L'opposition de la CGSP wallonne au Plan Magellan
Rapidement résumé le Plan Magellan signifie :
En radio
- La Première, chaîne généraliste et d'info à Bruxelles.
- Une deuxième radio, appelée à devenir une chaîne populaire d'affiliation consisterait en la fusion de Bruxelles-Capitale et Fréquence Wallonie, sera installée à Mons. Ce mariage conduira à une réduction drastique des décrochages aussi bien bruxellois que wallons. Dans la programmation, essentiellement musicale avec quelques émissions, s'intercaleront des bulles d'infos confiées à des équipes radios légères. Les centres de Liège, Namur, Bruxelles, n'ont plus pour cette chaîne d'autre activité radio que celle de rares décrochages.
- Musique 3 sera entièrement déménagée de Bruxelles à Mons.
- Enfin, on parviendrait à maintenir une offre de cinq chaînes en dédoublant Radio 21. Celle qu'on connaît actuellement mais rajeunie et une chaîne plus Classique Rock.
- L'intention en matière d'info est d'adapter celle-ci à chaque chaîne comme autrefois sur Radio 21. Il subsisterait un desk central du JP mais chaque chaîne aurait sa rédaction distincte.
En télévision
Le centre de production de Liège ne produira plus que des émissions de divertissement. Toute son actuelle activité de production de magazines comme Faits Divers , Télétourisme , reviendra au centre de Charleroi. Dans le même temps, la production d'émissions telles que les @llumés.be serait du ressort du centre liégeois. Liège aura aussi la mission de développer une politique de grand divertissement .
À Namur, sera maintenue une rédaction télévision ayant pour mission d'organiser et d'assumer partiellement la couverture de l'actualité de la Région wallonne. L'équipe namuroise se chargerait essentiellement de la capitale de la Wallonie et de l'info institutionnelle alors que le reste de la couverture de la Wallonie, dans son aspect local, sera confié aux télévisions communautaires.
Le pouvoir de décision
Il sera largement centralisé à Bruxelles et reviendra essentiellement à l'administrateur général, aux directeurs de la télévision et de la radio, au directeur financier, au directeur des ressources humaines (poste en voie de création), aux différents responsables de chaînes télé et radio.
Les investissements
Le plan prévoit un investissement de plusieurs milliards. Le patron de Reyers trouverait l'argent en partie par des opérations immobilières autour de Reyers mais pour le plus gros des fonds nécessaires, frappe à la porte de la Région wallonne. [Résumé d'après Le Soir, octobre 2002]
L'opposition de la CGSP
Voici des extraits d'une résolution très importante de la CGSP sur l'orientation droitière et antiwallonne de la RTBF (« Plan Magellan »). La CGSP wallonne se sépare ici de la CGSP bruxelloise comme dans l'enseignement. Dans ces deux domaines encore contrôlés par la Communauté française de Belgique, l'absence d'ouverture des Bruxellois pousse les Wallons à se repositionner sans tenir compte d'un partenaire qui paraît ne pas comprendre. Les partis ou associations classiques qui raisonnent encore en termes communautaires ou « francophones » feraient bien de réfléchir à la sourde exaspération qui grandit en Wallonie. Si nous publions des extraits de ce texte, c'est en raison du fait qu'aucune autre instance (partis politiques, grands journaux), ne s'est mise en avant pour mettre en cause ce Plan Magellan. Alors qu'il va à l'encontre des intérêts de la Wallonie qui, en l'occurrence, n'est défendue ici par personne d'autre que la CGSP, la Communauté française ayant, en cette affaire, une nouvelle fois démontré sa véritable nuisance. Ceci est révélateur de la manière dont la Wallonie ne parvient pas à se faire entendre, même dans l'État fédéral et sur ces matières - la culture, l'audiovisuel, l'enseignement - qui, lui échappant, sont traitées en dépit du bon sens et de l'intérêt de 80% de leurs destinataires à savoir les Wallons traités comme un peuple minoritaire, ignorés. Il faut souligner que les partis politiques représentés au Conseil d'Administration de la RTBF ont approuvé ce plan. Sur qui donc les Wallons doivent-ils compter pour défendre leurs intérêts? Comme en 1960 et comme toujours dans l'État belge francophone, sur une révolte des citoyens.
Voici les extraits significatifs du texte de la CGSP , tant du point de vue de la critique wallonne que de la critique de gauche.
