ce bilan:
Une page qui se tourne, une autre qui s'ouvre, c'est inexorablement le moment de dresser le bilan. Impossible de tout retenir de ce qui s'est fait en dix-neuf années d'épiscopat. Alors, Monseigneur Léonard a bien été obligé de faire des choix.
Il se poursuit ensuite par l'énumération des grandes réalisations de celui-ci (les titres sont mis en valeur de la même façon sur le site officiel).
Les visites pastorales
Monseigneur Léonard aura, à trois reprises, visité les paroisses du diocèse. Des haltes de plusieurs jours pour mieux prendre son temps dans les rencontres. Il a visité les écoles, les homes, les hôpitaux, rencontré les catéchistes, les représentants d'associations et bien sûr les prêtres. Si on additionne ces différentes visites, il aura passé vingt-deux mois en dehors de l'évêché, rien que pour la première visite du diocèse durant les 5 premières années de son épiscopat ...
La formation des futurs prêtres
C'est sous l'épiscopat de Monseigneur Léonard que le Séminaire Notre-Dame a déménagé. Il a déménagé de Salzinnes pour revenir dans le centre ville, dans les bâtiments de la rue du Séminaire. L'évêque diocésain se dit aussi satisfait d'avoir créé le Studium Notre-Dame, un lieu d'étude (philosophie et théologie) pour les séminaristes, les religieux, les laïcs... Il est également à la base de l'ouverture du séminaire Redemptoris Mater, séminaire diocésain missionnaire international, lui aussi installé à Namur.
Accueil des communautés nouvelles
«Ces communautés sont un ferment de renouveau. Elles sont un cadeau de l'Esprit Saint», souligne Mgr Léonard. Les communautés des Béatitudes et de Tibériade étaient déjà présentes dans le diocèse à son arrivée.
Elles ont été rejointes par les communautés «Marie-Jeunesse», «Myriam Beth'Lehem» et «Maison Notre-Dame». Et ce ne sont là que trois exemples.
Un livre par an
«J'écris un livre par an, en moyenne. Il y a des ouvrages de fond qui peuvent servir, à long terme, pour les laïcs mais aussi pour les futurs prêtres. J'ai aussi écrit des ouvrages pastoraux. De ces années, je retiens encore les causeries que j'ai pu faire ou encore les conférences que j'ai données.»
Les familles
«Je suis soucieux des familles: j'aime encourager les couples qui vont bien, mais aussi soutenir ceux qui se sentent abandonnés, délaissés, les personnes séparées, divorcées ou remariées.» Régulièrement, l'évêque a célébré dans son diocèse des messes pour les enfants à naître, pour les parents qui ont perdu un enfant des suites d'une fausse couche ou d'un avortement, toujours dans un climat de respect et d'espérance ...
CONCLUSION PROVISOIRE (TOUDI)
On ne peut s'empêcher de penser que ce bilan a quelque chose de subjectif, de fort livresque et aussi d'un peu banal (par exemple: les messes célébrées par un prêtre, peuvent-elles être vraiment considérées comme des réalisations et en quoi l'objet de ces messes constituerait-il une marque d'excellence?)
Voyez Que retiendra Mgr Léonard de son épiscopat?
Post-Scriptum: dernières interview et sondage du Soir
Les interviews publiées aujourd'hui, 20 janvier 2019 par Le Soir et La Libre Belgique n'indiquent guère de vraies nouveaux faits. On remarque que dans La Libre, André Léonard affirme à un moment que l'accession au cardinalat "ne fait pas partie de son plan de carrière" et que sur 100 catholiques (sondage du journal Le Soir), 45 ne le connaissaient pas (sur l'ensemble de la Belgique, mais en Wallonie ce pourcentage est bien moins élevé: 73% des catholiques le connaissent contre 43% à Bruxelles et 25% en Flandre), 8 pensent qu'il va faire un très bon archevêque, 9 un bon, 11 estiment qu'il ne sera ni bon ni mauvais, 6 qu'il sera mauvais, et 6 qu'il sera très mauvais, 11 n'ayant pas d'avis. Parmi les candidats possibles à la succession de l'archevêque précédent c'est lui qui a le plus mauvais rapport entre notoriété et perception positive. Comme souvent les sondages n'informent pas très bien, moins bien qu'une recherche historique...
- 1. On lira aussi André Léonard archevêque : l'Eglise du mépris] et [EXIT GODFRIED]
- 2. Wallons /Flamands: le mot
- 3. « Doit-on déduire de ces constatations - comme plusieurs observateurs l'ont fait - que cette fédéralisation est le résultat d'une politique politicienne, qui se déroule loin des préoccupations de la société ? Il est certain que le processus de réforme de l'Etat joue un rôle plutôt secondaire dans les demandes politiques de la population belge, et sans doute a-t-elle même contribué à aliéner cette population d'une classe politique qui laisse prévaloir les questions communautaires sur la politique économique et sociale. D'un autre côté, on peut également considérer le processus de fédéralisation comme la traduction plutôt tardive d'une évolution sociétale qui s'est déroulée auparavant. Plus particulièrement la construction des nations flamande et wallonne a progressé jusqu'à un point tel que la fédéralisation des institutions est devenue presque inévitable. Cette construction imaginaire des nouvelles nations s'est mise en route dès la moitié du dix-neuvième siècle, et ses conséquences s'en sont fait déjà sentir dans les différents partis politiques avant la Première Guerre mondiale. Au cours du vingtième siècle, il est devenu de plus en plus clair que la Flandre et la Wallonie se développaient de façons très divergentes, aussi bien au point de vue socio-économique que culturel.» voir Un autre Pays, Le Cri, Bruxelles, 2009, p. 158 et tout le cheminement de l'argumentation dans le paragraphe La réforme de l'Etat est-elle l'oeuvre exclusive du monde politique ? in Critique : Un autre Pays (I) (Marnix Beyen & Philippe Destatte)
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Une victime qui témoigne
Nouvelle information
Après 1997
Willy Colette
Le site Résistances.be