Les Wallons de Suède (en bref)

 

Les Wallons de Suède (Fondation wallonne)

Déjà il y a trois siècles des Wallons avaient l'illusion d'exister alors qu'il n'y a pas d'identité wallonne

Histoire de Belgique et de Wallonie

 

L'histoire des Wallons de Suède commence avec Louis de Geer (1587 - 1662), connu comme le « père de l’industrie suédoise » du fer. Cinq à dix mille Wallons émigrèrent alors en Suède, travaillant principalement dans l' industrie de l'acier . Dans les années 1920, ils furent proposés comme modèle mythique aux travailleurs suédois par les syndicalistes.

Histoire en (très) bref

À partir de 1600, entre 5000 et 10000 Wallons émigrèrent en Suède, à la fois pour des raisons économiques et religieuses. Avec leur savoir-faire technique, ils étonnèrent les Suédois à qui ils permirent de faire de grands progrès dans l’industrie de l'acier. En même temps leur mode de vie était en avance sur celui de la Suède, du point de vue de l’hygiène notamment. Ils se maintinrent longtemps à l’écart de la population suédoise, gardant jalousement leurs secrets techniques, jusqu’à la fin du XVIIIe siècle.

Vers 1920, à une époque où la présence wallonne tend à s’effacer, naît dans le journal du syndicat des métallurgistes suédois le mythe du travailleur wallon à la fois fort et doté d’une vive conscience de classe transposé dans le passé. Ce journal, Metallarbetaren, écrit ces lignes étonnantes : « Les Wallons sont plus forts que les Flamands (les habitants germaniques de la Belgique), plus maigres, plus nerveux, plus sains, et ils vivent plus longtemps. Leur habileté et leur professionnalisme sont supérieurs à ceux des Flamands. Ils dépassent les Français en ténacité et ardeur – qualités qui ont favorisé leur immigration en Suède. Mais leur impétuosité passionnée les fait ressembler au peuple français. » (3 juin 1922). S’invente le mythe du Wallon capable de résister syndicalement, notamment par la grève, proposé comme modèle aux Suédois.

Anders Florén et Maths Isacson, dans De fer et de feu, l’émigration wallonne vers la Suède (sous la direction de Caroline Sappia et  Luc Courtois, Fondation wallonne, Louvain, 2003), écrivent : « Sans doute existait-il, en ces temps difficiles de crise, un fort besoin de modèles, et les Wallons offraient-ils une incarnation idéale des valeurs que le syndicat des métallurgistes entendait promouvoir. » 1 Le choc de l’émigration wallonne en Suède s’est donc révélé durable, jusqu’à incarner le mythe d’un Wallon, héros syndical, qui ne correspond pas à la réalité historique des XVIIe et XVIIIe siècles ni à la réalité des années 20 en Suède. Ils furent à l'origine de l'industrie métallurgique suédoise dès le XVIIe siècle. Le wallon resta parlé en certaines régions jusqu'au XIXe siècle.

Des patronymes wallons en Suède

Ils ont été en grande partie recueillis par Erik Appelgren dans son ouvrage Valloneras Namn' paru à Stockholm en 1968 et dont une ébauche (de A à B) a paru en Wallonie 2. Appelgren établit une liste de 628 noms qualifiés de "Wallons"  au sens large bien que certains relèvent de la Principauté de Sedan et que 57 noms sont plus exactement d'origine flamande. Jean Germain, bibliothécaire en chef honoraire de l' Université catholique de Louvain et professeur en cette université estime que le corpus ''paraît relativement représentatif des noms de personne à cette époque dans nos contrées (...) dans les zones d'origine de la plupart d'entre eux.'' 3 Exemples de ces noms de famille Appelgren distingue trois catégories : 1.Les noms de baptême 2. Les noms de métier (métiers manuels ou fonctions). 3. Les surnoms (d'origine géographique ou traits physiques et moraux). Dans la première catégorie, on retrouve beaucoup de noms encore très répandus en Wallonie comme Collet, Genot , Florquin, Colson, Pirette, Collin, Bertholet. Dans la deuxième catégorie, on peut noter Fosti (forestier), Sodar (soldat). Certains sont en rapport avec les métiers métallurgiques comme Defer et il y a les surnoms comme Canon ou Breuse (braise, en wallon, breûje ).

Répartition de certains de ces noms de famille

Jean Germain a tenté de voir si les noms cités par Appelgren permettaient de situer l'origine des émigrés wallons en Suède. Il a tenté notamment l'expérience avec Cerfont et Martleur. Or l'aire de ces noms de famille est toujours circonscrite aujourd'hui : Cerfont est localisé dans la région de Liège , de Trooz et de Florenville . Quant à Martleur il est spécifique de l' Entre-Sambre-et-Meuse (Couvin et Chimay), mais aussi d'autres régions autrefois riches en forges comme Marchin, Profondeville, Charleroi et Liège .

Un cas particulier concernant le  Luxembourg

Jean Germain critique une erreur commise par la revue des dialectes belgo-romans en 1967, le nom Bilock, considéré comme le premier Wallon à s'être installé en Suède vers 1600 dans le Värmland . En wallon la biloke ou la bioke (''bullucca'' en latin médiéval), c'est la prune ronde ou la reine-claude. La carte de l' Atlas linguistique de la Wallonie montre que la forme biloke est connue à la fois à l'est (Liège et Malmedy, mais aussi à l'ouest: à Charleroi, Namur mais aussi au cœur du Luxembourg wallon et en Gaume qui possèdent encore actuellement 68% de porteurs de ce nom sous quatre variantes : Bilocq, Billocq, Bilocque et Biloque (le correspondant gaumais en est proche : bloce) de même qu'à Arlon. D'une manière générale, l'ancien Duché de Luxembourg ''est souvent évoqué dans les contrats des ouvriers wallons partis en Suède au début du XVIIe siècle'' 4 Il faut en conclure, selon Jean Germain que l'étude des noms de famille permet ''de localiser le lieu d'origine de certains émigrés, du moins d'en circonscrire l'aire approximative'' dans la liste des noms établie par Appelgren et dont le Professeur Germain estime qu'elle traduit une diffusion des noms wallons actuels, l'émigration en Suède ayant été ainsi le fait de la plupart des régions de l'actuelle Wallonie, du moins celles qui ont connu une activité métallurgique soit les provinces wallonnes actuelles 5 sauf, semble-t-il, le Brabant wallon.

 

Voir aussi

Aciéries wallonnes de la région de l'Uppland

  1. 1. Anders Florén et Maths Isacson (2003), De fer et de feu, l’émigration wallonne vers la Suède, Louvain, pp. 271-286 (chapitre  Le Wallon et les forges dans le discours politique suédois d’entre-deux-guerres
  2. 2. Les dialectes belgo-romans, t. XXIV, 1967, pp.105-121.
  3. 3. Luc Courtois, Des noms wallons pour la Suède, in De fer et de feu, l'immigration wallonne vers la Suède, Fondation Humblet, Louvain-la-neuve, 2003, p. 159-165.
  4. 4. Michel Dorban, Le Luxembourg religieux au temps de Louis de Geer|de Geer et au-delà (1550-1800) in op. cit. pp.151-157.
  5. 5. Wallonie - Histoire - Les Wallons hors de la Wallonie