[Les sous-titres sont de la rédaction de la revue TOUDI]
Pour une alternative réaliste, sociale et régionale,au plan Magellan
Congrès interrégional wallon du sous-secteur RTBF de la CGSP
Namur, Maison André Genot, mercredi 5 février 2003.
RÉSOLUTION Adoptée à l'unanimité.
En l'absence délibérée - malgré leurs demandes répétées - d'un véritable examen contradictoire portant sur l'ensemble des dispositions inscrites dans le plan dit Magellan, les délégué(e)s issu(e)s des diverses Régionales wallonnes du Sous-secteur RTBF de la C.G.S.P., réuni(e)s à Namur ce mercredi 5 février 2003 en session extraordinaire du Congrès interrégional wallon, sont contraints de constater :
Trahison de l'esprit «service public»
Que les options avancées dans le cadre du plan Magellan (...) résultent d'une analyse élaborée par un consultant international dont les critères sont au rebours idéologique des valeurs fondatrices du service public ;
Que le travail poursuivi par les Men in black du consultant Arthur Andersen - auxquels on ne peut contester une évidente aptitude à rentabiliser une entreprise du secteur privé - s'est largement borné à agglomérer des données préexistantes, parfois partielles sinon partiales, et à investiguer auprès de membres du personnel dûment sélectionnés afin de confirmer des hypothèses largement préétablies ;
Que la logique implicite dans laquelle s'inscrit la démarche de ce consultant (...) s'apparente à celle qui prévaut dans les chaînes commerciales : il s'agit (...) de vendre ces publics, attirés par des produits banalisés à des annonceurs publicitaires;
Que l'implantation, annoncée dans le plan, des futures unités de production, en radio et en télévision, (...) s'inquiète fort peu des conditions de travail du personnel et, dès lors de sa motivation future ;
Que l'intention de regrouper toute la production radiophonique sur deux sites seulement, supprimant ceux de Liège et de Namur, fait bon marché de l'une des positions fortes acquises par la RTBF au travers de sa régionalisation passée, soit toutes les relations de proximité que nous entretenons avec les acteurs associatifs, culturels, économiques, sociaux et politiques autour de nos Centres de production ;
Que l'attention manifestement dominante accordée au divertissement parmi les missions que son Contrat de gestion défère à la RTBF, déterminant un très lourd investissement - sans doute à Liège - risque d'aligner notre production télévisuelle sur des opérations à grand spectacle, sans que nous en ayons les moyens budgétaires, alors que nos talents spécifiques se situent dans le divertissement culturel ;
Que la préoccupation majeure qui transparaît des nouvelles structures est de mettre en place plutôt des lignes de commandement hiérarchiques et centralisées que des lieux de concertation (...);
Que le plan Magellan, (...) apparaît toujours comme une esquisse globale, sur plus d'un point encore largement imprécise, fondée plus sur des considérations immobilières et financières que sur un véritable projet culturel de service public;
Que l'examen des modalités concrètes du plan avec les représentants des deux organisations syndicales - bien qu'expressément prescrit par les Administrateurs en même temps qu'ils en approuvaient les principes - n'a abouti, jusqu'à présent, malgré des contre-propositions avancées par nos représentants wallons, à aucune véritable concertation ni à aucune réelle remise en cause des options initiales ;
(...)
Recentralisation sous la pression du lobby bruxellois
Que l'approche foncièrement centralisatrice du plan - en contradiction radicale avec le dispositif régionalisé antérieur de la RTBF - à travers sa mise en œuvre concrète qui s'élabore maintenant sous la pression d'un lobbying bruxellois indécent, incite les groupes de travail à des choix (...) qui tendent à concentrer sur le site de Bruxelles la plupart de nos futures productions significatives ;
Que la suppression des Directions régionales a permis aux anciens et peut-être futurs responsables de l'Information, tous désormais situés à Bruxelles, de se tailler des croupières dans les rédactions régionales, tant la bruxelloise que les wallonnes, les morcelant pour les subordonner strictement à une vision a priori de l'actualité qui risque fort de s'aligner sur les sollicitations des pouvoirs publics et privés ;
Que la longue et patiente négociation du volet social du plan Magellan n'a abouti, malgré l'importante contribution des représentants syndicaux, qu'à organiser le départ volontaire de centaines de travailleurs (garantissant ainsi à terme l'équilibre budgétaire) et à conforter le déplacement quotidien de centaines d'autres, sans démontrer que cela permettra de maintenir la production globale de la RTBF ;
Que l'effectif optimal (de 2.071 équivalents plein-temps) tel que défini par le consultant ne paraît, en effet, guère compatible avec le maintien, quantitatif et surtout qualitatif, de la production actuelle prescrite par le Contrat de Gestion, et que - si les taux de départs volontaires en disponibilité et à la pension prévus dans ce volet social n'étaient pas atteints - l'hypothèse de licenciements ultérieurs demeure réelle ;
Appel au Gouvernement wallon et diminution de l'image de la Wallonie !
