Les "Gueules noires" d'Émile Morel et Steinlen reparaissent
Les mineurs furent sans doute l’un des groupes et métiers les plus emblématiques et « représentés » de la grande armée du prolétariat industriel des XIXe et XXe siècles. Romans, reportages, films, arts picturaux, sculpture, chants ainsi que d’innombrables enquêtes officielles ou académiques, notamment dans les domaines socio-économiques, sociologiques, médicaux, se sont penchés sur le sort de ces forçats œuvrant au fond des entrailles de la terre. La maison d’éditions parisienne À Propos 1 spécialisée dans la publication d’ouvrages dans le domaine de l’art, de l’histoire de l’art et du patrimoine a sorti en 2020 une nouvelle et élégante édition d’un ouvrage initialement paru en 1907 : Les Gueules noires
Les Gueules noires d’Emile Morel magnifiquement illustré par Steinlen eut, comme nous allons le montrer, un certain retentissement avant la Grande Guerre et pas uniquement dans les milieux proches d’un mouvement ouvrier alors en pleine expansion dans le monde industrialisé. Pourtant sans être totalement oublié, il n’avait plus été réédité depuis plus d’un siècle et n’était plus trouvable que chez les bouquinistes et autres libraires spécialisés. Cette nouvelle édition proposée par À Propos constitue donc un petit événement qui concerne aussi la Wallonie. En effet, l’ouvrage est situé dans le bassin minier du Pas-de-Calais, celui-ci s’est développé à partir de 1850 et les mineurs borains et, dans une moindre mesure, ceux des bassins du Centre et de Charleroi ont joué un rôle essentiel dans le développement de celui-ci. Une intense circulation de la main d’œuvre ne cessa plus dès la seconde moitié du XIXe siècle de part et d’autre de la frontière. Elle explique d’ailleurs en grande partie la très faible immigration flamande vers le bassin borain. La fameuse grève de 1884 dans le bassin valenciennois qui inspira directement Emile Zola pour son Germinal (1885) fut menée par Emile Basly 2 et par le borain Elisée Fauvieau, ce qui valut à ce dernier d’être reconduit à la frontière par les autorités françaises à la première occasion... Il faut aussi rappeler les émeutes « anti-belges » de l’été 1892 où plusieurs centaines de familles furent expulsées par la population locale, nous renvoyons sur ce point à l’excellent ouvrage de Bastien Cabot : « À bas les Belges ! », L’expulsion des mineurs borains (Lens, août-septembre 1892) paru aux Presses universitaires de Rennes. Mais, comme nous allons l’évoquer, les liens directs des Gueules noires avec notre pays vont bien au-delà de ce contexte historique général. Commençons par Steinlen, l’illustrateur des Gueules noires.
Théophile-Alexandre Steinlen, un compagnon du mouvement ouvrier
Des deux auteurs des Gueules noires, Steinlen est certainement, hier comme aujourd’hui, le plus connu. Il est né le 10 février 1859 à Lausanne et fut certainement ce que l’on peut qualifier un artiste peintre « engagé ». Il mit, durant toute sa vie artistique, son talent au service de la cause anarchiste mais aussi socialiste. Ses funérailles le 16 décembre 1923 furent l’occasion d’un grand rassemblement de la CGT (socialiste) qui reconnaissait en lui un soutien fidèle et constant du mouvement ouvrier et du syndicalisme 3. Arrivé à Montmartre en 1882, Steinlen se fondit vite dans vie artistique bouillonnante de l’époque. Sa notice dans le Maitron indique que : « quand Salis crée la Gazette du Chat Noir en 1882, Steinlen y livra un premier dessin le 2 septembre 1883, qui sera suivi de 72 autres parutions. En 1885, c’est le chansonnier Aristide Bruant qui ouvrit à son tour son cabaret « le Mirliton » et créa également une gazette à laquelle Steinlen contribua largement tout en illustrant plus de 120 chansons de Bruant. De plus en plus mêlé à la vie de la population montmartroise, aux ouvriers, aux petites mains et aux gens de peu observés dans les rues de Paris, Steinlen rencontra également d’anciens communards rentrés d’exil après la loi de 1880, il sympathisa tant avec les socialistes que les anarchistes et il s’affirma, de par ses dessins, parmi les artistes les plus sensibilisés au mouvement social de la fin du siècle » 4.
Steinlen livrait à la presse de nombreux dessins attaquant l’armée, la Justice, l’Eglise, le « capital » et les banquiers. Il fournit de nombreuses illustrations de couverture pour le supplément illustré hebdomadaire du Gil Blas ainsi qu’à la revue libertaire Les Temps nouveaux dirigée par Jean Grave où il dut croiser la « girouette » Paul Adam 5 (1862-1920) , alors libertaire après avoir été boulangiste et avant d’être socialiste « anti-collectiviste » puis le zélateur de la « force noire » du général Mangin pendant la Grande Guerre. Il faut aussi évoquer sa participation à La Feuille de Zo d’Axa et à la revue anarchiste l’Assiette au beurre de 1901 à 1912 « où il dénonçait les iniquités sociales et affirmait une fois de plus ses aspirations et sa démarche libertaires 6 ». Avec notamment les deux tchèques François Kupka et Alphonse Mucha mais aussi Francisque Poulbot, son ami Adolphe Willette et quelques autres, Steinlen fut l’un des illustrateurs basés à Paris parmi les plus réputés et sollicités de son temps 7.
Le critique d’art d’origine anversoise Frantz Jourdain écrivait de lui en 1912 : « Champion des justes et saintes causes, Steinlen combat avec son crayon, comme d'autres avec la plume ou avec le fusil 8 ». La nouvelle édition des Gueules noires contient une intéressante contribution de l’historien de l’art Philippe Kaenel qui définit ainsi le choix esthétique de Steinlen : « privilégier les hommes et les femmes oppressées ou en souffrance par rapport à l’action et, surtout, ne représenter que ce dont il est le témoin empathique 9. » Il met en évidence de grandes affinités avec l’œuvre du bruxellois Constantin Meunier 10 (1831-1905), immense peintre et sculpteur du monde ouvrier et ami du romancier Camille Lemonnier, son refus du sensationnalisme notamment. Il évoque aussi Vincent Van Gogh et sa tentation artistique renforcée lors de son séjour comme évangéliste parmi les mineurs borains. Le mineur incarne le peuple et, selon Philippe Kaenel, les illustrations de Steinlen sont à voir comme un témoignage, empathique et souterrain, de révolte face à la condition ouvrière 11. Abordons maintenant le texte d’Emile Morel avant de voir qui était cet auteur.
