Critique: Grandeur et misère de l'idée nationale (Paul Magnette)
Le recueil d’entretiens publié par Paul Magnette sous le titre Grandeur et misère de l’idée nationale, Luc Pire, Bruxelles, 2011, est un objet hybride qu’il m’est difficile d’appréhender. Magnette est un homme public, Ministre fédéral, Sénateur, président de la fédération de Charleroi du PS, candidat aux prochaines élections communales à Charleroi, mais il est aussi politologue et professeur à Institut d’Etudes Européennes de l’Université Libre de Bruxelles. Son petit livre oscille donc sans cesse entre des réflexions plus théoriques et des propos « politiques » liés à l’actualité récente, cela en constitue à la fois son intérêt, mais aussi ses limites. Qu’il me soit donc aussi permis d’en faire une critique sur ces deux plans.
Pourquoi la gauche a-t-elle généralement perçu le fait national comme une entrave à la solidarité humaine ? Cette interrogation légitime qui hante le débat politique depuis 150 ans mérite en effet d’être posée dans le cadre wallon et belge, mais aussi européen. A la lecture du chapitre 1, il est clair que Paul Magnette est plutôt un tenant des thèses développées par le monde académique anglo-américain, il s’appuie sur les écrits sur l’imaginaire national du politologue (et non pas historien) britannique Benedict Anderson, longtemps professeur à l’université américaine de Cornell pour (ne pas) définir la nation. Il écrit « définir la nation en des termes qui se veulent objectifs est une entreprise qui me parait extrêmement hasardeuse dans la mesure où la nation est un phénomène subjectif, un fait qui relève de la conscience. » 1 Ha! ce bon vieux positivisme de l’ULB… Ce choix sous-estime l’importance du concept de nation, il pose un problème méthodologique fondamental qu’a relevé, il y a déjà 15 ans, le philosophe français Gil Delannoy.
La critique de Gil Delannoy
Dans cette optique « la nation n’est pas une donnée première de l’analyse, c’est une donnée secondaire et un résultat de l’histoire, indéniable mais contingent. Dans ce cas, une nation est le produit d’une rencontre d’un Etat et d’une culture (ou plusieurs). Inutile, par conséquent de s’épuiser à chercher une définition de la nation. Le défaut de ce choix théorique, c’est qu’il supprime l’existence autonome d’une entité nation dans la théorie et toute aspiration à la souveraineté nationale lui apparait déjà comme une forme de nationalisme. Cette conception, courante dans le monde anglo-saxon, a le mérite de souligner l’indétermination de toute définition stricte de la nation, mais elle a l’inconvénient de rapprocher toute idéologie nationale d’une forme naissante de nationalisme. Dans cette conception, toute construction nationale relève déjà du nationalisme, d’autre part les formes extrêmes de nationalisme ne paraissent plus s’opposer à un modèle initial de la nation. ( …) Au fond, si c’est le nationalisme qui définit la nation, l’aspiration efficace à la souveraineté nationale passe déjà pour nationaliste. On se trouve dans un modèle qui connait l’Etat, la culture, le nationalisme, mais sous-estime l’importance de la nation en tant que telle. » 2 Pour Delannoy, la nation et le nationalisme sont deux phénomènes distincts qui ne sont pas automatiquement liés. Il propose donc de considérer « qu’aucune caractéristique concrète (langue, ethnie, territoire, religion, culture) n’est suffisante, ni même nécessaire pour définir la nation. (…) La médiation politique est indispensable à toute entité nationale, mais il faut considérer qu’elle est vide, ouverte, aléatoire. » 3. Là où Anderson voit une communauté singulière construite, inventée à un moment donné par un groupe partageant des traits communs, Delannoy recourt lui au concept de « narration », l’idée de nation établit un lien, concret et rhétorique, entre le passé et le futur d’un groupe, mais ce lien reste indéterminé, car il résulte d’une expérience singulière et contingente du temps collectif (...) La nation transforme l’histoire en destin, mais le seul destin historique ne transforme pas une communauté en nation 4. En raison de son choix, Paul Magnette analyse dans son livre le nationalisme, mais pas l’idée nationale, et encore moins le concept de souveraineté: pour lui la nation est avant tout une création des élites 5. Il ne partage pas les thèses d’Ernest Gellner mais reprend celles du tchèque Miroslav Hroch, sans d’ailleurs le citer, sur les trois phases du nationalisme 6 : en résumé l’intérêt culturel de petits groupes d’intellectuels, l’agitation patriotique puis enfin la mobilisation des masses. Hroch a toutefois toujours insisté sur le fait que ce modèle de nationalisme culturel qu’il a élaboré en se basant sur le nationalisme tchèque d’avant 1914 n’était pas ou peu pertinent pour les pays de l’Europe occidentale et qu’il ne s’appliquait pas aux grandes nations comme la France ou le Royaume-Uni. Ce choix théorique est évidemment respectable, il est souvent qualifié dans le monde anglophone comme théories de l’« uneven development » Je ne le partage pas étant personnellement un tenant de l’approche stato-centrée modulée par les thèses de l’historien marxiste britannique Eric Hobsbawm.
