Chapitre III: Pouvoir dominant, pouvoir dominé, pouvoir secret
Dans le chapitre précédent, nous avons mis l'accent sur le fait que la monarchie bénéficie d'un très grand prestige qui étouffe l'affirmation d'une Cité wallonne et d'une culture de Wallonie. Ceux qui considèrent la monarchie comme un problème secondaire aiment à insister sur le fait qu'elle serait « seulement » un pouvoir symbolique. A l'opposé du pouvoir symbolique, existerait le pouvoir réellement politique des politiciens. Mais qu'est-ce que cela peut bien vouloir dire?
Cela signifie-t-il que le pouvoir symbolique n'aurait en aucune façon un effet politique? Ou cela signifierait-il que le pouvoir des hommes politiques serait, lui, purement politique, sans être aucunement renforcé de tout le poids d'un capital symbolique? Peut-on, pour dire les choses autrement, réellement séparer pouvoir symbolique et pouvoir politique? S'il y a pouvoir politique c'est parce qu'il y a aussi prestige, autorité, ascendant. Et s'il y a prestige, autorité, ascendant, comment pourrait-il ne pas y avoir pouvoir politique?
Quand le roi Baudouin Ier prit contact avec le Premier Ministre Martens et estima, comme en 1990, qu'il fallait intervenir militairement au Rwanda, on peut admettre que la décision finalement prise le fut entièrement par le gouvernement. Mais en quoi la capacité qu'avait Baudouin Ier de rencontrer aussi aisément le sommet du pouvoir en Belgique (pouvoir dont hérite son successeur), ne serait-il pas du « vrai » pouvoir? Un parlementaire, même influent, peut-il se permettre ce genre de conseil avec la chance d'être entendu? Et que, normalement, ce genre de pression morale ne soit pas nécessairement connu, de sorte qu'il est difficile de discerner quelle est exactement la politique du roi, empêche-t-il qu'il en ait une? Non, bien sûr. Mais cela empêche en tout cas que cette politique soit mise en cause. Et le fait que, dans une démocratie, les grandes décisions sont sans cesse exposées aux controverses, mais non l'action silencieuse du roi, enlève-t-il toute signification politique aux discrètes pressions exercées par le Souverain sur les sommets du pouvoir? Comme on ne peut rien en savoir, cela échappe à la discussion: faut-il s'y résigner? Mais peut-on se résigner à ce qu'une part de la décision politique nous demeure mystérieuse? Nous examinerons ce problème lorsque nous reviendrons sur le pouvoir réel du roi.
Quant à son pouvoir symbolique, la sociologie de Bourdieu va nous aider à en saisir la nature, située dans le cours de toute l'histoire belge. Car la monarchie belge se distingue des autres monarchies modernes par sa trajectoire.
La Trajectoire ascendante de la monarchie belge
Pour mieux comprendre la signification de la monarchie dans un pays comme la Belgique, il faut d'abord en saisir la trajectoire (au sens de Bourdieu), trajectoire absolument différente de celle de la plupart des monarchies d'Europe (celle d'Espagne exceptée, en un sens, mais en un sens seulement car si, avec le roi actuel, la monarchie s'est redressée, après la parenthèse républicaine et franquiste, la monarchie espagnole est tout de même une monarchie absolue devenue constitutionnelle; par ailleurs, Franco était le régent du royaume).
Il y a des classes ou des individus qui sont dans des trajectoires ascendantes, à qui sont promis des profits réels ou symboliques grandissants. D'une manière générale, si on la compare avec les autres monarchies d'Europe, la dynastie belge doit être considérée comme ayant bénéficié d'une trajectoire ascendante, au moins jusqu'ici.
Les autres monarchies d'Europe sont des monarchies absolues peu à peu limitées par les Parlements et les Constitutions. Telle est bien la trajectoire de la royauté anglaise et des royautés scandinaves. La constitution suédoise stipulait, encore au 19e siècle, en son premier article, que « seul le roi gouverne le royaume ». Maintenant, même dans les documents officiels, le roi de Suède est décrit comme exerçant une fonction qui n'a aucune signification politique 1 . Il en va de même pour le Danemark. Le roi de Hollande, d'abord peu respectueux de l'esprit du parlementarisme (par exemple les députés des Etats-Généraux qui votaient contre le gouvernement n'étaient pas invités aux réceptions officielles de la Cour), se verra contesté dès 1848. La Constitution adoptée en Hollande, alors, se rapproche fort (comme celle du Grand-Duché), de la Constitution belge. Mais la trajectoire de la monarchie hollandaise (et de sa branche grand-ducale), sont différentes de la belge. En Hollande, le roi est dépossédé de ses pouvoirs de fait par la Constitution de 1848 2. Dans le fragile Etat belge de 1831, Léopold Ier , pourtant confiné à pas grand-chose selon les textes, usera de toutes les ressources de la Constitution pour en dépasser l'esprit dans l'exercice du pouvoir (avec l'habileté de ne pas heurter la bourgeoisie) 3. Aujourd'hui, la monarchie en Hollande s'est volontairement privée de tout sens politique.
Ailleurs, comme en Grèce, Roumanie, Yougoslavie, France, Italie, Allemagne, Autriche, Hongrie... les monarchies ont été renversées au profit du régime républicain. Au contraire, par une série de reconversions réussies, les souverains belges grandissent, au moins jusqu'à Léopold III.
Avec les deux premiers rois, il y a reconversion de l'ancien pouvoir féodal et royal monarchique en compétence bourgeoise, politique et économique 4. C'est le cas avec Léopold Ier et Léopold II. Le premier est à l'origine de l'expansion du capitalisme financier belge, expansion typique d'un pays avancé sur le plan industriel à l'époque. Le second comprend la nécessité de l'impérialisme pour un pays capitaliste avancé et il parvient à doter la Belgique du quatrième empire colonial (par la superficie, il se range juste après les empires anglais, russe et français).
Avec Albert Ier, c'est le prestige militaire qui permet que se produise une nouvelle ascension et une extension de fait du pouvoir du roi 5, mais une extension de son pouvoir qui est plus à situer vers la gauche du diagramme de Bourdieu que vers la droite, du fait que le caractère chevaleresque d'Albert lui donne plus de prestige moral que de poids financier ou industriel. Avec Léopold III, qui, au départ, hérite du capital symbolique de son père, c'est, évidemment, la catastrophe. A un tel point que, dans la détresse de l'évacuation, certains pensent que non seulement la monarchie mais même la Belgique cesseront d'exister 6. Il y eut des tentatives pour destituer le roi en 1940. C'est le peuple wallon qui va s'en charger en juillet 1950. L'insurrection qui éclate dans les derniers jours de juillet, par son caractère d'âpreté et de violence, parce qu'elle fut déclenchée sans aucun véritable mot d'ordre, venait de si profond que, indépendamment de sa réussite possible ou non, elle aurait définitivement créé la rupture entre une partie du pays et la dynastie. Les choses furent sauvées, d'extrême justesse, par le gouvernement peu léopoldiste de Jean Duvieusart qui poussa le roi Léopold III à se retirer, sauvant ainsi plus que probablement la Couronne.