En lisant Les Gueules noires
Les textes de Morel, véritables tranches de vie des mineurs et de leur famille, sont répartis en sept parties de longueur inégale. « La paye », « Multitude solitude », « Train-tramway », « Dimanche », « La Jaune », « Le Baptême » et « La Veuve », brossent selon Diana Cooper-Richet : « un tableau quasi complet – ne manque que celui de la vie domestique qui n’est qu’effleurée – du monde de la houille. Dans cet univers, des silhouettes vont et viennent en un long troupeau, en une « colonne houleuse ». (…) Emile Morel dresse un tableau très sombre, le plus souvent désespérant, de ce secteur de l’industrie. Il n’accorde aucune dignité aux hommes et aux femmes qui y travaillent. Il les dépeint comme des bêtes de somme, comme des brutes avinées 12… » Certes, en bon représentant du naturalisme, Emile Morel peut apparaitre au fil des pages comme sans pitié pour ceux qu’ils observent mais il ne leur est certainement pas hostile, son regard est décalé et extérieur à ce monde ouvrier mais il n’est pas méprisant. Les illustrations de Steinlen, pleines d’empathie, agissent d’ailleurs souvent comme de véritables contrepoints au texte. Notons préalablement et c’est selon moi significatif, aucune de ces sept histoires ne se passe au fond de la mine. Morel et Steinlen y sont très probablement descendus mais seules quelques illustrations « montrent » le fond. Morel n’a-t-il pas été à même de trouver les mots pour raconter ce qu’il y a vu ? Il y avait probablement aussi un obstacle d’ordre linguistique. En Wallonie, il est bien connu que la langue du fond était le wallon (ou le picard), il est fort probable qu’un patois minier dérivé du picard devait être la lingua franca des travailleurs décrits dans les Gueules noires, Morel n’y avait sans doute pas accès en tout ou en partie. Rajoutons que, comme l’a montré l’historien américain Eugen Weber, la fin des terroirs 13 et donc la francisation des territoires ruraux de la République ne triomphe durablement qu’après la Grande Guerre. Son constat est aussi valable pour le bassin minier lensois où certes l’urbanisation fut fulgurante mais où de nombreux travailleurs étaient encore fondamentalement des ruraux, ce qu’illustre le texte « Train-tramway ». Celui-ci évoque le passage d’un vicinal ramenant les hommes de la mine chez eux au moment de la moisson bat son plein.
La Paye, la première histoire, plante littéralement le décor, un père nommé Bécu va boire sa paye et la maigre indemnité que la compagnie minière lui accorde pour le décès accidentel de son fils à la fosse. Honteux, il se réfugie dans un troquet campagnard un peu éloigné, au fur et à mesure de son imprégnation alcoolique, les visions vont se succéder… L’errance de cette pauvre âme humaine donne lieu à une description très cinématographique des paysages d’un bassin minier avec ses cheminées fumantes, ses chemins de fer et canaux, ses chevalets et terrils, sa grisaille et sa pluie aussi. Morel est un contemporain de la création du cinématographe, j’imagine là sans peine une certaine influence dans les images qui, au fil des lignes, surgissent sous sa plume. Finalement, Bécu sur le chemin de retour, s’arrêtera dans un estaminet pour dépenser avec ses « congénères » ses derniers sous plutôt que d’affronter sa femme qui l’attend et qui attend surtout sa paye. Morel n’est certainement pas plus « généreux » vis-à-vis des exploiteurs. Le Baptême dénonce l’alliance claire entre les familles de propriétaires et l’Eglise catholique, un curé bien gras entouré de grands bourgeois y baptise l’exploitation future d’un puits, l’illustration de Steinlen n’est d’ailleurs pas sans rappeler un enterrement en pays wallon (1863) de Félicien Rops.
Dans La Jaune (l’ankylostomiase), le directeur général n’hésite pas à faire pression sur le médecin délégué par l’Etat pour que son rapport ne rende pas encore plus désastreuse les statistiques d’hygiène de sa compagnie minière. Il lui propose finalement le confortable poste de médecin principal de la compagnie. Ce médecin qui va refuser finalement ce poste lucratif est le personnage duquel Morel est probablement le plus proche. Qui s’exprime réellement dans ces quelques lignes, Morel ou son personnage : « il va, songeant à ce pays de richesses et de douleurs, de forces et de misères. Il pense à tous ceux qui sont là, sous lui, dans les profondeurs d’abimes, luttant contre les forces élémentaires. Et c’est bien une pitié fraternelle qu’il ressent pour eux 14 ? » Immédiatement après cette pensée, le médecin se verra brutalement refuser l’accès d’un estaminet où les mineurs sont en train de s’estourbir à la bière et à l’alcool. S’agit-il pour eux du refus de quelqu’un qui n’est pas socialement l’un des leurs ? Du rejet du représentant d’un Etat dont la seule véritable manifestation à leur égard est l’envoi régulier de l’armée et de la gendarmerie pour mater émeutes et grèves ? Ou justement du rejet de toute forme de pitié, même fraternelle, de la part d’un « bourgeois », d’un autre ? Je ne peux m’empêcher d’y voir la matérialisation de la position de Morel vis-à-vis du monde minier, d’où ce regard extérieur qui l’a probablement amené à ne pas trop s’attarder à l’activité politique et syndicale des mineurs.
Pour lui, ils ne comprennent tout simplement rien à toutes ces théories « collectivistes » mais il néglige ainsi le fait que, autour du syndicat ou du parti, s’était développé dans le Nord-Pas-de-Calais toute une sociabilité ouvrière avec ses maisons du peuple, fanfares et cercles dramatiques, bibliothèques et universités populaires, etc. La catastrophe de Courrières intensifia la lutte voire le conflit entre le vieux syndicat « réformiste » mené par Basly et Lamendin et le jeune syndicat « anarcho-syndicaliste » de Benoit Broutchoux 15. Gageons que cela devait agiter quand même fréquemment les discussions dans le bassin minier. Dimanche, sa description de la journée de repos au centre du livre est très réussie, sa sensibilité personnelle est sans doute choquée par les combats de coqs mais il n’en est pas moins fasciné. Morel montre bien comment l’architecture et l’aménagement même des corons ne sont que la traduction matérielle de la hiérarchie sociale existante entre les mineurs et entre eux et le monde extérieur. Le quartier des Belges et des jaunes étant d’ailleurs excentrés. En revanche, il faut remarquer que Morel s’intéresse au sort des ouvrières. Dans Multitude-Solitude, il évoque une jeune trieuse en surface amoureuse d’un mineur pour qui elle ne constitue que, tout au plus, une distraction sexuelle. Le dénouement sera évidemment tragique. La Veuve, dernière histoire du livre, est sans aucun doute la pièce la plus importante. Elle raconte l’attente d’une jeune femme dans les heures qui font suite à la catastrophe de Courrières. Son mari fait-il partie des victimes ou pas ? Pourra-t-elle récupérer son corps ? Comme beaucoup d’autres épouses, mères et sœurs, elle va être obligée d’identifier son mari parmi des centaines de corps horriblement brulés et mutilés. Le corps récupéré, elle subit hébétée voire abrutie par les heures qu’elle vient de vivre, la visite d’un quelconque ministre, très encadré et protégé par la troupe en armes, qui veut absolument se recueillir devant le cercueil du défunt. Mais les dernières lignes ne manqueront pas de révéler l’absurdité de la condition à la fois de mineur et d’épouse-veuve de mineur. Je laisse les lecteurs découvrir le dernier soubresaut de cette histoire. Après avoir parcouru les Gueules noires, il est temps de rassembler ce que nous connaissons exactement d’ Emile Morel ?
Émile Morel, un auteur tombé dans l’oubli…
Émile Morel semble avoir disparu de l’histoire et de la mémoire littéraires. La journaliste Dominique Simonnot le décrit dans son avant-propos comme un « auteur tombé dans l’oubli ». Myriam Degraeve, éditrice de l’ouvrage, le qualifie quant à elle « d’auteur oublié ». Cette dernière a pu néanmoins rassembler quelques éléments épars de sa vie, ma curiosité ayant été attisée, je me suis donc mis en quête.