L'exception française
Cela aurait, en tout cas, mérité plus que les quelques lignes citées d’Anderson. Ce choix donne d’ailleurs le sentiment que Paul Magnette connaît mal ou ne souhaite pas prendre en compte « l’exception française ». Par exemple, sa vision des hussards noirs de la IIIe République est dépassée 7, les dernières recherches 8 ont bien montré que l’école primaire obligatoire de Jules Ferry n’a pas gommé ou obéré les petites patries, mais les a intégrés dans un grande Patrie au moyen d’une homogénéisation linguistique, d’ailleurs encore incomplète à la veille de la Première guerre mondiale. En outre, l’identité républicaine ne fut pas aussi bien implantée que cela sinon comment expliquer le régime vichyste en 1940. Sur cette dernière question, une référence à Claude Nicolet, notamment à son livre L’idée républicaine en France (1789-1924) 9 aurait été judicieuse. Citer Renan 10 est inévitable, mais ne pas évoquer ou mentionner l’ouvrage, même critiquable, de Dominique Schnapper La communauté des citoyens. Sur l’idée moderne de nation 11 centré sur la définition civique de la nation, constitue une lacune incompréhensible pour un chapitre intitulé « quand le nationalisme était un humanisme ». Néanmoins, s’il y a bien un pays où, depuis 20 ans, une partie de la gauche essaie de se réapproprier la nation, c’est bien la France que ce soit dans le cadre de la fondation Marc Bloch devenue fondation du 2-Mars, les positionnements de Chevènement, Montebourg, Mélenchon, etc. Que l’on partage ou pas d’ailleurs ces points de vues - je pressens que ce n’est pas le cas de l’homme politique Paul Magnette - ils auraient mérité d’être évoqués en raison de la proximité « culturelle » de la Wallonie et de la France (je précise immédiatement que je ne suis pas rattachiste). Plus étonnant encore, aucune mention de son collègue de l’IEE Jean-Marc Ferry, que ce soit concernant l’éthique reconstructive, alors que c’est le cœur du chapitre 2, ou sur l’idée post-nationale qui pourrait figurer, dans le chapitre 4, comme outil contre les nouveaux nationalismes mais je reviendrai sur ce dernier point.
