Comment situer économiquement la Wallonie en Europe

(ou Le travail que ne fait pas le Gouvernement wallon)
Toudi mensuel n°54-55, avril-mai 2003
2 janvier, 2009
Régulièrement la situation économique en Wallonie fait l’objet d’appréciations contradictoires. Ainsi le dernier numéro de Wallonie région de France, reprenant - à notre avis avec trop peu de nuances et dans une présentation hors contexte et hors explications – les chiffres des statistiques régionales européennes, se plaisait à comparer la Wallonie aux régions de France et à sembler se réjouir de l’avant-dernière place qu’elle occuperait dans ce tableau, juste avant le Languedoc.

Dans la revue TOUDI n°52/53, Philippe Pierlot estimait dans le même sens que la Wallonie est à situer au niveau des régions les plus déshéritées d’Italie et qu’il fallait en conséquence y fixer des salaires en nette diminution par rapport à la moyenne belge.

Ce court article, qui n’a qu’un caractère préparatoire, vise à montrer que ces représentations pessimistes, voire catastrophistes, sont à nuancer énormément. Nous allons d’abord rencontrer la thèse implicite de Wallonie région de France qui est de situer la Wallonie à la traîne des régions de France, avant de soulever diverses questions, qui, à notre avis, doivent être prises en compte dans cette problématique.


La Wallonie est-elle à la traîne des régions françaises ?

La richesse économique d'une région ou d'un pays se mesure, entre autres, par son produit intérieur brut (PIB) par habitant, indicateur largement utilisé car simple et publié par les instances européennes sur des bases qui permettent la comparaison. Cependant, en ce qui concerne les régions, il faut garder à l'esprit les réserves que soulèvent les difficultés de régionalisation de cet indicateur, notamment parce que certaines de ses composantes sont difficiles à attribuer à telle ou telle région et sont donc, non pas calculées précisément, mais estimées pour le calcul de l'indicateur (pour plus de détails, consulter la méthodologie utilisée par Eurostat). Ceci étant dit, tentons malgré tout une comparaison. Les chiffres du PIB régional par habitant pour l’année 1998, publiés par Eurostat en 2001, sont les suivants :
NUTS 1 belges et NUTS 2 françaises
PIB par habitant
En proportion de la moyenne européenne
Région de Bruxelles-capitale
34126
169
Ile de France
30658
152
Flandre 23271 115
Belgique 22493 111
Alsace 20924
104
Rhône-Alpes 20381
101
Europe des 15 20213
100
Champagne-Ardenne
18662
92
Haute-Normandie 18323 91
Centre 18301 91
Provence-Alpe-Côte d'Azur 18238 90
Bourgogne 18215 90
Aquitaine 18061
89
Région Wallonne
17773
88
Midi-Pyrénées
17754
88
Franche-Comté
17638 87
Pays de la Loire
17540
87
Basse-Normandie 17096
85
Picardie
16911
84
Lorraine 16829
83
Bretagne 16714 83
Auvergne
16551 82
Limousin 16270
80
Poitou-Charentes 16177 80
Nord-Pas-de-Calais 16058
79
Corse 15565 77
Languedoc-Roussillon 15307 76
Martinique
12085 60
Guyane 10800
53
Guadeloupe
10596
52
Réunion 10105
50
Source : Eurostat, Régions : Annuaire statistique 2001.

Ce premier tableau concerne les chiffres de 1998 publiés en 2001. Nous y avons repris les régions belges, la moyenne européenne et les régions de France, qui y sont classées par rapport à l'indice européen (=100). Sur cette base, on peut établir le classement suivant, qui permet de comparer la Wallonie aux régions françaises les plus performantes. Elle s'y positionne au 8e rang :

1) Île de France 152
2) Alsace 104
3) Rhône-Alpes 101
4) Champagne-Ardenne 92
5) Haute-Normandie et Centre 91
6) Provence-Alpes-Côtes d'Azur et Bougogne 90
7) Aquitaine 89
8) Wallonie 88

