De différents livres « royaux et royalistes » de 2002 à 2004

Toudi mensuel n°66-67, janvier-février-mars 2005

Depuis « l'avènement » de Léopold III fin 2001 au Trône de best-seller de l'édition par la publication de son livre Pour l'Histoire sur quelques épisodes de mon règne - 100.000 exemplaires vendus (Racines, Bruxelles, 2001), les enfants de sa deuxième moitié imitent leur père et les publications des plumes royales n'arrêtent pas de voler sur les présentoirs des librairies. D'autres plumes journalistiques et historiennes viendront ces deux dernières années remplumer les habits nécessiteux de la famille royale.

Esméralda et son père

La pourvoyeuse la plus prolixe est Esméralda qui, dans le sillage de son père, n'a pas attendu que les pages de Pour l'Histoire se refroidissent pour publier Léopold III, mon père qui aurait pu s'intituler Pour mon père. Ce père, qu'elle présente : « S'il n'était pas né fils de Roi aurait pu devenir scientifique, mathématicien, ethnologue, botaniste, ingénieur, poète. Il fut tout cela et beaucoup plus. » (Quatrième de couverture, Editions Racine, 2001). N'en jetez plus, Altesse, la couronne est pleine ! Sur 175 pages, ici tout n'est qu'amour familial, conjugal, golf, luxe, élégance et exotisme.

D'Argenteuil au Sénégal en passant par la Colombie, le Congo belge, les États-Unis, l'Inde, l'Amérique Centrale, l'Amérique du Sud, le Sud-Est asiatique, les voyages ne sont que «scientifiques ». L'aspect politique, social, économique en est totalement absent ! Dans l'avant-propos, Esméralda écrit : « Il avait acquis une vue philosophique, lui permettant de contempler les événements du monde avec calme et détachement. » Écrire cela après la publication de Pour l'Histoire fait penser qu'Esméralda n'a pas bien lu le livre de son père. Au lieu de calme et de détachement, on y trouve plus de hargne et d'attachement. Hargne sur Pierlot et les politiciens, attachement entêté à justifier sa politique. Si Léopold III, après son abdication, s'est évadé dans ses voyages, il n'en est pas moins resté prisonnier de ses aversions.

Fin 2004, Esméralda remet une brique - 517 pages - à son édifice léopoldien - sous forme de Carnets de voyage 1919-1983 - de Léopold III, Editions Racines, 2004. Elle ne le présente plus comme un scientifique ... et « beaucoup plus », mais comme un explorateur qui : « S'il se plie volontiers aux obligations telles que réceptions officielles, discours, rencontres avec la communauté belge, visites aux chefs d'État, etc. Léopold III ne peut cependant dissimuler sa préférence pour une façon simple et discrète de voyager. » (p. 8) Tout cela est ... simplement très compliqué !

C'est curieux comme tous ces Rois, Reines, Princes et Princesses veulent faire simple alors qu'ils sont très attachés à leur protocole très compliqué.

S'il est vrai que dans ses notes de son premier voyage au Congo avant de monter sur le Trône, on peut lire quelques critiques de la colonisation dans ses aspects les plus outranciers, présenter ces quelques remarques (deux pages sur 30) comme : « une terrible charge contre la politique coloniale belge au Congo » (La Libre Belgique, 3/12/04), c'est charger un texte d'un contenu qui ne s'y trouve pas, en ce qui concerne le premier voyage en 1925. Les notes du deuxième voyage en 1933 révèlent une grande découverte pour le Prince Léopold. Il découvre que notre politique coloniale est une : « politique d'exploitation capitaliste. » ! (p. 153) Le spectacle de l'exploitation était tel qu'il s'est senti forcé de s'interroger sur ses pratiques. Quant à présenter la réalité de 1933 en opposition à la charte coloniale (p. 155) qui, d'après le Prince Léopold, préconisait l'amélioration sociale et matérielle des indigènes, c'est de nouveau introduire dans des textes ce qui ne s'y trouve pas. La charte coloniale établie en 1908 était caractérisée par une extrême centralisation, contrôlée par les Chambres devant qui le Ministre des Colonies devait être responsable. Cette charte était une réponse à l'absolutisme de Léopold II.

Cette charte élabore les pouvoirs de la Belgique sur le Congo pour y réaliser une « œuvre nationale de civilisation et de mise en valeur. » C'est un catalogue de bonnes intentions comme l'enfer en est pavé et qui n'a pas empêché l'exercice du travail forcé pendant plus de 50 ans. (Congo, Mythes et Réalités - 100 ans d'histoire - J. Stengers, Ed. Duculot, Gembloux, 1989 - p. 179 à 204).