Un enfant de la (très) grande bourgeoisie du Pas-de-Calais
La contribution de Myriam Degraeve reprend une information très intéressante qui va se révéler un point de départ fructueux. Il s’agit du mariage d’Émile Morel le 20 juillet 1897 devant les autorités de la ville de Bruxelles, de là les informations biographiques sur la famille Morel vont s’accumuler. La mise en ligne d’une très grande partie de la presse et des revues de l’époque par la Bibliothèque Nationale de France sur les sites Gallica et Retronews et diverses sources généalogiques m’apportèrent d’autres éléments cruciaux.
Mais revenons au début et prenons la direction de la ville d’Arras, préfecture du Pas-de-Calais. Émile Gustave Henri Morel y est né le 26 avril 1873 à 17H au n°6 place Ste-Croix en plein cœur du centre historique, à quelques pas de la superbe Grand-Place et de l’hôtel de ville et de son beffroi. Il est le fils de Gustave Morel, brasseur, et de Gabrielle Deleau. Gustave Morel, alors âgé de 28 ans, Ingénieur des arts et manufactures, est déjà un grand bourgeois et notable arrageois. La brasserie Morel a été fondée en 1831 par son grand-père, la revue Le Panthéon de l’industrie dans son numéro 514 (1885) précise que celle-ci écoule l’essentiel de sa production au niveau local, qu’elle atteint les 30.000 hectolitres annuels et comprend tout autant des bières de haute et de basse fermentation. En 1878, Gustave Morel est élu conseiller municipal républicain, il siégea au conseil municipal probablement jusqu’en 1900. Lors de son décès en 1910, le quotidien Le Grand Echo du Nord et du Pas-de-Calais évoque le 28 octobre son action au niveau de la chambre de commerce locale et ses fonctions de juge consulaire auprès du Tribunal de commerce d’Arras.
Il est aussi considéré comme un grand ami des arts possédant une des plus belles collections de tableaux et de sculptures de la région, il représenta d’ailleurs le conseil municipal auprès du Musée municipal. Émile Morel est donc un pur produit de la grande bourgeoisie, sa mère étant quant à elle issue d’une famille de propriétaires et de négociants arrageois. Fils unique, il aurait donc dû normalement hériter de la brasserie familiale et en reprendre la gestion mais il va finalement choisir une autre voie. J’ai recueilli peu de renseignements sur les études suivies par Emile Morel mis à part qu’il fut est élève au collège d’Arras. Son dossier militaire conservé aux archives départementales du Pas-de-Calais nous apprend que le 1er octobre 1891, âgé de 18 ans et étudiant 16, il s’engage volontairement pour une durée de trois ans au 12e régiment de chasseurs à cheval basé à Rouen. C’est un régiment de cavalerie légère prestigieux puisqu’il prit notamment part en 1815 aux batailles de Ligny et de Waterloo. Il participa aussi à l’écrasement de la commune de Paris lors de la semaine sanglante fin mai 1871. Quoi qu’il en soit, le port de l’uniforme ne semble pas avoir eu l’effet imaginé par Emile Morel puisqu’il est déclaré déserteur le 12 mai 1892. C’est à partir de ce moment que le chapitre belge de sa vie débute…
Bruxelles, Anvers, la Suisse…
Le dossier d’Émile Morel à la police des étrangers ne semble pas avoir été conservé 17 mais d’autres sources permettent de combler partiellement cette lacune. Morel passe probablement la frontière belge le 10 mai 1892, il est en tout cas officiellement inscrit dans les registres de population de la ville de Bruxelles à partir du 20 juin 1892. Il a pour résidence le N°26 Boulevard du Nord (l’actuel Boulevard Adolphe Max), il s’agit sans doute d’ un hôtel situé près de la gare du nord, il est repris comme employé. Il quitte Bruxelles un mois plus tard et va s’installer à Anvers où il est inscrit dans les registres de la police anversoise à partir du 21 juillet 1892. Sa résidence se situe dans le sud de la métropole (6 Valkenburgstraat) et, chose assez amusante, dès le 6 aout 1892, il y est rejoint par sa mère qui va s’installer avec lui.
Les autorités belges ne semblent pas être au courant qu’il est déserteur puisque le 21 décembre 1893, le commissaire en chef de la police anversoise répond au commissaire de la 8ème section qu’il n’a aucune objection à la délivrance d’un certificat de bonne vie et mœurs au profit d’Émile Morel. Il est employé de commerce pour la firme d’un ressortissant anglais Thomas Cobden-Baines, commissionnaire et expéditeur en douane, localisée Stoofstraat dans le cœur historique de la cité. Cette famille semble avoir une certaine position sociale dans la métropole, le frère de Thomas, Ryde Rupert Baines commanda en effet divers navires marchands sous pavillon belge. Le fils de Thomas Baines, décédé en 1889, Percy Baines a repris la gestion de la firme en 1892. Son décès en Sierra-Leone annoncé dans le quotidien anversois La Métropole du 30 avril 1900 semble indiquer que celle-ci commerçait sans doute principalement avec le continent africain. Emile Morel quitte Anvers, sans doute dans le courant de 1894, pour Fribourg en Suisse. Il ne s’y attarde pas longtemps puisqu’il est de nouveau inscrit dans les registres de population de la ville de Bruxelles à partir du 19 janvier 1895, cette fois il y est repris comme rentier. Il va occuper diverses résidences 18 avant d’effectuer un bref séjour à Liège du 20 mars au 19 juin 1897. Il s’installe ensuite au 114 A Rue de la Loi, alors un quartier très résidentiel et vert de la capitale, avec sa future épouse Elisa Olin. Il est temps d’évoquer la future belle-famille d’Émile Morel.
Les familles Olin et Picard, la grande bourgeoisie industrielle, la vie artistique, l’université et la politique…
La promise d’Emile Morel Elisa Adèle Florentine Esdré Olin née à Bruxelles-ville le 2 mars 1871 n’est pas issue d’une famille anonyme ou modeste. Son grand-père Nicolas (1803-1870), originaire de Sedan, s’installe en Belgique peu de temps après 1831 et y crée les papeteries de Virginal en Brabant wallon. Son père François (1840-1883) reprit les papeteries et fut Bourgmestre de Virginal, il est surtout connu comme amateur d’arts, il était notamment le propriétaire de plus de 800 œuvres de Félicien Rops. Son oncle Henri (1838-1871) a collaboré anonymement à La Liberté, journal progressiste, en tant que critique d’art, il était aussi un grand collectionneur de tableaux de l’école réaliste belge et d’œuvres de Corot, Courbet etc.