Cependant les chiffres publiés en 2002 (datant de l'année 1999 et également communiqués par Eurostat ) semblent démentir ce classement susceptible de contredire les représentations catastrophistes de l’état économique de la Wallonie, qui continuent à effrayer une partie de l’opinion publique.
NUTS 1 belges et NUTS 2 françaises PIB par habitant
En proportion de la moyenne européenne
Bruxelles-capitale
46179
217
Ïle de France
32801
154
Belgique
22645 107
Flandre
22296 105
Alsace
21897 103
Rhône-Alpes
21788
102
EU-15
21258
100
Champagne-Ardenne
20044
94
Haute-Normandie
19697
93
Aquitaine
19415
91
Bourgogne
19281
91
Centre
19176
90
Provence-Alpes-Côte d'Azur
19154
90
Pays de la Loire
18547
87
Midi-Pyrénées
18532
87
Franche-Comté
18376
86
Auvergne
17873
84
Basse-Normandie
17854
84
Bretagne
17801
84
Lorraine
17683
83
Picardie
17535
82
Limousin
17184
81
Corse
17133
81
Poitou-Charentes
17020
80
Nord-Pas-de-Calais
16921 80
Languedoc-Roussillon
16580
78
Wallonie
16526
78
Martinique
13522
64
Guadeloupe
11854
56
Guyane
10911
51
Réunion
10846
51
Source : Eurostat, Régions : Annuaire statistique 2002.

Bizarrement, les chiffres de 1999 (publiés en 2002) placent la Wallonie au dernier rang des régions de France, hormis les départements d'outre-mer.

Par ailleurs, les chiffres font apparaître que le PIB par habitant de la Wallonie diminuerait (de 1998 à 1999) de 1247 EURO ! Ce résultat nous semble une erreur (à moins que la différence puisse s'expliquer par un changement méthodologique dans le calcul du PIB par habitant en Belgique) puisque ces années ont connu une nette croissance. Si erreur il y a, d'où vient-elle? Il faudrait que l'on interroge les experts européens qui ont fait ces calculs ou les statisticiens belges qui leur ont transmis les données. Mais il est d'autant plus vraisemblable qu'il s'agit d'une erreur que le chiffre de la région de Bruxelles passe de 34.000 à 46.000 EURO ce qui signifierait - cela ressemble à un poisson d'avril - que les 19 communes bruxelloises auraient connu une croissance de 35 % de leur PIB par habitant en un an (1998-1999), alors qu'il aurait diminué en Flandre et en Wallonie.

Cependant, même lorsque l'on regarde les chiffres les plus défavorables (ceux de 1999), on se rend compte qu'en accordant ne serait-ce qu'un huitième des performances bruxelloises à la Wallonie (or le 1/5e environ de la population en emploi à Bruxelles - celle qui crée la richesse régionale - est constituée de navetteurs wallons), celle-ci arriverait en deuxième position des régions françaises, juste après l'Île de France. C'est a fortiori vrai pour les chiffres de 1998 qui placent, tels quels, la Wallonie au 8e rang des régions de France. Comme il faut tenir compte de la richesse régionale bruxelloise pour estimer celle de la Wallonie, sans que l’on puisse dire exactement dans quelle mesure cette richesse peut être attribuée à la Wallonie, aux potentiels économique et humain wallon, on peut proposer cette hypothèse de travail, sans pouvoir pour autant établir un chiffre précis.

Bien entendu, Bruxelles elle-même a un potentiel économique et humain non négligeable, et une partie très importante des performances économiques bruxelloises sont à attribuer aussi aux potentiels économique et humain de la Flandre.


Pourquoi faut-il tenir compte du PIB bruxellois pour évaluer le potentiel wallon ?

Plusieurs raisons plaident pour l'hypothèse qui vise à attribuer une partie des performances économiques bruxelloises (au sens de la statistique) aux potentiels économique et humain de la Wallonie.

Premièrement, une part de l'activité économique qui se développe à Bruxelles s'explique par la Wallonie : les services publics et privés, l'enseignement (les Hautes Écoles, l'ULB, la Faculté de médecine de l’UCL, les Facultés St Louis), l'industrie de la communication en français (télévision, radio, quotidiens, hebdomadaires, imprimeries, maisons d'édition), et bien d’autres entreprises... Deuxièmement, le fait que beaucoup de sièges sociaux d’entreprises wallonnes soient établis à Bruxelles faussent les calculs.

En ce qui concerne la France, l'Île de France enregistre les chiffres les plus élevés en matière de PIB par habitant (33.000 EURO en 1999), mais c'est une région qui s'étend sur 12.000 km2 alors que la région de Bruxelles est limitée au 19 communes et s'étend sur 200 km2. Il paraît évident que la partie de Wallonie qui participe le plus directement à la richesse de Bruxelles est celle qui se situe spatialement le plus près de Bruxelles, soit environ aussi 12.000 km2 (si l’on en retire – exercice de pure méthode – la province de Luxembourg, proche, elle, du Grand-Duché). Si l'on peut considérer que les performances économiques de Bruxelles sont à créditer à la Wallonie au moins en partie, il n'en va pas de même - ou pas de la même façon - de régions de France assez éloignées de Paris (Alsace, Franche-Comté, Aquitaine, Rhône-Alpes) ou plus éloignées de Paris que la Wallonie ne l'est de Bruxelles (Haute-Normandie, Champagne-Ardenne).