Les variations du nationalisme, tantôt à gauche, tantôt à droite
Revenons au chapitre 1, je partage entièrement l’idée centrale : « le nationalisme n’est par essence ni progressiste, ni passéiste. Il épouse, au cours de son histoire, et selon les circonstances, l’une ou l’autre cause. Revendiquer la congruence entre le cadre politique et une identité linguistique historiquement ancrée peut, selon les cas, aider à combattre la domination de l’élite en place, ou, au contraire servir les intérêts de celle-ci. C’est précisément pour cette raison qu’il faut sortir des caricatures qui associe le nationalisme au fascisme et à la guerre, et prendre la mesure de ce que, dans des circonstances données, il peut avoir de progressiste et d’émancipateur » 12 Si c’est le professeur d’université qui écrit, c’est un propos banal, José Gotovitch concluait ainsi en 1991 son cours d’histoire contemporaine à l’ULB, mais s’il s’agit de l’homme politique socialiste belge, là cela devient, en effet, beaucoup plus intéressant… Avant de passer aux autres chapitres, trois dernières remarques. Cela aurait été juste de préciser que c’est en grande partie avec l’argent issu de l’exploitation féroce du Congo que Léopold II a voulu doter le pays des grands symboles d’un Etat 13. Le Labour de Tony Blair n’a jamais fait alliance avec le SNP, je renvoie aux nombreux article de François André sur le sujet 14 , il montre bien que Labour et SNP (parti nationaliste écossais actuellement au pouvoir), ont toujours été en compétition vis-à-vis des mêmes catégories socio-culturelles de l’électorat, c’est même avec le secret espoir de faire disparaître le SNP que le Labour a doté, en 1997, l’Ecosse d’institutions autonomes, on sait ce qu’il en est advenu… 15 Enfin, non les lois linguistiques de la fin du XIXe siècle, notamment la loi Coremans-De Vriendt, n’ont pas été votée à la quasi-unanimité 16, cette dernière fut votée à une faible majorité par le Sénat. En outre, les députés socialistes borains étaient contre, Vandervelde dût peser de tout son poids pour que les élus socialistes wallons votent favorablement. Les libéraux étant quant à eux profondément divisés sur la question. Ces lois furent même la cause d’une première flambée éphémère du mouvement wallon, notamment dans les milieux libéraux. 17
La Wallonie vaincue par une manière de raconter l'histoire de Belgique: la faute à qui?
Le chapitre 2 Ces passés qui ne passent plus est une synthèse intéressante mais partielle, ceux qui suivent ces questions y apprendront peu. Quelques remarques toutefois. D’abord je partage sa conclusion, de nombreux Wallons ont, en effet, fini par intérioriser les clichés flamands colportés contre eux. Paul Magnette a raison, l’ignorance de notre histoire est « en terme d’hégémonie culturelle, pour parler comme Gramsci, une victoire historique écrasante du nationalisme flamand. » 18 Dommage qu’il s’abstienne de rechercher les responsables de cet état de fait… Ensuite, comme déjà évoqué, aucune mention de Jean-Marc Ferry et de l’éthique reconstructive, pas de mention de l’Allemagne où pourtant ces questions sont centrales dans la vie politique (Brandt) et intellectuelle (Böll, Grass, etc.) depuis 50 ans. Passons sur feu le philosophe et éminence grise de la LCR-NPA Daniel Bensaïd transformé en Daniel Ben Saïd 19 pour souligner un paradoxe oublié par Paul Magnette. S’il considère, à juste titre, que « ce travail de réappropriation historique est indispensable si l’on veut se réconcilier avec notre propre identité nationale » 20 , de laquelle s’agit-il vu l’inexistence d’une identité nationale belge ? Ensuite, les dernières recherches montrent que l’on ne peut plus considérer la Première guerre mondiale comme l’apogée du sentiment national 21, citons notamment le livre exemplaire de Paul Delforge. 22 La Belgique d’alors était un pays divisé, pas uniquement d’ailleurs par le clivage wallon/flamand, il y eut de nombreuses grèves au cours de cette période, et ce que ce soit en pays occupé, en exil ou dans les tranchées. L’irlandais John Horne l’a bien montré, très rapidement au sortir de la guerre, la culture de guerre patriotique éclate et s’oriente différemment entre Flamands et Wallons, il y a là " un jeu réciproque de mobilisation continue de « cultures de guerre » opposées (nationalistes wallons et activistes flamands) et de démobilisation de ces mêmes cultures (Catholiques flamands ou Socialistes modérés). C’est, deuxièmement, l’impact de ce jeu réciproque de mobilisation/démobilisation culturelle sur l’évolution des rapports communautaires, comme si la guerre fournissait, un vocabulaire de violence et une mémoire identitaire toujours susceptibles de déjouer les tentatives de démobilisation et de réconciliation à l’intérieur de la Belgique." 