Les USA dénoncent le "mal" parce qu'ils vont mal
Il est difficile de ne pas prendre parti pour la paix ou pour la guerre (en fait le choix ne devrait même pas se poser, la paix envers et contre tout!); difficile de ne pas s'interroger sur la menace réelle qui pèse sur le monde: le terrorisme...et/ou les va-t'en-guerre de l'establishment américain?
Le dernier livre d'Emmanuel TODD propose une analyse pour le moins étonnante de la situation internationale...1
Démocratie et oligarchie
Il part d'un constat: la démocratie avance partout sur la planète, lentement, avec des soubresauts, des régressions parfois, mais sûrement, et ces avancées chaotiques ne sont pas dues à la mondialisation mais à la progression continue de l'alphabétisation et de l'enseignement. La conséquence, on ne peut plus raconter ce que l'on veut aux peuples. Une autre: les femmes contrôlent leurs grossesses de plus en plus, partout, ce qui entraîne, pays arabes y compris, un recul de la natalité. Autres effets, en Occident ceux-là: la démocratie se mue en oligarchie, c'est très visible aux Etats-Unis. «Éducation secondaire et surtout supérieure réintroduisent dans l'organisation mentale et idéologique des sociétés développées, la notion d'inégalité.» Après un temps de fausse conscience, les éduqués supérieurs finissent par se croire supérieurs. Dans les pays avancés, cette nouvelle classe sociale pèse 20% en termes numériques de la population, mais plus de 50% en termes monétaires. La poussée de l'éducation supérieure conduit la démocratie vers l'oligarchie. Comme celle-ci, de gauche comme de droite, ne désire pas abandonner son nouveau pouvoir et réorienter la politique économique vers la réduction des inégalités, la réaction à cet élitisme, est le populisme qui parle en France par l'extrême-droite par exemple. La bonne entente au sein des élites qui exposent la vulgate néo-libérale dans les médias qui leur appartiennent, a permis l'élection aux USA d'un Bush à la suite d'un processus pour le moins bizarre, et en France la réélection de Chirac avec 82% des voix. Là comme ailleurs, l'oligarchie des 20% du haut verrouille le système pour empêcher les 20% du bas de s'exprimer (mal évidemment!) en contrôlant les 60% du milieu.
Conclusion: si la démocratie conduit à plus d'individualisme, à une baisse de la démographie, et in fine, à la paix; la transformation en Occident, de cette démocratie en oligarchie, conduit de nouveau à la guerre, selon une théorie oubliée d'Artistote comme nous le verrons plus loin.
Au moment où le monde entier découvre la démocratie et apprend à se passer politiquement de l'Amérique, celle-ci tend à perdre ses caractères démocratiques et découvre qu'elle ne peut, elle, se passer du monde sur le plan économique. N'étant plus au centre du monde mais voulant y rester, les EU développent des armements afin de rester loin devant les autres dans une course qui ne doit jamais cesser; en outre ils s'ingénient à ne jamais résoudre définitivement un problème pour justifier une action militaire de l'unique superpuissance; enfin, pour valoriser leur puissance militaire, sans risque, ils s'attaquent à ces micropuissances, Irak, talibans d'Afghanistan, Cuba, Corée du Nord.
L'exemple des empires historiques
Mais l'Empire (étasunien) serait miné à l'extérieur et à l'intérieur, et ses menaces de guerre ne seraient que des rodomontades destinées à asseoir le leurre de la superpuissance unique. La comparaison des EU avec Rome ou Athènes ou les Empires historiques, est conduite avec maestria par l'auteur. Les Etats-Unis n'ont plus les moyens actuellement d'imposer leur force à un univers qui est désormais trop vaste et trop divers pour eux, au contraire de la Rome impériale. Cependant comme la Rome antique, après avoir vaincu Carthage, l'Empire s'est étendu; Rome en un siècle conquit la Méditerranée; les EU, après la Seconde Guerre mondiale, assirent leur emprise politique et économique sur le monde libre. Car, pour l'auteur, la globalisation économique ou mondialisation se base sur une domination politique et militaire. Après 1945, les EU s'appuyèrent sur deux points d'appui essentiels à cette domination, leurs protectorats allemands et japonais.
