Assassinat de Julien Lahaut :
Histoire de la monarchie belge Histoire de Belgique et de Wallonie
[Nous invitons tous les démocrates à se joindre à cette protestation contre l'amnésie de la violence pire que la violence elle-même. Il est facile d'ajouter un "commentaire" où vous vous pouvez joindre votre signature et exprimer votre adhésion éventuelle par quelques mots. D'avance merci!]
18 août 1950. Deux hommes frappent à la porte du domicile de Julien Lahaut. Ils demandent à « parler au Camarade Lahaut ». Le député communiste s'avance vers eux. En bras de chemise. La main tendue. Fraternel. Des coups de feu claquent. Julien, no's Julien comme l'appellent les travailleurs du bassin de Liège, tombe. Assassiné.
Les funérailles rassemblent quelque 100.000 personnes. Des arrêts de travail ont lieu partout en Wallonie. L'industrie liégeoise est à l'arrêt. L'émotion populaire témoigne de l'immense charisme de ce dirigeant ouvrier hors du commun.
Quelques jours avant le crime, lors de la cérémonie d'investiture du jeune Baudouin, les députés communistes s'étaient manifestés en criant un vibrant « Vive la République ! ». Il s'agissait là d'une ultime protestation suite à ce que l'on appelle « l'Affaire royale », provoquée par le retour de Léopold III, le roi collabo, qui déchira le pays et déboucha sur l'abdication de ce dernier, au profit de son fil aîné, Baudouin.
Les assassins de Julien ne furent jamais retrouvés. Le crime reste impuni.
À la même époque, le secrétaire général du Parti Communiste Japonais était assassiné ; les dirigeants communistes français et italien, Jacques Duclos et Palmiro Togliatti avaient été eux aussi la cible d'attentats, vraisemblablement orchestrés par la CIA. Dès lors, l'assassinat de Julien Lahaut avait-il été le fait de la répression anticommuniste qui sévissait partout dans le monde à la fin des années 40, avec la montée de la guerre froide ? Autre hypothèse : la droite léopoldiste rendit Julien Lahaut responsable du crime de lèse-majesté commis lors de l'investiture de Baudouin. Cet assassinat était-il donc l'acte de revanchards léopoldistes ? Isolés ou bien commandités par la Sécurité, voire même le Palais ?
Longtemps, l'on se perdit en conjecture. Et ce n'est que plusieurs décennies plus tard, dans les années 80, que deux historiens flamands, Etienne Verhoyen et Rudi Van Doorslaer reconstituent la trame de ce meurtre ignoble dans un ouvrage dense et très documenté « L'assassinat de Julien Lahaut. Une histoire de l'anticommunisme en Belgique » (EPO) et révèlent connaître l'identité de l'assassin depuis décédé. Le nom est cependant tu pour ne pas nuire à la famille.
Tous les éléments sont alors sur la table pour rouvrir l'enquête, démasquer les assassins et leurs éventuels commanditaires et enfin rendre la justice pour cet ignoble assassinat politique. Ce que réclament depuis 1950, avec les communistes, de très nombreux démocrates. En vain. Malgré l'évidence, la justice va rester sourde, aveugle et muette et la classe politique -à de rares exceptions près- va se retrancher dans un refus obstiné de connaître la vérité. Pour quelle raison ? Raison d'Etat ? Crainte de voir éclaboussée la Couronne ? Si tel est le cas, il s'agit là d'un déni de justice, un déni de démocratie. Indigne !
En 2005, à l'occasion du cinquante cinquième anniversaire de l'assassinat, la constitution d'une commission d'enquête parlementaire est réclamée. L'époque semble être en effet plus propice à une certaine transparence et la Belgique prête à rouvrir quelques pages sombres de son histoire, comme pour l'assassinat de Patrice Lumumba... La demande est appuyée par de nombreuses personnalités politiques, syndicales et associatives, et relayée par les Sénateurs Ecolo Josy Dubié, socialiste Philippe Moureaux et CD&V Pol Van Den Driessche. Si la proposition d'une commission parlementaire est rejetée par le Sénat, une étude scientifique est décidée A L'UNANIMITE en décembre 2008. Le CEGES (Centre d'Etudes et de documentation Guerre et Sociétés contemporaines) est pressenti pour mener cette étude. Une somme de 396 000 € étalés sur trois ans est prévue.
Las, le prétexte de la crise est passé par là. La Ministre de la Politique Scientifique, Madame Sabine Laruelle (MR) refuse de débloquer les budgets sans passer par l'avis du gouvernement. Exit donc l'étude scientifique. Le directeur du CEGES, Rudi Van Doorslaer apprend la nouvelle par la presse.
Cette décision est choquante. L'argument financier est fallacieux. Ainsi donc la vérité historique et la justice ne vaudraient pas une telle somme, pourtant bien dérisoire étalée sur trois ans. Celui de la priorité scientifique l'est tout autant. Alors que la décision était prise à l'unanimité, la chose est suffisamment rare que pour être soulignée, l'étude commandée n'est soudain plus prioritaire. Qui croira une telle fadaise quand des milliards ont été dilapidés en quelques jours pour sauver les banques ?
