Le discours du FDF, une Francophonie ethnocentrique et manichéenne
Le discours du FDF se développe comme un récit politique et éthique qui classe de manière normative un « Sujet»francophone et un «Antisujet» flamand. Il y a là le projet d'une sotériologie, d'une doctrine du salut dont le but est d'intégrer à une morale démocratique et républicaine, une essence mythique francophone - obtenue par sacralisation du soi, héros et victime - et une essence mythique flamande - obtenue par disqualification de l'agresseur, du méchant - , morale démocratique et républicaine qui sert alors de fondement légitimateur. Le mot «démocratie» devient mot-fétiche, «epiteton ornans» («attribut distinctif»). Ce discours est à la fois pluriel et univoque: l'agir classificatoire par lequel Flamands et Francophones sont caractérisés se fonde sur une distinction a priori qui relève de la logique de l'ethnique et de l'a priori. Mais il est ensuite réinséré dans une manière de parler pluraliste. Le discours démocratique devient alors stratégie rhétorique. De par sa force structurante, cet «acte de parole» désigne l'Autre, l'Antisujet, comme un antagoniste dépourvu de toute rationalité, légitimité, moralité ou objectivité:
1. Nous trouvons dans la tradition culturelle française une affirmation de l'importance de la raison qui met les choses en ordre, qui protège des abus et libère des violences. Nous y trouvons la clarté et son amie la loyauté, peut-être plus que la musique ou les systèmes philosophiques. Le français, c'est aussi une langue de conversation qui tient à l'importance de la femme, et à la qualité de sa présence. La structure de la phrase s'est adaptée à ces influences courtoise et rationnelle. Une des difficultés que nous rencontrons dans nos débats institutionnels d'aujourd'hui avec les Flamands est leur insensibilité aux rigueurs du droit et leur répugnance à une règle objective. D'une manière ou d'une autre, derrière les grandes spécificités culturelles, il y a aussi des choix moraux.
[F.Persoons, Le FDF et la culture, in Les Cahiers du Centre Jacques Georgin, 6:2, 1980; p.164]
2. Je cherche un Flamand raisonnable.
[FDF, FDF 1970, Bruxelles, Bourgeois, 1970, p. 8 (caricature dans laquelle on voit un philosophe de l'Antiquité avec une lanterne dans le lointain qui tente de trouver un (sic) «Flamand raisonnable» )]
Cette manière de faire et de dire politiquement articulée se présentera comme légitime et acquerra son profil singulier à travers la mise en oeuvre d'un vocabulaire dichotomique. Et par conséquent par l'adoption ou le rejet de certaines associations lexicales. Cette opération symbolique consiste, comme groupe, à se distinguer d'une communauté hostile (construite discursivement), d'un ennemi extérieur; l'identité radicale est fondée sur une différence radicale. Cette imputation performative fonde donc une séparation sociale élémentaire. De cette façon le discours démocratique du FDF est le «locus amoenus» («lieu paradisiaque») d'a priori narcissiques pré-réflexifs qui sont rendus naturels, discours qui se définit lui-même ex negativo, par rapport à un Empire du mal , comme l'entité symbolique et mythique de l'Universel, du Bien, du Juste, du Légitime 1 . Et comment pourrait-on se dresser contre l' «ouverture», la «tolérance», le «respect», la «liberté». C'est trop beau pour être vrai. Le FDF, ethnocentrique dans sa façon de présenter les choses, fixe, fétichise et naturalise, toujours avec des exigences d'universalité et de rationalité, via sa perception manichéenne des choses, la différence entre «Nous» et l' «Autre», entre l'homme démocratique et l'homme antidémocratique:
3. Nous appartenons au monde culturel de la francité. Nous sommes un peuple roman, nous avons aussi la caractéristique d'être plus que d'autres, frottés aux créations culturelles des autres pays d'Occident, les États-Unis, l'Italie, l'Allemagne, l'Angleterre et les Pays-Bas. Nous nous sentons une affinité particulière avec les nations latines [...] Il semble difficile d'éveiller l'appartenance de l'ensemble du milieu culturel sans situer notre action dans un certain projet de société, dans le témoignage d'un certain type de valeur, dans une forme d'ouverture et d'authenticité qui nous différencierait d'ailleurs du mouvement flamand.
[F.Persoons, Le FDF et la culture, in Les cahiers du centre Jacques Georgin, 6.2, 1980, pages 161-162.]
4. Nous voulons y entrer [= dans l'Europe], non point étouffés ni effacés dans un groupe artificiel comme celui du Bénélux, mais dans le respect intégral de notre appartenance à l'ethnie française.
