Encore les communales

Toudi mensuel n°74, février-mars-avril 2007

Avec l'installation des nouveaux conseils communaux dans l'ensemble de la Wallonie début décembre 2006, il nous a semblé intéressant de revenir sur quelques faits saillants de ces élections, les premières depuis la régionalisation de la loi provinciale et communale de 1836, l'un des piliers du temple 'institutionnel' mis en place dans la foulée de la séparation avec les Pays-Bas.

Des élections communales différenciées selon les Etats fédérés

Le premier aspect est évidemment le fait, peu souligné par la plupart des médias francophones, que pour la première fois depuis la création de l'Etat belge, chaque Région a élu ses conseils communaux et provinciaux selon des modalités propres et donc distinctes. Dans la marche vers l'autonomie des entités régionales, cela constitue un fait que peu auraient osé imaginer il y a encore quelques années. Souvenez-vous de ces spécialistes du droit constitutionnel qui criaient 'casse-cou' lorsque l'on évoquait la possibilité de modifier le vénérable édifice construit par les pères de la 'Nation'. Et pourtant, c'est ce qui s'est concrétisé en octobre dernier et ce sans provoquer le moindre séisme ou la moindre crise... Notons d'ailleurs que c'est en Wallonie que les règles du jeu ont été le plus largement modifiées, cette réforme devant probablement en amener d'autres comme, par exemple, une redistribution amplifiée des compétences entre la Région et les provinces. En second lieu, le fait que le poste de Bourgmestre revienne au candidat ayant obtenu le plus grand nombre de voix parmi la liste majoritaire ou la plus importante d'une coalition a eu des répercussions plus amples que prévues. Ce nouveau mécanisme a joué dans presque la moitié des 262 communes wallonnes et cela n'a pas amené la dérive 'spectaculaire' redoutée par d'aucuns. Dans la plupart des cas et malgré quelques exceptions malheureuses comme Arlon, cela a permis de 'consacrer' des hommes ou des femmes de terrain ayant rempli leurs fonctions précédentes avec satisfaction ou de court-circuiter les 'arrangements' internes inhérent au fonctionnement des partis politiques. Enfin, à l'aide des divers dispositifs légaux et réglementaires encourageant la parité hommes-femmes, environ et en moyenne un tiers des conseillers communaux sont désormais des conseillères, il sera intéressant de voir si cette révolution se prolonge dans la composition des collèges et des députations provinciales. Venons-en maintenant à un bref survol des résultats wallons.