Des notes de 1933, nous passons à celles de 1952. Près de 20 ans sans aucune note de voyage. De 1952 à 1983, Léopold voyage principalement en Amérique du Sud et en Amérique Centrale. Ses notes de voyage sont autant d'impressions touristiques que scientifiques sur plus de trois cents pages. Les scientifiques y trouveront certainement des informations intéressantes sur la faune et la flore de ces pays. Aucune autre impression n'apparaît dans ces écrits, absence de toute information politique, sociale, économique. Pour Léopold, ces pays ne sont que des sujets à commentaires touristiques et scientifiques.

En 1957, trois ans avant l'indépendance du Congo, Léopold y voyage trois mois de février à avril.

Tout y est : « très bien » - Cité indigène, Fonds du Roi (p. 289) - Deux cités indigènes de Bagera et de Katutu avec leurs foyers sociaux (p. 297) - Visite des œuvres sociales. Frères Maristes (p. 298). La dominante de ces voyages de Léopold, c'est l'exotisme : paysage fabuleux, spectacle magnifique, vue splendide, admirer le coucher de soleil, etc.

Albert II

Au soir de sa présence au grand Soir - le journal - Ch. Laporte qui depuis a choisi la liberté (!) à La Libre Belgique, s'est servi de sa plume comme d'un plumeau pour maquiller Albert II en Roi fédéral (Albert II, Premier Roi fédéral, Ed. Racine, 2003).

D'après lui : « Les Saxe-Cobourg n'éclatent, ne donnent la pleine mesure de leurs capacités que lorsqu'ils atteignent la fleur de l'âge (p. 8). À cinquante ans, Léopold III a abdiqué. Que voilà un bel exemple de la fleur de l'âge. Que n'a-t-il été suivi par ses deux fils dans cet exercice ! Le règne de son fils « fut jugé sans faute à l'exception d'avril 1990 » (p. 9). Ce Jugement péremptoire n'est étayé par aucun élément. Donc, Lumumba, Opgrimbie, Mobutu, Habyarimana, Franco, Jean-Paul II, ... Connaît pas ! L'auteur annonce tout aussi péremptoirement qu'il observe la monarchie depuis 1992, comme journaliste et sociologue « avec le recul critique qui sied à un vrai royality-watcher » ! Recul critique et royality-watcher nous semblent difficilement conciliables. Nous venons d'ailleurs de le lire avec le « sans-faute » de Baudouin. Nous en lirons d'autres avec Albert II.

Lors de l'exode des enfants royaux en 1940 dans le sud de la France, escortés comme ils l'étaient par les « dignitaires de la cour » (P. d'Ydewalle, Mémoires p. 423, Ed. Racine), il nous étonnerait beaucoup qu'ils « durent être protégés par la maréchaussée locale » (p. 21). En effet : « flanqué d'une escorte commandée par le capitaine Gallielme, le convoi comprend plusieurs voitures dont une auto blindée où les princes et leur gouverneur, le Vicomte Gatien du Parc, ont pris place » (Léopold III en l'an 40, J. Cleeremans p. 95, Ed. Didier Hatier).

Dans le discours de Paul Reynaud du 28 mai 1940 nous n'avons trouvé aucune accusation « de félonie et de lâcheté » adressée à Léopold Ill (p. 22) comme l'affirme l'auteur (voir le Recueil de documents établi par le secrétariat du Roi p. 115-116).

Qu'au terme de sa Blitzkrieg, Hitler « apparaisse désormais comme le maître incontesté du continent » (idem), c'est ce qui apparaissait effectivement pour les journalistes du « Soir volé » et d'autres. Lire cette phrase écrite par un journaliste du Soir en 2003 sans autre précision, nous paraît affligeant. « Léopold III ne pardonna jamais aux hommes politiques chrétiens de s'être servis de lui » (p. 30). Léopold III avait cette faculté de ne rien pardonner aux autres et beaucoup à lui-même. Dans ce cas précis, il s'est autant servi des hommes politiques chrétiens que ceux-ci de lui. Ils ne l'ont pas « laissé tomber ». Fin juillet 50, début août, la situation n'était pas entre les mains des «hommes politiques chrétiens », mais entre celles d'un gouvernement aux prises avec une grève générale et une marche sur Bruxelles contre Léopold III. Le problème était : ou délégation de pouvoir à Baudouin, ou répression sanglante.