Après ces événements catastrophiques pour la dynastie, qu'allait faire le nouveau roi? Que la chose ait été ou non préméditée - mais au sens d'un Bourdieu, cette question n'est pas importante: il y a une logique profonde de l'évolution de la monarchie en Belgique -, le nouveau souverain va investir massivement dans le capital symbolique et devenir un roi-aumônier (l'expression est de Baudouin Piret), ce qui le déplace encore un peu plus vers la gauche du fameux diagramme de Bourdieu où celui-ci a représenté le conflit existant à l'intérieur même des classes dominantes. Lui-même s'est exprimé sur le rôle des rois dans l'Ancien régime et il les place au centre de son tableau, comme faisant la liaison entre le clergé (d'Ancien régime: les dominants dominés) et la noblesse (d'Ancien Régime: les dominants) 7. Bourdieu a formidablement affiné le schéma marxiste simplifié qu'on pourrait illustrer par la figure:
dominants
---------
dominés
Selon Bourdieu, au sein même de la classe dirigeante, il y a également conflit et lutte pour la domination. La classe dominante est divisée en deux fractions, dont l'une possède un capital culturel élevé et un capital économique relativement faible, dont l'autre possède un capital économique élevé et un capital culturel relativement faible:
D *
O *
M *
I *
N *
A *
N *
T *
S capital économique - * capital économique +
*
*
capital culturel + * capital culturel -
*
------------------------------------------------------------------
D
O capital économique et culturel -
M
I
N
E
S
A droite de ce tableau, dans le domaine de la classe dominante, nous trouvons les patrons de l'industrie et du commerce, peu à peu remplacés par les cadres supérieurs, à gauche, les producteurs artistiques et au centre les médecins et les avocats (qui équilibrent capital économique et capital culturel). Il y a, entre ces deux fractions de la classe dominante une lutte incessante, la fraction dominée de la classe dominante (capital culturel +), contestant sans cesse le pouvoir des dominants.
Cette contestation a quelque analogie avec la contestation des dominants en général par les dominés (capital économique et symbolique). Le pouvoir des dominants dominés sur les dominants dominants s'exerce de cette manière selon Bourdieu (parlant ici des évêques et c'est la raison pour laquelle nous avons choisi ce texte car le roi Baudouin, qui a si profondément marqué la monarchie belge, avait quelque chose d'un évêque ou d'un prêtre): « Le pouvoir dominé (...) ne peut dominer les dominants qu'en affectant de dominer en lui-même le désir de ce que possèdent les dominants et qui, à ses yeux, les possèdent. Le refus des grandeurs temporelles enferme par surcroît une mise en question, voire une réprobation à l'égard de ceux qui poursuivent le pouvoir sans le cacher, sans se le cacher. S'interdire le pouvoir, l'argent ou le plaisir est une façon de l'interdire. » 8
Bourdieu parle ici des évêques mais il poursuit: « Les détenteurs d'un pouvoir dominé - les évêques, mais aussi les hommes politiques de gauche, les leaders syndicaux ou les intellectuels » 9 (souligné par JF). Le célibat du clergé revêt, à cet égard, une importance capitale car, dans le champ symbolique, il est essentiel à l'exercice du pouvoir dominé, étant le signe que l'on refuse de se servir mais qu'on s'est engagé à servir (quitte à se servir en se servant mais il faut, réellement, au-delà des apparences, servir pour être servi, épouser, jusqu'à un certain point, la cause des dominés). L'homologie des situations entre dominants dominés et dominés est bien réelle, mais elle n'équivaut pas à une similitude de position. Cette représentation de la réalité sociale n'est cependant jamais figée et doit être considérée comme toujours en mouvement. Songeons ici aux grands contestataires de l'Antiquité ou des débuts du moyen âge comme Chrysostome, Ambroise, Lambert de Liège. La figure du prêtre, désarmé, contestant le pouvoir civil, armé, est aussi vieille que le monde. On peut songer aussi, en notre siècle, à Ghandi ou à Martin Luther King.
A partir de la notion de champ, Bourdieu précise encore le rôle des dominants dominés. Un champ est un système dont tous les éléments s'entredéterminent et qui possède une relative autonomie par rapport aux autres champs et à la société globale. C'est l'autonomie relative du champ symbolique qui permet aux dominants dominés de jouer leur rôle et qui permet de mieux comprendre l'évolution de la monarchie belge.
Le déplacement de la monarchie belge de la droite à la gauche du diagramme de Bourdieu
La monarchie belge qui se construit à partir de 1831 apparaîtra rapidement comme le noeud même de la classe dirigeante (la bourgeoisie), et apparaîtrait tout à fait à droite du schéma bourdieusien. Léopold Ier est le premier actionnaire de la Société Générale. Selon l'historien Pierre Lebrun, son enrichissement est rapide et se montait au moment de sa mort à quelque 50 millions de francs-or, soit 10 milliards de francs d'aujourd'hui. Cela campe un personnage dans l'aile droite du diagramme de Bourdieu, en compagnie des dominants dominés. C'est bien là que se situe aussi Léopold II, avec sa vie sexuelle débridée, les exactions commises sous son couvert dans l'empire colonial qu'il fonde en Afrique, l'argent dont il arrose presque toute la presse belge et la presse étrangère. « Jamais » écrit le professeur Stengers « ce qu'il est convenu d'appeler la corruption de la presse n'a atteint un tel degré qu'en ce début du XXe siècle, du fait de l'Etat Indépendant » 10. L'Etat Indépendant du Congo dont le seul maître était Léopold II... Le professeur Stengers se croit obligé de préciser qu' au moins Le Peuple et Le Patriote n'auraient pas été corrompus.
Tout va changer avec Albert Ier. Les premières années de son règne, il bénéficie de l'avantage symbolique de la jeunesse aux côtés d'une très jolie femme: Le Peuple du 8 septembre 1913 souligne ce détail après la Joyeuse-Entrée d'Albert Ier à Mons et le roi en question est comparé, à son avantage, à celui que le journal socialiste appelle ironiquement "Bula Matari", Léopold II, "conquérant" de l'Empire colonial belge. La moralisation de l'image monarchique est en route. La guerre va l'amplifier encore et, surtout, les Alliés de la Belgique dans la guerre. Le jour de Noël 1914, le journal anglais The Daily Telegraph publie des dizaines de témoignages d'artistes, d'écrivains, d'hommes politiques, de dignitaires religieux, de philosophes (comme Bergson) où tout le monde abonde, d'Anatole France à Kipling, en faveur du caractère chevaleresque d'Albert Ier 11.
« Chevalier » pour les intellectuels anglais et français engagés dans la guerre, Albert va devenir aussi un roi « démocrate ». La pression qu'il exerce sur la droite catholique en faveur du suffrage universel est décisive. Celui-ci fut adopté en 1919. Marie-Rose Thielemans a montré que les "Carnets de guerre" de ce roi prouvaient qu'il n'était en aucune façon démocrate 12. Il gardera pourtant ces deux images jusqu'à sa mort: Roi-démocrate et Roi-chevalier. Son épouse la consolide. Lors des graves inondations de la Meuse en 1926 par exemple, devant franchir une large étendue inondée, elle se fait porter par un soldat en toute simplicité. Les histoires à propos du roi motocycliste, donnant des coups de main à des collègues en cas de panne abondent dans l'hagiographie « albertine ». Sa mort tragique à Marche-les-Dames, en février 1934, raffermit le mythe du roi proche de son peuple. Le prestige d'Albert Ier était tel que Pirenne a pu écrire que ce monarque n'était plus tenu de respecter les limites à son pouvoir que lui fixe la Constitution 13 .
