Un recueil de nouvelles de Patrick Dupuis
Il est intitulé « Ceux d'en face ». Il s'agit d'une série de contes amers où s'alignent surtout des malentendus sexuels d'inconnues rencontrées au hasard et plus ou moins draguées. Mais pas nécessairement et pas seuelme,nt dans le sens qu'on imagine. Dans la nouvelle intitulé La Drague, il s'agit plutôt d'une femme qui drague un homme et qui s'en va en le « payant », une petite humiliation douce, ironique, peut-être même humoristique. Dans la nouvelle intitulée un peu parodiquement Le jardin des orangers, il s'agit d'un vieillard en visite dans la « ville éternelle » mais qui sait que lui ne sera plus longtemps éternel. À La place du Roi vainqueur, c'est d'un échec de dragueur qu'il s'agit. L'auteur sympathise ironiquement avec ses héros. Dans Le Trombone, un homme politique se réveille d'une cuite désastreuse à trois mois des élections où le scandale de sa conduite au volant d'une voiture s'est étalé comme jamais, mais ce saut de la mort politique en chute libre (le scandale est vraiment trop grand), va se terminer, d'une façon qui surprend, à l'avantage de celui sur qui le sort s'est acharné quoique de manière paradoxale.
Des hommes et des femmes (parfois aussi des femmes entre elles) se rencontrent en un certain sens brièvement dans les rues d'une ville du Brabant wallon et à Rome. Ils s'écoutent, se parlent, se draguent, font ou non l'amour, pleurent, se sentent vieillir, arriver au temps de l'« inutilité » de la pension. Une conversation que l'on croyait grave entre deux prêtres habillés sévèrement porte en réalité sur le football, une jeune fille envoie du fond d'un jardin romain un lumineux sourire à un chercher désabusé qui la regardait par la fenêtre d'une bibliothèque.
L'auteur circule avec nous dans ces paysages extérieurs et intérieurs plus amers que désespérés où les classes sociales n'ont pas d'importance et où seule la naïveté de cette sœur, petite vendeuse pauvre de supermarché, qui demande à son frère cynique de devenir le parrain de l'enfant qu'elle attend ressemble vraiment à une profonde joie de vivre, à un désir d'être.
Il nous semble que Patrick Dupuis n'a pas réussi toutes ces nouvelles mais que le recueil qu'il en fait est, lui, une réussite, la réussite d'une « étude » comme l'on appelle parfois les tableaux des grands peintres. La plus grande étant peut-être celle de la soif qui nous prend de communier en refermant ce livre où les êtres communiquent peu sauf la sœur naïve qu'il est difficile d'oublier.