En 1953, Albert entame sa formation militaire dans la marine et est promu amiral en 1971 ! Inutile de dire qu'il « avait satisfait aux épreuves théoriques et pratiques légalement requises pour les aspirants de marine » (p. 37). Tout cela est tellement « légal » qu'il n'y a que lui à être monté en grade à cette vitesse là ! Pendant sa formation militaire, il peut s'absenter deux mois et demi en 1955 pour un voyage d'études aux États-Unis où il est plein d'admiration pour « la discipline rigoureuse, le sens des responsabilités, de l'honneur et du devoir des cadets de l'académie navale d'Annapolis » (p. 38). II n'en a pas autant pour ce qui se passe à Montgomery (Alabama) où le pasteur Martin Luther King organise le boycott des transports en commun pour défendre les droits civiques des Noirs.

Que faire d'un frère royal qui ne sait que faire sinon le lancer dans les affaires ! En 1962, Albert est nommé président d'honneur de l'Office Belge du commerce extérieur. Mais avant cela, il y eut 1960, l'indépendance du Congo suivie de l'élimination politique de Lumumba avant son assassinat. « Ces jours-là, (début octobre) en présence des journalistes, le prince et futur roi Albert, frère de Baudouin, résume l'opinion belge dominante dans les termes que voici : « La crise du Congo incomba à un seul homme, Patrice Lumumba. » (L'assassinat de Patrice Lumumba, Ludo De Witte. Ed. Karthala p. 71). Quelques jours plus tard, le ministre des Affaires Africaines (H d'Aspremont-Lynden) réclame l'élimination définitive du leader nationaliste (idem p. 123). Ch. Laporte n'informe pas ses lecteurs de l'attitude d'Albert en 1960, ni de son soutien au dictateur du Rwanda Halyarimana en 1993 (Baudouin sans auréole. N. Geerts Ed. Labor, Bruxelles, 2003 p. 57).

Un grain de sable (!) vient troubler ce beau monde. « Le prince des sables » (p. 63), Abdullah d'Arabie Saoudite veut faire construire deux complexes hospitaliers et des villages qui les entourent. Un consortium d'entreprises belges se constitue et prend le nom d'Eurosystem. La Société Générale, dont la famille royale est actionnaire participe à l'opération avec son représentant Albert « bien aguerri au monde des affaires » (p. 59). Avant-projets, appels d'offres, réunions d'affaires se succèdent, c'est-à-dire, magouilles, pots-de-vin, empoignades, surenchères festives et financements douteux provoquent la faillite. L'enquête menée par le Haut Comité de Surveillance et l'Inspection Spéciale des Finances démontre que des millions de commissions ont été versées par le biais d'une firme suisse sans aucune déclaration à ce propos. Albert « continua à suivre de très près l'avancement du dossier » (p. 64). Alors, écrire : « La faillite du projet s'accompagne de moult fumets scandaleux qui n'impliquèrent jamais le Prince. » (p. 64)... c'est battre un record de naïveté ou d'aveuglement volontaire !

L'auteur remet le couvert sur « la conscience supérieure » de Baudouin lorsqu'il avait refusé de signer la loi sur la dépénalisation partielle de l'avortement (p. 83), alors que ce refus démontre sa «conscience inférieure » à la fonction royale. A ce niveau, il n'est pas citoyen. Les citoyens ne signent pas les lois. C. Laporte attribue « l'entourloupette » à J. Stengers, il se trompe (p. 83). D'abord il s'agit du mot entourloupe et pas entourloupette et ensuite il est de François Perm à la R.T.B.F. le 6 avril 1990. J. Stengers se contente d'écrire dans L'action du Roi en Belgique. Racines, Bruxelles, 1996 p. 332. « Coup de pouce au textes ». Entourloupe et coup de pouce, deux expressions qui différencient bien les deux hommes.

Au sujet du Vlaams Block, l'auteur approuve le Roi qui ignore ce parti après les élections de 1995 et 1999 et ne reçoit pas ses représentants (p. 95). Présenter cela comme position radicale par quelqu'un qui se veut « au dessus des partis », nous trouvons que cette position est une fuite. Le parti siège à la Chambre et au Sénat, expressions de la démocratie, même s'il n'est pas démocratique. C'est un des paradoxes de la démocratie. S'il existe et reconnu comme il l'est, il faut l'affronter et pas le fuir. Il est étonnant de constater que ce refus est appuyé par un spécialiste de la constitution comme M. F. Delpérée. (Revue générale n° 8-9, août - septembre 2003, p. 7).