Il est possible que Léopold III ait hérité d'une bonne part de ce prestige aux côtés d'une reine « simple ». Cette notion de simplicité, ces apparents « détails » sont de la plus haute importance. André Molitor le souligne dans son livre (du moins dans la première édition): le cabinet du roi attache une extrême importance à l'apparence physique du souverain. Le fait de l'avoir souligné ne rendait en rien l'auteur ridicule puisque celui-ci ajoutait de manière pertinente: « tout ce qui touche à la personne d'un homme en qui s'incarne d'une certaine manière le mythe de la Nation, est important pour elle et pour les citoyens parce qu'au fond, inconsciemment, ils ont l'impression d'y avoir quelque chose à dire. » 14 . Il n'est pas sûr qu'il s'agisse de la même chose que des impératifs qui sont ceux de tout homme public, surtout à l'ère de l'audiovisuel. En effet, un homme politique, malgré la médiatisation excessive de la vie publique, parle encore, énonce encore des arguments. Pour le roi, personnage féodal, la représentation est tout, puisqu'il est tout entier dans le fait, non de représenter d'autres personnes comme en démocratie, mais dans le fait de se représenter soi-même comme le pouvoir, avec tous les signes extérieurs de celui-ci, signes extérieurs qui, d'ailleurs, jusqu'à un certain point, ne sont pas le symbole du pouvoir mais le pouvoir lui-même. Il y a toujours quelque chose de magique dans le pouvoir royal, de sacré: André Molitor est, encore ici, le premier à en convenir 15. Sans son sceptre, Ottokar ne peut régner. Sans son image, un roi n'est plus un roi.
N'est-ce pas d'ailleurs ce qui s'est passé avec Léopold III? Peut-être ne devrait-on pas trop opposer l'explication purement sentimentale de la désaffection de l'opinion à l'égard du roi pendant la guerre du fait de son remariage (qui, selon certains, aurait laissé les Belges dans le même état d'esprit que celui des orphelins dont un parent se remarie), à l'explication, plus proprement politique, du rejet de l'attitude royale complaisante à l'égard des Allemands. Cette explication, quand on l'isole du reste, ne tient pas. Il faut voir d'abord que les Wallons, avec des prisonniers de guerre nombreux, isolés, au loin, en Allemagne, ont dû être profondément choqués par ce qu'il y avait de contradictoire chez un roi « prisonnier » à prendre femme. Et c'est surtout par l'opinion wallonne que le roi est rejeté. Quand on le rapporte à l'ensemble du fonctionnement symbolique de la royauté de Léopold III, l'explication de son rejet en raison des reproches qu'on a à lui faire, sur le plan de sa vie privée, a son épaisseur politique et rationnelle. Léopold qui « renie » Astrid, casse l'image à travers laquelle les Belges l'ont vu avant 1940, d'autant mieux et d'autant plus que ce mariage se déroule sous une occupation allemande que le roi ne semble pas combattre. Le « reniement » d'Astrid apparaît comme ce qui facilite la destruction de l'image chevaleresque d'un Léopold III, dont le moins qu'on puisse dire est que le comportement attentiste, de 1940 à 1944, est très peu patriotique. Mais le comportement de Léopold III est révélateur de celui d'Albert Ier et du sens que la dynastie et les élites francophones donnent à la nation belge - sens « négatif » ou a contrario -, en tout cas culture de la dépendance, dont parlait R. Devleeshouwer. Le rejet, par la Wallonie, de cette conception qui fut celle de toute la dynastie, mais qui n'était jamais apparue clairement, fut manifeste.
Passe-t-on d'une trajectoire ascendante à une trajectoire descendante?
La succession de Baudouin Ier à Léopold III reproduit à certains égards la succession d'Albert à Léopold II. A nouveau, sur le schéma de Bourdieu, il y a déplacement (encore plus net cette fois), du roi de la droite à la gauche de l'espace social, vers l'espace du pouvoir dominé. Bien que cela vise sa femme, la remarque de Jean-Marie Piemme parlant de Fabiola comme d'une Antigone à l'envers est profondément pertinente 16. Les bruits qui ont couru dans les années 50 sur la possible entrée au couvent de Baudouin Ier vont dans ce sens. On sait qu'une rumeur, même absolument non fondée, est révélatrice de l'état de l'opinion et façonne l'image de celui qu'elle vise.
Les visites des Marolles en compagnie de l'abbé Froidure, la caractère chétif de ce roi, son masque perpétuel d'inquiétude éclairé d'un pâle sourire que vient encore déréaliser des lunettes désincarnantes, tout cela faisait de l'hexis corporelle de Baudouin Ier, l'hexis par excellence d'un être détenant un pouvoir dominé. Baudouin est le premier souverain réellement catholique de la Belgique. On le savait bien avant la loi dépénalisant l'IVG partiellement. Les thèmes des discours royaux sont ceux d'un humanisme moralisateur: la paix, le tiers-monde, le respect de la vie, la pauvreté. On est loin du roi guerrier que fut Albert et de cette image qu'il transmit à son fils. On est plus loin encore, bien sûr, de Léopold II. L'évocation de sa "conscience" par Baudouin Ier, en 1990, pour refuser de signer la loi sur l'IVG est tout à fait caractéristique d'un pouvoir dominé. On ne doit pas parler d'hypocrisie à ce sujet. Si le roi Baudouin trompa en mettant en avant des raisons morales, le premier à être trompé, ce fut lui-même. Tout venait renforcer son statut de dominant-dominé: le fait d'être marié mais de n'avoir pas d'enfants, son désarroi compréhensible pendant les premières années de son règne, son visage perpétuellement tendu vers l'écoute, l'humilité des postures qu'il prenait en public. La présence à ses côtés, pendant 16 longues années, décisives sans doute pour l'image du règne, d'un homme rigoureux (mais non rigide), comme André Molitor, accentue encore l'impression d'ensemble. Quel merveilleux conseiller pour un roi-aumônier qu'un démocrate-chrétien scrupuleux, cultivé, fonctionnaire intelligent et zélé, ascétique comme son patron jusque dans son hexis (Baudouin Ier, comme A. Molitor, portait des lunettes, avait la même maigreur, la même Foi, le même sentiment du service désintéressé à rendre à l'Etat et à la Belgique)! Au vide belge comblé par la puissance matérielle, se substituerait donc ici le prestige moral.
Vers l'insignifiance?
