Nous de Wallonie, sommes inquiets et choqués (Pour la capitale de la Wallonie à Namur) [1985]
Choqués par les perspectives de fusion de la Région wallonne et de la Communauté française.
Choqués par la politique de repli sur Bruxelles qui s’est brutalement manifestée après les élections du 13 octobre.
Choqués par le mépris de la démocratie qui autorise ces coups de force.
Inquiets devant les menaces qui pèsent sur nos libertés.
Que signifie cette impatience à déporter la Capitale de la Wallonie hors du territoire ? Que signifie cet empressement à démanteler les institutions wallonnes que nous venions à peine de construire ? Pourquoi briser ainsi notre nouvelle dynamique ?
Wallons de partout, comprenez-vous que nous allons être dépossédés de ce que nous venions ensemble de conquérir, notre personnalité économique et politique, et de ce que nous avions réussi à faire fonctionner efficacement dans la démocratie et dans la conjugaison des forces politiques ?
L’heure n’est pas aux divisions :leur conséquence est de minoriser encore la Wallonie. Aujourd’hui, nous avons besoin de tous pour construire notre Région, pour nous affirmer sur la carte du monde.
Les nouveaux centralisateurs prétendent que la fusion Communauté-Région fera faire des économies de temps et d’argent : qu’elle nous renforcera face à la Flandre et que la Wallonie ne peut pas être sans sa « vitrine » à Bruxelles.
Nous soutenons l’inverse.
Nous affirmons qu’expatrier nos institutions à Bruxelles, c’est renforcer l’Etat central. C’est du même coup nier la Région wallonne et la Région de Bruxelles et les déforcer face à la Flandre. C’est reconnaître l’impuissance de nos gouvernants à faire de Bruxelles une vraie Région. Quant à la nécessaire vitrine de la Wallonie à Bruxelles, elle n’exige pas que le gouvernement wallon s’y installe.
Nous voulons avoir nos institutions et nos ministres chez nous pour que les Wallons prennent eux-mêmes les décisions qui les concernent.
L’affirmation wallonne est tout le contraire d’un repli : elle est l’indispensable tremplin, aujourd’hui d’une survie, demain d’un rayonnement.
La vraie économie, la vraie cohérence, c’est donner à Bruxelles, à la Flandre et à la Wallonie, la plénitude des responsabilités dans les principaux domaines : c’est dans ce cadre que les Wallons apporteront leur soutien aux préoccupations légitimes des Bruxellois.
Nous en appelons aux gens de Wallonie : qu’ils soient résolus à refuser les solutions dangereuses qui se profilent et qui ont pour seul effet de nier leur pays.
[Ce texte, présenté à la presse le 5 décembre 1985, recueillit des milliers de signatures.]
Pour comprendre le contexte de cet Appel voir La Wallonie à la recherche de sa capitale (1892-2002) et Le 15ème anniversaire de Namur Capitale de la Wallonie de Jean-Pol Hiernaux