Baudouin et à sa suite Albert souhaitaient « la réconciliation des Belges » (p. 145) alors que les institutions organisent de plus en plus leur séparation sous le couvert du fédéralisme. L'amnistie reste un problème « national » entre Francophones et Néerlandophones entretenu par les deux camps depuis plus de cinquante ans. Baudouin était à la recherche d'un consensus, Albert s'en préoccupe beaucoup moins (p. 147). Pour illustrer ceux qui s'étaient fourvoyés dans la collaboration, M. Laporte cite l'ostracisme subit par l'historien Jean-Marie Delaunois lors de la sortie de son livre sur José Streel il y a plus de 10 ans (p. 148). J.-M. Delaunois a remis ça cette année avec une biographie sur Robert Poulet. Quinze maisons d'édition francophones ayant refusé de l'éditer, l'auteur n'a trouvé qu'un éditeur néerlandophone pour ce faire ! Ostracisme pas mort... hélas ! Mais heureusement les journaux francophones ont quand même rendu compte de l'ouvrage dont Le Soir sous la plume de Jacques De Decker, secrétaire perpétuel de l'Académie de Belgique.

Et puis vient l'affaire du Vlaamse Leeuw fredonné à Bruges par Albert II. Pouvait-il ou ne pouvait-il pas le fredonner ? Comme un autre citoyen ?

Il faut savoir que le Vlaamse Leeuw était devenu l'hymne officiel de la Communauté Flamande. Vlaamse Leeuw, piège à Roi ? Faudrait-il une loi qui stipule que le Roi ne peut chanter que la Brabançonne ? Au sujet de l'adoption du Vlaamse Leeuw, il est intéressant de savoir que seules les deux premières strophes étaient utilisables, les suivantes ont été exclues parce que « le sang ruisselait des murs » (Roel Jacobs. Les Cahiers Marxistes n° 226 p. 111).

« Ils avaient bonne mine désormais ceux qui exhumaient toujours la Question Royale et qui avançaient que la famille royale avait choisi le mauvais camp. » (p. 162). Cette phrase est écrite à l'occasion du cinquantième anniversaire de la libération de Bruxelles présidé par Albert II en présence du Grand-Duc Jean de Luxembourg héros de guerre de 1944 dixit l'auteur. D'abord personne « n'exhume » la Question Royale, elle n'est pas morte, au contraire, le succès des publications sur le sujet est évident. Ensuite, en 1944, Jean de Luxembourg ne faisait pas partie de la famille royale. Se servir de lui maintenant pour faire croire que la famille royale avait choisi le bon camp, c'est un abus de l'histoire. De la page 201 à 224, Ch. Laporte décrit longuement l'attitude des politiques, confrontés aux problèmes de société : Semira Adamu, demandeurs d'asile, dioxine, défaite du C.V.P. et du S.P. aux élections, emploi, réforme des polices, etc.

Dans ce chapitre l'auteur a manifestement choisi son camp : la chienlit aux politiciens et le beau rôle à la monarchie ! Pour terminer, Ch Laporte remet pour la quatrième fois sur le métier (!) le refus de Baudouin de signer la loi sur la dépénalisation partielle de l'avortement parce que « la religion jouait un rôle très important dans sa vie » (p. 229). Baudouin n'était pas chef religieux que l'on sache ! Albert et Paola, sous l'influence d'Astrid, ont pris la suite de Baudouin et Fabiola dans le mouvement charismatique, courant « qui a une manière très prenante, à la fois charnelle et spirituelle pour diffuser le message chrétien » (p. 229) « autour de certains groupes de prière de la bonne société bruxelloise » ! (p. 230).

On aimerait savoir où est la mauvaise ! De toute façon, ce « message chrétien » ne doit pas déborder du domaine de Laeken. Quant à la réconciliation d'Albert et de Paola « au point de célébrer une seconde fois son union devant Dieu » (p. 230 - 231) - Laeken vaut bien une messe, n'est-il pas vrai?- il se vérifie une nouvelle fois que les pires braconniers font les meilleurs gardes-chasse.

Le dernier chapitre est intitulé « LE SYMBOLE DE LA BELGIQUE », nous l'aurions plutôt intitulé « LE SAINT-BROL DE LA BELGIQUE » !

Nationalistes, rattachistes, républicains, régionalistes, communautaristes, autonomistes, les habits rapiécés du pays craquent de partout La monarchie a mangé son pain blanc, et la Belgique ne mangera plus de ce pain là. Ch. Laporte nous ressert en terminant le « réel ciment d'unité du pays. » (p. 240) qu'est la monarchie. Le ciment aussi peut se désagréger, il n'est pas éternel.