La reconversion de Baudouin Ier vers une sorte d' « aumônerie générale du royaume », selon cette belle expression de Baudouin Piret, son glissement vers la gauche du tableau bourdieusien n'est sans doute pas le dernier avatar de la monarchie. On ne voit pas très bien quel créneau la monarchie belge pourrait occuper encore, sauf, cependant, et c'est très important, celui de l'insignifiance. Certains ont interprété de cette façon le geste de Baudouin Ier en avril 1990. Le roi aurait provoqué lui-même cette crise dans le but de voir remise en cause la fonction royale elle-même, sentant que la façon dont lui-même l'avait assumée - et qui nous apparaît effectivement comme la seule possible en cette deuxième moitié du 20e siècle -, demandait un doigté, une intelligence, un sens des choses qu'aucun successeur ne pourrait posséder. Peut-on supposer de la part du roi et de n'importe quel homme politique, une dose si grande d'habileté? Sans doute, à condition de ne pas y voir nécessairement une habileté réellement conçue ou voulue. Il faut faire intervenir ici la notion d' « habitus » chère à Bourdieu. Lisons-le: « Etant le produit de l'incorporation de la nécessité objective, l'habitus, nécessité faite vertu, produit des stratégies qui, bien qu'elles ne soient pas le produit d'une visée consciente de fins explicitement posées sur la base d'une connaissance adéquate des conditions objectives, ni d'une détermination mécanique par des causes, se trouvent être objectivement ajustées à la situation. L'action que guide le "sens du jeu" a toutes les apparences de l'action rationnelle que dessinerait un observateur impartial, doté de toute l'information utile et capable de la maîtriser rationnellement. Et pourtant elle n'a pas la raison pour principe (...) Les agents font, beaucoup plus souvent que s'ils agissaient au hasard, "la seule chose à faire". Cela parce qu'en s'abandonnant aux intuitions d'un "sens pratique" qui est le produit de l'exposition durable à des conditions semblables à celles dans lesquelles ils sont placés, ils anticipent la nécessité immanente au cours du monde (...) Les dominants n'apparaissent comme distingués que parce que, étant en quelque sorte nés dans une position positivement distinguée, leur habitus, nature socialement constituée, est immédiatement ajustée aux exigences immanentes du jeu, et qu'ils peuvent aussi affirmer leur différence sans avoir besoin de le vouloir, c'est-à-dire avec le naturel qui est la marque de la distinction dite "naturelle", il leur suffit d'être ce qu'ils sont pour être ce qu'il faut être... » 17
Peut-être que Baudouin Ier fit « la seule chose à faire » et qu'il anticipa « la nécessité immanente au cours du monde ». La bourgeoisie a réussi si bien à s'anonymiser, à s'internationaliser, le système-monde de l'économie est devenu à ce point envahissant et généralisé que quelque chose d'aussi précieux pour l'exercice du pouvoir qu'une monarchie pourrait ne plus sembler nécessaire. Eventuellement, on se satisfera d'un "ornement" monarchique, un peu de la même façon que l'on exhibe de vieilles pierres, les arbres généalogiques, l'antiquité de telle marque de café ou de whisky: l'antiquité est un argument publicitaire, ne l'oublions pas. On pourrait penser que, devant ce système économique mondial devenu parfaitement anonyme et que ne maîtrise peut-être plus personne, il serait logique de regretter les luttes claires d'antan où chaque classe tentait de conquérir sa place dans l'Etat, où un peuple pouvait chasser le roi.
Cela est-il cependant devenu tout à fait inutile à l'heure d'aujourd'hui? Non, car la monarchie est un registre sociologique de première importance, même dans une ville à l'avant-garde de la modernité comme New-York (souvenons-nous de la façon dont Charles et Diana y furent accueillis). On pourrait dès lors se demander si, dans la Belgique telle qu'elle est, un roi « à la suédoise » ne serait pas le plus adéquat, le plus adapté à son insignifiance, à sa petitesse, mesurées ici en termes républicains: l'incapacité de débattre sur soi avec les autres, l'incapacité de l' « Öffentlichkeit » chère à Habermas, de la publicité dont nous allons bientôt parler. Un roi « à la suédoise » serait une forme de mise en abîme du pays et de sa monarchie: à pays insignifiant monarchie insignifiante. Mais un roi « à la suédoise » présenterait, dans ce cadre, et du point de vue du déficit de la citoyenneté, les mêmes inconvénients que les rois précédents. Quand on examine la décroissance des pouvoirs du roi en Belgique (il est curieux de parler ainsi car la monarchie belge a toujours été supposée sans pouvoirs), on s'aperçoit qu'elle est en partie parallèle à la décroissance de la souveraineté réelle des Etats et avec la mondialisation, qu'elle est parallèle aussi à la décroissance de l'influence du Parlement, au renforcement de l'Exécutif, du Premier ministre, des présidents des partis politiques.
Mais il faut ajouter à cela cette nuance que l'accès du monarque à ces nouvelles figures du pouvoir reste très aisé, beaucoup plus aisé que pour la plupart des parlementaires (ne parlons pas des citoyens). En outre, la monarchie belge ne deviendra jamais une monarchie à la suédoise (ou à la danoise). Nous sommes en effet ici dans le champ symbolique, dans la logique d'une trajectoire. La monarchie suédoise peut apparaître comme vidée de pouvoir, même symbolique, parce qu'il s'agit d'une monarchie que la Nation a, consciemment et ouvertement, peu à peu privée de ses droits qui, au départ, étaient ceux d'une monarchie constitutionnelle clairement autoritaire (la Constitution suédoise stipulait que le roi était seul à gouverner le royaume).
La monarchie belge diffère très fort de la monarchie suédoise à cet égard. Partie d'un contrat avec la Nation qui l'ancrait non seulement dans la constitutionnalité, mais aussi dans le parlementarisme, elle n'a jamais affronté directement le Parlement. Jamais. Certes, Léopold III a affronté le gouvernement Pierlot et s'en est séparé en 1940. On sait ce qu'il en advint et le divorce du roi qui se produisit avec, non pas le Parlement, mais, directement, la Nation, une partie de la Nation, soit la Wallonie. Peut-on cependant dire que la monarchie a perdu de ce fait tout prestige?
Non, car Baudouin Ier l'a lentement restauré, chose facilitée par l'accord entre partis politiques pour faire le silence sur toute l'affaire royale et qui ressemblait à une soumission hyperconstitutionnelle à la Loi fondamentale. Cette soumission a produit ses effets puisque, pendant 20 à 30 ans, toute cette affaire fut enfouie dans un formidable non-dit (à l'exception peut-être du livre de Fusilier et, bien entendu, de la tradition populaire, de la mémoire populaire qui n'oublia pas l'insurrection de 1950 à un point tel que, en 1980, un ouvrier de Jemappes expliqua à la télévision que les ennuis de la Wallonie venaient du fait qu'elle avait chassé Léopold III). Comme, aujourd'hui, la classe politique et les médias font le silence sur toute critique de la monarchie, on peut penser que la diminution des pouvoirs réels du roi n'entame pas son crédit moral. Or, quel sens y a-t-il à dire qu'un pouvoir perd en puissance juridique mais gagne en prestige? Le prestige, répétons-le encore une fois, n'est-il pas nécessairement du pouvoir?