Que les options dites stratégiques sur lesquelles repose la détermination des futures unités de production et le choix de leur implantation, tant en radio qu'en télévision, présument l'obtention d'un très important concours financier sollicité pour l'essentiel auprès des pouvoirs régionaux - en fait, surtout du Gouvernement wallon - alors même que le plan réduit la visibilité du service public en Wallonie ;
Que la centralisation bruxelloise qui s'affirme, de plus en plus, comme la dominante de l'application - telle qu'actuellement envisagée - du plan Magellan, mettant à mal les équilibres établis entre composantes bruxelloise et wallonne, force à s'interroger sur la pérennité d'une entreprise communautaire qui instituerait ainsi la marginalisation effective des quatre cinquièmes des citoyens francophones ;
Que les premiers résultats connus, en termes d'audience, des choix posés par le nouvel Administrateur général quant à la programmation télévisuelle (...) ne rencontrent pas, et parfois de beaucoup, les objectifs qu'il escomptait (...).
[La CGSP énumère alors comme suit ses contre-propositions]
La radio
La répartition de la production sur les quatre sites actuels, soit ceux de Bruxelles, de Liège, de Namur et de Mons, permettrait d'optimiser l'ensemble des installations existantes (certaines requérant à moyen terme un renouvellement partiel), maintiendrait la visibilité de la RTBF dans les diverses régions wallonnes et bruxelloise, amenuiserait largement la mobilité forcée du personnel.
La chaîne radiophonique désignée dans le plan sous le vocable Infos & talks trouve, de toute évidence, sa place naturelle dans l'environnement du Journal parlé, sur le site de Bruxelles, où la réforme de la Radio, il y a trois ans déjà, avait regroupé toute la production allant du lundi au vendredi. La destination dominante sinon exclusive de cette chaîne à l'information parlée peut répondre à une vocation bruxelloise.
L'implantation de la chaîne radiophonique, héritière de l'actuelle Musique 3, sur le site de Liège serait cohérente avec la localisation historique dans cette ville de la plupart des institutions musicales relevant de la Communauté française (Orchestre philharmonique, Opéra royal de Wallonie), avec la présence d'un Conservatoire actif et ouvert à l'avant-garde et d'une forte tradition liégeoise dans le jazz.
Le positionnement de la chaîne destinée à reconquérir l'audience des jeunes auditeurs, et de sa doublure qui nous conserverait les moins jeunes, héritières toutes deux de l'actuelle Radio 21 paraît possible sur le site de Namur où l'on dispose déjà d'un studio de production entièrement numérisé de bonne qualité, ce qui favoriserait l'ouverture de ces chaînes aux groupes musicaux pas seulement bruxellois.
C'est sur le site de Mons, où se situent déjà largement les émissions de Fréquence Wallonie destinées à l'ensemble du public wallon et bruxellois, que la nouvelle chaîne à vocation populaire trouvera le plus naturellement sa place, (...).
Cette répartition ne déroge aucunement au principe fondamental affirmé dans le plan Magellan qui vise à rassembler sur un même site la direction, la diffusion et l'ensemble de la production d'une même chaîne radio (...).
Le plan Magellan ignore les technologies nouvelles
Il paraît, en effet, paradoxal, alors que les réseaux informatiques permettent une communication quasi instantanée entre des équipes situées sur des sites différents de se contraindre, plus que dans le passé, à des rassemblements physiques considérés comme la condition nécessaire de la cohérence de chaque programme radiophonique (...).
On pourrait parfaitement (...) maintenir (...) les équipes chargées des diverses émissions sur l'ensemble des sites, dans leur contexte social et culturel. Une grille des programmes adéquatement structurée permet d'éviter d'ouvrir simultanément plusieurs studios dans un même Centre.
(...)