Ces deux arguments amènent à déduire que la Wallonie se positionnerait sans doute comme l'une des plus riches régions de France, si l'on excepte Paris, bien que l'on ne puisse pas dire à combien cela se chiffrerait parce qu'aucune étude ne porte sur le sujet.


Pourquoi prendre la France et les régions de France comme points de comparaison ?

La France est le pays qui nous est le plus proche culturellement et sa réputation est "bonne", chez beaucoup de nos concitoyens, contrairement à l’image négative de la Wallonie. Par conséquent, la comparaison avec la France a valeur pédagogique. Ne nions pas qu’il y a là aussi une raison plus politique dans la mesure où une certaine forme de réunionisme considère que la Wallonie ne peut s’en sortir qu’en étant unifiée à la France. C’est un peu la position du Rassemblement Wallonie-France, encore que ce parti (contrairement à la liste « France »), milite aussi pour la réunion conjointe de Bruxelles et de la Wallonie à la France (le problème posé sans polémique serait alors de savoir pourquoi ce serait en France que s’établirait un meilleur équilibre entre Bruxelles et la Wallonie). Mais peu importe les options déclarées de tel ou tel groupe politique, il est évident que les regards des Wallons sont souvent tournés vers la France.

Loin de nous de déclarer que tout va bien en Wallonie. Mais les contacts que nous avons prouvent que la situation s'améliore, contrairement à ce que certains tentent de démontrer. Nous citerons en exemple la lettre récente de Philippe Pierlot qui situait la Wallonie au même niveau que les régions les plus déshéritées d’Italie : il nous semble qu'on exagère ses difficultés, que nous reconnaissons cependant.

Il est possible que cela vienne des mauvaises performances du Hainaut qui se positionne à 69 % de la moyenne européenne pour l'année 1999 et qui englobe près de 40 % de la population wallonne et montre des taux de chômage élevés dans certaines poches de son territoire.

On peut dire un dernier mot du Luxembourg wallon qui, selon le même raisonnement, prendrait évidemment lui aussi (pas seul non plus), une part des performances économiques du Grand-Duché, situé également très au-dessus de la moyenne européenne avec un PIB de près de 40.000 EURO par habitant.


Un aperçu des performances de quelques régions au niveau NUTS 2 en Europe

Niveau NUTS 2 PIB par habitant en 1999 En proportion de la moyenne européenne

Moyenne européenne 21258 100,0

Belgique
Pays 22646 106,5
BRUXELLES 46179 217,2
Flandre
Anvers 26276 123,6
Limbourg 19006 89,4
Flandre orientale 19525 91,8
Brabant flamand 23589 111,0
Flandre occidentale 20978 98,7
Wallonie
Brabant wallon 21222 99,8
Hainaut 14772 69,5
Liège 17320 81,5
Luxembourg 16502 77,6
Namur 16106 75,8

Allemagne
BAVIERE
Oberbayern 32148 151,2
Niederbayern 21154 99,5
Oberpflaz 22395 105,3
Oberfranken 22344 105,1
Miitelfranken 26306 123,7
Unterfranken 22164 104,3
Schwaben 23410 110,1
BERLIN 21119 99,3
BRANDEBOURG 14931 70,2
BREME 30197 142,1
HAMBOURG 38850 182,8
RHENANIE-WESTPHALIE
Dusseldorf 25601 120,4
Cologne 24864 117,0
Munster 18537 87,2
Dermold 22291 104,9
Arnsberg 20972 98,7
SARRE 21015 98,9

DANEMARK 25391 119,4

Espagne
Noroeste
GALICE 13897 65,4
ASTURIES 15087 71,0
CANTABRIA 16515 77,7
Noreste
PAYS BASQUE 21454 100,9
NAVARRE 22244 104,6
LA RIOJA 19747 92,9
ARAGON 18444 86,8
MADRID 23718 111,6
Centro
CASTILLE - LEON 16003 75,3
CASTILLE - LA MANCHA 13815 65,0
EXTREMADURE 11006 51,8
Este
CATALOGNE 21389 100,6
COMMUNAUTE VALENCIENNE 16886 79,4
BALEARES 21566 101,4
Sur
ANDALOUSIE 12751 60,0
MURCIE 14481 68,1
CEUTA MELILLA 13896 65,4