Après la conquête, Rome disposait de ressources illimitées en terres, argent et esclaves. Elle importa en masse ressources monétaires, produits agroalimentaires et manufacturés, plus les esclaves. Dans cette économie méditerranéenne « globalisée», paysans et artisans d'Italie perdirent de leur utilité. La société romaine se polarisa en un couple composé d'une ploutocratie prédatrice des richesses des conquêtes et une plèbe de plus en plus prolétarisée, sans travail, et subsidiée par les ploutocrates, panem et circences. Car on ne pouvait tout de même pas éliminer cette plèbe nombreuse et centrale au coeur de Rome! La classe moyenne implosa, et la république avec elle, l'Empire naissait, de plus en plus glouton pour les ressources des colonies. La démocratie républicaine ( du moins entendue au sens de l'époque, en gommant les esclaves), vira à l'oligarchie des ploutocrates, réalisant l'analyse politique qu'avait fait Aristote de l'évolution de la démocratie athénienne. Le philosophe insistait sur l'importance des classes sociales intermédiaires pour la stabilité des régimes démocratiques!
Idem aujourd'hui: c'est le monde qui produit de plus en plus ce que les EU consomment! La nation autonome et encore surproductive de 1945, s'est transformée en un Empire qui produit de moins en moins et de plus en plus mal, selon E. Todd. Il suffit de considérer les déficits commerciaux des EU avec TOUS les pays de la planète pour s'en rendre compte, au total plus de 450 milliards de dollars annuellement. Même l'excédent de la balance commerciale étasunienne pour les biens de technologie avancée, diminue de jour en jour, de plus 35 milliards $ en 1990, à plus de 5 millards $ en 2001, au déficit en janvier 2002 ! A la veille de la dépression de 1929, 45% de la production industrielle mondiale étaient réalisées aux EU; 70 ans plus tard, cette production est dépassée par celle de l'Europe et à peine supérieure à celle du Japon. Cette chute de puissance économique n'est pas compensée par l'activité des multinationales étasuniennes, car depuis 1998, les profits qu'elles rapatrient sont inférieurs à ceux que les firmes étrangères installées aux States rapatrient chez elles.
Les faillites spectaculaires d'Enron, de World.com, les comptes truqués avec l'aide d'Andersen et autres officines d'audit, suggèrent que les chiffres des économistes au sujet des EU, et que leurs théories sur le pseudo-miracle économique américain, sont falsifiés, autant que ceux de l'URSS naguère. Comme l'Empire romain, les Etats-Unis se transforment en un espace spécialisé dans la consommation et dépendant vitalement du monde extérieur.L'Empire est entretenu par la planète. L'épargne des ménages étasuniens égale zéro comme le loyer de l'argent. C'est la grande désillusion néo-libérale. Les récessions économiques se succèdent, la dépression s'installe durablement, la demande diminue puisque les salaires sont tassés sinon supprimés mais à chaque «rebond», la consommation étatsunienne augmente en même temps que les importations de biens. L'industrie et la classe ouvrière étasunienne sont touchés de plein fouet comme la paysannerie et l'artisanat romain de jadis, devant l'afflux de produits venant des provinces, venant du monde. ( La Chine à elle seule réalise un excédent économique de 80 milliards de dollars annuels avec les EU! Et ça augmente de mois en mois !) Ce déficit est le prélèvement impérial sur les colonies. Imprévoyance,improductivité, irresponsabilité financière,ces maux que les néolibéraux attribuent traditionnellment à l'Etat, sont ceux des EU. ( M. Félix Rohatyn, ancien ambassadeur des Etats-Unis en France, disait que l'Amérique a besoin d'un milliard de dollars de rentrées financières, PAR JOUR, pour couvrir son déficit commercial et assurer le niveau de vie de ( certains) ses citoyens !)
Ce schéma impérial explique aussi la transformation «impériale» de la socété américaine: près de 50% du produit «national» appartient aux 20% de riches, les ploutocrates. Dans un premier temps, le prélèvement sur les colonies a profité à la plèbe avant que la polarisation de type romain, ne s'enclenche entre une plèbe de plus en plus nombreuse et de plus en plus pauvre et un patriciat de plus en plus riche. Todd décrit cette nouvelle classe dirigeante étasunienne, «white overclass», improductive, centrée sur les études juridiques et protégeant l'avenir de ses enfants dans certaines universités dont les études économiques truquent la situation réelle des Etats-Unis.