(...) Contrairement à l'option initialement inscrite dans le plan [ces contre-propositions permettent] la sauvegarde des relations diversifiées et riches qu'entretient la RTBF, dans ses diverses composantes régionales, avec la vie culturelle, associative, voire folklorique, sans ignorer la dimension sociale et politique locale, passe par le maintien au départ de chaque Centre de véritables émissions animées et pas de bulles évanescentes.
(...) Il conviendrait (...) d'examiner l'opportunité de diversifier notre offre dans les régions où la pénétration est demeurée toujours plus faible, afin de rapprocher nos radios locales des identités provinciales, voire plus locales.
Ainsi, le vaste territoire central qui ressort du Centre de Production de Namur, Luxembourg et Brabant wallon a toujours souffert, dans l'audience de ces émissions à vocation régionale, de l'absence d'identité commune aux trois provinces qui se reconnaîtraient mieux dans des décrochages propres à chacune d'entre elles, c'est-à-dire distinctes pour les Namurois, les Luxembourgeois et les Brabançons.
Par ailleurs, l'importance démographique de l'agglomération carolorégienne justifie pleinement, dans une formule de coordination hennuyère à convenir avec Mons, la production à Charleroi, comme dans les autres villes wallonnes majeures, d'émissions destinées à sa région avoisinante, reflétant et animant la vie sociale, économique, culturelle et politique de cette métropole wallonne.
Enfin, comment ignorer la réussite exemplaire de Radiolène, encore confirmée par les multiples réactions qu'a éveillé l'annonce de son amenuisement, qui s'affirme depuis plus de vingt ans comme la référence radiophonique en région verviétoise et qui devrait être le modèle pour d'autres implantations locales auxquelles la RTBF a dû renoncer autrefois sous la contrainte d'une tutelle favorable aux radios privées.
Ce n'est que dans le cadre de ces émissions destinées spécifiquement à une partie du territoire wallon, exprimant chacune ses particularités régionales et locales, que peuvent se maintenir les émissions à vocation dialectale dont on ne saurait assez souligner qu'elles demeurent un indispensable support de l'identité wallonne qui se constitue par la rencontre des diverses appartenances à chaque contrée.
À la télé
Même si elle apparaît fonctionnellement moins contraignante que pour la Radio, la philosophie générale du plan visant à regrouper sur un site la coordination des productions destinées à une même chaîne, pourrait opportunément s'appliquer aussi en télévision, ce qui conduirait à une répartition des deux chaînes télévisuelles et de l'Information en fonction des trois sites T.V. actuels de la RTBF
La nécessaire proximité avec les institutions de l'État fédéral et de celle de la Communauté française, ainsi que son caractère international en tant que siège devenu principal des Institutions européennes, voire de l'Alliance atlantique, ne permet pas de douter de l'opportunité de maintenir sur le site bruxellois la mise à l'antenne du Journal télévisé et des magazines d'information qui y sont naturellement liés .
Ce dispositif inévitablement centralisé doit toutefois trouver son complément indispensable dans des implantations régionalisées de dimension suffisante pour garantir la rapidité et la proximité de notre présence dans toutes les parties de la Région wallonne, comme à Bruxelles, le renforcement de la couverture des institutions wallonnes ne pouvant par ailleurs nuire à notre implantation plus locale.
La redéfinition attendue des contenus de notre première chaîne en télévision se trouverait grandement favorisée par le regroupement sur un même site de sa direction nouvelle, de sa diffusion continue à l'antenne et de ses productions emblématiques, sans que cela impose que l'ensemble des émissions destinées à cette chaîne doivent être nécessairement réalisées dans le même environnement régional.
Le site de Charleroi - dont le développement paraît faiblement assuré dans la version actuelle du plan - pourrait jouer ce rôle coordinateur de la première chaîne, ce qui impliquerait, bien entendu, de relever notablement le niveau d'investissement qui lui est actuellement consenti, le maintien des installations existantes pouvant être relayé par la création, en site urbain, d'un studio accessible au public.
(...)
Parallèlement, le site liégeois de la RTBF dont la vocation majeure ne s'est pas dirigée, ces dernières années, vers le domaine du divertissement, en tout cas dans sa forme la plus populaire, pourrait utilement regrouper la direction, la diffusion et des productions caractéristiques de la deuxième chaîne télévisuelle. Cette orientation paraît cohérente avec une implantation liégeoise de la radio culturelle. Une telle option s'écarte de l'hypothèse, obérée par de grandes incertitudes financières, de la construction à Liège par la RTBF d'un vaste complexe destiné à la production des émissions de divertissement, pour lui préférer la reconstruction, à court terme indispensable, du Centre de production en un lieu nouveau, en lui assurant des studios radio et télévision plus proches de sa mission actuelle et ainsi future.