23 D’accord pour considérer que c’est après la Première guerre mondiale que le nationalisme flamand opère progressivement son virage à droite, mais cette tendance est présente dans toute l’Europe. Dommage que le livre n’évoque pas, même brièvement, les thèses de l’historien israélien Zeev Sternhell sur la « synthèse socialiste-nationale » soit la rencontre d’éléments radicaux voire révolutionnaires, souvent formés d’anciens combattants, avec le nationalisme/impérialisme bourgeois conservateur, synthèse qui va donner une nouvelle vigueur aux idées nationalistes durant l’entre-deux-guerres. 24 Si l’excellent ouvrage de Pascal Verbeken 25 sur l’immigration flamande en Wallonie est mentionné 26, celui d’Yves Quariaux 27 qui analyse justement comment cette immigration fut perçue par les Wallons ne l’est pas. Rien sur la crise politique de 1987-1988 partiellement provoquée par le carrousel fouronnais, elle fut pourtant, jusqu’à celle d’aujourd’hui, la plus longue qu’a connue la Belgique et elle aboutit aux lois de financement des entités fédérées, objet de tant de discussions actuelles. Rappelons que son issue déchira violemment le PS, la fédération que dirige Paul Magnette rejetant massivement l’accord de gouvernement proposé. 28
Une synthèse claire et positive du travail des régionalistes wallons
Venons-en au chapitre 3 Le phénomène national, angle mort de la gauche ?... Là aussi, la synthèse est intéressante, claire et utile. Quelques regrets, pas de mention de la Commune de Paris pourtant c’est l’un des événements en quelque sorte fondateurs de l’éloignement du peuple de la nation. N’oublions pas que la Commune se souleva notamment à cause de l’armistice signé par le gouvernement français avec l’Allemagne, elle voulait un monde plus juste, mais aussi prendre en main la défense de la nation. Et ce fut pourtant au nom de cette même nation que les troupes versaillaises menèrent une répression féroce qui culmina avec les 10 à 20.000 morts lors de la semaine sanglante. Après cela, le nationalisme sera perçu par le peuple et la gauche, en France et dans toute l’Europe, comme une idéologie bourgeoise dirigée contre le peuple. Paul Magnette montre bien le paradoxe que dût affronter et que, d’une certaine manière, la gauche affronte toujours, les mouvements ouvriers se structurèrent dans un cadre national où la solidarité et l’émancipation des travailleurs ne pouvaient passer que par la conquête de l’Etat, or celui-ci était aussi national… 29 Il faut aussi garder à l’esprit que l’autrichien Karl Renner qui, dans la lignée d’Otto Bauer, défendait un fédéralisme multinational d’inspiration socialiste, une fois devenu chancelier en 1918 demandera le rattachement de l’Autriche à l’Allemagne, ce que les puissances alliées refusèrent… Il y a là au moins un indice de la difficulté, voire de l’impossibilité, d’une telle construction étatique stable basée sur les autonomies culturelles, ce que ne rappelle pas Paul Magnette. Dommage aussi de ne pas évoquer, même brièvement, l’usage que fit le communisme de la nation et du nationalisme, Staline en fit un élément mobilisateur des peuples soumis contre les régimes bourgeois et impérialistes, n’oublions pas cette gauche perdue, celle de l’Irlandais James Connolly ou de l’Ecossais John Mc Lean, pour qui le prolétariat devait revendiquer le leadership dans la lutte pour l’émancipation nationale. Pensons aussi aux luttes pour la décolonisation et, enfin, qui peut nier que le déclin ou la transformation disparition du PCF et du PCI ne favorisèrent pas l’appropriation par la droite, pour ses propres fins bien sûr, du sentiment national d’une partie des classes populaires… Toutes les pages consacrées au cheminement régionaliste des socialistes wallons puis bruxellois sont synthétiques, claires, dans l’ensemble, je peux souscrire à ce qui est écrit sauf l’éloge déplacé, dans le contexte du livre, de Philippe Moureaux. J’avoue pourtant ne pas partager l’optimisme de Paul Magnette quant au rôle majeur que le Spa, pourrait retrouver dans le débat flamand 30, la société et l’électorat flamand sont foncièrement ancrés à droite, je ne vois pas comment ce parti pourrait réaliser une quelconque percée en dehors des centres urbains de la Flandre dont il assure, dans la plupart des cas, le maïorat ( Anvers, Gand, Louvain, Ostende), quant à réinventer un nouveau « compromis des belges » entre PS et Spa, je n’y crois absolument pas, il est bien trop tard pour ce genre de projet.