Le fils d’Henri, Pierre-Marie (1865-1913) fut le directeur de La Wallonie, la grande revue francophone et européenne du courant symboliste fondée en 1886 par le liégeois Albert Mockel. Il collabora aussi aux revues françaises l'Ermitage, les Entretiens politiques et littéraires et à La Revue blanche. Son oncle Xavier (1836-1899) est avocat, professeur de droit à l’Université Libre de Bruxelles, recteur de cette même université, député libéral de l’arrondissement de Nivelles (1878-1884) et Ministre des Travaux publics (1882-1884) en pleine guerre scolaire avec le parti catholique. Enfin sa tante Adèle fut l’épouse d’Edmond Picard (1836-1924), avocat, homme de lettres et sénateur socialiste de 1894 à 1908. Elle fit l’objet de plusieurs tableaux dont un peint par Théo Van Rysselberghe (tout comme Pierre-Marie Olin en 1887). Toutes ces personnes furent d’une manière ou l’autre partie prenante dans la défense de l’art dit moderne ou social dans le dernier tiers du XIXe siècle. Picard fonda en mars 1881 la revue L'Art moderne qui prône un « art social » en réaction à « l'art pour l'art » que défend la revue La Jeune Belgique. Il fut aussi le défenseur du romancier Camille Lemonnier lors d’un procès où ce dernier fut accusé d'atteinte aux bonnes mœurs dans ses écrits. Picard fut une figure importante du mouvement symboliste, il était proche de la plupart des écrivains et artistes de la fin de siècle comme Camille Lemonnier, Emile Verhaeren, Constantin Meunier ou Auguste Rodin qu’il exposa chez lui.
Edmond Picard et Xavier Olin, tous deux francs-maçons, furent les témoins de mariage d’Émile Morel. Même si je n’ai pas pu creuser cette piste, une éventuelle appartenance de ce dernier à la franc-maçonnerie n’est pas à exclure. En tout cas, il y a fort à parier que de telles fréquentations développèrent ou renforcèrent ses éventuelles aspirations artistiques. Toutefois, il semble qu’il ne fut pas influencé dans ses écrits par le nationalisme (belge) et l’antisémitisme virulents de Picard 19. En outre, Il ne faut pas exclure la possibilité que Gustave Morel, autre amateur d’arts, fut antérieurement et d’une manière ou l’autre, en contact avec la famille Olin-Picard, son métier de brasseur et la proximité géographique font qu’il devait avoir plus que de simples relations commerciales avec la Belgique. Par son mariage, Émile Morel ne quitte évidemment pas la grande bourgeoisie, il renforce son implantation dans toute une série de cercles politiques et artistiques de la fin du XIXe siècle. Avec une telle belle-famille, ne pas prendre part, d’une manière ou l’autre, à l’activité artistique eut été presque incongru… Son second interlude belge va prendre fin le 10 novembre 1897 lorsque le jeune couple quitte Bruxelles pour s’installer à Lausanne.
Le retour à Arras et les premiers écrits
Le couple ne va pas rester longtemps en Suisse, en effet ils prennent le chemin de la France à la suite de l’adoption de la loi d’amnistie du 27 avril 1898 qui vise les déserteurs et insoumis. Son dossier militaire indique qu’il serait rentré à Arras le 25 juin 1898. Etant âgé de moins de trente-cinq ans et marié, il est soumis par cette loi aux obligations de la classe à laquelle il appartient par son âge (1893). Il est donc placé immédiatement dans la réserve de l’armée d’active, mais il n’en a pas fini pour autant avec l’armée. Il semble que, dans un premier temps, Émile Morel ait travaillé à la brasserie familiale, l’acte de naissance en 1899 de son premier fils Henri 20 indiquant qu’il est brasseur. Il effectue une période d’exercices au 13e régiment d’artillerie du 5 février au 4 mars 1900.
Au cours de celle-ci, il fit une chute de cheval qui lui brisa le tibia gauche, ce qui provoqua un raccourcissement d’environ 2 cm du membre. Il est réformé par décision ministérielle du 12 avril 1901. Il est à noter que cet accident ne l’empêcha pas de continuer à pratiquer l’escrime et ce à un niveau sans doute élevé puisque la presse de l’époque mentionne son nom à quelques reprises 21. C’est aussi en 1900 qu’il publie à Arras son premier livre « Comment on écrit l’histoire en Angleterre », bref ouvrage d’une vingtaine de pages prenant la défense des Boers, les colons blancs d’Afrique du sud, alors en conflit avec l’empire britannique. Cette guerre souleva de nombreuses réactions hostiles face aux exactions commises par les troupes impériales durant le conflit. Ce petit livre est recensé dans plusieurs publications pour l’année 1900 mais je n’en ai trouvé aucun compte-rendu, même s’il est mentionné dans une critique d’un roman ultérieur d’Emile Morel. Il semble même être introuvable en bibliothèque, y compris à Arras 22. Fin de cette même année naquit Simonne 23 l’unique fille du couple. La famille Morel-Olin demeure à nouveau brièvement au cours de l’année 1901 en Suisse, plus exactement à Nyon dans le canton de Vaud mais elle revient dès l’année suivante à Arras où va naitre leur deuxième fils Frantz 24. C’est la même année qu’il publia sa première œuvre de fiction chez un éditeur genevois « Le charme des yeux » 25. Il s’agit probablement d’un livre publié à compte d’auteur, comme son nom l’indique l’imprimerie nationale est une imprimerie et non une maison d’édition genevoise.
J’ai trouvé une critique de cet ouvrage dans la Revue septentrionale 26 du 5 mars 1903 par E. Lacroix-Perret. Il comprend trois parties : Les yeux purs, Madeline et l’Aveugle. La critique est plutôt élogieuse : « Ce livre est bien conçu, bien conduit et bien écrit. L'auteur s'y révèle observateur précis et psychologue expert. Les descriptions sont délicates et poétiques et les personnages, bien choisis et bien présentés, se meuvent avec aisance dans le cadre agréable d'un style clair et sans artifice, débarrassé de ces néologismes barbares qui rendent certaines œuvres déplaisantes. Toutefois nous ferons à M. Morel une critique : son œuvre ne peut pas être lue par tout le monde — et ceci pour satisfaire les lecteurs pudibonds qui ne savent pas voir souvent dans un naturalisme de bon aloi la poésie, le charme et en tout cas l'exactitude. » Morel s’inscrit donc dès le début dans le courant littéraire (finissant) du naturalisme 27 , et plutôt que la figure tutélaire de Zola, il est probable qu’il ait été influencé par Camille Lemonnier et, sans doute, par Joris-Karl Huysmans. En 1903, Pierre 28 , le dernier enfant de la famille, nait à Arras. Le roman suivant d’Émile Morel intitulé Névrose sort en 1904, il est publié par la toute nouvelle maison d’édition que vient de fonder l’occitan Edward Sansot (1864-1926). D'abord intitulée Bibliothèque Internationale d'Édition, celle-ci est vite connue comme La Librairie E. Sansot et Cie, Éditeurs. Diana Cooper-Richet 29 nous apprend que Sansot qui fut tout à la fois poète, directeur de revues et éditeur de quelque 500 titres entre 1903 et 1926, était décrit par ses contemporains comme un drôle de bonhomme au fort accent bordelais et « au bonnet à calotte de concierge ». Ce lanceur de jeunes auteurs est considéré comme « un éditeur à compte d’auteur qui n’est pas trop gourmand et aime donner sa chance aux débutants ». On retrouve à son catalogue des auteurs presque institutionnels de l’époque comme Maurice Barrès et Paul Bourget mais il y aussi Alfred Jarry, des futuristes, quelques poètes dandy, Paul Léautaud et le « décadent » Jean Lorrain (1855-1906) à qui Morel fut parfois comparé.