Enseignements des résultats

A l'évidence, il est difficile de tirer des enseignements généraux sur base d'une compétition normalement centrée sur des enjeux locaux mais quelques tendances des élections législatives de 2007 se sont peut-être déjà manifestées. Clairement, si le PS a pu prétendre à un succès, il le doit à ses bons scores bruxellois et, pour ce qui concerne la Wallonie, à ses succès liégeois. Il nous semble pourtant que ces élections constituent un revers pour le PS car sa performance dans l'ensemble de la province de Hainaut est peu brillante. Rappelons ici que le parti qui tient le Hainaut tient la Wallonie, province la plus peuplée de la Région, celle-ci élit en effet prés de 40% des députés fédéraux wallons. Le succès du PS en 2003 reposait pour l'essentiel sur le fait qu'il avait remporté le double de suffrages et de sièges par rapport au MR. Or si l'on regarde le score obtenu par le PS aux provinciales, il est de 37%, en recul de 3% par rapport à 2000 qui était une période de convalescence pour le parti après ses 29% aux législatives de 1999. Au niveau local, le PS perd la majorité absolue ou relative (et dans certains cas le maïorat) de plusieurs de ses bastions historiques depuis la fusion des communes ou même depuis la fin du XIXe siècle, citons notamment, outre Charleroi et La Louvière, Frameries, Dour, Courcelles, Fleurus, Fontaine-l'Evêque, Tournai, Anderlues. Dans d'autres cas, le PS voit son score réduit notablement comme à Ath, Quaregnon ou à Mons. Les bons résultats enregistrés à Colfontaine, Boussu ou Soignies et même, dans un contexte particulier, à Binche ne rétablissent pas vraiment la balance. Il y a sans doute là l'influence des affaires supposées ou réelles que nous déversent quotidiennement les médias francophones depuis un an, mais aussi le reflet sans doute de l'absence, dans l'ancien sillon industriel Haine-Sambre, de nouveaux 'leaders' à la fibre authentiquement et sincèrement populaires comme par exemple en Région Bruxelloise, Freddy Thielemans à Bruxelles-Ville, Willy Decourty à Ixelles ou Charles Picqué à Saint-Gilles. Bref, c'est sans doute son électorat populaire qui a lâché le PS et pas forcément pour l'extrême-droite. En fait, depuis ses bastions consolidés du Brabant wallon, le MR a tendance s'ancrer durablement dans le nord de la province et à presque rejoindre la tache bleue persistant depuis longtemps dans certains parties de l'arrondissement de Tournai. Sans doute, est-ce la conséquence de la transformation progressive de cette sous-région en proche périphérie de Bruxelles pour cause de terrains à bâtir au prix prohibitif dans les deux Brabants (et sans doute aussi de tracasseries linguistiques en Brabant flamand). Imaginons donc qu'en 2007, au lieu de remporter 10 des 20 sièges hennuyers, le PS n'en remporte plus que 8 voire 7 et que le MR soit un proche second et non plus un lointain second comme ce fut le cas sous la 'conduite' d'Hervé Hasquin ? Il est clair que si le MR conforte son hégémonie en Brabant wallon, devient le premier parti en province de Namur et conserve son score en province de Liège alors le PS ne sera plus mathématiquement incontournable pour toute coalition fédérale. Les affrontements PS-MR sur « les affaires » montrent bien que ces deux partis sont, en quelque sorte, excités par l'odeur du sang et qu'ils affûtent déjà leurs armes pour le combat capital hennuyer. Ce n'est pas un hasard si l'on a évoqué la possibilité de voir Louis Michel se présenter dans la circonscription du Hainaut face à la tête de liste du PS qui n'est autre que le Président, Ministre-Président et Bourgmestre empêché Elio Di Rupo. Il est donc clair que l'avenir de ce dernier à la tête du PS dépendra de sa performance électorale. Comme l'homme a des ressources et est combatif, le MR a vraiment intérêt à fourbir toutes ses armes.

Futurs partenaires au fédéra: le PS à coup sûr. Le CDH? Ecolo?

Toutefois, il me semble qu'il faut relativiser le risque pour le PS de voir se reproduire, au niveau du gouvernement fédéral, une coalition à la namuroise. D'abord, le PS se porte bien en Région bruxelloise, ce qui pourrait amortir ses pertes éventuelles en Wallonie. Ensuite, il est probable que le CD&V, qui devrait redevenir le premier parti flamand, voudra négocier avec un PS affaibli car ce dernier demeure le meilleur gage de passage de réformes institutionnelles, ne serait-ce déjà que pour atteindre la majorité des 2/3 au parlement fédéral, ces fameuses reformes étant parait-il réclamées par tout le monde politique flamand du VB à Groen. Ensuite, le MR, dans ce contexte de grandes manœuvres institutionnelles, osera-t-il être dans la barque fédérale avec comme partenaire le CDH et peut-être Ecolo si la majorité des 2/3 doit être atteinte ? Nous n'en sommes pas convaincu, car il est probable que, malgré toutes les bravades 'belgicaines' de certains mois, tous les partis francophones ne pourront éviter une discussion institutionnelle. Finalement, le seul parti qui peut regarder les prochaines échéances avec un certain calme, c'est le CDH qui, ayant renforcé son influence tant en Wallonie qu'à Bruxelles, pourrait, même s'il n'est pas inclu dans la coalition gouvernementale fédérale, se retrouver incontournable dans la quête programmée de la limite 'magique' des 2/3 des députés et sénateurs. Rappelons ici que nous avons plusieurs fois évoqué le potentiel certain que pourrait avoir une sorte de cartel ou d'alliance du CDH et d'Ecolo pour contrer la bipolarisation recherchée par le PS et le MR. Pour finir, quelques mots sur l'extrême-droite. Elle semble suivre ses pics et chutes habituels depuis 15 ans, après les succès de 1994 et 1995, les échecs de 1999 et 2000, les poussées de 2003 et 2004, elle est en recul, mais ne nous réjouissons pas trop vite. En effet, le fait que les législatives pour la Chambre se déroulent sur base de circonscriptions provinciales et sur l'ensemble de la Communauté Française pour le Sénat favorise ce type de parti souvent incapable de s'organiser durablement au niveau local. Il se pourrait donc que son reflux par rapport à ses résultats de 2003 ne soit pas aussi important que tout citoyen wallon puisse l'espérer.