Manifeste de la Conférence ouvrière et jeune de Berlin (16 et 17 juin 1990)
Manifeste de la Conférence ouvrière et jeune de Berlin (16 et 17 juin 1990)
(extraits : cette Conférence a été organisée par le mouvement lambertiste à Berlin voir Les événements à l'Est et en URSS et durant celle-ci fut célébrée l'insurrection du 17 juin 1953 contre les Soviétiques)
Travailleuses et travailleurs, militants, jeunes, camarades, collègues,
De Berlin où nous sommes assemblés, nous travailleurs, manuels et intellectuels, militants, jeunes, femmes, de toute l'Allemagne (d'Ouest et d'Est), de Roumanie, de France, de Yougoslavie, de Suisse, d'Union Soviétique, d'Italie, d'Espagne, de Grèce, du Portugal, de Grande-Bretagne, de Belgique, de Pologne, des représentants de l'émigration kurde et de l'AZAPO d'Afrique du Sud s'étant joints à nos travaux,
Nous, participants à la Conférence ouvrière et jeune de toute l'Europe, convoquée sur mandat de la Rencontre internationale tenue à Paris les 10 et 11février 1990,
Considérant que la situation mondiale et dans nos pays européens nécessite que soit organisé un lien pour aider à constituer un mouvement libérateur et uni contre l'exploitation des travailleurs et l'oppression des peuples,(...)
Nous estimons que dans tous les pays d'Europe, les intérêts des travailleurs sont les mêmes. Nous constatons que dans tous les pays d'Europe, les travailleurs affirment leur volonté de vivre de leur travail.
Le compte rendu d'une réunion européenne de sidérurgistes tenue à Eisenhüttenstadt (Allemagne de l'Est) en témoigne. Réunis le 26 mai 1990, des travailleurs et sidérurgistes de Lorraine (France), de Berlin-Est, de l'usine EKO d'Eisenhüttenstadt et de la Ruhr ont adopté, pour préparer la Conférence ouvrière et jeune de Berlin, un document à l'adresse de tous les travailleurs d'Europe :
« Sachez-le, travailleurs, Kohl et de Maizière ont signé un "traité d'Etat" entre les deux Allemagne, comportant 38 articles dont un prévoit au 2 juillet1990 le licenciement de 600.000 ouvriers sur une populations de 16 millions en RDA! Un institut économique ouest-allemand va même plus loin. Il prévoit 1million de licenciement qui se répartiraient ainsi: 1/3 des effectifs en moins dans les mines, 1/2 en moins dans la chimie, 1/2 dans la sidérurgie, 1/2 dans l'agriculture.(...)
Il est de fait que les gouvernements de tous les pays d'Europe (de l'Ouest et de l'Est) poursuivent une même politique contre les travailleurs, tous les gouvernements quelle que soit leur couleur politique, ne font que des lois injustes en vue de défendre les profits et les privilèges.(...)
Les plans que s'assignent les gouvernements de toute l'Europe ont ét clairement définis dans la rencontre ouvrière récemment tenue à Nowa Huta (Pologne). Voici des extraits du compte rendu:
« Lors de la discussion sur la privatisation, le camarade Kolditz, sidérurgiste travaillant dans la Ruhr, a expliqué: il y a des postes de travail que le gouvernement polonais veut supprimer à Nowa Huta parce que, disent les autorités, cette usine est considérée comme non rentable. Le complexe Krupp où je travaille à Rheinhausen (Allemagne) est rentable, et pourtant le gouvernement et les capitalistes veulent également licencier, liquider une des usines les plus modernes d'Europe et du monde. Dans ce but, ils veulent transformer le syndicat en rouage de l'entreprise et de l'Etat. Vous, en Pologne, comme dans tous les pays qui ont été et sont soumis à la nomenklatura, vous savez qu'un syndicat "officiel" rouage de l'administration est toujours un syndicat soumis à des intérêts étrangers aux travailleurs. Sachez que dans nospays capitalistes, les gouvernements s'efforcent d'interdire aux travailleurs le droit effectif de s'organiser librement en syndicats indépendants dans lebut d'entraver la lutte pour nos revendications, pour nos droits et garanties que nous avons arrachés à l'exploitation capitaliste. »
« Les responsables de Solidarnosc (de Walesa) que nous avons rencontrés ont décidé d'envoyer deux d'entre eux à Berlin pour discuter de ces problèmes. Des militants et responsables de Solidarnosc 80 ont également insisté sur la nécessité d'un syndicat indépendant de l'Etat et des partis, "régi suivant les principes de fondation du syndicat Solidarnosc constitué en 1980". Ils ont décidé également d'envoyer une délégation à la Conférence de Berlin. Un comité de liaison entre mineurs et métallurgistes de la Ruhr, de la Lorraine, de la Wallonie, des Flandres, de la RDA et de Nowa Huta a été constitué. »
C'est un fait: tous les partis qui dans le monde entier n'ont cessé de chanter les louanges du prétendu "socialisme réel" ont trompé les peuples. Ils mentaient pour camoufler les monstrueux privilèges que la nomenklatura s'octroyait à elle-même. Les résultats sont là: avides, corrompus et incapables, les bureaucrates au pouvoir ont conduit les économies de l'URSS, des pays de l'Est, de Chine, à l'impasse.
Affolée par le chaos qu'elle a elle-même organisé, la nomenklatura s'est lancée dans la perestroïka dont le but est l'ouverture au marché privé en opérant la conversion de la propriété sociale en exploitations privées.