(...)
L'hypothèse que nous posons de localisation de la continuité de nos chaînes télévisuelles sur les sites de Charleroi et de Liège, avec le maintien de l'information sur le site de Bruxelles, conduirait à une importante réduction des besoins immédiats en moyens d'investissement, aspect qui semble constituer aujourd'hui la principale difficulté quant à la mise en œuvre du plan Magellan, dans sa version actuelle.
(...)
Notre hypothèse de coordination de chacune des chaînes sur l'un et l'autre des sites télévisuels wallons, permettrait d'y maintenir la production de magazines, actuels ou futurs, dans l'environnement humain, culturel et social qui a, très souvent, contribué à leur conception et qui nourrit leur réflexion, le site bruxellois maintenant parallèlement ce qui se rattache à sa vocation dans le domaine de l'information.
(...)
En ce qui concerne l'info
Une étude de marché confiée, pour la Radio à la firme DIMARSO (avant l'intervention du consultant Arthur ANDERSEN), préconise l'alignement des journaux sur la couleur des chaînes qui les diffusent. Poussée à son terme, cette hypothèse impliquerait une rédaction radiophonique distincte et complète, assurant le reportage et l'antenne, au sein de chacune des chaînes radiophoniques.
On invoque l'exemple public français : chacune des chaînes de Radio-France assure, en effet, une information autonome qui s'inscrit dans l'esprit de celle-ci. C'est oublier un peu vite - la France compte cinquante millions d'auditeurs potentiels - que chaque chaîne française dispose, notamment pour son information, d'un personnel et de moyens équivalents à ceux de l'ensemble de la RTBF en radio.
(...)
Néolibéralisme
[La] différenciation de l'information radiophonique entre deux types de mise en forme - sinon de fond - risque de ségréguer notre public en fonction de son niveau culturel. Une telle option s'inscrit parfaitement dans la vision « néo-libérale » de la société, qui a relancé, dans les dernières décennies, une dualisation sociale qu'engendre naturellement toute résurgence capitaliste.
Si l'on prétend veiller à l'unicité des lignes éditoriales et éviter d'avoir, sur les chaînes plus populaires, des journaux type La Dernière Heure, et sur les chaînes plus intellectuelles, des journaux type Le Soir, le plus simple serait évidemment de ne pas les séparer - sauvegardant ainsi l'actuelle économie d'échelle - en concentrant les efforts à l'amélioration de la mise en ondes et de la lisibilité des journaux.
La scission de la rédaction radiophonique centrale entraîne logiquement celle des rédactions régionales, wallonnes et bruxelloise, en deux équipes chargées, l'une des journaux locaux, l'autre de la correspondance vers la rédaction de production. Cette organisation qui instaure deux catégories de journalistes - ce qui est déjà perçu comme un classement qualitatif - est, pour le moins, peu conviviale.
(...)
La Wallonie traitée en société mineure
En télévision, l'absence de journaux régionaux depuis la mort de Régions-Soir ne protège pas l'organisation envisagée de dérives similaires : il s'agit, là aussi, de faire dépendre directement et très étroitement de la rédaction du JT, évidemment toujours située à Bruxelles, les équipes chargées de la couverture des événements régionaux - désormais qualifiés de locaux - et traités comme faits de société.
Il paraît, en effet, pour le moins réducteur de rattacher tous les journalistes télévisuels intervenant sur le terrain régional à la cellule société du Journal. Cela signifierait-il que, aux yeux des éditeurs et du Directeur de celui-ci, la réunion d'un Conseil communal ou provincial se situe désormais au même niveau qu'un incendie ou un hold-up ? Voilà qui devrait sérieusement interpeller les pouvoirs locaux.
S'il semble que l'on ait renoncé à l'hypothèse initiale qui rassemblait sur le site de Namur tous les journalistes télévisuels travaillant en Wallonie, sans égard pour leur implication dans la vie quotidienne des régions, sans mesure des durées et coûts de déplacement, ce n'est que pour mieux situer dans la capitale fédérale un pilotage strictement centralisé d'une information adjugée par les éditeurs du J.T.
