Conclusions: un peuple au milieu de nulle part ?

5 décembre, 2013

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Nous écrivions dans Toudi mensuel il y a déjà plus de 15 ans, qu’il n'existait pas de cheminement unique vers la Nation en tant que lien concret et théorique entre le passé et l'avenir d'un groupe humain, mais ce lien reste indéterminé, car il résulte à chaque fois d'une expérience collective singulière et contingente pour chaque communauté de destin.

Christine Mahy et le RWLP

Christine Mahy et le Réseau Wallon de Lutte contre la Pauvreté

Si l'on adopte cette définition de la nation en tant que rencontre entre l’histoire et un imaginaire collectif, nous pensons que la Wallonie et la Flandre sont deux « communautés de destin » possédant chacune un imaginaire propre et distinct mais aussi interpénétré en voie d’affirmation. Ces deux Régions sur le point de devenir des Nations, par l'intermédiaire de cheminements historiques différents, n’en demeurent pas moins toutes deux, encore aujourd’hui, dépourvues d’une vision claire des valeurs communes qui leur sont propres, valeurs évoquant simultanément source de sens, points de repère et lien entre le passé et l'avenir.

Cette vision nous paraît importante, car, à notre sens, il ne peut y avoir de vie sociale et civique sans loyauté et fidélité à ces valeurs communes. Pour beaucoup d’acteurs et d’observateurs de l’espace public (ou politique) wallon, la Wallonie ne serait pas une Nation et, corollaire logique, la Flandre, elle, en serait déjà une. C’est évidemment poser la question de manière erronée. Il faudrait plutôt se demander pourquoi les élites politiques et médiatiques francophones (et flamandes ?) font tout ce qui est en leur « pouvoir » pour que la médiation politique indispensable à l’affirmation nationale et donc à ce vouloir-vivre ensemble, ce plébiscite quotidien, si cher à Ernest Renan n’advienne pas ? En exagérant si peu, nous pourrions même écrire que ces élites politico-médiatiques refusent même de considérer l’existence d’un tel espace : les institutions de la Wallonie n’ont jamais exercé dans leur histoire autant de compétences et pourtant le sentiment qu’elle serait au milieu de nulle part n’a jamais été aussi prégnant …

Pourtant, dans ce que l’on pourrait appeler les champs culturels et sociaux, la Wallonie est bien présente, peut-être même comme elle ne l’a jamais été auparavant en son histoire. Oserions-nous écrire que les créateurs et artistes ainsi que les interlocuteurs sociaux (une très grande partie du patronat et les organisations syndicales ouvrières et agricoles notamment au sein du CESW), suppléent en fait les femmes et hommes politiques, paralysés, dans leur très grande majorité, par leur campanilisme et subissant silencieusement (mais volontairement ?), l’omnipotence et la domination d’un petit groupes de personnes sur la vie politique francophone et donc wallonne. Le « jeu » politique demeurant le pilier dominant de la vie médiatique et ce, beaucoup plus que l’actualité culturelle et sociale, cette sensation d’être dans les limbes n’en est que renforcée.

Mais ce n’est certainement pas la première fois qu’une telle situation se produit : après le dénouement de la question royale, des syndicalistes surtout de la FGTB , des intellectuels et des artistes furent bien seuls quand ils jetèrent des cris d'alarme face à la catastrophe sociale qui s’annonçait en Wallonie. Ils étaient alors quasi privés de relais politique. La violence de l’explosion de la grande grève de 1960-61 n’en fut que plus grande. Nous voudrions rappeler aux dirigeants politiques wallons que poser la question de la Wallonie, c’est poser la question centrale pour toute l’Europe : celle de la souveraineté et de la recherche des nouvelles formes que celle-ci pourrait prendre pour redonner aux citoyens le sentiment d’être maitres de leur destin individuel et collectif. Mais sans doute qu’à l’instar de tous les autres dirigeants européens, ils n’ont aucune envie de poser cette question à laquelle ils ne peuvent ou ne veulent plus apporter de réponses ? Pourtant être un dirigeant c’est bien autre chose que de réduire les déficits publics et démanteler les services publics, c’est savoir montrer le chemin, la direction à prendre à son peuple, et non pas, comme en donnent l’impression de nombreux responsables politiques wallons, cantonner ce peuple au milieu de nulle part.

S'ils persistent dans leur impolitisme, ce sera à notre peuple de trouver seul ce chemin vers la souveraineté. Comme dans les nuits de décembre et janvier 1960-1961 où il neigea de l'impossible. Vers quoi il faut se tourner, car— tout qui aura lu les lignes qui précédent en conviendra—c'est cela l'avenir. A moins qu'il n'y en ait pas. A moins qu'il n'y en ait plus.

Mais que la Wallonie ait —ou non—, un avenir c'est à nous d'en décider.