France
ÎLE DE FRANCE 32801 154,3
Bassin parisien
CHAMPAGNE-ARDENNE 20044 94,3
PICARDIE 17535 82,5
HAUTE-NORMANDIE 19697 92,7
CENTRE 19176 90,2
BASSE-NORMANDIE 17854 84,0
BOURGOGNE 19281 90,7
NORD - PAS-DE-CALAIS 16921 79,6
Est
LORRAINE 17683 83,2
ALSACE 21897 103,0
FRANCHE-COMTE 18376 86,4
Ouest
PAYS DE LA LOIRE 18547 87,2
BRETAGNE 17801 83,7
POITOU-CHARENTES 17020 80,1
Sud-Ouest
AQUITAINE 19415 91,3
MIDI-PYRENEES 18532 87,2
LIMOUSIN 17184 80,8
Centre-Est
RHONE-ALPES 21788 102,5
AUVERGNE 17873 84,1
Méditerranée
LANGUEDOC-ROUSSILLON 16580 78,0
PROVENCE - ALPES-COTES D'AZUR 19154 90,1
CORSE 17133 80,6
Départements d'outre-mer
GUADELOUPE 11854 55,8
MARTINIQUE 13522 63,6
GUYANE 10911 51,3
REUNION 10846 51,0

IRLANDE
Bor/Mid/West 17561 82,6
South./East. 25964 122,1

Italie
Nord-Ovest
PIEMONT 25661 120,7
VAL D'AOSTE 27478 129,3
LIGURIE 23131 108,8
LOMBARDIE 28959 136,2
Nord-Est
TRENTIN - HAUT ADIGE 28849 135,7
VENETIE 25788 121,3
FRIOUL - VENETIE JULIENNE 24668 116,0
ÉMILIE-ROMAGNE 27970 131,6
Centro
TOSCANE 24137 113,5
OMBRIE 21593 101,6
MARCHE 22179 104,3
Latium 24732 116,3
Abbruzes - Molize
ABRUZZES 17981 84,6
MOLIZE 17096 80,4
CAMPANIE 14011 65,9
Sud
POUILLES 14304 67,3
BASILICATE 15869 74,6
CALABRE 13292 62,5
SICILE 14096 66,3
SARDAIGNE 16739 78,7

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG 39500 185,8

Suède
Stockolm 28330 133,3

Royaume-Uni
ÉCOSSE
Nord-Est 26026 122,4
Est 21353 100,4
Sud-Ouest 19634 92,4
Highlands et Îles 15946 75,0
IRLANDE DU NORD 16576 78,0
Source : Eurostat, Régions : Annuaire statistique 2002.

Nous avons mis en lettres capitales les régions que nous appellerions « significatives » au plan européen, soit par exemple Bruxelles, les Länders allemands (leurs sous-régions sont en minuscules), les nations souveraines comme le Danemark, les Communautés espagnoles comme la Catalogne, les régions de France et celles d'Italie, ainsi que l’Ecosse et l’Irlande du Nord.

Ces « régions » nous semblent comparables, par leur taille (soit la population, soit le territoire, soit une combinaison des deux), à ce que nous appelons aussi « région » chez nous (Flandre, Wallonie, Bruxelles). Même s’il y a des différences entre la superficie de l’Ecosse et celle de Bruxelles, ou entre la population de la Rhénanie-Westphalie (17 millions d’habitants c’est de très loin la plus peuplée), l’Écosse (7 millions) la Wallonie (3,3 millions d’habitants) ou certains États souverains moins peuplés que d’autres, comme le Danemark par exemple. Politiquement, il y a un vaste éventail allant de régions qu’on appelle parfois des États-régions et qui sont considérées par la Conférence de Barcelone comme « souveraines, « à pouvoir législatif » et « constitutionnellement fortes », comme l’Écosse, la Flandre, la Bavière, la Catalogne et la Wallonie. Un cran plus bas, on peut situer certaines communautés espagnoles moins autonomes que le Pays Basque ou la Catalogne. Ensuite viennent les régions d’Italie en route vers une autonomie dans le cadre d’un fédéralisme italien en développement (Lombardie, Vénétie), ou déjà autonomes (Sicile, Sardaigne). Il y a ensuite les régions de France, certes dépourvues de toute souveraineté, mais dont l’autonomie réglementaire est forte et appelée sans doute à se renforcer (Corse, Bretagne, Lorraine etc.). Enfin, il y a les régions purement administratives et fonctionnelles comme Stockolm par exemple, les sous-régions de l’Écosse, les provinces de Wallonie etc.

Le lecteur verra par lui-même où situer la Wallonie dans cet éventail de « régions » de divers niveaux économiques et de divers niveaux de souveraineté politique.

