La Lettre au Roi de Jules Destrée évoquée par THE NEW YORK TIMES

Toudi annuel n°1, 1987
22 février, 2009

[Une version abrégée de l'écho paru dans le numéro 1 de la revue TOUDI (1987) quand elle avait une périodicité annuelle)

Histoire de Belgique et de Wallonie

La texte célèbre de Jules Destrée Lettre au Roi sur la séparation de la Wallonie et de la Flandre fut publié intégralement dans la Revue de Belgique le 15 août 1912, reprise le 23 août dans L'Express (grand journal liégeois) et le 24 dans Le journal de Charleroi (de Charleroi comme son nom l'indique) (Philippe Destatte, L'identité wallonne, IJD, Charleroi, 1997, p. 89.). Dans ce dernier journal, un tirage supplémentaire de la lettre fut réalisé. Le texte fut discuté partout et l'une des phrases de cette missive est demeurée célèbre jusqu'à aujourd'hui: "Sire, il n'y a pas de Belges...'', au point de quasiment passer dans le langage politique quotidien. Quelques jours plus tard, le journal The New York Times l'évoqua en la remettant assez correctement dans son contexte général 1. La protestation de Destrée prend sa place dans toute une agitation wallonne autour du suffrage universel avec des troubles qui firent des morts en juin, à Liège, des campagnes de presse à Liège notamment. Le lien entre la lutte pour le suffrage universel et la lutte pour l'autonomie wallonne se renforce sans cesse jusqu'à l'attaque allemande d'août 1914. 2

Ajout du 16 juin 2010

Il faut signaler qu'Albert Ier partageait l'analyse qu'a faite Jules Destrée. Voyez cet extrait de sa lettre datée de Landro, 30 août, A Jules Ingebleek, secrétaire privé du Roi et de la Reine : "J'ai lu la lettre de Destrée qui, sans conteste, est un littérateur de grand talent. Tout ce qu'il dit est absolument vrai, mais il est non moins vrai que la séparation administrative serait un mal entraînant plus d'inconvénients et de dangers de tout genre que la situation actuelle." Cette lettre est reproduite in extenso in M-R Thielemans et E. Vandewoude, Le Roi Albert au travers de ses lettres inédites, Office international de librairie, Bruxelles, 1982, pp. 435-436. On a beaucoup parlé aussi de l'antisémitisme de Destrée ainsi que du fait qu'il aurait renié ce texte. Mais on a pu démontrer qu'il n'en était rien.

On trouvera sur le site (notamment cette page "Histoire de Belgique et de Wallonie") de cette revue en ligne bien des éléments permettant de montrer que la question nationale en Belgique est posée depuis très longtemps et que ce qui arrive aujourd'hui a des causes profondes qui nous dépassent finalement toutes et tous. Ce n'est pas en tentant de trouver un bouc émissaire dans les "méchants" politiciens, les "méchants" Wallons, Flamands ou Bruxellois qu'on affronte cette question sérieusement, peu importe la solution qu'on souhaite lui donner. Et la solution du fédéralisme a le mérite d'exister, surtout pour nous, Wallons, ainsi que le proposait Destrée dès l'été 1912.

  1. 1. Belgium may separate
  2. 2. Une vision de la Wallonie radicalement autre