Universalisme et Différentialisme
Les grands présidents de naguère, Roosevelt, Kennedy, désiraient une «nation», autonome, démocratique. Les États-Unis sont à présent un Empire, dépendant, oligarchique qui répond aux critères qui fabriquent un empire: une domination militaire autorisant l'extraction de biens qui nourrissent le centre; ce centre considérant peu à peu les peuples conquis comme des citoyens ordinaires et ses propres citoyens ordinaires comme des peuples conquis. Mais cet universalisme «romain», où, déjà, sous la République, certains colonisés jouirent du titre de « civis romanus», n'est déjà plus celui des EU, de même que sa domination militaire devient insuffisante pour contenir toute la planète ( les trois cent mille hommes envoyés dans le Golfe aujourd'hui constituent TOUTE la force opérationnelle des EU!). Même Rome dut très vite louer les services des mercenaires barbares pour assurer sa défense, car les performances de ses troupes sur le terrain étaient déplorables, comme celles de l'armée américaine selon E. Todd. La guerre de Bush 1er contre l'Irak fut gagnée par l'aéronavale contre un mythe, un pays sous-développé de 20 millions d'affamés, et en Afghanistan, sur le terrain, la tactique militaire est d'engager et de payer, opération après opération, des chefs de tribu. Sans pouvoir capturer le mollah Omar ni Ben Laden! La guerre de Corée fut un demi-échec, le Vietnam une défaite et un fiasco, et lors de la Seconde Guerre Mondiale, ce furent surtout les bombardements qui firent avancer l'armée américaine. Selon Todd, «l'absence de tradition américaine au sol interdit l'occupation du terrain et la constitution d'un espace impérial au sens habituel du concept.» ( p. 100)
Contrairement à Athènes ou à l'empire romain, qui prélevaient d'autorité des tributs (le fameux «phoros» de la ligue de Délos), les EU n'imposent aucun tribut à leurs alliés bien qu'ils exigèrent les frais d'intendance de l'armée américaine, du Japon et del'Allemagne, ainsi qu'une contribution financière des «alliés» lors de la première guerre contre l'Irak; idem en ex-Yougoslavie. Le tribut prélevé par la nouvelle Rome, l'est sans contraintes politiques ou militaires, par des voies libérales et spontanées.
Comment? En faisant fluer vers les Etats-Unis les capitaux du monde entier pour payer les importations. Et les capitalistes étrangers placent leur argent là où ils espèrent le plus de profits et le moins de risques. Mais si les Etats-Unis offraient naguère, comme centre du capitalisme, sécurité et rendement; aujourd'hui, les milliards dirigés vers eux, se volatilisent en mirages, voir la déconfiture de l'américanophile Jean-Marie Messier. «Nous ne savons pas encore comment, et à quel rythme, les investisseurs européens, japonais et autres, seront plumés mais ils le seront.» (p. 118)
Car l'Amérique doit voler aux riches étrangers pour donner à sa plèbe de plus en plus pauvre! mais pour ces riches étrangers, au-delà d'un certain niveau d'insécurité financière, l'adhésion à l'Empire n'est peut-être plus une option raisonnable. Car notre servitude volontaire à l'Empire, ne se conçoit que si nous sommes considérés comme des égaux, des membres de la société dominante centrale, comme des «Américains». Or cela, cet universalisme, n'est pas inscrit ou n'est plus inscrit dans l'idéologie américaine qui lui préfère le «différentialisme», à l'extérieur comme à l'intérieur de l'Empire. Au cours de son histoire, l'Amérique a toujours balancé entre protectionnisme et libre-échange, universalisme et différentialisme ou communautarisme. Au contraire de Rome dont la force, principe de dynamisme et de stabilité, était de traiter de façon égalitaire hommes et peuples, idéologie qui permettait l'extension du pouvoir par l'intégration au premier cercle des peuples et individus conquis, et d'autoriser les dominés à se définir un jour dominants, la violence initiale du conquérant se tranformant de la sorte en générosité. Le succès de Rome sur ce point, contraste avec l'échec d'Athènes qui resta un peuple ethnique défini par le sang: il fallait deux parents citoyens parrains, pour y appartenir. En 212 après J.C., l'édit de Caracalla accorda à tous les citoyens libres de l'empire, le droit de cité et les provinces romaines finirent par donner à Rome la majorité de ses empereurs. La Chine adopta la même conduite en sa période de faste, comme le premier empire arabe, comme l'empire soviétique et comme la France napoléonienne. Par contre, le nazisme interdisait qu'à la force initiale de l'Allemagne, s'agrégeât la puissance des groupes conquis. Il s'éteignit très vite.