Erreurs et oublis d'un point de vue wallon : Renard sans héritier politique
Venons-en au dernier chapitre Le nouveau nationalisme est-il soluble dans la démocratie ? ... Là aussi je ne peux que partager l'idée du recours, comme outil de lutte contre les nouveaux nationalismes, à l’argumentation rationnelle, au fait d’en dégager les arguments raisonnables et de trouver des compromis sur ce terrain 31 Mais est-ce bien suffisant ? J’en doute fortement car Paul Magnette ignore ce qui est, selon moi, la question centrale que pose ces nouveaux nationalismes en Europe : la question de la souveraineté. Soit, comme le propose Jean-Marc Ferry, il faut arriver à une identité post-nationale par la création d’un Etat européen respectueux des identités nationales, en quelque sorte une disjonction de l’Etat et de la nation au profit d’un patriotisme constitutionnel partagé de tous. 32 Soit il faudra trouver des nouvelles formes de souveraineté qui redonneront aux citoyens le sentiment d’être maitre de leur destin individuel et collectif et là je doute que la discussion rationnelle et argumentée suffise à briser l’appel populaire de ces nouveaux nationalismes. Je partage, par contre, l’analyse que fait Paul Magnette des contradictions de la NVA 33 , en des termes plus policés et moins polémiques, cela rejoint ce que j’ai récemment écrit dans Toudi 34 . Je partage aussi son opinion sur le caractère improbable d’une Europe des régions et de la disparition des Etats 35, pour moi, ce n’est rien d’autre qu’un vieux fantasme belge permettant de camoufler la question nationale dans un brouillard d’unification européenne. Par contre, j’ai démontré ici que, du point du vue du droit international, rien n’empêche une séparation de tout ou partie de la Belgique ou la dissolution de celle-ci. La reconnaissance n’est pas une condition requise pour l’existence d’un Etat et l’adhésion aux organisations internationales et à l’UE sont des faux problèmes, celle-ci se fera probablement, dans la plupart des organisations concernées, sur une base simplifiée et rapide 36. Dommage enfin que dans son évocation du sentiment national wallon, Paul Magnette ne cite pas les Manifestes pour la Culture wallonne qui montrent, contrairement à ce qu’il écrit, qu’une partie du monde intellectuel wallon s’est engagé depuis longtemps en faveur de la Wallonie 37. Ecrire qu’Elio Di Rupo a recueilli et modernisé l’héritage d’André Renard 38 est une énormité similaire à celle qui fait de Sarkozy l’héritier de De Gaulle. En dehors du monde syndical socialiste wallon - pensons à Yerna ou Destrée - Renard n’a pas eu d’héritier.
L'auteur croit toujours en la Belgique comme modèle social sans voir son rejet par les élites flamandes
Abordons les conclusions politiques du livre. Paul Magnette reprend, sans surprise, la position officielle de son parti : la Wallonie doit sortir de la nostalgie ou des rêveries rattachistes pour se doter d’un projet fort dans un cadre fédéral belge modernisé reposant sur des Régions fortes 39. A noter, dans cette optique, une ouverture vers une forme de régionalisation de l’enseignement. 