On ne passe donc pas, à notre sens, d'une trajectoire ascendante à une trajectoire descendante, au moins pour ce qui concerne l'aspect « pouvoir dominé » de l'autorité royale. La reconversion du pouvoir royal en insignifiance n'est pas non plus peut-être une perte de pouvoir symbolique. L'insignifiance de la monarchie est le miroir même de la Belgique, surtout à une époque d'emprise mondialisée de l'économie. Ce pays qui a été incapable de se donner un autre sens que sa réussite matérielle (n'oublions pas le mot de Trotsky), quel sens pourrait-il encore avoir à l'heure où ce n'est plus seulement dans la réussite économique qu'il faut chercher le sens des nations? L'affection qu'il voue à sa monarchie, l'importance symbolique qu'il lui donne est perdue pour le pays. Là aussi, comme nous le verrons au chapitre V, plus fondamentalement, il y a mise en abîme de la Belgique et de sa monarchie.
Mais cette emprise d'une économie anonyme sur la vie des sociétés est-elle vraiment le dernier horizon possible de l'histoire humaine? Si nous nous y résignons, c'est alors l'idée même de démocratie que nous mettons en cause, d'une manière qui va bien au-delà d'un régime politique particulier parmi d'autres. La démocratie, en effet, c'est aussi l'idée que les hommes peuvent ambitionner, individuellement et collectivement, de forger leur propre destin. Si l'on arrache cette ambition du coeur des hommes et des femmes que, depuis les révolutions hollandaise, anglaise, américaine et française... « la tyrannie blesse au cœur » (pour reprendre ce passage magnifique de l'hymne national hollandais), il y a tout lieu de penser que c'est l'identité individuelle qu'on menace de subversion. Des hommes soumis à un pouvoir anonyme ne pourraient plus survivre après les expériences des émancipations humaines des deux siècles suivant les Lumières. Notons que, limitée sur le plan de sa souveraineté extérieure et intérieure par la monarchie et le système plus large que cette monarchie induit, la Belgique est, de ce point de vue, une merveilleuse école d'insignifiance ou d'anomie... C'est de Jürgen Habermas que nous nous inspirons déjà ici. Son idée de démocratie radicale va évidemment à l'encontre d'un système comme la monarchie belge. C'est même l'idée de « publicité » chère au philosophe allemand qui nous semble constituer la plus formidable objection contre le principe de la monarchie en Belgique.
Publicité et démocratie chez Habermas
Toute la pensée de Jürgen Habermas, philosophe allemand né à Francfort en 1929, s'ancre dans sa réflexion sur l' « Öffentlichkeit », thème de sa thèse de doctorat publiée en allemand sous le titre « Strukturwandel der Öffentlichkeit » et publiée en français en 1978 sous le titre L'espace public.
« Öffentlichkeit » est un terme allemand formé à partir de l'adverbe « öffentlich ». L'adverbe « öffentlich » (= ouvertement), donne le substantif « Öffentlichkeit », qu'on pourrait traduire littéralement en français par le mot « ouvertementité » (s'il était loisible de former en français des substantifs à partir des adverbes). « Le-fait-de-faire-les-choses-ouvertement », c'est la « publicité », mot ambigu en français qui peut définir: 1) la démocratie (« Publicité, sauvegarde du peuple » proclame l'Hôtel de Ville de Verviers, et ce n'est pas un hasard que ce terme de « publicité » ait été ainsi mis à l'honneur très tôt en pays wallon), 2) la réclame: « Buvez Coca-Cola ».
1) L'Ancien Régime ou la non-publicité
Pour mieux faire apparaître le caractère fortement inédit et surprenant de l' « Öffentlichkeit » dans l'histoire, il importe de la saisir à partir de son contraire qu'est, si l'on veut, la "non-publicité", propre à l'Ancien Régime. Habermas cite lui-même un décret de Frédéric II roi de Prusse, datant de I784, et qui nous en dit long sur l'esprit de l'Ancien Régime: « Sur les actions, le comportement, les lois, les décrets, les ordonnances du Souverain et de la Cour, ainsi que des fonctionnaires, des assemblées et des cours de justice qui sont les siens, une personne privée n'est pas habilitée à porter des jugements publics, voire dépréciatifs ou à rendre publiques des informations qui lui en parviendraient, pas plus qu'à les diffuser en les publiant. Une personne privée n'est d'ailleurs absolument pas en mesure de porter de tels jugements, car la pleine connaissance des circonstances et des mobiles lui fait défaut. » 18
Ce texte est révélateur de ce qu'a pu être l'esprit tout entier de l'Ancien Régime, où les décisions politiques sont prises par un nombre restreint de personnes et dans le secret. Il est révélateur aussi de la montée de l' « Offentlichkeit ». Si le roi de Prusse se doit d'interdire la « publicité » concernant le fonctionnement de son pouvoir, c'est qu'il y a de fortes chances que les choses avaient déjà fortement évolué dans le sens du déploiement progressif de cette « Publicité ».
L' « Öffentlichkeit », c'est le fait, très surprenant au début, mais qui nous semble très simple aujourd'hui (et par conséquent un peu banal), que les décisions concernant une collectivité doivent être débattues et contrôlées. Nous saisissons mieux le caractère extraordinaire de cette « publicité », lorsque nous nous remémorons les histoires, pas encore dépassées, de ces régimes totalitaires (communistes, ou soi-disant tels et fascistes), où le fait de se réunir entre citoyens, éventuellement même dans un lieu privé, rien que pour échanger des opinions sur la société, constitue un délit. Les régimes dictatoriaux fondent en effet leur autorité sur la seule force, le seul caprice du despote, et l'idée même que l'on puisse argumenter est une sorte de crime de lèse-majesté (en effet, dans l'exemple cité, il ne s'agit pas de réunions comploteuses ni de conspirations).
Mais il a fallu citer les régimes totalitaires car ils sont une forme moderne de non-publicité par rapport à laquelle apparaît mieux le caractère inouï de la publicité. Cependant, l'Ancien Régime ne connaît pas nécessairement des régimes autoritaires. Il connaît des monarchies. La monarchie n'est pas la dictature en ce sens que toute monarchie doit se soumettre à une loi qui la dépasse et qui, si elle ne la respecte pas, précipite sa perte: toute monarchie en ce sens est constitutionnelle (ce qui n'est pas la même chose que parlementaire), toute monarchie, nous le verrons plus loin avec Montesquieu ou Bossuet, est l'expression d'un certain Droit. C'est par abus des mots que la Révolution française parle du despotisme des rois. Ainsi, la règle de la succession des rois dépasse le roi lui-même de même que, pour le moyen âge et l'époque moderne, la Loi divine (même si elle est parfois interprétée de manière restrictive!). Qu'est-ce qui est donc non-public dans ce type de régime?
Jusqu'aux 17e et 18e siècles, il n'existait pas d'autre autorité politique que l'autorité royale, « irresponsable » avant la lettre, n'ayant nulle obligation de s'expliquer en public et ne le faisant pas. Cela tenait aussi à un certain mode d'être dans la société, dans les réunions où s'assemblaient les hommes: le débat en était exclu. Ce qui régule l'ensemble des réunions de la Cour de Louis XIV, c'est l'étiquette, le protocole. Il n'y a pas véritablement de noblesse assemblée devant laquelle on argumente pour prendre des décisions. Ne paraît que le pouvoir avec ses insignes distinctifs.
Un pouvoir de simple prestige? Relier Bourdieu et Habermas
Disons tout d'abord que Bourdieu n'entrerait pas dans les distinctions fournies, à tour de bras, par les constitutionnalistes belges pour éviter au roi toute responsabilité dans la conduite des affaires. Il est clair que, pour lui, un pouvoir symbolique se traduit toujours en pouvoir réel, de la même manière que le capital symbolique se transforme toujours en capital économique.