Névrose va avoir un retentissement beaucoup plus important dans la presse et les revues que son ouvrage précédent 30. Il faut remarquer d’emblée que ce roman est accompagné d’illustrations de Manuel Orazi (1860-1934), artiste rattaché au courant de l’Art Nouveau et illustrateur « maison » de la Librairie Sansot. L’histoire est assez simple, il s’agit des déambulations teintées d’effluves d’opium dans les rues Florentines d’un jeune poète ruminant le départ et l’absence de sa bien-aimée qui vit avec un autre. Une fois celle-ci revenue, elle ne suscitera plus chez lui que son désintérêt, le souvenir de son amour passé étant plus intense que la réalité. En dehors du Mercure de France qui semblent en avoir assez de tous ces jeunes gens souffrant d’une fin de siècle qui ne passe pas et du très catholique Mois littéraire et pittoresque 31 , la critique est plutôt positive. Le Figaro du 12 février 1904, sous la plume de Philippe-Emmanuel Glaser, évoque un fort remarquable roman et une œuvre troublante, maladive et forte qui certainement aura un gros retentissement dans le monde des lettres. Je ne m’attarderai plus en détail que sur deux critiques. Voyons en premier celle de la revue L'Idée libre - Littéraire, artistique, sociale publiée à Mons par l’avocat et homme politique socialiste François André 32. La présence de cette critique ne doit pas surprendre, Edmond Picard et son fils Georges ainsi que Pierre-Marie Olin sont des contributeurs réguliers de cette revue. La critique même de Névrose est rédigée par l’auteur parisien d’origine batave Adolphe Van Bever (1871-1927) qui est aussi publié chez Sansot. Pour lui, Névrose « n'est point un bréviaire de la douleur, non plus un répertoire métaphysique pour établir des idées ou imposer une façon de sentir. C'est un recueil d'impressions. Une angoisse s'y mêle, car c'est une manière d'autobiographie, où quelque chose de nous-même intervient fiévreusement. (...) L'action tient deux lignes ; idéalisant certaines passions adultères, elle réalise ce qu'il peut y avoir d'amer à vivre loin de la femme aimée qu'un « autre » entraîna dans les lois du mariage. Deux amants ont connu naguère toutes les joies d'un amour partagé et c'est au lieu-même où ils s'éprouvèrent que l'amant vient pleurer l'absente. Lugubre et fatigant pèlerinage où nous sommes entraînés au cours de plus de deux cents pages. Il n'est point un endroit de la cité florentine qui ne rappelât à notre héros le séjour de celle qui partit, point un objet qui ne trahit la mémoire de son attitude. (…) Tristesse d'arrière-saison où les parterres se fanent alors que veulent renaître les idylles. L'objet aimé reviendra, mais tout autre, pour l'amant élégiaque ; dans la quasi-solitude des cloches qui s'éteignent et des feuilles qui tombent, l'image de l'amour au parc crépusculaire se confondra avec le spectre de la Mort... » Van Bever révèle en outre que la personne représentée par Manuel Orazi en couverture du roman n’est autre que le romancier « décadent » Jean Lorrain étreint par le monstre des névroses. Venons-en à la critique de Noël Lefèvre dans Le Grand Echo du Nord et du Pas-de-Calais, le grand journal régional de l’époque, en date du 21 février 1904. Il considère qu’il « faut louer M. Émile Morel d'avoir tiré bon parti d'un cas psychologique si curieux et il faut saluer en lui un écrivain de race et d'avenir. Son talent d'ailleurs n'est pas d'aujourd'hui seulement apprécié dans le monde des lettres. Les deux livres antérieurs : En Détresse et Le Charme des Yeux lui avaient déjà acquis l'estime des artistes. Névrose est le roman du jour (…) il marche sur sa 6e édition. Il faut s'en réjouir doublement ici, l'auteur étant fils de notre région, où son père, grand industriel d'Arras, élève distingué de l'Ecole Centrale, jouit de la considération générale ». C’est la seule mention que j’ai trouvé d’un ouvrage dénommé En Détresse qui aurait été publié précédemment, on peut raisonnablement se poser la question de son existence réelle sans toutefois l’exclure. Ensuite le lien est « évidemment » fait avec le père de l’auteur, grand notable arrageois. C’est donc un écrivain « prometteur » qui va rédiger les Gueules noires. Avant d’aborder cet ouvrage, il faut noter que, probablement en 1905, la famille Morel-Olin quitte Arras pour s’installer à Melun en Seine-et-Marne, pas très loin de Paris. Elle s’installe au 63 Rue Saint-Liesme dans le quartier du même nom. Il s’agit d’un quartier majoritairement résidentiel situé le long de la rivière Almont, affluent de la Seine. La famille s’installe avec deux domestiques et une gouvernante pour les enfants. Émile Morel y fut membre de la Société d’archéologie, sciences, lettres et arts du département. La propriété familiale servit à des réceptions de jeunes auteurs et des prestations théâtrales et musicales. La revue Les entretiens idéalistes nous apprend ainsi que : « le Dimanche 23 juin (1907), toute la jeune littérature fut conviée à un déjeuner — garden-party donné à Melun, sous les auspices de la librairie E. SANSOT ET Cie, dans les jardins de M. Émile Morel, l'auteur des Gueules Noires. De nombreux artistes prêtaient leur concours à cette fête et nous entendîmes avec un plaisir tout particulier, Mlle Marie Kalff dans les fragments de Pelleas et Melisande (M. MAETERLINCK), Mlle Bovy, Mlle Delville, M. (Louis) Bourny, etc. Dans l'assistance : Mmes Judith Cladel, Claude Lemaitre, M. et Mme Van Bever, M. et Mme Firmin Roz, Mm. (Georges) d'Esparbès, Roger Le Brun, René-Georges Aubrun, Albert de Bersaucourt, Pierre Chaine, Louis Haugmard, Joseph Casanova, René Gillouin, Jacques et Marcel Boulenger, etc. 33 » Ce qu’il est intéressant de remarquer c’est la présence importante du cercle de sociabilité des familles Picard-Olin. La liégeoise Berthe Bovy 34 (1887-1977) qui entra à la Comédie française en 1907 dont elle sera sociétaire n’est autre que la fille de Théophile Bovy (1863-1937), l’auteur notamment des paroles du Chant des Wallons. Judith Cladel, biographe de Rodin et fille du romancier et communard Léon Cladel, fut très proche d’Edmond Picard. J’ai déjà évoqué Adolphe Van Bever qui fait le lien avec le cercle de sociabilité d’Edward Sansot (Aubrun, de Bersaucourt, Haugmard, etc.). Même si Sansot fut dreyfusard, on peut relever la présence parmi les invités de personnalités très à droite politiquement tels que d’Esparbès, Gillouin et Jacques Boulenger. Notons aussi un lien avec l’escrime que pratique Morel via le romancier Marcel Boulenger qui fut médaille de bronze au fleuret lors des J.O. de 1900. Le Gil Blas, quotidien à la tonalité assez littéraire dont Steinlen illustre le supplément littéraire hebdomadaire, rapporte quant à lui dans son édition du 24 juin 1907 qu’une « fête très cordiale réunissait, hier, à Melun, dans les magnifiques jardins de M. Émile Morel, un groupe de jeunes poètes et de jeunes artistes (...) dans un garden-party littéraire très agréable 35 ». Les réseaux de sociabilité du couple Morel-Olin sont donc assez étendus et variés, par ce biais un lien peut être établi avec de nombreuses revues politiques et littéraires de l’époque et ce tant en France qu’en Belgique.Les Gueules noires
