Défendre la culture de notre communauté
[Jean-Pol Baras, Le Soir 27 septembre 1983]
L'avouerais-je? Je ne réussis pas à me passionner pour le débat.
Mis il faut bien s'y résoudre : depuis que le 16 septembre, Le Soir publia en cinq colonnes et avec une annonce à la une le « manifeste pour la culture wallonne », les échos ont fleuri et le vocabulaire des grandes heures a déferlé. Que de naïvetés par-ci, que de sornettes par-là, que d'incompréhensions et d'erreurs surtout ont été divulguées, témoins d'une méconnaissance profonde des valeurs et des actes.
On est seulement occupé à vivre l'application des lois d'août 1980 que voilà qu'on en conteste les effets.
Ainsi le Wallon serait-il brimé, atteint dans sa chair intellectuelle et incapable de se reconnaître dans sa propre identité culturelle.
Comme s'il existait un parisianisme étouffant les spécificités régionales... Tout cela est-il bien sérieux ? ...On a peine à énumérer en retour les arguments, tant on pouvait croire jusqu'à ces journées de septembre qu'ils allaient de soi. La culture d'un peuple est d'abord basée sur sa langue, vecteur élémentaire de la communication. Les francophones de Belgique ont l'avantage d'appartenir à une communauté culturelle qui s'étend sur plusieurs continents et dont le creuset, la France, est à leurs portes. Plutôt que de vouloir les diviser, il serait préférable de renforcer l'importance de l'acte culturel, d'insister sur le fait qu'en notre période trouble et incertaine, le seul projet économique sous-tendant les combats politiques et institutionnel ne s'avérera efficace que s'il est accompagné d'un ambitieux projet culturel.
Dans le différend séculaire propre à notre petit pays, comment ne pas comprendre que la meilleure manière de tenir tête à l'impérialisme flamand consiste d'abord, pour les francophones, à rester unis ? Notre acquis culturel mettant en exergue nos spécificités doit être le principal moyen d'une large ouverture sur le monde et non la cause d'un pénible repli frileux derrière nos moindres caractéristiques vernaculaires. Voyons Leo Tindemans, chantre d'un certain nationalisme. Mais quand il parle devant l'assemblée de l'ONU, il n'emploie pas sa langue mais la nôtre. D'ailleurs - autre constat que l'on pouvait espérer comme connu - l'arme la plus rusée de la Flandre pour imposer sa domination au sein de l'Etat belge a toujours consisté à diviser sinon à opposer la Wallonie et Bruxelles.
Que les personnalités qui ont opposé leur signature au bas de ce manifeste wallon réfléchissent bien à la portée réelle de leur attitude. Leur geste est généreux mais dangereux. C'est un boomerang.
L'excès de morcellement des pouvoirs chauvins pourrait engendrer - même involontairement - un nationalisme réducteur qui pervertirait le fédéralisme nécessaire.
Ne nous glissons pas dans des habits trop étriqués.
Bien sûr qu'il faut réveiller l'âme wallonne. Bien sûr qu'il faut donner à la culture - non ! aux cultures ! - de Wallonie les moyens - tous les moyens - de s'épanouir davantage. Bien sûr qu'une prise de conscience de la richesse que constituent, rassemblées, toutes nos diversités favorisera la nouvelle émancipation dont notre région a tant besoin.
Cependant, cette démarche fondamentale aboutira bien plus efficacement dans l'appartenance à la grande famille de toutes celles et ceux qui, en Belgique, s'expriment en français, enfants d'une même éducation, d'une sensibilité pareille aux faits et aux choses, même variées de son terroir. Du reste les positions et les décisions de Philippe Moureaux, ministre-président de notre Communauté ont toujours été vers la mise en valeur de toutes les spécificités - sans exception - de cette Communauté. La décentralisation de son administration à laquelle il met la dernière main en est encore un parfait exemple.
Le seul défaut que l'on peut reconnaître à la Communauté française de Belgique, c'est son appellation. Ainsi nommée, elle représente en fait la diaspora des français résidant en Belgique.
Mais revenons à l'essentiel, s'il vous plaît...
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