Une Eglise du mépris

Toudi mensuel n°47-48, juin 2002

Hélas! l'on peut se poser la question pour celle de Malines-Bruxelles et parfois pour d'autres! En effet, trop de positions et de comportements apparaissent comme tels si l'on n'y regarde de près.

La nomination du gantois, Joseph De Kezel, comme seul évêque auxiliaire pour Bruxelles, en est une bonne illustration bien triste. Elle ne nous surprend pas. Depuis plus de six mois, plusieurs noms sont cités, tous flamands. Il y a là une décision de principe, pas nouvelle. Comment alors le cardinal peut-il dure à la presse: « le temps des affrontements communautaires n'est plus de mise », comme si c'était nouveau, alors que depuis exactement vingt ans, l'un de deux auxiliaires pour Bruxelles était responsable de la pastorale des immigrés. Pire, l'on ne cite pas les chiffres de la répartition linguistique et culturelle des pratiquants à Bruxelles, bien davantage d'Espagnols de Portugais et de Polonais réunis que Flamands, ceux-ci étant moins du cinquième de leurs frères francophones!

Si vraiment, le choix de l'Abbé J.De Kezel ne tient qu'à ses éminentes qualités, pourquoi en 1987, ne pas l'avoir choisi plutôt que Monseigneur De Bie, comme auxiliaire pour le Brabant flamand1? Ignorer les affrontements communautaires est une tromperie, une méprise - et dans « méprise » il y a « mépris ». Pour être clair, survolons les lieux:

- aux Fourons où se pratique l'apartheid pour les messes dominicales et de temps en temps, le refus de funérailles en français, l'évêque responsable est celui de Hasselt, un Flamand;

- à la côte (flamande) où l'été, l'on trouve des centaines de milliers de touristes francophones, aucune messe dominicale ne peut être dite intégralement en français; l'évêque responsable est celui de Bruges, un Flamand;

- pour les communes à facilités de la périphérie bruxelloise, parfois à majorité francophone et d'autres du Brabant flamand comptant une appréciable minorité francophone (Beauval sur Vilvorde, Overijse, Tervueren, etc.), l'évêque coresponsable est l'auxiliaire Monseigneur De Bie, flamand;

- pour les dix-neuf communes de Bruxelles-capitale où la sérénité ne régit pas toujours les relations entre pastorales francophones et néerlandophones, le nouvel auxiliaire flamand est coresponsable avec le cardinal archevêque G.Danneels, flamand, flamand conscient, ce qui se comprend. De surcroît, comme président de conférence épiscopale, s'il pouvait peser sur ce qui se fait et qu'on laisse faire à Blankenberghe ou à Tervueren (or Dieu sait combien dans d'autres matières, il use de son influence morale).

Ce choix tout récent d'un seul auxiliaire pour Bruxelles n'est qu'une facette d'une politique qui remonte à trente-cinq ans, quand avec pertinence après Anvers, quatre ans plus tôt, le Limbourg a obtenu « son diocèse » se séparant de Liège après XIV siècles de vie commune.

En 1967, en effet à propos de la création du diocèse de Hasselt, le ministre de la Justice a lu au parlement une lettre du nonce apostolique en vertu de laquelle le Saint-Siège s'engageait à « également adapter les limites des diocèses » si d'autres frontières internes politico-administratives étaient modifiées!

En 1979, juste avant l'installation du cardinal Danneels, unanimes, les Conseils presbytéral2 pastoral3 et vicarial4 du Brabant wallon revendiquaient un diocèse à part entière, pastorale de proximité et d'homogénéité linguistique leur paraissaient s'imposer. Ni la création de la Région wallonne et de son Parlement en 1980, ni la naissance de la province de Brabant wallon en 1995 n'ont rien changé.

La parole donnée en 1967 n'a pas été respectée sans doute à cause de pressions internes, dont en tout cas, celles, exercées par le cardinal. L'on dit en effet, dans les milieux autorisés: « Soyez patients, cela viendra ». Quand? Après l'actuel cardinal donc au plus tôt en 2008, s'il n'est pas prorogé dans sa charge. Lui plaisantait parfois à ce propos dans la presse: vous n'y pensez pas... Il faudrait construire trois palais5 alors que lui-même vit simplement et sait que l'on n'est plus au temps des Richelieu et des Bossuet.

Pourquoi ces refus arbitraires et méprisants, vis-à-vis des Wallons? Parce qu'ils sont moins forts aujourd'hui que les gens venus du Nord? Je croyais que les Béatitudes pilier du christianisme, privilégiaient les pauvres et les victimes d'injustices et non pas les plus forts.

D'autres comportements, eux aussi méprisants, telle l'absente récente de réponse du président du pouvoir organisateur de l'université catholique de Louvain, le cardinal, à une pléiade de professeurs de cette université intervenant à propos d'un collègue âgé, tenu par eux en grande estime. Ils souhaitaient, puisque c'est d'usage aujourd'hui, que de paroles de paix et de pardon spolient prononcées. pas de réponses ni de rencontre... Il y a donc plus d'un Gaillot dans l'Église!

Essayons pourtant de prendre le large au-delà des mers et de nous rapprocher des lieux pour lesquels l'Église s'est parfois exprimée et engagée avec courage.

Tout récemment parce que cette année, la Journée de la Terre, fête nationale du peuple palestinien, célébrée le 30 mars, tombe le Samedi Saint, des spécialistes chrétiens du Proche-Orient, prêtres et laïcs, attentifs aux attentes des évêques de Jérusalem et de Bethléem, se dont adressés par écrit, à l'archevêque et aux quatre évêques responsables en Wallonie et à Bruxelles. Ils leur demandaient de recommander des homélies et des intentions en faveur des Palestiniens lors des offices de la Semaine sainte. Là non plus, pas de réponse à aucune des cinq lettres! Oubli? Négligence? Surcharge? Ce n'est pas sûr. En effet, l'un des scripteurs, un sexagénaire ayant derrière lui près de cinquante années de vie militante, rencontrant l'un des évêques lui demanda si la lettre lui était parvenue. Réponse: oui. Alors qu'allez-vous faire dans votre diocèse? Rien. Pourquoi? Parce que cela ne sert à rien. Là, l'interlocuteur n'a sans doute pas voulu être méprisant lais il fut décourageant.

Comment est-ce possible? Stimuler en se souciant des autres ne servirait à rien? la petite soeur « Espérance » chère à Péguy oubliée?

Le présent texte n'engage que moi et il traite de cas qui ne me concernent pas personnellement6. Mais c'est un cri que comme octogénaire, j'ai le droit et de devoir de pousser tant que je puis.

« la montée humaine universelle », cette belle idée de feu le Père Joseph Lebret, postule que l'on s'écarte du langage doucereux et unanimiste. Il faut savoir être vrai et en prendre le risque car la vérité vous délivrera. Moi je l'espère... pour après moi.

  1. 1. Le nouvel auxiliaire était alors plus âgé que l'actuel auxiliaire pour le Brabant wallon quand il l'est devenu.
  2. 2. Conseil élu par les prêtres.
  3. 3. Conseil élu (???) par les laïcs.
  4. 4. Équipe du vicaire général constituée par lui.
  5. 5. Il aurait dû dire deux palais. Un à Bruxelles et un à Nivelles, Malines existe toujours.
  6. 6. Et pourtant! mais pour soi, il faut subir et se taire.