[FDF, FDF 1970, Bruxelles, Bourgeois, 1970, p. 44.]
Cette identité ethnique se réfère à une généalogie de la grande Communauté de tous les francophones du monde à qui le tiers menaçant, le Flamand mythiquement mauvais, négation absolue de l'homo democraticus, n'a pas part. Dans un tel schéma narratif l'actant «Flamand» renvoie au signifiant «intolérance» dans le sous-entendu sociologique et c'est l'association assimilatrice entre «Flamand» et «Intolérance» ou même «fascisme» qui fait surgir l'insulte appropriée. Qui dit «Flamand» ne dit pas «Belge néerlandophone» ordinaire. Les actions du FDF sont toujours présentées comme étant la défense des droits universels au nom de l'humanisme; l'Autre se situe toujours sur l'autre versant de la moralité démocratique et comme tel n'a pas voix au chapitre:
5. Les francophones se trompent lorsqu'ils analysent le fondement du mouvement flamand comme une revendication d'émancipation culturelle et linguistique. La véritable motivation du mouvement flamand est la conquête du pouvoir, politique et économique, une lutte pour gagner en influence et imposer ses choix politiques. C'est ce qui fait que le mouvement flamand est avant tout un mouvement d'intolérance, de rejet et d'exclusion des autres.
[N, L'offensive du gouvernement flamand contre les facilités et les droits fondamentaux des Francophones est une mise en cause des principes démocratiques, in Initiatives en périphérie bruxelloise, 1, 1998, p. 1.]
6. Il semble difficile d'éveiller l'appartenance de l'ensemble du milieu culturel sans situer notre action dans un certain projet de société, dans le témoignage d'un certain type de valeur dans une forme d'ouverture et d'authenticité qui nous différencierait d'ailleurs du mouvement flamand.
[F.Persoons, Le FDF et la culture, in Les Cahiers du Centre Jacques Georgin, 6:2, 1980, p. 162]
7. L'arrogance du mouvement flamand le conduit à faire d'une cause immorale une exigence symbolique
[O.Maingain, Jamais nous ne trahirons, in Espace francophone, 10, 1993, p. 6.]
Le courant identitaire spécifique du FDF se situe dans le non-lieu symbolique entre l'État et la nation, la Gesellschaft et la Gemeinschaft et est comme telle une polarisation et une radicalisation de positions communautaires, une polarisation entre le moi et le non-moi. Le francophone est, dans cette logique, démocrate de manière inhérente, parce qu'il participe d'une Überkultur, posée comme universaliste et ouverte en soi. C'est une identité ethnique et culturelle francolâtre, monologique, qui ne vit que sous le signe de son « Autre» absolu; la construction d'une identité francophone univoque en ce sens n'est possible que par le mythe négatif de la «personna negativa», celle qui est l'inversion radicale de toutes les valeurs francophones. Le récit FDF - sur le plan strictement textuel - a besoin du Flamand comme le Vlaams Blok a besoin des hommes de couleur. Ici nous sommes au coeur du problème que posent les discours communautaires homogènes et ethnocentriques: les identités démocratiques sont plurielles. En revanche, le Vlaams Blok et le FDF créent un imaginaire mono-ethnique, l'un sur une base raciale et biologique, l'autre sur une base ethnique et culturelle (ethno-culturelle); on n'est que flamand ou l'on n'est que francophone: «Lorsque mon esprit de clocher est menacé, je suis alors totalement réduit aux limites de ma tribu: je suis exclusivement serbe, polonais, juif [...] Imaginons qu'à travers la planète se multiplie ainsi les identités: le monde commencerait à être moins dangereux car la multiplication des identités divise les passions.» 2 La différence ethnolinguistique a priori est présentée comme la protestation a posteriori contre le racisme flamand.
Le discours FDF rituel, comme religion civile, avec par conséquent une économie interne homogène et binaire sur le plan communautaire, permet que le parti se présente comme le parti par excellence de la défense démocratique et lui permet de s'immuniser contre la critique. Les commentaires du côté néerlandophone sont ipso facto toujours antidémocratiques, illégitimes, fascisants et sont dans le schéma narratif représenté comme la preuve vivante de ce qui est posé en principe: les Flamands se dressent contre la démocratie parce que le FDF est la démocratie, l'ouverture, etc. La boucle est bouclée. L'auto-légitimation à l'aide d'un discours de société légitimé. Le langage communautaire plus modéré du PSC, du PS et d'Écolo est écarté comme un régionaliste et naïf «ne-pas-vouloir-savoir», par le fait de «ne pas être en état de (vouloir) faire» la différence entre l'être et le paraître du Mauvais, par le fait d'encore croire à la rationalité du Flamand et de lui faire des concessions injustifiées:
8. Le FDF sera vigilant et dénoncera soit les manoeuvres flamandes, soit les éventuelles concessions des partis francophones
[Georges Clerfayt, Un nouvel espoir pour les 120.000 Francophones de la périphérie et de Fourons, in Espace francophone, 18, 1995, p. 9.]