Pour nous, le vrai ciment de la Belgique c'est la dette publique ! À propos d'argent, M. Ch. Laporte n'a pas écrit un mot sur la fortune d'Albert. Pourquoi? Après ce libre parcours au pays d'Albert II par Ch. Laporte nous concluons par un phrase de l'auteur extraite de son avant-propos (p. 11). « Pour des raisons pratiques, notre étude n'est pas davantage exhaustive, mais se veut toutefois OBJECTIVE !!! Quelle gueule elle a CETTE ÉTUDE OBJECTIVE !!!

La Belgique depuis la seconde guerre mondiale, Xavier Mabille. Editions Crisp, 2003

Dans l'introduction, il annonce que l'évolution de l'État sera survolée à grands traits (p.5). Il y a de quoi s'étonner qu'un historien présente son travail dans des termes aussi généraux qui 'apparentent à une façon de traiter l'histoire superficiellement. Que demande-t-on à un historien sinon d'être précis et concret au lieu de survoler à grands traits?

Le premier « grand trait » présente sur le même pied deux événements d'après guerre d'ampleur complètement différente : « La question royale et la question scolaire. » (p.5). L'abdication d'un roi, première en Belgique depuis 1831, précédée d'une grève importante à acarctère insurrectionnel en Wallonie et la question scolaire qui provoque une grande manifestationrevendicatrice ne sont en aucune façoin deux crises similaires. D'une part, le régime est atteint dans ses fondements et d'autre part, il ne l'est que dans un de ses ajustements.

Pied de biche à l'histoire que de mettre l'abdication de Léopold sur le même plan qu'une subvention cléricale.

p. 26 Henri de Man ne décréta jamais la dissolution du P.O.B.

Dans son manifeste du 28 juin 1940 aux membres du P.O.B., il écrit : « Continuez donc l'activité économique de nos œuvres, mais considérez le rôle politique du Parti Ouvrier Belge comme terminé. » (Le dossier Léopold III. M.Brélaz. Ed. des Antipodes p.184).

Qu'est-ce à dire ? Sinon que H.de Man prend acte d'un état de fait imposé par l'occupation. Il en est de même pour les autres partis politiques dont le rôle est terminé sans qu'ils ne soient dissous.

H. de Man n'était pas seul à faire ce constat puisque au C.E.R.E. (Centre pour la Réforme de l'Etat) le comte Lippens entouré de P.Tschoffen, André de Staercke, P.Wigny, etc. allait beaucoup plus loin que le constat de De Man puisqu'ils préconisaient la disparition des partis politiques remplacés par une chambre corporative (L'An 40. J.Gérard-Libois - J.Gotovitch p.208. Ed. Crisp, Bruxelles, 1970). Le Roi Léopold dépassait tout ce beau monde: « Il y avait cependant certaines vues dont le Roi ne s'est jamais départi et que l'on peu résumer ainsi.

1. Le régime social et politique d'avant guerre doit être considéré comme liquidé par la faillite et il faut s'opposer à toute tentative de le restaurer.

2. Moi, Léopold je n'accepterai plus de régner sous ce régime là. » (de Man, H. Notes sur mes rapports p.32. - Jan Velaers et Herman Van Goethem Léopold III de Koning, het Land, de Oorlog. Ed. Lannoo, Tielt, 1994, p. 1043).

Le manifeste de De Man constituait une initiative personnelle et en juin 1940, de Man n'avait aucune compétence pour dissoudre le P.O.B., tandis que le C.E.R.E. était constitué d'hommes politiques et de notables proches du Palais Royal et de l'archevêché. Quant au Roi Léopold...

Il s'agit de ne pas confondre rôle terminé avec dissolution. Pourquoi le constat de De Man a-t-il été déformé et pris une telle ampleur alors que les propositions des notables et de Léopold III n'ont pas eu la même publicité ? Tout ce que l'on peut reprocher à De Man... après coup ( !), c'est l'imprudence de sa phrase.

Comment ne pas reprocher à X.Mabille l'imprudence de ce qu'il avance, en ce qui concerne H.de Man et « l'oubli » des notables et de Léopold III ?

p. 37 Les origines de la Question Royale remontent à avant le 25 mai 1940.

