La délinquance (excusable) de la fin du 19e siècle à Paris
La fin du 19e siècle est marquée par une délinquance où dominent alcool et vols à la tire. mais dans le vol, il y a une subdivision importante dont le Chef de la Sûreté parisienne lui-même est bien plus au fait que le Préfet de la Seine. C'est une époque favorable à toutes sortes de vols, de petits métiers (ramasseurs de mégots organisés, bonimenteurs - on est près de la Commune de Paris, 1871, et beaucoup pour se faire payer à boire racontent leur «martyr» de Nouméa (en Nouvelle Calédonie, lieu où l'on a déporté les communards). Dans ces conteurs, beaucoup d'après le chef de la Sûreté parisienne, G.Macé, n'ont jamais vu la mer. Voilà pour le cadre.
Le Chef de la Sûreté parisienne organise une «sortie» en compagnie du Préfet et de son secrétaire dans les cafés parisiens.
Extraits d'un rapport
Le groupe pénètre au café Le Père Lunette (parce que le patron a une énorme paire de lunette qu'il porte le plus souvent sur le front, en demandant tout le temps à sa femme où elles sont passées. Le nom est resté.) L'établissement est composé de deux longues pièces étroites. Chacune d'elles est séparée par une cloison de bois. Côté clients, on dort épaule contre épaule, rassasiés d'alcool. Les femmes ne montrent pas de réserve comme aujourd'hui où l'alcoolisme féminin se passe intra-muros. Les filles se prostituent plus pour se faire payer à boire (liqueurs, absinthe, vins etc.): 15 centimes pour toutes les liqueurs... on paye d'avance.
Les bagarres sont fréquentes. Alors, le garçon «déporte»(le terme est resté de la Commune) l'importun.
On se rend chez le «minzingue» sujet belge, patron d'un café aux peintures et dessins scatologiques qui offusquent le préfet mais qui, aujourd'hui, feraient rire. Antimilitarisme, anticléricalisme, érotisme d'urinoir, bref ça ne vole pas haut. Tout est à 15 centimes. Le Chef de la Sûreté, lui, est plus dégoûté. «Ce sont vos circulaires se contredisant les unes les autres qui encouragent ce galimatias» dit-il au Préfet.
Pourtant, l'article 4 de la loi est précis: «Il est interdit aux cabaretiers de donner à boire à des gens (qui) manifestement sont ivres.» Or la majorité des débitants ne s'y conforment pas!! Pourquoi? Le lobby de l'alcool. En période électorale, les candidats payent à boire. «L'article 12» continue le Chef de la Sûreté, «oblige d'afficher la loi sur l'ivresse».
Or cet article est l'objet de dérisions. Ce qui fait torture, c'est de tirer la langue devant cette loi (voir reproduction). Tout cela a un goût d'alcool mais surtout... d'actualité. Les élections sont propices à «arroser» au propre comme aux figurés, les électeurs.
Autre petit métier: les ramasseurs de mégots. Un ramasseur se fait par jour 2 francs.
On met tout sur une grande table. On trie. Certains cigares, presque entiers, se vendent à 2 ou 3 F le paquet.
Les ivrognes mangent peu. Mais il existe des sortes de «restos du coeur». Tout est à 10 centimes. C'est convenable.
Les pickpockets et les pickpockettes
Le vol à la tire attire à Paris, Anglais, Allemands, Italiens et espagnols et bien sûr... Français. Les femmes travaillent seules. Chacun a sa méthode.Le «tireur» anglais travaille le mieux sur les champs de courses.
L'Allemand «tire» à l' «esbroufe». Il bouscule pour mieux détourner l'attention. Il y a un côté «violent» voulu par le Chef de la Sûreté car on est sans Lorraine et Alsace. L'Allemand est vu comme un bourru même par un haut fonctionnaire (c'est-à-dire le Chef de la Sûreté lui-même, Sedan n'est pas loin). Les Espagnols sont porteurs de...chapelets. Arrêtés, ils invoquent la Vierge, pleurent etc. Comédiens.
Évidemment, le butin passe de main en main!
Les 2/3 de ces vols sont impunis (4 à 500 à Paris par jour ). Beaucoup de choses volées sont déjà volées ou d'origine douteuse (donc, on ne porte pas plainte).
Le plus affligeant dans tout ça, c'est qu'à l'âge où les enfants devraient user leur fond de culotte, ils usent d'habileté, de dextérité étonnantes. De véritables écoles de vols existent. Les enfants passent de véritables examens de vols. Des mannequins suspendus et ornés de grelots sont l'occasion du départ d'une vie de voleur à la tire. L'enfant-voleur (ou «pégriot») ne doit faire vibrer aucun grelot lorsqu'il «vole»le mannequin.
De nombreuses catégories de délinquants occupent le dictionnaire d'argot de l'époque.
Il y a ... les «cambrioleurs», ceux qui volent dans les... cambrioles (diminutif du vieux mot cambre: chambre), il y a les «carroubleurs» (carroubles: fausses clés), ceux qui reproduisent par empreintes, transmises par des domestiques, des fausses clés.
Il a les fric-frac (casseurs de portes, faisant sauter le serrures avec pinces dites «monseigneur»).
Il y a les «vanterniers». Ce sont ceux qui s'introduisent spécialement dans les habitations par les fenêtres. («Vanternes»: fenêtres, elles donnent accès au vent). Les «boucarniers» dévalisent les boutiques grâce à des «pégriots» (enfants-voleurs), qui pénètrent préalablement dans la boutique. Les gosses restent après la fermeture et ouvrent aux complices (trafic d'êtres humains, dirait-on aujourd'hui pour ces pauvres gosses). Il y a les «charrieurs» (du vieux mot «charrier», mystifier, dans le dialecte flamand), - qui, donc, trompent leurs victimes.
Les «ramastiqueurs» ramassent sur la voie publique des bijoux «perdus» par un complice. la revente se réalise toujours. La perte est volontaire et il y a toujours un pigeon pour acheter un faux bijou...
La liste serait longue d'une délinquance «intéressante».