Une troisième vie pour la revue Toudi
Cette revue a été fondée le 7 septembre 1986 pour établir « un lien vivant entre intellectuels et militants wallons » un peu moins de trois ans après le Premier Manifeste wallon et quelques mois après l'appel de décembre 1985 en faveur du maintien du siège du Gouvernement et du Parlement wallon à Namur.
Il est quand même incroyable qu'on ait encore songé en 1985 que la capitale de la Wallonie ne devait pas être en Wallonie. La revue TOUDI est née de la révolte contre le mépris d'une certaine bourgeoisie francophone enfermée dans les murs de Bruxelles. Elle est née aussi d'une complicité profonde avec les révoltes syndicales du peuple wallon. La pression exercée par les ouvriers de Manage pour forcer la négociation, pour contraindre au dialogue, la digne attitude de Laurette Onkelinx, ministre de la Justice, refusant de faire pression pour que la décision judiciaire d'urgence soit appliquée immédiatement, voilà la Wallonie dont nous rêvons. Une Wallonie sans dialogue entre les employeurs et les employés, où les premiers disposeraient des seconds comme on dispose d'objets, c'est la négation de la Wallonie.
Les syndicats québécois agissent de même refusant que le Gouvernement libéral de Jean Charest démantèle la sécurité sociale québécoise, car, disent ces syndicats, ce serait « démanteler le Québec lui-même ». « On ne construit pas une société contre son peuple » affirmait en 1982, le Professeur Michel Quévit, rapporteur général de l'intéressant Congrès de l'Institut Destrée La Wallonie au futur qui s'est clôturé le 25 octobre dernier.
On sent venir l'explication finale sur la Communauté française de Belgique dans laquelle on voulait noyer la Wallonie au cours des années 1980. Des politiques commencent à proposer l'inverse et suggèrent au fond de réunir (ou de rattacher !), la Communauté française à la Wallonie. Il faut écouter ces politiques. Ce qui ne veut pas dire nécessairement les approuver. Comment ?
Agir
Le suivi du Premier Manifeste ne s'était pas réellement organisé. Plusieurs réunions importantes avaient eu lieu en 1983 et 1984. Il y avait eu aussi un nouvel appel lancé en décembre 1985 que nous rappelions plus haut. Mais le suivi concret du Manifeste, c'est d'une certaine manière cette revue qui l'a le mieux concrétisé, en commençant à paraître en avril 1987 après que la décision de la fondation de la revue ait été prise à Namur le 7 septembre 1986. D'emblée, nous avions refusé les subsides de la Communauté française, indiquant par là notre ardent désir d'indépendance et notre volonté d'en finir avec cette institution. En 1992, nous publiions avec Les Cahiers Marxistes une longue analyse des réactions et prises de position à l'infini face au Premier Manifeste wallon. Dès 1995, nous nous concertions avec nos amis bruxellois de La Revue Nouvelle et des Cahiers Marxistes en vue de retravailler les questions posées par le Premier Manifeste wallon. Et en mai 1999, était publié le fruit de ces rencontres: un texte intéressant intitulé (sur une suggestion bruxelloise), La Wallonie est-elle invisible ? (que nous reproduisons dans ce numéro).
Nous pensons avoir été parmi les premiers, dès février 1999, à montrer que la Wallonie se redressait économiquement. Dans un numéro spécial distribué dans tous les kiosques, nous confirmions l'an passé ce redressement sous l'intitulé Une Wallonie en avance sur son image. Bien que la revue TOUDI doit être distinguée du Deuxième Manifeste, plusieurs de ses collaborateurs ont contribué à sa rédaction et à son retentissement.
Aujourd'hui, des groupes autonomes de réflexion et d'action s'organisent ou vont s'organiser sur différents sujets : les médias, le statut juridique de la Wallonie, le destin de la langue wallonne, l'enseignement de l'histoire etc. Là aussi, nous espérons que la revue TOUDI jouera son rôle de « lien vivant entre intellectuels et militants wallons » pour que, dès le lendemain des élections wallonnes de juin prochain, se mette en place dans une Wallonie en voie d'indépendance, un vrai Gouvernement responsable du plus de compétences possibles, matérielles et immatérielles, en vue de faire la « Wallonie républicaine » rêvée par les grévistes de décembre 1960 et janvier 1961.
Les mois qui viennent vont être décisifs. S'engageant aux côtés de tous ceux qui travaillent dans la foulée du Deuxième Manifeste wallon, la revue TOUDI a le sentiment de vivre sa troisième vie.
Après l'opposition violente des débuts à la Communauté française et à la monarchie, après la consolidation de la notion de « culture wallonne » à laquelle nous pensons avoir contribué par des dizaines et des dizaines d'analyses, de commentaires, d'études et d'interventions, vient maintenant cette troisième vie. Il s'agit pour nous et pour tous ceux qui veulent la Wallonie du Deuxième Manifeste wallon de faire des propositions. De réfléchir. D'écrire. De se réunir. D'interroger. D'écouter. D'interpeller. Nos actions, nous le disons sans exagération, peuvent se révéler efficaces. Déjà une première assemblée générale des signataires a eu lieu à Namur le 6 novembre dernier. Une prochaine réunion est prévue le 17 février prochain. Nous avons pris langue avec d'autres forces organisées en Wallonie. Comme revue, nous réfléchissons à la meilleure façon d'intervenir d'ici juin 2004. La Wallonie va s'imposer. Rien ne sera plus comme avant. Rien non plus ne se fera sans travail et sans peine. Nous ne deviendrons pas du jour au lendemain une vraie nation en Europe et en Francophonie. Il faudra du temps encore pour que le Monde rejette le néolibéralisme et la Pensée unique. Mais cela vient.
Et, « la victoire aime l'effort ».