9. Après la Saint-Quentin et le début de la mise à mort de la Communauté française, les ultrarégionalistes socialistes, suivis par le PSC et les Ecolos ne vont pas en rester là. Ils voudront aller plus loin et tout régionaliser. Si nous sommes isolés, comment pourrons-nous les en empêcher?
[Georges Clerfayt, La patrie des francophones est en danger, in Espace francophone, 10, 1993, p. 3.]
10. Sans modification du rapport des forces en présence aujourd'hui en Communauté française, un renforcement des thèses régionalistes du PS - appuyé par le PSC - est inéluctable, avec, à terme, la disparition de tout lien de solidarité entre Bruxellois francophones et Wallons. Parallèlement à cette tendance, nous assisterons - nous assistons déjà - à une dérive nationaliste accentuée de la Flandre qui amènera des exigences renforcées sur la scission de la sécurité sociale ainsi que le chantage sur une flamandisation accentuée de Bruxelles
[N., Adhérer à la solidarité in Espace francophone, 10, 1993, p. 5.]
Le modèle de l'agir discursif du FDF est régi par une série de valeurs issues des Lumières, qui ont symboliquement la fonction de destinateur: c'est l'agir stratégique qui se veut rationnel ou bien la tolérance par esprit antiflamand. C'est pragmatiquement une manière de se défendre contre l'amoral et vitaliste «Wille zur Macht» du nationalisme flamand:
11. Les mots tolérance, pluralisme, citoyenneté trouvent leur sens dans notre vie quotidienne [...] Nous rejetons avec force tous les mouvements extrémistes qui véhiculent un message de haine et d'exclusion.
[http://www.users.imaginet.fr/-fdf/agenda.html/, 28/03/98]
12. Humainement, nous devons rejeter ce schéma qui conduit à stigmatiser systématiquement les antagonismes culturels.
[C.Verbist, Dieu, le sol, la patrie et mon droit, in Espace francophone, 18, 1995, p. 15]
13. La culture française source des plus hauts idéaux de l'humanité, mérite d'être protégée face au nationalisme flamingant ou à l'hégémonie anglo-saxonne
[Caroline Persoons, 30 ans... et tout l'avenir devant soi, in Espace francophone, 13, 1994, p. 10]
14. Afin que force et dignité soient rendues aux francophones et que triomphent les principes élémentaires de la démocratie.
[Jean-Pierre Cornelissen, Édito: La Flandre rallume les conflits communautaires in Espace francophone, 18, 1995, p. 3.]
Une logique structurelle du récit très simple a été rationalisée à l'aide d'un lexique très étendu en l'enchâssant dans une représentation socialement légitimée à laquelle l'électeur est fortement fidélisé et qui apparaît comme un idéal à ses yeux. Il y a une inflation dans l'usage des lexèmes démocratiques (vocabulaire démocratique de base) de telle manière que le FDF est surlégitimé: ce discours sera démocratique jusqu'à la caricature, il surlégitime la séparation de base qu'il effectue lui-même entre les francophones démocrates et les impérialistes flamands non démocrates. Encore une fois: la séparation a priori est posée comme a posteriori. On ne trouve pas place pour une disqualification ontologique mais les choses sont replacées dans un contexte négatif. Le Flamand et la politique néerlandophone sont des acteurs dans un régime raciste, antieuropéen et impérialiste, dans une «Blut und Boden Gemeinschaft» fermée, qui est diamétralement opposée à la démocratie (francophone), une Gesellschaft ouverte. Les économies discursives parfaites et homogènes sont toujours simplificatrices par nature. Les relations sociales et historiques entre Flamands, Wallons et Bruxellois sont plus complexes que la codification d'une opposition binaire Ouverture démocratique/Fermeture ethnique
15. Notre démocratie, fondée sur les droits de l'homme, est mise en péril par une classe politique flamande impérialiste, conquérante, anti-européenne.