Citant le Wilhelm Meister de Goethe, Habermas décrit ce que pouvait être le pouvoir du féodal dans l'Ancien régime: « L'homme noble est l'autorité dans la mesure où il la représente, il la signifie, l'incarne à travers sa personnalité épanouie, il est donc [Habermas citant Goethe] "une personne publique, et plus il a d'élégance dans les mouvements, plus il a de sonorités dans la voix, plus il a de retenue et de mesure dans sa personne, plus il approchera de la perfection." 19 .
Cet être dont la signification s'épuise tout entière dans l'apparaître, Pascal l'avait lui-même bien comprise dans son livre sur la condition des grands et la fameuse histoire du naufragé jeté sur le rivage d'une île dont le roi a disparu et dont il est le sosie. On pourrait encore citer le conte d'Andersen, Les habits neufs de l'Empereur où là, l'apparence est à son comble, puisque ce n'est pas une simple apparence, une simple façade mais une apparence qui n'a même pas l'honneur, si l'on veut, d'apparaître, étant entièrement fictive.
Tous ces paradoxes soulignés par Andersen, Bourdieu, Habermas, Pascal... sont bien entendu plus aptes que des volumes de droit constitutionnel à nous livrer le secret d'une monarchie comme la monarchie belge. Le fait qu'il s'agisse d'une monarchie dans la modernité, donc dans une époque qui a dépassé le féodalisme, n'empêche pas que cette monarchie garde tous les traits de l'Ancien Régime. Un roi ne peut être qu'un roi. Et il n'y a de roi qu'héréditaire, noble, placé par l'arbitraire de la naissance au-dessus des autres. Simplement, comme nous allons le voir dans les lignes qui suivent, les Etats démocratiques qui sont restés monarchiques ont cherché à isoler ce par quoi les monarques relèvent de l'Ancien régime, un peu comme un poisson sur la terre ferme est sauvé par l'eau de son bocal ou, aussi, un peu comme l'on maintient artificiellement en vie (ce qui ne veut pas dire sans efficacité), certains malades souffrant d'affections respiratoires graves.
Le roi n'a place, dans l'ère de la publicité, que grâce à des viols de son principe que l'on s'efforce de calfeutrer, de masquer, d'atténuer, de cacher (bien entendu!). C'est ce qui fait l'inconfort, non seulement des rois eux-mêmes, mais également des sociétés où ils n'ont pas été réduits à leur rôle d'apparat ou à leur rôle ornemental, ainsi que de ceux qui doivent penser ces sociétés et veulent y demeurer des citoyens. Il y a bien de la peine à penser la société belge, l'une des rares au monde qui maintienne (pour survivre peut-être), cet étrange objet d'Ancien Régime, incongru à l'ère de la Publicité. L'hiatus monarchie/modernité est grand si l'on se réfère aux principes purs de la Publicité. Mais, comme nous le verrons au chapitre suivant avec Boltanski et Thévenot, dans certains secteurs de la vie sociale, ce principe de la Publicité n'est pas dominant. C'est alors là que se déploiera la ressource fondamentale (et moderne) de la monarchie, une ressource qui l'éloigne du pouvoir politique direct, mais qui ne lui enlève en fait rien de son influence, au contraire.
Il est faux en tout cas de croire que le roi n'aurait que du prestige, tellement cette capacité d'en imposer, liée profondément à tout ce qui précède l'ère de l' « Öffentlichkeit », a prouvé et continue à prouver son efficacité.
2) Le déploiement de l'"Offentlichkeit"
Les réunions du peuple à l'église ou dans la rue sont régulées par les prescriptions de la liturgie ou celles des traditions folkloriques. Toute la société se trouve ainsi réglementée, y compris dans ses activités économiques (règlements contraignants, protectionnistes, des corporations des métiers, octrois... qui entravent la « libre » circulation des biens etc.).
C'est d'abord pour des raisons économiques que les bourgeois qui s'adonnent au commerce et à l'industrie, ainsi que les nobles qui les accompagnent dans ces activités, vont s'opposer à l'Ancien Régime. Le café a commencé à être bu en Europe au 16e siècle. Il va être distribué dans des locaux qui vont prendre eux-mêmes le nom de « cafés » et qui vont être le lieu de naissance de l' « Offentlichkeit ». Dans ces cafés, les nobles et les bourgeois se réunissent. Leurs thèmes de discussions vont être d'abord la littérature et l'art (naissance de la critique d'art, apparition des « salons littéraires »). Mais ces thèmes de discussions ressemblent à l'eau qui amorce une pompe. On en vient vite à des discussions politiques dans l'Angleterre du 17e siècle et, plus tôt encore, dans la Hollande de la deuxième moitié du 16e siècle (c'est la Hollande qui a fondé l'idée de nation et donc de la démocratie). Ce qui se produit dans ce type de rassemblements, c'est le fait que l'étiquette ne les régule plus. Les distinctions de rangs entre la noblesse et la bourgeoisie, ou à l'intérieur même de la noblesse, ne jouent plus aucun rôle. On prend le pli de traiter d'égal à égal, la seule autorité qui s'impose étant celle du meilleur argument, soit sur le plan de la discussion littéraire, soit sur le plan de la discussion politique.
Bientôt, avec l'extension de la puissance économique de la bourgeoisie, ces discussions s'étendent. Il devient nécessaire pour les relayer d'avoir recours à la presse, qui vient d'être inventée et qui va offrir à ces débats une diffusion beaucoup plus ample (même si, au départ, les journaux n'ont que quelques milliers de lecteurs). C'est même cette caractéristique - la presse -, qui distingue l' « Öffentlichkeit » moderne des anciens espaces publics comme l'espace public grec ou romain. En Grèce ou à Rome, il y a eu aussi débat, mais non relayé par des journaux (et donc non amplifié). En outre, le soubassement économique de ces espaces publics de l'Antiquité n'est pas le même: on est alors dans une économie dont le mode de production dominant est l'agriculture et dont la figure représentative est le « pater familias ». La notion d'échange, de liberté économique ne sont évidemment pas non plus les mêmes. Par rapport à ces espaces publics bourgeois, anglais, hollandais, liégeois, français, américains... il convient de signaler l'existence, de 1789 à 1794, d'espaces publics populaires, ceux des sections de Paris où le peuple se réunit pour discuter de la conduite de la France tout entière, avec, dans ce cas aussi, un rôle considérable joué par une presse beaucoup plus populaire ( dont Marat est un éditeur célèbre). Arlette Farge a montré que cette sphère publique populaire avait autant d'extension que la sphère publique, surtout bourgeoise, dont parle Habermas 20 .