Ne faut-il pas voir au contraire dans cette décision une revanche de ceux qui s'étaient vu contraints d'accepter l'étude mais qui n'ont jamais renoncé à maintenir le dossier clos ? La décision de Madame Laruelle est une décision politique. Elle constitue un recul déplorable par rapport à l'espoir de vérité qu'offrait cette étude commandée par le Sénat. Elle rejette un voile d'opacité sur une blessure de l'histoire que le pouvoir refuse toujours lâchement de traiter.
Nous ne laisserons pas assassiner Julien Lahaut une nouvelle fois. Nous ne nous tairons jamais. Une démocratie digne de ce nom ne peut laisser béante une plaie de son histoire. Cette vérité-là n'a pas de prix, Madame Laruelle ! Faute du courage politique d'apprendre la vérité, une suspicion dommageable à maints égards subsistera toujours.
Vous devez respecter la volonté du Sénat exprimée en décembre 2008 et débloquer les fonds pour permettre cette étude scientifique.
Les premiers signataires
Manuel ABRAMOWICZ, Coordinateur de RésistanceS.be, enseignant et auteur ; Marcel BERGEN, Président de la fédération liégeoise du Parti Communiste ; Marc BOONE, Professeur d'histoire Université de Gand ; Jean-Marie CHAUVIER, Journaliste ; Jean CORNIL, Député fédéral ; Jean-Maurice DEHOUSSE, Président de l'Union Socialiste Communale de Liège ; Céline DELFORGE, Députée wallonne Ecolo ; Luc DELVAL, Journaliste ; Claude DEMELENNE, Journaliste ; Jean-Marie DERMAGNE, Avocat, ancien Bâtonnier ; Jan DUMOLYN, Professeur d'histoire Université de Gand ; Paul-Emile DUPRET, Juriste ; Pierre EYBEN, Porte-parole du Parti Communiste ; José FONTAINE, Directeur de la revue Toudi ; Pierre GALAND, ancien SENATEUR ; Muriel GEERKENS, Chef de groupe Ecolo à la Chambre ; Nadia GEERTS, Présidente du Cercle républicain ; Paul-Henri GENDEBIEN, Président du Rassemblement Wallonie-France ; Michèle GILKINET, Présidente du GRAPPE et ex-députée ECOLO ; Raoul HEDEBOUW, Porte-parole du PTB ; Yves HERLEMONT, militant CGSP-Enseignement ; Eric JADOT, Député fédéral Ecolo ; Pol LOOTENS, Secrétaire fédéral de la Centrale Générale de la FGTB ; Philippe MAHOUX, Sénateur PS ; Jean-Pierre MICHIELS, Président de l'Association Culturelle Joseph Jacquemotte et conseiller communal à La Louvière ; Patrick MORIAU, Député-Bourgmestre PS ; Philippe MOUREAUX, Professeur honoraire de l'ULB ; Marc NEVE, Avocat ; Jaak PERQUY, Secrétaire politique du Kommunistische Partij ; Nadine ROSA-ROSSO ; Louis VAN GEYT, ancien Président du PCB/KPB ; Germain VOSSEN, Conseiller communal à Fexhe-le-Haut-Clocher ; Olga ZRIHEN, Députée wallonne PS, Sénatrice régionale.
Voir aussi Le célèbre cri VIVE LA REPUBLIQUE! (vidéo), retentissant devant les Chambres réunies le 11 août 1950
Voir aussi, à propos de l'enquête de Verhoeyen et Van Doorslaer et la première demande de commission d'enquête (où l'étude des deux historiens est résumée, elle mériterait d'être plus largement évoquée:nous y songeons):
Enfin, il est difficile de ne pas évoquer la mort suspecte des ouvriers de Grâce-Berleur, car, même s'il ne s'agit pas des mêmes faits ni des mêmes autorités, on peut être assuré que dans les deux cas (Grâce-Berleur et Lahaut), la Justice et la Police n'ont pas fait à l'époque tout ce qu'elles auraient pu faire (et qu'elles auraient pu faire facilement, très facilement même), pour établir la vérité (par exemple dans le cas de Grâce--Berleur, la Justice a émis une hypothèse qui ne tient pas debout pour débouter les parents des victimes de la fusillade de Grâce constitués comme parties civiles et, dans le cas de Lahaut, la Police n'a pas examiné l'une des pistes qui s'imposait d'évidence, ainsi que Verhoeyen et Van Doorsaler l'ont clairement établi: nous publions le texte sur Grâce et nous reviendrons sur le cas de Lahaut).
Comment sont morts les morts de Grâce-Berleur?
Pour ce qui est des hypothèses sur la façon dont les morts ont été tués et qui ruinent la thèse de gendarmes "en état de légitime défense" (voir l'article ci-dessus qui donne un commentaire de l'autopsie sans les croquis qui la schématisent), l'auteur Manu Dolhet a défendu un mémoire de licence à l'UCL en 2001 qui reproduit les croquis des autopsies des victimes (provenant de l'IHOES), présents dans le dossier répressif établi par le Juge d'Instruction et fondant bien le fait qu'elles ont reçu des tirs dans le dos, ce qui n'est pas la position de gens qui menaceraient la vie d'autrui. Nous le reproduirons prochainement de même qu'un résumé du livre de Verhoeyen et Van Doorslaer.
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