Le Monde et le "syncrétisme" de Macron

16 mai, 2017

Syncrétisme

Syncrétisme de Macron le 7 mai au Louvre

Le journal Le Monde dans ses éditions datées du 16 mai a cru devoir tailler une stature intellectuelle à Emmanuel Macron. Comme s'il fallait à tout prix que cet homme après avoir été lancé pae la presse people du CAC 40 (couvertures de VSD ou de Paris-Match d'Emmanuel et Brigitte en maillots de bain), puisse bénéficier aussi d'une aura philosophique après son élection consécutive à son lancement au printemps 2016 par la presse des milliardaires français (90 % des médias).

Et il n'y va pas par le dos de la cuiller : deux pages pleines avec photo de la lettre envoyée par l'alors jeune étudiant à Paul Ricoeur : fac-similé et texte en clair.

Certains proches de Paul Ricoeur se prêtent à cette mascarade. D'autres ont démenti l'importance de ces liens entre les deux hommes, liens bien ténus puisqu'il s'agit en fait d'une relecture des épreuves par le génie apparu en pharaon sur la place carrée du Louvre le 7 mai dernier.

Un libéralisme transcendantal et syncrétique

C'est la façon dont Bergson dans le livre d'Albert I au début de 14-18, soulignait qu'il semblait que le roi des Belges avait montré son intérêt pour la philosophie. On en remet vraiment dans le n'importe quoi : l'éthique de la discussion, la volonté du concret seraient des dimensions importantes de la philosophie de Ricoeur qui auraient façonné le destin de celui dont Le Monde se félicite qu'il représente "l'ubérisation de la société" plus "les cars Macron".

Ce qui est plus ennuyeux pour Nicolas Truong qui signe ce très très long article, c'est que le dernier paragraphe de son texte commence par une énormité : " Pour l'heure, le macronisme est un syncrétisme. Aussi bien un bonapartisme social qu'un progressisme libéral, aussi bien un dégagisme oligarchique qu'un libéralisme transcendantal1 ."

Or il n'y a pas plus détestable aux yeux de Ricoeur que le syncrétisme en question (mot sans doute tombé sous sa plume avec le même hasard grandiloquent que "libéralisme transcendantal"). Voici ce que j'écrivais dans notre revue à la fn 2013 en commentant le bel article de Ricoeur paru dans Histoire et Vérité (Seuil, Paris, 1955) Civilisation universelle et cultures nationales.

Que Ricœur insiste sur le fait que d'emblée « l'homme est autre que l'homme » et en même temps sur le fait qu'aucune étrangeté ne soit absolue, ce que démontre bien le phénomène des traductions n'étonnera pas. En revanche il exprime sa crainte par rapport à ce que nous appellerions aujourd'hui le multiculturalisme. Il craint qu'une trop grande « compréhension » des autres héritages culturels ne nous fasse sombrer dans un « syncrétisme vague ». Pour lui la seule façon de l'éviter, c'est de faire confiance à la création. Une culture vivante à la fois fidèle à ses origines et préoccupée de créer est capable de rencontrer les autres cultures : « C'est lorsqu'on est allé jusqu'au fond de la singularité, que l'on sent qu'elle consonne avec toute autre, d'une certaine façon qu'on ne peut pas dire, d'une façon qu'on ne peut pas inscrire dans un discours. » (p.299). C'est toujours au nom de la créativité que Ricœur s'oppose aux syncrétismes (au multiculturalisme ?), qui pour lui sont toujours des phénomènes de retombée ne comportant rien de créateur. 2

A force de trop écrire n'importe quoi, on finit par tomber sur le n'importe quoi qui définit ce président qui s'annonce pour la République comme l'un des pires qu'elle ait connus.

Effectivement Emmanuel Macron, marque de dentifrice lancée par la presse du CAC 40, marionnette de la finance comme l'appelle le sociologue allemand Wolfgang Streeck, n'a rien de créateur et n'est en réalité qu'un syncrétisme ne comportant rien de créateur.

Seulement, au pouvoir, cet homme sans vraie vision mais capable d'agir pour le pire, comme il en a déjà démontré la capacité, fera de son pays n'importe quoi dont seuls les riches pourront se satisfaire.

  1. 1. Le Monde du 16 mai 2917, p.7.
  2. 2. Chapitre XIII : La culture d'un peuple selon Paul Ricoeur