A partir de ce déploiement de l' « Öffentlichkeit », l'autorité ne pourra plus s'exercer de la même façon. Elle devra argumenter. Le lieu par excellence de cette argumentation qui concerne des collectivités entières, c'est la presse (parlée ou écrite). La liberté de la presse n'est pas l'une des libertés parmi d'autres de la démocratie, mais son oxygène, dans la mesure où la démocratie, c'est le débat, avant d'être les élections. Les élections découlent assez logiquement du débat mais n'en sont que l'émanation. Leur résultat ne supprime nullement le débat: celui-ci peut d'ailleurs exister, en certains types de réunions, sans qu'il y ait formellement vote. La place centrale de la presse n'indique aucun privilège, mais la presse est la condition nécessaire de l'exercice même de la réalité de la démocratie. Malheureusement, depuis les grandes révolutions démocratiques des 17e et 18e siècles, cette presse a évolué de manière telle qu'elle contribue à l'affaiblissement de la « publicité » (diminution de la matière rédactionnelle de la presse écrite, vide d'une certaine télé).
La notion d'irresponsabilité revue à la lumière d'Habermas
Les partisans de la monarchie aiment à faire valoir que le roi, du fait de l'irresponsabilité constitutionnelle de son rôle, ne détiendrait en réalité aucun pouvoir. Réexaminons cette notion d'irresponsabilité, cette fois à la lumière de la pensée d'Habermas.
On peut l'opposer à la responsabilité des ministres et des hommes politiques en général (voire même des simples citoyens). Lorsqu'un homme politique prend une décision, il doit en rendre compte, d'une manière ou d'une autre, à la presse, au Parlement. Il doit par conséquent être à même de justifier cette décision par des arguments. Et des arguments développés dans l'espace public. Rappelons que « publicité » est la traduction française et anglaise (publicity), du terme allemand « Öffentlichkeit » (littéralement « ouvertementité », « le fait de faire les choses ouvertement »). L'avènement de la « publicité » aux 17e et 18e siècles a suivi une très longue période qu'éclairent, de loin en loin, les feux éphémères et pauvres d'espaces publics limités territorialement pour des raisons techniques (l'absence de l'imprimerie et des techniques modernes de communication permettant - du moins en principe -, la participation politique d'énormes masses humaines), comme le Forum romain ou l'Agora grecque. Le cours normal de l'histoire humaine est, jusqu'à ces siècles, plongé dans le « silence » dont parle Saint-Just, et dont il dit qu'il « règne autour des trônes ». Le mode d'exercice du pouvoir par des souverains datant de l'époque du « silence », ou datant de l'époque de la « publicité », ne peut fondamentalement pas changer, quelle que soit l'étendue de ce pouvoir réel. Toujours, la monarchie doit régner dans le « silence ». Cette manière de posséder le pouvoir constitue un handicap par rapport à la manière dont le détiennent les chefs démocrates, mais elle comporte aussi un avantage.
D'une part, cette nécessité dans laquelle le pouvoir démocratique est obligé de rendre des comptes, le limite. D'autre part, elle l'accroît car ce n'est pas rien, si l'on arrive à persuader l'opinion, de pouvoir prendre une décision à laquelle les hommes acquiescent librement, par raison, intérieurement. Cela donne une autorité extraordinaire, que personne n'a jamais détenue comme telle dans l'Ancien Régime. Les chefs démocrates sont plus forts que n'importe quels chefs en ce sens. Mais il peuvent évidemment être remis sans cesse en cause... par d'autres arguments, qui peuvent triompher de ceux dont ils se sont servis. Or, nous sommes habitués à voir exercer ainsi l'autorité et pas seulement dans le domaine politique, mais dans tous les domaines, qu'il s'agisse d'une décision familiale 21 de partir en vacances, de l'organisation d'une fête, d'une association de fait (patro, club colombophile, joueurs de cartes, etc.): sans cesse les décisions doivent être soumises à un débat. Et même si celui-ci n'a pas lieu effectivement (car tout le monde est content de la manière dont les choses sont gérées), le débat est cependant toujours présent, ne fût-ce que dans cet acquiescement implicite qu'une décision non-rationnelle, une injustice peuvent remettre en cause à tout instant. C'est seulement par rapport à cet exercice éminemment prestigieux de l'autorité en démocratie que le pouvoir du roi peut apparaître comme terriblement limité sinon même nul. Mais, bien entendu, comme nous avons l'habitude de voir s'exercer ainsi l'autorité, nous supposons que celle du roi n'existe pas, car elle s'exerce selon des modalités étrangères à notre culture politique contemporaine issue des Lumières: elle s'exerce, conformément à la période qui précède les Lumières, dans le secret.
Quand le roi est déclaré « irresponsable », cela ne veut pas dire bien entendu qu'il est fou mais qu'il est irresponsable politiquement. D'une part, aucune décision (sauf circonstances rarissimes), ne peut être prise sans lui (sans son seing, sa signature). D'autre part, sa seule signature ne donne aucune force à la décision prise. Il faut qu'elle soit contresignée (contreseing), par un ministre qui, par là même, s'en rend responsable devant le Parlement, devant l'opinion, manière pour lui d'être limité (par les critiques qu'on va lui faire et qui peuvent provoquer sa chute), mais manière pour lui aussi d'obtenir la consécration que lui vaudra l'assentiment éventuel à travers un débat contradictoire. Si le roi ne jouit pas de cette faculté d'être approuvé politiquement, démocratiquement, par le Parlement, il est, de fait, dans l'esprit de notre conception démocratique de l'autorité, limité. Mais cette limite a une formidable contre partie. C'est que le roi n'est pas responsable et qu'il peut donc exercer une influence. En fait, d'ailleurs, il est une autorité du roi qui est manifeste: si le seing appelle le contreseing, l'inverse est vrai aussi puisque, sans le roi, les ministres ne peuvent poser des actes politiques à moins de malmener la Constitution ainsi qu'on l'a vu en avril 1990 quand le roi, refusant de signer une loi, fut déclaré « dans l'impossibilité de régner ». Rappelons que le pouvoir du roi, quel qu'il soit, n'est jamais contrôlable ni contrôlé (on ne peut « découvrir la couronne », dit-on). Ainsi, la décision d'envoyer les paras au Rwanda en 1990 relève bien d'une initiative du roi, même si le JT 1 de la RTBF, surtout, se comportant en l'occasion comme une presse d'Etat ou de régime, en a toujours parlé au conditionnel. Lors du Vlaamse Leeuw fredonné par Albert II à la fête nationale flamande, en juillet 94, alors que les images télévisées étaient évidentes, beaucoup de journalistes ont fait comme si la chose n'était pas sûre. On songe toujours au conte d'Andersen...
On croit parfois naïvement 22 que cette disposition d'"irresponsabilité" serait une notion "moderne" inventée pour les besoins d'un Etat qui s'est voulu démocratique dès le départ. Certes, la notion même (les Constitutions sont écrites à partir du 17e et du 18e siècles) est nouvelle, mais elle correspond à un fait ancien lié, lui-même, à la "non-publicité" de l'Ancien Régime. Il est clair qu'un roi d'Ancien Régime est, lui aussi, irresponsable. Il ne doit se justifier devant rien ni personne (il doit seulement se conformer à la loi non-écrite du régime monarchique). "Quelle sanction peut-on porter contre lui à ce moment" nous demandera-t-on? Cette question est une objection car si rien n'est écrit, dans l'Ancien Régime, sur la manière de déposer les rois, on pourra penser que la monarchie est sans loi. Mais même à notre époque, aucune sanction n'est prévue contre le roi. On pourrait objecter qu'il n'y en a pas non plus contre le Président français et que les sanctions contre les ministres belges ont été fixées très récemment (mais là, on parle de sanctions judiciaires). Mais ce serait oublier que le Président français peut toujours être désavoué aux prochaines élections, ce qui est moins dur que l'impeachment américain, mais plus incommode que l'immunité politique des rois. On sait que les ministres peuvent être renversés, désavoués, démissionnés. A l'immunité politique du roi s'ajoute son immunité judiciaire: le roi ne peut pas être traduit devant un tribunal.