Dès 1936, la politique d'indépendance puis la neutralité ne sont pas acceptées en Wallonie. (Voir les interventions de J.Rey, G.Truffaut, M.Thiry, E.Jenissen, M.Buset, Le Flambeau, etc.) Ils n'ont pas été écoutés comme ils auraient dû l'être puisque cette politique royale a été une faillite complète. Le 25 mai 1940 n'est pas l'origine de la Question Royale, mais la fin de l'équivoque entre le gouvernement et Léopold III.

p. 239 La mort du Roi Baudouin ne provoque qu'un « concert d'éloges soulignant les qualités d'écoute et de scrupule ». L'auteur ignore la quantité de livres qui ont souligné l'exagération médiatique de la mort du Roi ainsi que la publication de Les faces cachées de la monarchie édité par TOUDI et Contradictions.

p. 279 Au sujet de l'assassinat de Lumumba. M. X.Mabille écrit que le rapport de la commission d'enquête parlementaire : « conclut à l'existence de responsabilités morales de la part des dirigeants belges en fonction en 1960 ». Dans ses conclusions, la commission d'enquête parlementaire est plus précise : « Le chef de l'État a été informé au moins une fois par le biais d'une lettre du major Weber adressée à son chef de Cabinet, que la vie de Lumumba était menacée. » Il est prouvé que le Roi a pris connaissance de cette lettre (p. 837. Enquête Parlementaire. Doc 50 0312/007).

« Pour financer la politique menée contre le gouvernement Lumumba, le gouvernement belge recourt aux « fonds secrets » dont certains ont été approuvés par le parlement et d'autres pas » (p. 832 idem) : 270 millions de francs.

« Après avoir pris connaissance des événements du 17 janvier (assassinat de Lumumba), le gouvernement, du moins certains de ses membres, a adopté une attitude irresponsable en optant pour la propagation de mensonges à l'intention de l'opinion publique et de ses alliés » (p. 839 idem).

1936, Léopold III, Degrelle, Van Zeeland et les autres... de Jean Van Welkenhuyzen. Ed. Racine. 2004

J. Van Welkenhuyzen, grand historien de la guerre de 40, de la politique de Léopold III et de la Question Royale nous promène dans ce livre dans les chemins encombrés du pouvoir politique aux confins de ses conciliabules feutrés, de ses parlotes de salons, de ses congrès démagogiques, de ses amitiés opportunistes, de ses inimitiés calculées et de ses enfermements royaux.

L'auteur choisit une description intimiste des événements politiques de l'année 1936, menés par les trois protagonistes qui « trônent » sur la couverture du livre : Léopold III photographié sous l'angle le plus idéaliste possible, Léon Degrelle, cheveux, bouche au et à vent, Paul Van Zeeland faciès emprunté, cheveux convenables, visage lisse et froideur distinguée.

Ces trois photos illustrent le contenu du livre : conventionnel, paladin consciencieux, style : le dernier salon où l'on cause. Nous y trouvons la confirmation, si besoin est, que la valeur des hommes politiques et du roi sont à l'époque ce que la musique militaire est à la musique classique.

Voyons, texte à l'appui, comment l'auteur situe ces différents personnages.

Le roi, première photo de couverture, sort glorifié de tous les évènements :« Il a prévu le succès de Rex. » (p. 12). « Il y voit un mouvement profond de NETTOYAGE, un mouvement moral, pas économique. » (p. 83). « Il déteste ce qui n'est pas franc et net. » (p 53).« Le roi se déplace au-dessus de ces débats. » (p. 48). « La réunion organisée par le chef de l'Etat fait oeuvre utile. Elle a créé une chance de remettre la négociation sur les rails. » (p. 229).« Léopold III a un peu plus d'expérience que le formateur. » (p. 234). « Léopold III est monté au créneau et l'a remis en selle » (p. 262).« En offrant à celui-ci (Van Zeeland) de former la nouvelle équipe, Léopold III peut se dire qu'il ne force aucune main. » (p. 296). « Tout au long du parcours, Léopold III s'est comporté en analyste de la situation. » (p. 303).

C'est l'idylle au palais !

Il faut quand même se souvenir que Léopold III n'est roi que depuis deux ans, que c'est son deuxième gouvernement et que dans le livre de G Kirschen Entretien avec Léopold III, celui-ci se plaint que son père Albert Ier ne le tenait pas au courant de la politique (p. 133) et « qu'il ne put me faire part de son expérience personnelle (p. 137), il ajoute : « Là réside sans doute la plus grave lacune de mon éducation » (idem). On peut croire au miracle, qu'en deux ans cette lacune ait été comblée, mais comme nous sommes agnostiques...