Morel a sans doute rédigé ses nouvelles dans la foulée de Névrose. En effet, dans un ouvrage d’Emile Lesueur publié en 1905 36, on peut lire que : « Emile Morel— encore un Artésien — qui puisait hier l'inspiration de Névrose dans la Renaissance italienne, va publier sous le titre Multitude, solitude, un ensemble de nouvelles et de poèmes en prose écrits à Lens parmi les mineurs devenus ses confidents. L'auteur s'est attaché à rendre l'existence de ces vaillants qui donnent chaque jour quelques instants de leur vie, nécessairement abrégée, pour réchauffer les mondes; il a voulu décrire, en des teintes neuves et vraies, les scènes des heures de labeur ou de repos, exprimant leurs vices et leurs vertus insoupçonnées, leur idéal social, leurs jeux, leurs passions, les plaçant dans leur cadre, aussi bien dans le coron bruyant que parmi l'atmosphère de machines amoureusement détaillées »
Il s’agit donc d’un projet qui précédait nettement la catastrophe minière de Courrières 37. Je ne partage pas l’avis de Mme Cooper-Richet qui suggère que l’intérêt de Morel tiendrait au fait que, voisin du bassin minier, « ce monde de la mine ne lui est pas totalement étranger, (et) aussi parce que vient de se produire la plus dramatique catastrophe minière de tous les temps ! Le sujet est donc sensible et peut attirer les lecteurs ». Tout dans l’appartenance sociale et le passé d’Emile Morel montre qu’il est totalement et absolument étranger au monde minier, les mineurs du bassin lensois n’allant d’ailleurs quasi jamais à Arras, c’est probablement pour cette raison que ce grand bourgeois et fils de notable s’y est intéressé. En outre, si l’on prend en compte le cercle de sociabilité très étendu de son parent Edmond Picard, avec des artistes comme Lemonnier, Meunier, Verhaeren, etc. qui ont décrit ou illustré ce monde, l’influence de Picard doit avoir joué un rôle. Notons d’ailleurs, par contraste avec la Belgique et la Wallonie, que la stature de Zola et de son Germinal font trop souvent oublier, qu’avant 1914, le monde de la mine n’est pas un thème très fréquent chez les romanciers français. Dans ce contexte, quoi de plus motivant pour un auteur prometteur que de se pencher sur un sujet totalement inconnu voire mystérieux pour lui et peu évoqué dans les lettres françaises ?
La publication des Gueules noires n’intervient que début 1907, cela s’explique-t-il par le fait d’y avoir adjoint les illustrations de Steinlen qui, comme évoqué précédemment, était un illustrateur très sollicité à l’époque ? Était-ce d’ailleurs une volonté d’Edward Sansot et de Morel d’en faire une œuvre illustrée ? La catastrophe de Courrières a-t-elle changé la nature du projet éditorial initial, notamment par l’ajout d’une préface par Paul Adam ? Ces questions demeurent sans réponse, le manuscrit de Multitude, solitude, évoqué par Lesueur est sans doute perdu depuis longtemps, les poèmes en prose ont en tout cas disparu. Les deux auteurs se sont rendus ensemble sur place avant de finaliser leurs contributions. Avec une pointe d’ironie, Victor Barbier, le secrétaire général de l’Académie d’Arras précise que : « très consciencieusement, et sans s'inquiéter si certaines promiscuités n'étaient pas dangereuses pour la correction d'un complet clair, la blancheur de son linge et la pointe en croc de ses moustaches, l'écrivain s'est frotté longuement aux mineurs, et les a coudoyés aux jours de fête, comme aux jours de deuil. 38 » En dehors de Romans-revue : guide de lectures dédié aux « catholiques cultivés » du libraire-éditeur cambrésien Oscar Masson considérant que « c'est hideux, c'est odieux, c'est haineux, et c'est loué par Paul Adam 39 », la réception critique fournie 40 du livre fut plutôt élogieuse.
Le Figaro du 13 juillet 1907, sous la plume (à nouveau) de Philippe-Emmanuel Glaser, évoque un livre tout à fait remarquable et fort, l’auteur ayant « su exprimer avec un intense accent de vérité la tragique, la sombre, l'héroïque destinée de ces Gueules noires, dont l’existence de labeur et de peine se poursuit dans les ténèbres de la mine; tour à tour terribles, enfantins, lamentables ou tragiques, ils vivent dans ces nouvelles (…) des aventures médiocres ou formidables, mais toujours d'une vivante et palpitante vérité ». Le Mercure de France qui n’avait pas guère gouté la névrose florentine d’Émile Morel est, sous la plume de Rachilde, cette fois plus enthousiaste : « Après les désastres de Courrière, rien ne peut nous rester indifférent de ce qui concerne la mine et les mineurs. (…) Nous pouvons suivre, dans leur douloureuse descente aux enfers, les pauvres damnés du pic et louer l'auteur, l'illustrateur et l'éditeur d'avoir mis leurs talents au service d'une noble cause 41 ». Il est intéressant aussi de voir la réaction de la presse socialiste. Gustave Rouanet dans L’Humanité (jaurésienne) est sobre et bref, après avoir cité la préface d’Adam, il écrit que : « la vérité littéraire en laquelle M. Morel a fixé ses gueules noires, le crayon âpre, de Steinlen la commente, la traduit, presque page par page, en des lithographies d'une intensité d'expression douloureuse, inexprimable, une expression de douleur infinie qui monte des êtres et des choses... » Le quotidien de la SFIO va ensuite, à partir du 11 juillet 1907, publier intégralement Les Gueules noires en feuilleton mais sans les illustrations de Steinlen. Georges Linne dans L'Action : quotidienne, anticléricale, républicaine, socialiste du 3 juillet 1907 considère que « M. Morel a puissamment concrétisé cette absorption de toute une race, dévorée, engloutie, offerte en sacrifice au capital impitoyable (…) Que de tristesse ! Que de crimes sociaux ! ». Par une résonance troublante, la critique littéraire suivante de ce quotidien est celle d’un ouvrage de Camille Lemonnier…
Enfin L’Intransigeant, journal du communard Henri Rochefort devenu boulangiste puis nationaliste, publie deux critiques élogieuses 42. Pour G. Valette, il s’agit d’« un livre passionnant, qui marque dans la carrière de l’auteur de Névroses une admirable évolution. Parti de la psychologie la plus raffinée, l’écrivain est aujourd’hui un analyste robuste et sain. Finis, les temps où s’ouvraient de minutieuses études de caractères compliqués dans des décors bôtticellesques et florentins ! (...) Nul aussi bien que M. Morel, en un style sobre et coloré tout ensemble, ne peignit cette vie tragique et sans espoir des « Gueules noires ». (…) Avec ce livre, M. Emile Morel se révèle un romancier du plus grand avenir. » Il y a bien quelques reproches, notamment en cette époque d’exacerbation des nationalismes, celles du romancier Maurice Cabs en quasi une du Gil Blas du 4 juin 1907. « M. Morel cherche la vérité mais il la recherche et l’atteint en suivant l’exemple de Gorki. La voilà bien l'influence néfaste des littératures étrangères ! (…) Il ne faut donc pas exagérer le sort misérable des «gueules noires». On aurait tort de les considérer comme des brutes courbées sous le joug que l'excès de labeur et l'excès d'alcool tuent fatalement avant la vieillesse. A l'homme-outil de M. Morel, il reste à opposer le mineur d'aujourd'hui, en tous cas celui de demain.»