Ce véritable saucissonnage des actuelles rédactions régionales en équipes réduites, spécialisées par antenne, liquide radicalement leur cohérence et leur autonomie et fait éclater la hiérarchie dont elles dépendaient. À l'exception du groupe restreint qui assure les journaux locaux, chaque fraction journalistique relèverait séparément d'une hiérarchie distincte invariablement installée à Bruxelles.
La suppression, en radio, des journaux spécifiquement consacrés aux informations provenant de diverses parties de la Région wallonne et de ses institutions, Wallonie midi et Wallonie soir, survenant après celle, en télévision, de Régions soir, éradique du paysage ertébéen tout responsabilité éditoriale située sur un quelconque site wallon, ce qui replace cette région mineure sous tutelle bruxelloise (...)
Un aspect positif du Plan Magellan
Le seul aspect positif de cette désarticulation des Rédactions régionales est le rétablissement, sur le site de Namur, d'une cellule spécialement dédiée à la couverture des activités du Parlement et du Gouvernement wallons, jusqu'à présent largement ignorées par le J.T., mais on peut s'interroger sur l'amélioration qui en découlera, alors que cette cellule détachée est placée strictement sous contrôle de ce dernier.
Les agriculteurs oubliés
Enfin, ultimo sed non minimo (comme on disait en vieux wallon), l'ignorance totale de l'avenir des informations destinées au public agricole, un créneau traditionnel du service public, est tout à fait caractéristique de l'indifférence de nos grands penseurs envers les composantes socio-économiques de la population wallonne dont le poids démographique ne permet pas de le constituer en public vendable ...
Le risque majeur de cet organigramme, fait d'équipes éclatées et de hiérarchies recentrées, est que l'on tourne le dos à l'acte premier qu'est l'enquête sur le terrain, en proximité avec les acteurs réels, dans le contexte social concret, pour lui préférer une ligne éditoriale pensée et imposée depuis quelques bureaux bruxellois, sur base d'une vision de l'actualité déterminée a priori par le matraquage médiatique ambiant.
Les nouvelles structures
Les modifications législatives apportées, en décembre dernier, au Décret organique de la RTBF à propos du mode de désignation de la hiérarchie supérieure installée dans le cadre d'un recours élargi aux mandats temporaires, sont dignes de figurer en exemple d'une volonté d'objectiver les procédures de sélection. Ce texte pourrait avantageusement servir de modèle à toute la Fonction publique.
Malheureusement et maladroitement, la publication de cette législation exemplaire s'est accompagnée, avec une simultanéité quasi parfaite, de la parution dans la presse écrite d'informations guère démenties faisant état de listes par lesquelles les partis politiques se partageaient les postes avec le plus parfait cynisme. Rarement, la distance entre les intentions affichées et la pratique aura été aussi évidente.
(...)
(...) L'inscription obligatoire de tous les nouveaux dirigeants, qu'ils soient issus de l'entreprise ou recrutés à l'extérieur, dans un statut contractuel ad hoc délibérément imité du secteur privé, constituera une barrière psychologique et sociologique très forte entre ceux-ci et les travailleurs ordinaires. Ce dispositif inédit à la RTBF a pour objectif évident de casser la solidarité naturelle entre collègues.
Le nouveau profil du dirigeant, lié à son mode de sélection et de rémunération, est manifestement emprunté à celui des cadres qui évoluent dans le secteur privé (...)
(...)
Du point de vue de l'équilibre entre les diverses sensibilités régionales au sein de l'entreprise audiovisuelle communautaire, la suppression des Directions régionales, tant bruxelloise que wallonnes, nous paraît une profonde erreur. La précipitation dans laquelle s'est passée - sous fortes directives présidentielles - ce lessivage du Décret, cinq ans auparavant longuement discuté, en fait une législation de circonstance.
Effet pervers de la dénonciation des « baronnies » : le triomphe bruxellois
La dénonciation lancinante, dans les sphères politiques comme dans la presse bruxelloise, des prétendues baronnies régionales wallonnes a fini par produire, après plusieurs années de harcèlement, l'effet escompté : nulle part, dans les nouvelles structures de la RTBF, n'apparaît la possibilité d'exprimer et de défendre les intérêts propres à la population wallonne, partout prévaut le point de vue bruxellois.
(...)