Léon Degrelle, deuxième photo de couverture, le Roi l'a jaugé : « suffisant et insuffisant » (p. 12). Est-ce... suffisant ? On ne saura jamais si ce jugement est bien de Léopold III, c'est un journaliste qui l'a rapporté.

« Le chef de l'Etat a droit à un meeting privé » (p. 57). Bien qu'il soit « agitateur, hâbleur, bluffeur » (idem)... en public, Degrelle a de l'éducation et n'a certainement pas tenu un meeting face à Léopold III qu'il sacralise. En tout cas, ils utilisent le même terme pour exprimer un de leurs souhaits politiques : ils parlent tous deux de NETTOYAGE, Léopold III p. 83 et Léon Degrelle p. 59.

Alors Léopold III, Léon Degrelle même combat ?

Poursuivons les textes sur Léon Degrelle :« clameurs de Léon Degrelle » (p. 205), « Degrelle ricane » (p. 245), « Léon Degrelle ratisse large » (p. 268), « Degrelle le souligne à sa façon, sardonique et jubilatoire. » (p. 293), « Le quotidien de Léon Degrelle ricane » (p. 298), « Degrelle profite de l'aubaine. Il verse du pétrole sur les braises. » (p. 302), « La confusion naît du trouble semé dans l'opinion par Léon Degrelle » (p. 317). Nous savons tous qu'aucun autre politicien ne ricane, ni ratisse large, ni... ni... ni... ! Après l'éclairage des plus lumineux sur Léopold III, celui sur Léon Degrelle est des plus sombres, alors que la réalité historique ne peut s'expliquer par le blanc d'un côté et le noir de l'autre.

Paul Van Zeeland, troisième photo de couverture, Premier ministre en fonction remet le 26 mai 1936, la démission du gouvernement au Roi qui : « exprime le souhait de le revoir bientôt Premier ministre» (p. 15-16). On verra que le souhait (!) royal se réalisera. « Il (Léopold III) ne songe pourtant pas à imposer. » (p. 17), « Jamais d'ailleurs cela n'a été le cas. » (idem) !!!,« Le propos sent l'homme (Van Zeeland) pressé de ressaisir la barre et las des procédures qui n'en finissent pas de retarder l'exercice du pouvoir. » (p. 78). « Mais plus sûrement encore, il (Van Zeeland) se comporte comme quelqu'un qui ne se précipite pas vers le pouvoir. » (p. 182). « Le technicien, l'étranger au sérail (Van Zeeland) est devenu le recours des représentants de la nation. » (p. 296). « Tout se passe comme s'il craignait de soulever des vagues. » (p. 300).

Pas de vagues et encore moins d'ombres à ce tableau. Pour Léopold III, l'homme miracle - encore un - est arrivé (!) parce qu'il a moins d'expérience que le Roi ! Ces trois figures politiques de 1936 ne manquent pas d'intriguer. L'auteur leur donne une telle hauteur (!) en les confinant dans des stéréotypes hors du commun : un sphinx, un vociférateur, un incollable, alors que quelque temps plus tard, l'histoire montrera l'étroitesse des ailes du sphinx, que le vociférateur finira par... nasiller (!) et l'incollable de se tromper de compte avant d'être vicomte !

Les trois ont subi des défaites historiques : abdication, condamnation, démission, l'auteur n'en perçoit rien. Et puis, il y a... les Autres, qui ne doivent pas se réjouir d'être traités de la sorte parce qu'il s'agit quand même, pour les plus importants, de E. Vandervelde, C. Huysmans, A. Devèze, H. de Man, P.H. Spaak qui ne sont quand même pas de la valetaille. Et pourtant, il vont passer un mauvais quart d'heure ! E. Vandervelde est « le vieil homme d'État » (p. 91) « il entend très mal » (p. 119) « il caresse un rêve, présider un gouvernement » (p 125). Camille Huysmans « au moment où il fait piteuse figure vis-à-vis des grèves à Anvers » (p. 139). Le premier est un vieillard doux-dingue. Le second un faiblard désemparé.

A. Devèze, sous sa longue présence au 2 rue de la loi, les questions de Défense nationale se sont muées en noeud gordien (p. 53). « Qui claironnait ses faits et gestes sur tous les toits. » (p. 63). « Le thème de la résistance à la frontière, dont il s'est fait le champion, ne tient pas la route. » (p 194). Ce n'est pas Devèze qu'il doit s'appeler mais... Dévoyé ! H. de Man, « figure de transfuge(s), sinon de traître(s)» (p. 31).« H. de Man aspire à succéder à Van Zeeland. » (p. 179). « Dans cette manière de raisonner perce le théoricien qui parle ex-cathedra, au mépris des contingences » (p. 180). « Il a obtenu les Finances non comme un dû, mais au terme de péripéties sans gloire. » (p. 241). « Détenteur des cordons de la bourse, il fait frémir la droite. La hante qu'en mains de gauche,l'argent ne valse. » (p. 292).