Imaginons d'ailleurs que le roi des Belges ait à s'expliquer. Un jour ou l'autre, son argumentation serait contredite par un Parlement ou n'importe quelle assemblée du même type. A ses raisons, s'opposeraient d'autres raisons qui l'emporteraient sur les siennes et aussi sur lui-même. C'est bien ce qui se produit en démocratie: même les hommes d'Etat les plus illustres finissent par se retrouver en minorité, battus par de meilleurs arguments. Et alors, ils se retirent. Ce serait attenter au principe de la monarchie elle-même (qui implique la continuité dans le pouvoir jusque la mort ou la volonté de celui qui détient le pouvoir de se démettre), que de la faire dépendre d'une discussion, d'un débat. Par quoi remplacerait-on alors le roi ainsi « renversé »? Par un autre roi? Mais il faudrait en trouver beaucoup! On le voit, la notion d'irresponsabilité ne met pas la monarchie, phénomène typique d'Ancien Régime, en accord avec les exigences rationnelles et démocratiques de la modernité. L'irresponsabilité est la seule façon de se maintenir, de maintenir un pouvoir reposant uniquement sur la hiérarchie acceptée comme telle, de maintenir une autorité qui n'est pas légitimée par le débat ou la démocratie. Force est de constater que ceux qui vont répétant que le roi n'a pas de pouvoir, même s'ils sont adversaires de la monarchie, sont très fidèles à l'esprit de la Constitution. Puisque celle-ci fait du roi quelqu'un d'irresponsable, il faut sans cesse redire du chef de l'Etat qu'il n'a pas de pouvoir. C'est ce que les ministres, interpellés sur une attitude du roi qu'ils ont à couvrir, vont répétant sans cesse depuis Léopold Ier. La plupart des analyses de la monarchie belge ajoutent qu'à cette absence constitutionnelle de pouvoir, il faut cependant ajouter le pouvoir d'influence. Dont on ajoute ensuite qu'il ne peut être déterminé que par les historiens. Etrange aveu, souvent répété, tant par les adversaires de la monarchie que par ses partisans, tant par François Perin que par André Molitor.
Le pouvoir symbolique et le pouvoir réel des rois des Belges concurrent à la minorisation d'une société. Le pouvoir symbolique du roi est tel que c'est lui qui tend à donner à la Belgique son véritable sens à une époque où, vu la mondialisation de l'économie, la Belgique n'a plus à tirer gloire de sa réussite matérielle (réelle ou prétendue). Le pouvoir réel du roi joue en faveur du maintien de la Belgique dans cette insignifiance car l'un des pouvoirs réels du roi c'est d'être capable, par exemple avec le fédéralisme, d'en jouer le jeu pour mieux en atténuer la portée (dans le discours du 21 juillet 1994, les composantes de la Belgique fédérale furent ramenées au rang d'entités, sans que leur soient reconnues leurs personnalités de peuple), pour en casser la dynamique. Celle qui devrait normalement, naturellement, dans un pays qui possède seulement deux composantes essentielles, mener à la reconnaissance de la Wallonie et de la Flandre comme deux nations. Mais il faut voir maintenant comment l'esprit de la monarchie peut imprégner vraiment, concrètement, jusque dans les attitudes implicites et les échelles de valeurs les plus immédiates et spontanées, toute une société.
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- 1. T. Larson, Sweden, The Crown and the State, in Het koningschap in het parlementair stelsel, n° spécial de la revue Res Publica, n°1, Bruxelles 1991.
- 2. R.Fusilier, Les monarchies parlementaires en Europe, EO, Paris, 1960.
- 3. P. Lebrun et alii, Essai sur la révolution industrielle en Belgique I770-1847, Académie Royale de Belgique, Bruxelles, 1976.
- 4. J. Fontaine, Dualités structurales et déclin de la monarchie, in Les faces cachées de la monarchie belge, Contradictions n° 65-66; et TOUDI n° 5, Quenast, Walhain, 1991, dont ce chapitre s'inspire largement.
- 5. Dans le Tome X de l'Encyclopédie française, Paris, 1933, n° 10, 68, p.12, Henri Pirenne ose même écrire : « L'autorité morale du souverain lui permet désormais d'user plus largement que ses prédécesseurs de ses pouvoirs constitutionnels. »
- 6. F. Bovesse, Pour la défense intégrale de la Wallonie, Institut Destrée, Charleroi, 1990.
- 7. (7) Bourdieu, La distinction, Minuit, Paris, 1979.
- 8. P. Bourdieu, La sainte famille, in Actes de la recherche en sciences sociales, n° 44/45, 1982, p. 46.
- 9. Ibidem, p.47.
- 10. Jean Stengers, L'action du roi en Belgique depuis 1831, Duculot, Gembloux, 1992, p.296.
- 11. King Albert's Book, The Daily Telegraph, in conjunction with The Daily Sketch, The Glasgow Herald and Hodder and Stoughton; Londres, Noël 1914, traduction française, sans lieu ni date.
- 12. M.R Thielemans, Albert Ier, Carnets et correspondance de guerre 1914-1918, Duculot Gembloux, 1991.
- 13. Rappelons l'opinion d'Henri Pirenne rappelée plus haut, en note 5).
- 14. A.Molitor, La Fonction royale en Belgique (1ère édition), CRISP, Bruxelles, 1979, p.156. Ce passage a été supprimé dans la 2e édition.
- 15. A.Molitor, La fonction royale en Belgique, (2e édition revue) CRISP, Bruxelles, 1994, p. 79.
- 16. Voir J-M Piemme, Héros et saint, Un théâtre de l'exemple in Questions Royales, Labor, Bruxelles, 1994, pp. 81-84.
- 17. P.Bourdieu, Choses dites, Minuit, Paris, I987, pages 21-22.
- 18. J.Habermas, L'espace public, Payot, Paris, 1978, p. 36.
- 19. Ibidem, pp. 24-25.
- 20. Habermas a vu surtout le déploiement d'une sphère publique bourgeoise, alors qu'Arlette Farge montre bien qu'au 18e siècle en France cette sphère publique était également populaire dans Dire et Mal dire, Le Seuil, Paris, 1992, où les exemples de circulation orale mais aussi écrite d'une parole populaire critique et argumentée sont sans doute même plus nombreux que ceux de la parole bourgeoise.
- 21. Dans Théorie de l'agir communicationnel, Habermas fait allusion directement aux rapports à l'intérieur de la famille, voir le Tome II, p.444.
- 22. H.Pirenne rapproche l'irresponsabilité des... Ducs de Bourgogne de la notion constitutionnelle de 1830 in Histoire De Belgique, Lambertin, Bruxelles, 1947, t II, p. 394.