Pour revenir une dernière fois à la revue Wallonie région de France, nous ne pouvons pas accepter, sans la nuancer, la comparaison que la publication établit entre la moyenne du taux de chômage harmonisé dans l’Union européenne. Ce taux est de 7,6 % et celui de la Wallonie 10,6 %, par comparaison à celui de la Flandre 3,8 % (nous ne savons pas l’année visée, sans doute 2002 mais cela semble bien erroné). Yves de Wasseige a montré dans TOUDI (voir le numéro La Wallonie en avance sur son image) qu’il faut tenir compte de toutes les catégories de personnes émargeant à l’ONEM (chômeurs âgés, prépensionnés, chômeurs avec dispense ALE, chômeurs avec dispense de formation, etc.). Alors, les chiffres du « chômage administratif » étaient, en telle année, respectivement de 14,16 % pour la Flandre et de 18 ,02% pour la Wallonie, si l’on rapporte le total des personnes de ces catégories à l’ensemble de la population (active), âgée de 19 ans à 64 ans accomplis. La comparaison avec le niveau de chômage dans l’Union européenne est sans doute impossible à faire, car il faudrait tenir compte de l’extrême variété des façons de compter le nombre de chômeurs, ainsi que de la disparité entre les systèmes de sécurité sociale nationaux.


Nos conclusions


Comme TOUDI ne cesse de le répéter depuis 1998, beaucoup de raisonnements sont tenus pour des raisons politiques. On accentue la dépendance de la Wallonie à l'égard de Bruxelles en tablant sur les navetteurs wallons, alors que ce phénomène est révélateur d'une dépendance réciproque. La raison en est sans doute que l'on ne veut pas, dans les rangs de certaines élites francophones, la poursuite de la régionalisation. Or la position de la Wallonie dans les tableaux montrés ci-dessus doit être systématiquement revue à la hausse, puisque, répétons-le (suivant par là les conseils mêmes des statisticiens européens), les performances économiques extraordinaires de Bruxelles relèvent aussi des potentiels humain et économique de la Wallonie.

La conclusion d'un précédent numéro de TOUDI (Le numéro Une Wallonie en avance sur son image) nous semble plus que jamais exacte : la Wallonie est capable d'être indépendante politiquement à l'instar d'autres pays d'Europe souverains. L'économie européenne est une économie intégrée et les liens économiques entre la Wallonie et Bruxelles – mais aussi avec la Flandre, les régions allemandes proches ou le Luxembourg - ne s'évanouiront pas du jour au lendemain, quelle que soit l’option politique qui l’emportera. Cela pourrait être l’approfondissement du fédéralisme, l’indépendance, la réunion à la France. L’« indépendance » peut d'ailleurs se concevoir dans un cadre confédéral et donc avec Bruxelles et la Flandre, ce qui, somme toute, est déjà l’évolution largement en cours aujourd'hui.

Au total, sans être une région richissime – loin de là ! – la Wallonie se situe selon les chiffres, certes au-dessous de la moyenne européenne, mais, vu tout ce qu’il faut prendre en compte, elle n’est plus une région en déclin. Elle a des problèmes graves à résoudre comme celui du Hainaut, mais se compare aux régions à la vitalité et au potentiel intéressants comme la Catalogne ou l’Écosse, en restant loin des régions les plus riches comme Hambourg, Brême ou l’Île de France.

Une critique très sévère au Gouvernement wallon et aux médias

Bien entendu nous ne pouvons pas reprocher au gouvernement wallon l’erreur commise par les statisticiens européens. Mais ce que, par contre, nous lui reprochons, c’est de vouloir associer la population à un « Contrat d’avenir » sans vraiment l’informer des critères qui lui permettraient de voir à quel point on avance ou on recule. Et même sans savoir où la Wallonie se situe exactement. Il ne faut pas oublier que les chiffres que nous venons d’analyser commandent les politiques menées tant au niveau wallon que fédéral et européen. L’appréciation portée par la population wallonne sur l’état de la Wallonie se caractérise le plus souvent (surtout dans la province de Hainaut particulièrement déshéritée), par un fatalisme et un désespoir très profonds que la situation réelle ne justifie pas mais que certains environnements, entre Mons et la Louvière en particulier, laissent imaginer, à tort. Le Gouvernement wallon démontre à ce sujet son impuissance à informer les citoyens, des citoyens qu’il veut mobiliser et qui sont devenus impossibles à mobiliser. Soit parce qu’ils sont découragés, soit parce qu’ils sont dépourvus de tout critère leur permettant de juger de la situation. Une situation que, souvent, les médias flamands tendent à noircir. Quant aux médias francophones, ils ne réagissent pas ou, malgré des efforts récents, se laissent souvent aller à un conformisme de résignation sur la Wallonie.