40. Il y a dix ans, voire même 5 ans, j’aurais soutenu chaudement une telle position mais aujourd’hui, face à l’évolution de la société flamande, elle est complétement obsolète. Je ne peux m’empêcher de penser en refermant le livre « Tout ce chemin parcouru pour en arriver à cela ? » Quel dommage! Paul Magnette trace pourtant déjà les contours des fondements d’une identité nationale wallonne : l’expérience de la révolution industrielle, sa civilisation urbaine et sa complémentarité avec les campagnes, les luttes sociales émancipatrices et le creuset de l’immigration 41, mais il ne la conçoit que dans un cadre belge rénové. Bien sûr, ce qui aurait été surprenant, c’est que Paul Magnette écrive que, ce qu’il faut faire, c’est préparer la Wallonie à prendre enfin son destin en main. Non, le mandataire socialiste Paul Magnette reste prisonnier du carcan belge et pense que la Belgique (et la Fédération Wallonie-Bruxelles) a encore un sens, que le cadre fédéral n’est pas une entrave mais un levier de l’autonomie régionale et qu’un Etat multinational demeure possible, je crains qu’il ne le croie sincèrement… Pourtant, il y a une question qu’il ne (se) pose pas, si la valeur centrale de la Belgique est son modèle social, sa sécurité sociale et la concertation, pourquoi les élites flamandes et une grande partie de la société flamande n’en veulent-ils plus ? Une des réponses possibles est celle-ci : ce sera uniquement en dehors du cadre belge (donc en Wallonie) que ce modèle social pourra perdurer, car il représente, encore actuellement, le consensus politico-social dominant en Wallonie, et oui, un véritable nationalisme wallon pourrait, en effet, se révéler émancipateur…
- 1. Magnette, p. 30
- 2. Gil Delannoy, Destin commun et destin communautaire. De l’utilité de distinguer et définir nation et nationalisme, Institut de Ciences Politiques i Socials, Barcelone, 1995. pp. 4 et 7
- 3. Delannoy, op cit, p.15
- 4. Delannoy, op cit, p. 23
- 5. Magnette, p.41
- 6. Magnette, pp. 34-35
- 7. Magnette, p.40
- 8. notamment J-F. Chanet L’école républicaine et les petites patries. 1879-1940, Ed. Aubier, Paris, 1996.
- 9. Editions Gallimard, Paris, 1994
- 10. Magnette, p.29
- 11. NRF essais, Editions Gallimard, Paris, 1994
- 12. Magnette, p.39
- 13. Magnette, p. 31
- 14. Et notamment le dernier : Vers l'Ecosse souveraine ?
- 15. Magnette, p.39
- 16. Magnette, p. 44
- 17. P. Delforge La Wallonie et la première guerre mondiale. Pour une histoire de la séparation administrative » IJD, Namur, 2008, p.18. J-P. Delhaye et P. Delforge Franz Foulon. La tentation inopportune, coll. Ecrits politiques wallons N°9, IJD, Charleroi, 2008, P40. EMW, TII, IJD, Charleroi, 2000, P1039 et s.
- 18. Magnette, pp.71-72
- 19. Magnette, p. 51
- 20. Magnette, P 53
- 21. Magnette, p.57
- 22. P. Delforge, La Wallonie et la première guerre mondiale. Pour une histoire de la séparation administrative. IJD, Namur, 2008 et [Ÿ1961]
- 23. J. Horne in S. Jaumain, M. Amara, B. Majerus et A. Vrints (sd), Une guerre totale ? La Belgique dans la première guerre mondiale. Nouvelles tendances de la recherche historique, AGR, Bruxelles, 2005. p.449
- 24. Z.Sternhell, M.Sznajder et M. Ashéri Naissance de l’idéologie fasciste, Folio Histoire, Paris, 1994, ch III
- 25. Critique : "La Terre Promise. Flamands en Wallonie" (Pascal Verbeken)
- 26. Magnette, p.63
- 27. L'image du Flamand en Wallonie (1830-1914) : Essai d'analyse sociale et politique , Ed. Labor, Charleroi, 2006: Critique : L'image du Flamand en Wallonie (Yves Quairiaux)
- 28. Magnette, p. 67
- 29. Magnette, pp. 73-74
- 30. Magnette, p.89
- 31. Magnette, p.92
- 32. Jean-Marc Ferry, La question de l’Etat européen. NRF essais, Editions Gallimard, Paris, 2000 et Identité postnationale et identité reconstructive
- 33. Magnette, pp.95 et s.
- 34. De l’Etat CVP à l’Etat NVA, un avenir radieux pour la Flandre ?
- 35. Magnette, p.100
- 36. Belgique résiduelle (Wallonie-Bruxelles), juridiquement impossible
- 37. Magnette, pp.103-104
- 38. Magnette, p.104
- 39. Magnette, p.106
- 40. Magnette, p.107
- 41. Magnette, p. 107
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La lecture qu'en Fait Edouard Delruelle