Le cas Kabyle, une illustration de l’analyse de Giovanni Carpinelli (voir TOUDI 38-39 pp. 31-36)
Toudi mensuel n°40, juin-juillet 2001
Les conquérants français de l’Algérie (1830) «découvrirent» à l’intérieur de ce pays arabe, une «race» («peuple») différente des Arabes. Ils l’opposèrent à ces Arabes insistant sur le moindre degré de leur attachement à l’Islam, leurs qualités proches de l’énergie «française» et leur hostilité aux Arabes.
Cela illustre la thèse de Carpinelli selon laquelle le discours national est à la fois «objectif» (on ne peut pas tout inventer à partir de n’importe quoi comme le voudrait Gellner) et en même temps «subjectif»(le discours national a un but qui ne se ramène pas à la prise en compte des faits).
Car le but du discours national sur les Kabyles (du fait du colonisateur français) était de «diviser pour régner». Mal lui en prit car les Kabyles jouèrent un rôle de premier plan dans toutes les révoltes et dans la guerre décisive contre la France. Mais, dès l’indépendance algérienne, les nationalistes algériens tentèrent d’éliminer la différence kabyle.
Donc le discours national kabyle s’est retourné contre ceux qui voulaient en «profiter» contre les Arabes d’Algérie (dont les Kabyles sont les alliés et les frères, cela n’est pas douteux), puis ces Arabes - du moins le pouvoir qui s’en réclame - se retournant contre les Kabyles, ceux-ci se sont mis à résister au nom de la Kabylie. Le discours national est donc indépendant de ceux qui le manipulent puisqu’il sert indépendamment des circonstances dans lequel il se construit et à quoi Gellner voudrait le ramener.
(Voir Camille Lacoste-Dujardin L’invention d’une ethnopolitique: Kabylie - 1844 in Hérodote, n° 42, 1986, pp. 109-126)