Langue d'Oïl en Wallonie
Langues d'oïl = langues du Nord de la France-Suisse-Belgique romane, langues d'oc, langues du sud du même espace. Michel Francart, professeur à l'UCL publie un livre sur le wallon (le picard, le gaumais) édité (en français et en anglais) par le Bureau européen des langues moins répandues. Rien que ceci est plein de paradoxes. Les deux langues mondiales quoique d'inégale importance (français, anglais), servent à présenter une petite langue dans un des espaces politiques potentiellement et économiquement les plus importants de la Planète (l'Europe).
Michel Francart considère les étapes parcourues par le français pour avaler le wallon (le français est, dit-il, «glottophage»). Et en tire la remarque suivante: les Wallons «expriment à la fois des représentations stigmatisant la variété dominée ("le wallon, c'est la langue des ouvriers et des paysans ") et des représentations qui engendrent, dans un mouvement de compensation, une mythologie flatteuse pour cette même langue, laquelle se voit parée de qualités (beauté, harmonie, intimité, chaleur, proximité des êtres et des choses de la vie quotidienne) refusées à la variété dominante.» (p.15).
Sur la Wallonie et sur le wallon, ce petit ouvrage apporte des éléments permettant d'éclaircir notre situation aux yeux de l'étranger et des nôtres. Il établit scientifiquement la naissance du wallon (du picard et du gaumais) à partir de 800 et leur fixation vers le 16e siècle. Picard, gaumais et champenois sont des langues différentes,. Les différentes variétés de wallon ont beaucoup en commun.
Édith Piaf et la littérature wallonne
Le wallon a été écrit (et même imprimé ce que l'auteur ne souligne pas) dès le 17e siècle. Il ne faut pas confondre cet usage du wallon avec les écrits en français régional dès le 9e siècle (des philologues étrangers considèrent que la Cantilène de Ste Eulalie au 9e siècle est à situer dans les régions wallonnes à cause de ses accents régionaux, et c'est le premier texte littéraire français). La littérature wallonne n'a pas abordé que les genres légers mais c'est vrai que la chanson et le théâtre populaire sont ses fleurons. Édith Piaf considérait la fameuse chanson Léyi m'plorer comme la meilleure chanson jamais écrite et pratiquement intraduisible.
Tordre le cou à un préjugé. L'avenir
On entend encore souvent dire que les Wallons auraient dû accepter le bilinguisme en 1920-1930, à partir de la montée des revendications flamandes. Mais l'enquête de Joseph-Maurice Remouchamps de 1920 nous apprend que dans leurs contacts avec les administrations communales (en régions rurales), 90% des personnes utilisent préférentiellement le wallon. Ce qui permet de dire que le wallon était à cette époque la langue la plus parlée en Wallonie. Le wallon (ou le picard et gaumais) sont encore parlés par 27 à 35% des Wallons d'aujourd'hui. La connaissance active de la langue chute à 10% dans la population de 20 à 30 ans mais la connaissance passive est encore le fait d'une majorité (fragile). C'est ce qui amène Michel Francart à penser que le réapprentissage du wallon est encore possible. Le wallon est de fait employé dans une série de domaines modernes: médias, BD, Internet etc.
Il est vrai que l'on prédisait déjà la mort du wallon il y a 150 ans et que, aujourd'hui, il est considéré comme la langue d'oîl la plus vivante. Mais il est vrai aussi que la même prédiction aujourd'hui a plus de sens... Certains estiment qu'il ne faut pas d'acharnement thérapeutique sur le wallon. D'autres voudraient l'unifier en vue d'élargir sa diffusion. Il est vrai de dire qu'en France, au plus haut niveau, le débat existe aussi, les partisans des dizaines de langues régionales de l'Hexagone estimant qu'une langue doit recueillir le même soin que des bâtiments de pierre, des paysages ou autres trésors artistiques.