Texte sans titre (commentant divers éléments du patrimoine wallon in TOUDI 49/50)
L'Ardenne est un plissement hercynien, une de ces montagnes très anciennes vieillies par milliers de millénaires. Aux flancs desquels mûrissent en sous-sol fer, zinc, cuivre, et autres métaux. L'Ardenne est boisée et cette matière (charbon de bois) servira à transformer le fer. L'Ardenne est un socle antécarbonifère et au bas, il y a de la houille enfouie profondément là où la Sambre forme avec la Meuse (Charleroi-Namur-Liège) un trait sinueux et continu d'ouest en est se prolongeant vers l'ouest avec la Haine (Mons-Borinage) et vers l'est avec la Vesdre (Verviers).
Depuis plus de huit siècles, ont été exploités, pour transformer le fer, le charbon de bois, le long de petites vallées (Ardenne), puis le charbon de terre, le long de plus grandes (Sambre, Meuse), à côté de bien d'autres industries. Les terres riches de part et d'autre du sillon Haine-Sambre-Meuse-Vesdre avaient fixé une population romanisée et christianisée (Tournai est ville dès cette époque), qui, au lieu d'être assimilée par les envahisseurs germaniques, les assimila à partir du 5e siècle. La Wallonie est ainsi devenue une enclave latine dans les pays germaniques.
Sourdement depuis toujours, avec notamment, comme l'indiquent avec éclat l'émigration spectaculaire au 17e siècle de milliers de métallurgistes wallons en Suède et le rôle des Wallons dans la naissance de l'industrie allemande au 19e siècle, une formidable activité économique se développa dans ce cadre qui fit des pays wallons la deuxième puissance industrielle du monde au 19e siècle, capable de construire entreprises et chemins de fer partout dans le monde (Russie, Chine, Amérique latine, Afrique, USA pour le verre).
(Grande complicité avec la France, notamment révolutionnaire: Jemappes, Fleurus, Waterloo... marches de l'Entre-Sambre-et-Meuse, langue française, fraternité d'armes en 1914, Résistance...)
La population wallonne ira mourir dans les mines, finalement avec des femmes et des hommes venus de tout l'Univers. Mais fut capable d'opposer à l'oppression capitaliste une résistance violente et obstinée de même qu'à l'envahisseur nazi. Mais n'eut guère l'occasion en toutes ces épreuves de compter sur les Flamands, qui laissèrent tomber ses soldats dans la guerre et la captivité de 1940 (pour des raisons qu'on peut comprendre mais qui désemparent profondément: s'il s'agit des batailles sanglantes de mai contre l'armée nazie ou de la Résistance). La Wallonie visa à la souveraineté, déclencha contre un roi des Belges, plus qu'attentiste face à l'Allemagne nazie, la dernière insurrection de type républicain d'Occident en 1950, chercha à obtenir le contrôle de son économie en voie d'effilochement en 1960, au cours d'une grève de sept semaines poursuivie durant l'hiver le plus mortellement froid depuis la Deuxième guerre mondiale.
Il y a à reconstruire de vrais rapports avec les voisins flamands, français, allemands, hollandais et luxembourgeois fondés sur l'autodétermination et l'équité, tout en balayant la citoyenneté déclassée que la Belgique s'est imposée en 1831, à travailler la mémoire de la barbarie léopoldienne en Afrique.
L'ensemble de ces éléments matériels et humains, l'Art Mosan de 900 à 1600 (architecture, travail de l'ivoire, de la pierre, du bois, du cuivre ... la Rome ancienne passée au filtre de Byzance et de la culture ottonienne), la littérature romane de Wallonie (de la cantilène de Ste Eulalie en 890 à Jean Louvet en passant par le Roman de Renart en sa version wallonne), la musique (d'Étienne de Liège à Pousseur en passant par Roland de Lassus), les dialectes qui nous restent familiers, composent un monde commun profondément métissé, entouré de paysages fabuleux (trouée de l'Ourthe au coeur de l'Ardenne, rochers anthropomorphes dans la Meuse en amont de Dinant, canaux améliorés par d'ingénieux ascenseurs près de La Louvière et devenus patrimoine mondial), qu'il vaut la peine d'ouvrir au monde par la Francophonie et l'Europe.
Un État wallon inauguré voici 22 ans, aujourd'hui devenu consistant et à développer, se construit, afin que l'identité humaine, ici aussi, comme n'importe où, importe.