Je n’ai pas trouvé en utilisant le moteur de recherche de Belgicapress 43 beaucoup de critiques des Gueules noires dans la presse et les revues wallonnes et bruxelloises. Le futur sénateur et échevin libéral de Bruxelles, Robert Catteau, en donne un compte-rendu élogieux dans La Dernière heure du 23 juin 1907. Le journaliste et homme politique socialiste Louis Piérard évoque très brièvement l’ouvrage dans Le Journal de Charleroi du 25 novembre 1908 lors d’une visite à Charleroi du poète-mineur Jules Mousseron, conteur en picard du bassin minier et père du célèbre Cafougnette. Peut-être faut-il y voir la conséquence du fait que le monde de la mine a déjà été fréquemment traité dans un Etat à l’époque plus industrialisé, et ce depuis plus longtemps, que la France ? Tout au long du XIXe siècle, la Wallonie avec Bruxelles et Gand firent de la Belgique une des trois premières puissances industrielles mondiales. Elle occupa le deuxième rang en matière de production de charbon de 1790 à 1860 environ. En 1913, elle est au quatrième rang en matière de production d'acier. Vers 1880, la région de Charleroi est le 2ème producteur mondial après les Etats-Unis de verres à vitre. L’historien Paul Bairoch place la Belgique en troisième position du niveau de développement industriel derrière les Etats-Unis et la Grande-Bretagne en 1910 44. Cette situation favorisa de manière précoce le développement d’un Prolétariat massif et puissant qui ne manqua pas d’inspirer de nombreux artistes et créateurs.
L’après et l’oubli
Avec un tel impact « médiatique », on aurait pu penser que la carrière littéraire d’Emile Morel était définitivement lancée, mais, de manière surprenante, il disparait alors complétement de la vie littéraire ! En 1908, Gustave Morel revend sa brasserie, il décède peu après en 1910. Fils unique, Emile Morel a sans reçu un héritage substantiel qui l’a encore plus et pour longtemps mis à l’abri du moindre souci financier. Est-ce que cette situation confortable a tari son inspiration ? A-t-il connu des problèmes de santé ou bien a-t-il considéré avoir tout écrit de son œuvre ? Toutes ces questions restent sans réponse. Il ne m’a pas été facile de retrouver ensuite la trace de la famille Morel-Olin. C’est finalement par le biais de son fils ainé Henri que quelques éléments ont pu être rassemblés. A une date que je n’ai pas pu déterminer 45, la famille quitte Melun pour s’installer en Nouvelle-Aquitaine. Le fait que Melun eut été, en septembre 1914, aux premières loges de la bataille de la Marne est peut être à l’origine de ce départ ? Émile Morel, encore en âge d’être mobilisé dans l’armée territoriale, passe devant le conseil de révision de Pessac (Gironde) le 9 décembre 1914. Les décisions du conseil ne sont pas accessibles en ligne sur le site des archives départementales de la Gironde, il est en tout cas maintenu sous statut de réformé. Lorsque son fils ainé appartenant à la classe 1919 est mobilisé en 1918, la famille Morel-Olin est alors domiciliée à Bayonne (Pyrénées-Atlantiques). Henri Morel fera son service dans l’artillerie d’avril 1918 à avril 1921, il terminera avec le grade de maréchal des logis et participera à l’occupation de l’Allemagne de fin 1919 à 1921. Son domicile ultérieur est le 53 Rue du Parc à Caudéran. Cet indice m’a permis de retrouver la trace d’Émile Morel. La ville de Caudéran est alors qualifiée de « Neuilly bordelais », elle est la banlieue résidentielle et fortunée de la ville de Bordeaux. En 1965, elle y fut d’ailleurs absorbée. Sans doute vers fin 1918, début 1919, Émile Morel quitte Bayonne et s’y installa avec sa famille dans une belle résidence à l’entrée du parc municipal. Et c’est là que, malheureusement, il décède à l’âge de 46 ans le 16 décembre 1919 à 14H 46. Un petit avis nécrologique est publié par les familles Morel, Olin, Henry, Hudelist, Picard et Lafage le 18 décembre 1919 dans le quotidien La Petite Gironde annonçant pour le lendemain ses obsèques en l’église locale. Les quatre enfants d’Emile Morel et d’Elisa Olin s’étant mariés, il n’est pas exclu qu’ils aient des descendants en vie quelque part en Nouvelle-Aquitaine (ou ailleurs) et que, pourquoi pas, quelques archives aient pu subsister de l’activité littéraire de leur aïeul ? Émile Morel est peut-être seulement en train de réellement sortir de l’oubli…
- 1. www.editions-a-propos.com
- 2. Voir sa notice du Maitron, https://maitron.fr/spip.php?article87675 , notice BASLY Émile, Joseph par Justinien Raymond, version mise en ligne le 19 octobre 2010, dernière modification le 19 octobre 2010
- 3. Voir l’article publié dans Le Peuple, le quotidien de la CGT (socialiste) en date du 17/12/1923
- 4. https://maitron.fr/spip.php?article75139, notice STEINLEN Théophile, Alexandre par Véronique Fau-Vincenti, version mise en ligne le 4 novembre 2009, dernière modification le 11 août 2020
- 5. Voir sa notice dans le Maitron, https://maitron.fr/spip.php?article76839 , notice ADAM Paul , version mise en ligne le 6 septembre 2017, dernière modification le 10 mars 2020
- 6. notice STEINLEN Théophile, Alexandre par Véronique Fau-Vincenti dans le Maitron
- 7. Voir la revue Les Hommes du Jour, N°211 du 5 février 1912 qui lui est consacrée
- 8. idem
- 9. Les Gueules noires, P249
- 10. Voir sa notice http://connaitrelawallonie.wallonie.be/fr/wallonsmarquants/dictionnaire/meunier-constantin
- 11. Les Gueules noires, P255
- 12. Diana Cooper-Richet, « Les gueules noires », ou le long parcours d’un livre méconnu. The Conversation (France), 26 novembre 2020. https://theconversation.com/les-gueules-noires-ou-le-long-parcours-dun-livre-meconnu-150698
- 13. La Fin des terroirs, 1983 (titre original Peasants Into Frenchmen: The Modernization of Rural France, 1880-1914) parution initiale en anglais en 1976
- 14. Les Gueules noires, P188
- 15. https://maitron.fr/spip.php?article76768 , notice BROUTCHOUX Benoît par Jean Maitron, version mise en ligne le 25 mars 2010, dernière modification le 6 décembre 2020
- 16. Son signalement militaire le décrit comme ayant des cheveux et sourcils châtains, des yeux gris, un front découvert, un nez et une bouche « moyen », un menton rond et un visage ovale, sa taille est d’1m71
- 17. Au moment de la rédaction de ses lignes, les Archives générales du royaume qui conservent ces dossiers n’étaient pas accessibles « physiquement » en raison de la pandémie du Covid-19. J’ai donc dû recourir à la base de données en ligne sur www.arch.be qui ne le reprend pas