Emmanuel Todd explique cete différence, universalisme et différentialisme, par des structures familiales opposées, soit égalitaires en définissant les frères comme équivalents ( Rome, Chine, empire arabe, URSS et France), ou inégalitaires ou indifférenciés dans les pays anglo-saxons. Dans l'histoire des EU, il y eut toujours un «autre» inassimilable, condamné à la ségrégation puis à la destruction. « Un bon Indien est un Indien mort!»,proclamait en riant un président. Dans la culture anglo-saxonne, les frères sont différents, ni égaux ni inégaux. J'ignore s'il faut suivre Todd jusque-là, parce que, par essence, l'esprit des Lumières français, base de la modernité, est universaliste. Quoi qu'il en soit, de l'indépendance jusqu'en 1965, les EU élargirent leur groupe central anglo-saxon en assimilant Irlandais, Russes, Allemands, Italiens, Asiatiques et Juifs, mais en discriminant Indiens et Noirs. Dès 1965, on redéfinit les Indiens comme « Native Americans» puisqu'ils ne comptaient plus en termes démographiques, et on continua en pratique à discriminer Noirs et Hispaniques, un nouveau groupe allogène. Moins de 2% des mariages actuellement aux EU, sont mixtes.
La concurrence soviétique conduisit les EU à un universalisme maximal à la période de la guerre froide parce que les bolcheviques, comme les révolutionnaires français naguère, considéraient tous les hommes et tous les peuples de la même manière, attitude favorable à l'expansion politique. À cette époque, la concurrence soviétique rendit nécessaire la lutte contre la ségrégation des Noirs. Aujourd'hui, 98% des femmes noires en ménage le sont avec des Noirs ou des Hispaniques, et 85% des prisonniers dans les prisons publiques ou privées, sont noirs ou hispaniques.
Poussée par les fondamentalistes chrétiens, la droite républicaine finit par accepter les Juifs et à considérer Israël comme un porte-avion fixe des EU au Moyen- Orient. La société actuelle des EU est saisie d'une fièvre inégalitaire, comme Israël, selon l'auteur, considérant l'Arabe comme un sous-homme. « Les USA dénoncent partout le mal parce qu'ils tournent mal.» Leurs inepties sur «l'axe du mal», font hurler les démocrates du monde entier. En fait, l'unilatéralisme américain n'est que l'expression de leur différentialisme. Les USA affaiblis et improductifs d'aujourd'hui, prétendent incarner un idéal humain exclusif, posséder la clef de toute réussite économique et culturelle. Cependant pour qu'ils acquièrent le monopole mondial de la violence légitime, il faudrait qu'ils soient autrement puissants. Le monde est trop vaste pour eux. Ils sont des dépendants économiques, et leur armée est insuffisante. Souveraine en aéronavale, elle est incapable de contrôler l'espace géographique dans lequel sont produites les marchandises et les masses financières indispensables à leur mode de vie. Malgré cela, par facilité, ils adoptent une position impériale qui n'émane pas des cercles dirigeants lucides ou calculateurs mais de l'abandon à la facilité...C'est une politique au jour le jour qui marchait tant que les deux pôles indispensables à l'économie des EU, le Japon et l'Europe, admettaient leur leadership.
Les ressources limitées des EU, économiques, militaires, idéologiques, ne leur laissent pour affirmer leur hégémonie mondiale, que de maltraiter les petites puissances, car l'Amérique est trop faible, trop « vieille», pour affronter d'autres nations que des nains militaires. Pourquoi pas la Corée ou le Vietnam restés communistes? C'est que l'incapacité de l'armée américaine à s'engager sur le terrain ( « 0 mort!»), rappelle l'incapacité fondamentale de la superpuissance. En Afghanistan, elle dépend du bon vouloir des chefs de tribu locaux et de celui des Russes qui lui ont permis l'accès aux républiques du sud du Caucase.