Le gouvernement des Etats-Unis, les gouvernements de la CEE, gouvernent pour le maintien des relations capitalistes de marché. Ils « ne peuvent pas faire grand chose », sauf organiser la désintégration économique des pays auxquels le FMI et la Banque mondiale imposent le paiement de la dette extérieure.
En voulez-vous une preuve? Elle est fournie, par exemple, par M. James P.Grant, Directeur général de l'UNICEF (Fonds des nations Unies pour l'Enfance).Dans un rapport intitulé: La situation des enfants dans le monde. 1990.
M. Grant écrit qu'à moins de « grands changements », le risque est grand que le siècle « s'achève sur une décennie de déclin et de désespoir pour la moitié des nations du monde. Dans bien des pays, la pauvreté, la malnutrition infantile et la mauvaise santé progressent à nouveau après s'être repliées pendant des décennies. Les raisons de cet état de choses sont multiples et complexes, mais celle qui domine toutes les autres est la suivante: les gouvernements du monde en développement consacrent aujourd'hui la moitié de leur budget annuel aux dépenses militaires et au service de la dette. Ces deux postes de dépenses, par nature non productives, coûtent actuellement aux pays d'Afrique, d'Asie et d'Amérique latine près d'un milliard de dollars par jour, soit plus de 400dollars par an pour chaque famille du monde en développement (...). Les remboursements et les intérêts au titre de la dette ont représenté au total en1988, dernière année pour laquelle on dispose de chiffres, 178 milliards de dollars, c'est-à-dire trois fois plus que la totalité de l'aide reçue des pays industrialisés. Les dépenses militaires des pays en développement se sont chiffrées quant à elles à 145 milliards de dollars. Une telle somme annuelle serait insuffisante pour mettre un terme à la pauvreté absolue au cours des dix prochaines années, ce qui permettrait à toutes les populations de faire face à leurs besoins et à ceux de leurs enfants pour ce qui est de l'alimentation, des soins de santé et de l'éducation (...). Rien ne condamne davantage notre époque que de constater que plus de 250.000 jeunes enfants continuent de mourir chaque semaine de malnutrition et de maladies faciles à prévenir. La rougeole, la coqueluche et le tétanos, maladies qui peuvent toutes être évitées au moyen de vaccination peu onéreuses, coûtent chaque jour la vie à environ 8.000 enfants. La déshydratation diarrhéique, qui peut être prévenue pour un prix dérisoire, emporte chaque jour près de 7.000 enfants. La pneumonie, qui peut être guérie grâce à l'administration d'antibiotiques à faible prix, tue elle aussi chaque jour plus de 6.000 enfants (...). »(...)
Cette effroyable situation dans laquelle le système capitaliste a plongé et plonge la majorité de l'humanité se solderait-elle par la "prospérité" croissante des populations d'une minorité de pays industrialisés? En d'autres termes, le pillage des pays dits du "tiers-monde" bénéficierait-il aux travailleurs de pays capitalistes avancés?
Il suffit de se rapporter aux faits pour constater que c'est en réalité le contraire.
Plus s'accentue la saignée des pays prétendument en voie de développement - et qui en fait régressent - plus se détériore la situation des travailleurs des grandes puissances capitalistes. Prenons le cas des Etats-Unis, centre et façade du système capitaliste, le pays le plus puissant, le plus riche, le plus prospère du monde.
D'après les chiffres officiels, sur une population totale de 260 millions de personnes, on en dénombre 35 millions qui vivent - ou plutôt survivent en-dessous de la ligne de pauvreté fixée par les autorités elles-mêmes. Le Président Reagan lorsqu'il a quitté son bureau présidentiel, se félicitait du fait que, durant sa présidence, 30 millions d'emplois avaient été créés. Il oubliait de signaler que c'était là un chiffre inférieur à celui du nombre des pauvres, qu'il demeurait pourtant 7 millions de chômeurs, et surtout que 3 sur 5 de ces emplois précaires et sous-payés. On estime aujourd'hui à 20 millions le nombre de travailleurs américains qui ne sont employés qu'à temps partiel.
Ce qui est indicatif des conditions du fonctionnement du système capitaliste c'est que lorsque Reagan a accédé à la présidence, il n'y avait environ que 25 millions d'Américains classés comme pauvres.
L'Europe n'est pas en reste. Pour les douze pays de la CEE, 44 millions de pauvres et 17 millions de chômeurs (pour une population totale d'environ 320 millions d'habitants). Il y a dix ans, on ne comptait que 38 millions de pauvres.(...)
Convaincus,
- que les solutions préconisées par les capitalistes et la nomenklatura sont contraires aux intérêts des peuples,
- que l'émancipation des classes laborieuses requiert leur unité fraternelle
Nous dénonçons les desseins criminels des gouvernements et des partis qui, pour la défense des intérêts des classes dominantes, mettent en jeu les préjugés nationaux et raciaux.
Nous affirmons que le respect du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, le respect des droits des minorités nationales, est la condition première pour créer la libre et fraternelle union des peuples d'Europe.
Nous affirmons que la dissolution du Pacte de Varsovie et du Pacte Atlantique, ainsi que le retrait de toutes les troupes étrangères des pays où elles sont stationnées, constituent une condition essentielle à la lutte générale pour l'affranchissement des travailleurs et des peuples.
Conscients de la situation intolérable dans laquelle est entrée l'humanité, nous décidons à Berlin de contribuer à ce que se reconstruise un mouvement ouvrier authentiquement socialiste dans son fond et qui entend réaliser une démocratie véritable, la démocratie sociale dont les peuples définiront eux-mêmes la forme et le contenu.
Travailleurs, travailleuses, jeunes, militants de tous les pays d'Europe et du monde, unissons-nous!