- 18. 5 rue Montagne-aux-Herbes-potagères du 19 janvier 1895 au 31 janvier 1896, 13 Place Ste-Gudule du 31 janvier au 19 avril 1896, 4 Passage des Postes jusqu’au 20 mars 1897
- 19. De manière paradoxale, c’est en raison de son manque de nationalisme belge durant la Grande Guerre que Picard, resté en Belgique occupée, sera mis aux bancs des élites belges à la libération. Il s’était en effet prononcé publiquement fin 1916 en faveur d’une paix de compromis, les alliés et les puissances centrales étant pour lui co-responsables du conflit. Voir Le Bien Public (Gand) du 10/12/1916
- 20. Henri Emile Edmond Morel est né le 21 novembre 1899, il est décédé à Bordeaux le 16 février 1973. La famille Morel-Olin est domiciliée au 61 Rue des trois visages
- 21. Dans Le Soir (Paris) du 3 aout 1903, on peut lire que « l’aimable romancier d’Arras est de retour dans cette ville. Il s’occupe beaucoup de l’escrime et pratique aussi fort, le fleuret, l’épée et le sabre. (…) Le père de notre ami a la plus belle collection de tableaux du Nord ». Le Petit Caporal du 17 mars 1904 le décrit comme « le romancier et fort escrimeur d’Arras » et signale sa présence à la villa Ste-Eugénie à Biarritz
- 22. Un moteur de recherche bien connu attribue même cet ouvrage à un homonyme, l’abbé Emile Morel (1842-1919), érudit et chanoine honoraire de Beauvais , curé de Chevrières dans le département de la Somme
- 23. Simonne Florentine Elisa Morel est née le 27 décembre 1900, elle est décédée à Libourne le 4 avril 1973. La famille Morel-Olin est domiciliée au 3 Rue du vent-de-bise, Emile Morel est renseigné comme étant propriétaire
- 24. Frantz Narcisse Morel est né le 5 juin 1902, il est décédé à Agadir (Maroc) le 21 aout 1968. La famille Morel-Olin est domiciliée au 3 Rue du vent-de-bise
- 25. La Médiathèque de l’Abbaye Saint-Vaast à Arras en conserve un exemplaire dans ses réserves patrimoniales
- 26. Revue sous-titrée : organe des Rosati et des sociétés savantes, artistiques et littéraires du Nord de la France
- 27. Selon le Larousse : Prenant la relève du réalisme, qui a surtout cherché à décrire minutieusement la réalité, le naturalisme prétend faire de la littérature un mode d'expérimentation du monde réel. La littérature ne peut plus se faire hors de l'histoire ni hors d'une prise de conscience des mécanismes sociaux; elle explore aussi un phénomène que la médecine contemporaine commence à comprendre, celui de l'hérédité physiologique, avec sa longue suite de tares, de déchéances et de crimes
- 28. Pierre Albert Gustave Emile Morel est né le 21 septembre 1903, il est décédé à Bordeaux le 4 juillet 1969. La famille Morel-Olin est domiciliée au 3 Rue du vent-de-bise, Emile Morel est renseigné comme étant propriétaire
- 29. Diana Cooper-Richet, « Les gueules noires », ou le long parcours d’un livre méconnu. The Conversation (France), 26 novembre 2020. https://theconversation.com/les-gueules-noires-ou-le-long-parcours-dun-livre-meconnu-150698
- 30. Des critiques de Névrose ont été publiées dans Le Figaro, Le Journal, La Dépêche (Toulouse), Le Triboulet, La Revue Septentrionale (Arras), la Revue illustrée, L’œuvre nouvelle, La Chronique des livres, L’œuvre d’art internationale, la Revue du Cercle militaire
- 31. Cette dernière revue parle même d’un roman « d’une inutilité morale indéniable »
- 32. François Jules Alexandre ANDRÉ (1869-1945), avocat, président du conseil provincial du Hainaut, député permanent, sénateur coopté. Militant wallon, il était favorable à une extension « maximale » des pouvoirs des provinces et communes, voir sa notice dans le tome 1er de l’Encyclopédie du Mouvement Wallon par Marinette Bruwier, P52-53 et dans le tome 6 de la Nouvelle Biographie Nationale par Alain Jouret https://www.academieroyale.be/Academie/documents/FichierPDFNouvelleBiographieNational2108.pdf
- 33. Les entretiens idéalistes, N°9, 1907, P431
- 34. Voir sa notice dans le dictionnaire des wallons : http://connaitrelawallonie.wallonie.be/fr/wallons-marquants/dictionnaire/bovy-berthe
- 35. Le Gil Blas mentionne qu’après « un excellent déjeuner », on y a applaudi MM. Roger Karl; Georges Flandre, Bourny, Wolff, Clerbois, de Guinguand, Mlles Albert, Jeanne Vial, Bardot, Delville. De Deken, B. Bovy, Marie Kalff et Renée Derigny
- 36. L’Artois poétique, P9 et 10
- 37. 1099 mineurs tués le 10 mars 1906 par un coup de poussier. Le 17 mars 1906, le grand quotidien socialiste Le Journal de Charleroi estime que 30 à 40 mineurs borains originaires de Frameries, Hornu et Dour auraient perdu la vie suite à ce désastre.
- 38. Mémoires de l’Académie des Sciences, Lettres et Arts d’Arras lors sa séance publique du 11/07/1907, P405
- 39. N°1, 1908, P42
- 40. Des critiques ont été publiées par Le Mercure de France du 1/07, Le Penseur du 8/07, les Mémoires de l’Académie des Sciences, Lettres et Arts d’Arras lors sa séance publique du 11/07, La Revue hebdomadaire du 13/07, La Revue Intellectuelle des faits et des œuvres (organe rationaliste) du 25/06, La Revue septentrionale du 5/08, Le Triboulet du 8/09. Pour la Presse j’ai recensé La Lanterne du 12/4, L’Humanité du 3/6, Le Gil Blas du 4/6, L’Action du 3/7, Le Figaro du 13/7, L’Intransigeant des 4 et 17/7, Le Soleil du 26/7
- 41. Le Mercure de France, N°241, tome LXVIII, 1er juillet 1907, P120-121
- 42. Les 4 et 17 juillet 1907. Celle du 17/7 issue de la plume du polygraphe Henri d’Alméras débute par une saillie verbale douteuse mais représentative de cette époque : « Ce n’est pas, comme on pourrait le supposer d’après le titre, une étude sur les nègres mais un ouvrage sur les mineurs ». Il est l’un des rares à évoquer le romancier « communard » Jules Vallès
- 43. Le quotidien du Parti ouvrier belge Le Peuple de l’année 1907 n’est malheureusement pas accessible en ligne sur Belgicapress
- 44. Paul Bairoch. Niveaux de développement économique de 1810 à 1910. In: Annales. Economies, sociétés, civilisations. 20ᵉ année, N°6, 1965. pp. 1091-1117; https://www.persee.fr/doc/ahess_0395-2649_1965_num_20_6_421315
- 45. Contrairement à celui de 1906, le recensement de 1911 de Melun n’est pas accessible en ligne sur le site des archives départementales de la Seine-et-Marne
- 46. Archives départementales de Gironde, registre des décès de la ville de Caudéran pour l’année 1919