La dépendance à Bruxelles, cause du déclin wallon

3 juin, 2011

Histoire de Belgique et de Wallonie

Bien d'autres auteurs que Michel Quévit ont signalé la combinaison entre le projet national belge de la bourgeoisie francophone et la connexion du sillon wallon au système politique, bancaire et logistique massivement implanté à Bruxelles et en Flandre. Philippe Destatte rappelle à la suite de Pierre Lebrun et de Michel Quévit ce que l'on peut appeler la capture de l'économie wallonne par le système belge dès 1847. Après avoir décrit les progrès de Cockerill à Liège, de Dupont et Huart-Chapel à Charleroi, entre autres, Philippe Destatte écrivait en 1997, suite aux rappels de ces faits qui précèdent la troisième étape du développement de la révolution industrielle en Wallonie:

«L'enthousiasme, l'avidité technique et la hâte du moment entraînent les entrepreneurs au gigantisme, ce qui les amène à prendre des risques démesurés. Crises de la production et crises du crédit vont se succéder. Le système bancaire domine dès lors l'industrie en prenant des participations financières dans les entreprises, principalement par la création de sociétés anonymes. La décision économique échappe ainsi à l'espace wallon pour s'installer à Bruxelles, devenu centre financier lors de la mise en place du pouvoir politique belge en 1830. En 1847 tout est joué. Bruxelles structure et domine l'espace belge. » 1

En renfort plus évident encore à toute l'analyse faite par Michel Quévit, Daniel L.Seiler écrivait dès 1982:

« La politique d'équipement pratiquée en Belgique - routes, chemins de fer, canaux - articulèrent l'économie du pays sur un axe Nord-Sud, centré sur Bruxelles - avec tout ce que comporte le statut de capitale d'un Etat centralisé - et sur Anvers, centre des affaires. Grâce à l'ouverture du canal de Gand-Terneuzen, l'ancienne capitale du comté de Flandre devint progressivement un vase d'expansion portuaire pour Anvers; elle deviendrait après la seconde guerre un centre important. La Wallonie poursuivait grâce à ses houillères une expansion industrielle intense autour de différents bassins - Liège, Charleroi, Mons le Borinage etc. Cependant ce développement correspond au modèle qu'Hechter propose de l'industrialisation dépendante. Les décisions se prennent ailleurs: les bassins industriels, non reliés entre eux, dépendent de Bruxelles. Liège ex-capitale d'un Etat souverain, se trouve progressivement marginalisée; elle qui domina la Belgique de 1830-1840, se mua en un chef-lieu d'une agglomération industrielle. Des projets présentés comme la favorisant bénéficièrent surtout à Anvers. Au moment où éclate la "crise de l'Unité belge", celle-ci s'articule autour du triangle Bruxelles-Anvers-Gand. La Flandre va progressivement dominer le système économique créé par le centralisme. Déjà bien pourvue dans le secteur commercial et financier, elle va bénéficier de l'implantation des industries de pointe - automobile, chimie, pétrole et nouvelle sidérurgie -, alors que la Wallonie souffre du vieillissement industriel. En revanche, le géant économique qui grandit en Flandre se double d'un nain politique et culturel. Le pouvoir appartient à la bourgeoisie belge et francophone. De là naîtra la crise qui mine le Belgique.» 2

Voir aussi EDITO: Pourquoi Quévit est si écouté, également Tableaux tirés de ''Flandre-Wallonie. Quelle Solidarité?" (Aides européennes 1989-2013) et surtout Critique : Flandre-Wallonie. Quelle solidarité ? Michel Quévit (Couleurs livres).
  1. 1. Philippe Destatte, L'identité wallonne, IJD, Charleroi, 1997, p. 51. Nous soulignons...
  2. 2. Cette distinction claire et nette entre le pouvoir francophone bourgeois et l'intérêt collectif wallon n'est pas encore claire en maints esprits près de trente ans après que ces lignes lucides aient été écrites par Daniel L.Seiler in Les partis autonomistes, PUF, Paris, 1982 (p. 86) (Coll. Que sais-je? Chapitre IV La Belgique).