Comment une certaine amérique échafaude et consolide un certain anti-américanisme
Qu’on ne se méprenne surtout pas sur les sentiments de l’auteur du présent article : l’anti-américanisme primaire n’est pas sa tasse de thé. Mais le comportement global de l’Administration BUSH et, faut-il le dire, de pas mal de médias américains reflétant sans doute une partie de l’opinion publique outre-atlantique, ce comportement a de quoi crisper même les plus chauds partisans de relations bilatérales entre les USA et notre pays. Quelques faits non-exhaustifs qui puissent étayer l’agacement qui est souvent celui de nos concitoyens...
Au lendemain des attentats du 11 septembre, G. BUSH tient un discours digne des intégristes religieux qu’il va vilipender par ailleurs. Un vrai discours théologique qui ramène le monde à deux camps : celui du Bien (où il situe bien entendu les USA) et celui du Mal (où il situe les Nations qui refusent de faire allégeance aux USA). Cette vision manichéenne heurte de plein fouet les traditions humanistes toutes en nuances qui sont les nôtres et rappelle les temps de l’Ancien Régime où État et Religion étaient comme cul et chemise.
Ces mêmes USA, qui dans leur conception manichéenne du monde, s’autoproclament les gendarmes du monde refusent d’adhérer au Tribunal Pénal International. Pire : ils vont négocier avec les pays qui y ont souscrit de manière à exempter leurs ressortissants de toute poursuite émanant de ces pays. Tout comme ils vont refuser d’adhérer à la Convention contre les mines anti-personnels, le protocole de Kyoto, ou menacer de sanctions économiques l’Europe lorsqu’elle privilégie les importations de bananes venant d’Afrique ou lorsqu’elle s’oppose à l’usage des OGM ou des hormones dans la viande. Au prétexte que cela nuit à leur économie.
Il y a quelques mois, ces mêmes USA font un pied de nez à l’ONU qui réclame un peu de temps pour désarmer l’Irak accusée de posséder des armes de destruction massive dont on n’a pas encore retrouvé le moindre petit bout à ce jour. Dans le même temps, ils imposent de facto à la Belgique d’ouvrir son espace aérien. On n’oubliera pas de sitôt les déclarations matamoresques de MM FLAHAUT et MICHEL sur les sondes de la RTBF, immédiatement contredites dans les heures qui ont suivi.
Aujourd’hui, rebelote ! Les USA tapent du poing sur la table de l’OTAN en menaçant tout simplement de le délocaliser (comme si cette décision leur appartenait à eux seuls), si la Belgique ne supprime pas sa Loi de compétence universelle. Loi qu’elle a déjà aménagée sur injonction de ceux-ci peu auparavant. Et qu’elle vide quasi-totalement de sa substance à présent, malgré les déclarations rassurantes de Mme ONKELINX et de M. DI RUPO. À l’heure où sont écrites ces lignes, la réponse des Américains n’est pas encore connue. S’ils venaient à la trouver non conforme à leur souhait, je crains fort que ladite Loi ne soit purement et simplement abrogée.
Et la liste pourrait s’allonger. Ce qui est insupportable dans tout cela, c’est que ceux-là mêmes qui s’autorisent à donner des leçons au monde, des leçons de démocratie tout en soutenant les pires dictatures qui soient, des leçons d’éthique tout en en étant totalement dénués en matière de commerce par exemple, que ceux-là rechignent tellement à assumer leurs devoirs de nation dominante. Que ceux-là sont les premiers à illustrer et de quelle manière!, que la loi du plus fort est toujours la meilleure.
C’est tout cela que nous ne pouvons admettre, qui heurte notre conception d’un monde solidaire où les intérêts égocentriques, à défaut de pouvoir être éradiqués, sont à tout le moins encadrés, pour céder peu à peu la place à une société mondialisée au plan de la liberté, de l’égalité et de la fraternité. Et pas seulement dans les mots au bas de chartes ou au fronton de bâtiments, mais dans la vie de tous les jours.
Une nation comme les USA, surpuissante, n’en a que plus de devoirs à cet égard si elle entend, comme elle le prétend, se ranger dans l’axe du Bien. Ce n’est qu’à ce prix qu’elle cessera d’alimenter ce prétendument anti-américanisme primaire dont elle se dit victime malheureuse sans vraiment jamais tenter de s’auto-évaluer.