Conclusions
Un appel au Gouvernement de la Wallonie
Notre organisation syndicale, très largement représentative du personnel de la RTBF, notamment dans les Centres de production wallons, entend rendre attentifs le Parlement et le Gouvernement de la Région wallonne à la contradiction politique et démocratique que serait le financement par les apports des contribuables wallons d'un dispositif qui réduirait sensiblement la visibilité audiovisuelle wallonne.
Il nous semble, dès lors, que l'alternative globale que nous avançons ici, tant pour la radio que pour la télévision, devrait retenir l'attention des décideurs wallons, explicitement sollicités pour prendre en charge les futures implantations de la RTBF en Région wallonne, et devrait conditionner leur concours financier à la rectification de la version actuelle du plan dans l'orientation ainsi préconisée.
Maintenir les centres régionaux et les renforcer
En radio, le Congrès exige une répartition équilibrée de la production future sur les quatre Centres de Liège, de Namur, de Mons et de Bruxelles, soit - dans le cadre d'une grille des programmes coordonnée - par l'accès de chaque Centre à chaque chaîne, soit - si l'Administrateur général considère comme intangible le principe une chaîne, un site - par l'implantation d'une chaîne radio sur chacun des sites.
A l'opposé de la réduction drastique de la proximité avec les populations wallonne et bruxelloise qu'opérerait le plan, le Congrès préconise un renforcement des émissions à destination locale ou provinciale, à Liège, à Namur, à Charleroi, à Mons, mais aussi à Arlon, à Verviers et à Wavre - comme à Bruxelles - par des décrochages du matin et du soir intégrant journaux et animations autonomes.
Un investissement pharaonique et inutile à Liège
En télévision, le Congrès dénonce le caractère pharaonique de l'investissement projeté (à Liège ou ailleurs) en plateaux de télévision, sans rapport avec les moyens dont la RTBF dispose pour l'exploiter elle-même, mais se prononce pour des projets plus mesurés et équilibrés entre les sites de Liège et de Charleroi, mobilisant appuis locaux et apports régionaux, afin d'y produire des magazines et du divertissement.
Dans l'information, opposé à la concentration de l'autorité éditoriale, le Congrès rejetant la notion réductrice de Bureau local d'information, se prononce pour le maintien, dans chaque Centre de production, d'une véritable rédaction régionale, dotée d'effectifs suffisants, séparant couvertures radiophonique et télévisuelle, placée sous une autorité traitant d'égal à égal avec les éditeurs des journaux centralisés.
Quant aux structures, le Congrès rejette l'appel généralisé aux candidatures extérieures et la mise sous statut contractuel de la future hiérarchie, en rupture avec l'esprit du service public et au détriment de la solidarité entre ses agents, et dénonce le gonflement de la future hiérarchie, reflet évident - à l'encontre des intentions pourtant proclamées dans le Décret - d'une politisation accrue de celle-ci.
Notre alternative, qui sauvegarde la régionalisation, laisse ouverte la question de l'indispensable implantation future de la RTBF en région bruxelloise, soit par la modernisation et le rééquipement des actuelles installations du Boulevard Reyers, soit par la reconstruction d'un bâtiment mieux dimensionné et plus visible en un autre lieu de la capitale, avec les éventuels concours dont nous y disposerons.
Pour notre part, en tant que porte-parole du personnel de l'ensemble des sites de la RTBF, nous n'avons pu souscrire, quel que soit son degré d'élaboration, à un volet social du plan Magellan, ainsi qu'aux révisions des textes statutaires et du règlement des prestations qu'il implique, sans que l'hypothèse d'une délocalisation massive du personnel des divers sites n'ait été préalablement écartée.
L'Interrégionale wallonne du sous-secteur RTBF de la CGSP, réaffirme sa disponibilité à l'évolution professionnelle et institutionnelle de l'entreprise publique, tout en confirmant sa détermination à en défendre le caractère public, à combattre toute velléité de privatisation, même inconsciente ou larvée, afin d'en écarter la perspective catastrophique d'un démantèlement à terme.
En tant que délégués syndicaux du personnel, nous appelons une nouvelle fois celui-ci, sur tous les sites, wallons et bruxellois, à se tenir mobilisé et prêt à répondre aux mots d'ordre d'actions collectives qui s'avéreraient éventuellement nécessaires pour combattre radicalement une orientation du plan Magellan qui menace ses conditions quotidiennes de travail et la pérennité de l'entreprise publique.
François VIROUL, Trésorier, Jean-François LACROIX, Secrétaire, Jacques MONSEU, Vice-président, Jean-Claude RENDA, Président.