Un ambitieux combinard prêt à tout, P.H.Spaak, « fait figure de transfuge(s), sinon de traître(s) » (p. 31). « L'idéologie lui est étrangère » (p. 215). « Saluant non plus le poing fermé, mais le bras tendu à la romaine. » (p. 240). Spadassin des tous les locaux, pourvu qu'ils soient Spa(ak)cieux. Ces morceaux choisis expressément, démontrent les différents traitements d'abord des trois protagonistes principaux : Léopold III, Léon Degrelle, Paul Van Zeeland et ensuite... les autres.

Léopold III, c'est le vent du large qui purifie tout. Léon Degrelle, c'est l'ouragan de... grêle ! Paul Van Zeeland, l'alizé en poupe.

Quant aux autres, les politiciens du sérail, l'auteur assaisonne leur présentation de grains de poivre suffisants pour ne pas les prendre au sérieux.

Pour conclure, 1936 de Jean Van Welkenhuizen se limite à la description d'un monde politique bousculé par un accès de fièvre momentané , mais qui n'en perd pas sa température de croisière.

Le tableau de la famille politique est intimiste, les querelles ne débordent pas du cadre autorisé, malgré quelques éclats de voix. Le style est très didactique. Ce n'est pas un livre de chevet, c'est un livre de promenade dans un parc où les allées sont bien tracées et entretenues pour que les mauvaises herbes n'envahissent pas les travées. L'ordre... ancien règne à Bruxelles !

Dernières salves et confidences royales

Après Esméralda, son frère Alexandre s'y est mis également en publiant un album de photos sur Argenteuil aux Editions Alice... au pays des merveilles ! (2004). N'oublions pas, Laurent, le prince des cœurs aux Editions Luc Pire, 2004 de J. Vanhaeren, le membre le plus « médiagénique» de la famille royale. S'il n'avait pas été Prince, « sa jeunesse solitaire dans une famille déchirée, sa scolarité difficile et son attitude rebelle » (quatrième de couverture), l'aurait amené si pas à l'ombre, du moins près d'une marginalité à risque.

La vraie marginalité est atteinte par Marie-Christine. Dans La Brisure (Editions L. Pire, 2004), elle vole dans les plumes surtout de sa mère et décrit la vie familiale à Argenteuil qu'elle n'a jamais aimé, comme un carrefour de solitude : une mère despote, un père et un frère absent, une sœur rapporteuse qui la trahissait.

Le mythe de la famille royale unie vivant dans une harmonie permanente qu'Esméralda et Alexandre veulent faire passer ne tient pas la route... d'Argenteuil. De plus, il faut constater qu'Albert II ne se conduit pas comme un gentleman avec sa fille naturelle Delphine Boël avec laquelle il refuse tout contact (Télé Moustique, 28/07/2004).

De même, le courant ne passe plus entre Albert II et son fils Philippe qui trouve son père trop mou et paresseux face à ceux qui veulent détruire la Belgique. « D'ailleurs on ne parle plus dans cette famille. Entre Philippe et son père, entre Fabiola et Paola, entre Mathilde et Claire... et Laurent, lui, ne parle plus à personne. » (Pan n° 3127 du 15 décembre 2004). Dans Un couple dans la tempête, de Claude Désir et Marcel Jullian, Albin-Michel, Paris, 2004, on peut discuter le titre : la tempête dans un couple ce serait mieux. Ce livre n'est qu'un plaidoyer ultra-léopoldiste. Le couple royal est paré de toutes les qualités et les hommes politiques sont décrits comme des « contorsionnistes de la politique », sans scrupules, rivalisant d'hypocrisies et de mensonges. Après cela, on tire l'échelle. Un livre de ragots qui n'apporte rien.

Que conclure de ces différents écrits royaux ? Un constat flagrant : Delphine et Marie-Christine dénoncent des rapports familiaux déliquescents en contradiction avec la présentation idyllique d'Esméralda et d'Alexandre.Quant aux défenseurs à plume de la politique et de la fonction royale, comment ne pas s'adresser à eux en paraphrasant La Fontaine : « Si votre ramage ressemble à votre plumage, vous êtes les phoenix des hôtes de ces... Rois » !