[Didier Gossuin, Un congrès des militants: le Forum démocratique des francophones 18 mars 1995 in Espace francophone, 18, 1995, p. 4.]
16. La Flandre est de plus en plus gangrenée par l'idéologie nationaliste du Vlaams Blok [...] Les Flamands souhaitent une Flandre pure, dégagée de toute autre influence culturelle, principalement francophone, une Flandre libérée de toutes les scories qui pervertissent sa langue, sa culture, son sol. Peut-on admettre cette assimilation? [...] La Flandre, obnubilée par l'homogénéité linguistique et territoriale n'est-elle pas atteinte de cette grave maladie nommée « démagocratie » ?
[C.Verbist, Dieu, le sol, ma patrie et mon droit in Espace francophone, 13, 1994, p. 10.]
17. Or, sans Communauté française forte, sans solidarité institutionnalisée entre les Wallons et les Bruxellois, comment protéger Bruxelles contre l'impérialisme flamand [...]?
[Georges Clerfayt, La patrie des francophones est en danger in Espace francophone, 10, 1993, p. 3]
18. Nous avons tous des différences mais une vision commue de la démocratie nous réunit [...]
[http://www.users.imaginet.fr/-fdf/agenda.html/, 28/03/98]
19. Le parlementaire francophone [= Christian Van Eycken] [...] qui souvent seul au Parlement flamand, rappelle les valeurs démocratiques aux nationalistes flamands.
[N., L'offensive du gouvernement flamand contre les facilités et les droits fondamentaux des Francophones est une mise en cause des principes démocratiques in Initiatives en périphérie bruxelloise, 1, 1998, p. 4.]
Les dimensions géographiques de ce discours sont déterminées via l'opposition binaire morale et spatiale qui établit la différence entre l'Intérieur et l'Extérieur, le Fermé et l'Ouvert, le Cosmopolitisme et le Provincialisme, la Wallonie-Bruxelles et la Flandre, l'Europe et la Flandre, la Francophonie et la Flandre, le locus amoenus («paradis») et le locus terribilis («enfer»). Un dualisme formel avec une logique dichotomique fermée et absolue, inscrite de plus dans un discours légitimant est d'avance suspecte: «Le discours idéologique (qui dans la plupart des cas se considère lui-même comme scientifique) prend comme point de départ la dichotomie, le dualisme absolu et cherche à supprimer l'ambivalence dialectique [...].» 3 On observe à nouveau toujours la même distinction fétiche respectivement rationalisée et démocratisée:
20. Le nationalisme flamand étroit et ses phobies avant l'idéal de la construction européenne.
[Jean-Pierre Cornelissen, Édito: la Flandre rallume les conflits communautaires in Espace francophone, 18, 1995, p. 3.]
21. L'Union européenne est une bonne chose pour les Wallons et les Bruxellois.
[N., Un programme pour plus d'Europe et mieux d'Europe in Espace francophone, 13, 1994, p. 6.]
22. L'identité des Francophones, dans la sphère Wallonie-Bruxelles, au niveau de l'Europe encore en gestation et au niveau de la Francité mondiale.
[André Lagasse, Message d'André Lagasse - 9 septembre 1993, in Espace francophone, 10, 1993, p. 4.]
23. Culture et langue françaises nous lient, de par le monde, à des millions d'individus qui les partagent avec nous. Elles ouvrent à nos deux Régions - Bruxelles et Wallonie - des horizons immenses, bien au-delà de leurs frontières, car rien ne peut mieux qu'elles favoriser la communication et les échanges fructueux dans tous les domaines.
[FDF, Cahier Programme, Bruxelles, Centre Georgin, 1985, p. 1 (chapitre sur la culture)]
24. Défendre notre langue et notre culture, assurer notre présence sur la scène internationale
[Ibidem, p. 9]
25. Si l'Europe est faite de grands espaces culturels qui transcendent les frontières, elle est aussi marquée par une diversité des langues et des sensibilités et par le rôle décisif des grandes cultures. Les petits espaces culturels y donnent à chaque époque des oeuvres intéressantes, mais toujours quelque peu provinciales.
[François Persoons, Le FDF et la culture, in Les Cahiers du Centre Jacques Georgin, 6:2, 1980, p. 163]
26. Dans les communes sans facilités, la population francophone ne jouit d'aucun droit: tous les documents, par exemple la carte d'identité, la déclaration fiscale etc. sont en néerlandais uniquement. Il n'y a aucune école francophone. Les transports scolaires vers les communes sont interdits, même pour les handicapés. C'est l'isolement culturel et linguistique total.