Le réveil de la Russie et de l'Europe
Après dix ans d'anarchie et de gabegies, l'Etat russe reprend du poil de l'ours. La Russie est autonome pour l'énergie, et sa balance commerciale est excédentaire. Si elle poursuit son redressement, elle redeviendra une puissance capable de s'opposer aux USA. Il y a dix ans, elle accepta les retraits de son empire au contraire de Milosevic en Yougoslavie, comme un joueur d'échecs qui sait sacrifier quelques pions pour attaquer. Les échecs sont le sport national russe.
Lors de la conquête de la Sibérie, elle n'a pas éliminé ses «Indiens», Bastirs, Ostiaks, Yakoutes, et caeteri. Son esprit universaliste manque à la politique mondiale d'aujourd'hui, selon l'auteur qui croit que si la Russie poursuit son développement économique et surtout démocratique, elle redeviendra une tour sur l'échiquier international. Le renversement actuel des alliances - France, Russie, Allemagne- , pourrait augurer d'un avenir imprévu.
L'Europe quant à elle, hésite entre l'intégration à l'empire américain, l'option de Blair et d'Aznar, et l'émancipation. Celle-ci ne se réalisera que si l'Europe est capable d'assurer sa sécurité militaire, ce qui est réaliste vu que sa puissance industrielle est supérieure à celle des EU. De plus, un conflit culturel naît entre les EU et l'Europe. L'Amérique est gavée de phraséologie religieuse tandis que l'Europe est un espace d'agnosticisme. Les exécutions capitales et les homicides aux EU sont monnaie courante alors qu'en Europe les premiers sont prohibés et les seconds plus rares. Habitués, dès l'origine, à puiser dans une nature immense et généreuse, et à gaspiller, les Américains ne ressemblent pas aux Européens naguère obligés de survivre sur un espace rare, de partager, d'assurer un équilibre budgétaire et écologique, enseignés qu'ils furent également par plusieurs guerres meurtrières sur leur propre sol. En outre, la sécurité sociale assure l'équilibre des sociétés européennes et l'État n'y est pas encore honni, de même que la police n'est pas encore remplacée par des milices privées. Pas encore. Mais l'Europe aura-t-elle confiance en elle-même? Déjà, par l'EURO, elle contrôle des pays sur lesquels comptent les EU, la Turquie, pivot entre l'Occident et le monde arabe; la Pologne, bastion avancé dans les pays de l'Est, et même le Royaume-Uni, qui tous trois, commercent davantage avec l'Europe qu'avec les EU. Si l'Angleterre devait entrer dans la zone de l'EURO, ce serait un coup dur pour Wall Street. Quant au Japon, de par sa structure industrielle semblable à celle de l'Europe et son commerce plus important avec l'Europe qu'avec les EU, il se rapprochera inévitablement de l'Europe. Celle-ci n'a pas de problèmes pendants avec l'extérieur. Son intérêt à court et à long terme, est la paix.
Ne pouvant plus contrôler les vraies puissances de son temps - tenir le Japon et l'Europe dans le domaine industriel, casser la Russie dans le domaine du nucléaire militaire - , les EU ont dû, pour mettre en scène un semblant d'empire, faire le choix d'une action militaire contre les non-puissances, l'axe du mal, le monde arabe. Ce n'est nullement l'intérêt de l'Europe de participer à cette croisade qui tient de la guerre en vidéo pour la presse américaine. Ensemble, Russie, Japon, et Europe représentent deux fois et demi la puissance américaine. Si ces trois puissances dépassent leur déficience, démographique et économique pour l'un; démocratique pour l'autre; de manque d'unité pour le troisième, nul doute que la donne du monde changera. En fait si ces puissances savent dépasser la situation d'alerte permanente créée par les EU, elles changeront le monde.
- 1. ( 1 ) Emmanuel TODD, Après l'Empire, essai sur la décomposition du système américain, Gallimard, 2003, 233 p., 18,50 EURO.