[FDF, Bruxellois maître chez toi, Marabout, Verviers, 1977, p. 17]
27. Où sont l'ouverture et la tolérance en périphérie, là où vivent 120.000 Francophones qui ont moins de droits que les Flamands de Bruxelles? Au contraire de la Flandre, le FDF n'a jamais proposé ni l'exclusion ni l'apartheid.
[Olivier Maingain in O.Alsteens, Un référendum à Bruxelles? Mais quelle question..., in Le Soir, 4 mars 1996.]
La représentation est possible seulement parce que l'énonciation se réalise à l'intérieur des limites d'un code qui a une histoire, une position à l'intérieur d'une certain temps et d'un certain espace. Une identité (ethnique) «repose sur la projection de l'existence individuelle dans la trame d'un récit collectif, sur la reconnaissance d'un nom commun, et sur les traditions vécues comme trace d'un passé immémorial (même lorsqu'elles ont été fabriquées dans des circonstances récentes).» 4 En ce sens, la même généalogie ethnoculturelle unit Bruxelles et la Wallonie: elles ont le même territoire, la même généalogie, la même histoire. Toute présence de la communauté flamande à Bruxelles est par suite irrationnelle et injuste dans le récit FDF:
28. L'histoire commune née d'une révolution dont la force du message l'était tout autant, autorise les Wallons à dire qu'ils ont contribué à faire de Bruxelles la grande ville de la Francité qu'elle est. Toute la hargne du mouvement flamand n'affectera jamais cette affirmation wallonne de Bruxelles.
[http://www.synec-doc.be/fdf/doc/disc99.html, 12/1/98]
29. Je ne souhaite pas que la Communauté flamande fasse des petits dans des lieux historiques comme la place des Martyrs.
[O.Maingain in C. Schoune, La capitale attaquera bien la Communauté flamande au civil in Le Soir, 21 mars 1997]
30. Que les plus prestigieux édifices bruxellois deviennent des porte-drapeaux flamands constitue en soi une faute de goût [...]
[Serge de Patoul, Bruxelles- Capitale européenne... oui. Capitale de la Flandre...non! in Espace francophone, 15, 1994, p. 14]
L' objet du désir dans le discours FDF ethnique et narcissique, la téléologie de ce que nous avons appelé plus haut les actions francophones démocratiques et sotériologiques contre la violence flamande fascisante c'est le coordinateur narratif «Liberté», point axial d'un discours libéral:
31. Nous nous opposons à toutes discriminations et en particulier à celles fondées sur la liberté d'employer sa langue.
[http://www.users.imaginet.fr/-fdf/agenda.html/, 28/03/98]
32. Regarde autour de toi: imagines-tu de passer ta vie, toute ta vie dans un pays où l'on bafouerait la liberté d'expression.
[FDF, Bruxellois maître chez toi, Marabout, Verviers, 1977, p. 57]
En résumant on pourrait dire que le code ethnique - la distinction idéelle de base entre Flamands et Francophones dans le répertoire du FDF comme classification politico-morale - est socialement légitimée par le fait qu'elle est replacée dans un discours démocratique avec un vocabulaire cohérent: ouverture, tolérance, respect, honnêteté, dialogue, pacifisme. Cette symbolique sociale masque sa structure monologique en la situant dans un langage démocratique et pluraliste. L' Autre, le Flamand, est, dans ce contexte, la négation radicale de toute éthique universelle, des valeurs sociales et culturelles du «Nous», le citoyen francophone. C'est cette accaparation d'un vocabulaire social légitime inscrite dans une stratégie rhétorique parfaitement enfermante - un pluralisme manichéen - qui de ce même point de vue démocratique pose problème. Le discours politique du FDF n'est-il pas une parodie très cohérente, moralisatrice et manichéenne, ethnicisée, de la pensée humaniste des Lumières?
- 1. Goldschläger, Towards a Semiotics of Authoritarian Discourse, in Poetics Today, 3:1, 1982, p.17.
- 2. M.Walzer, Le nouveau tribalisme, in Esprit, 186, 1992, pages 56-57.
- 3. P.V. Zima, Les mécanismes discursifs de l'idéologie in Revue de l'Institut de Sociologie, 4, 1981, p. 737.
- 4. E.Balibar, La forme nation: histoire et idéologie in E.Balibar et I.Wallerstein, Race, nation, classe. Les identités ambiguës, Paris, La Découverte, 1998, p. 127 (c'est Balibar qui souligne).