Crise nationale belge (5 janvier 2011- 11 avril 2011)

12 avril, 2011

Après l'échec de Bart de Wever (président du parti nationaliste flamand NVA) comme « Clarificateur» le 18 octobre 2010, Johan Vande Lanotte (sénateur socialiste flamand et ancien ministre et vice-Premier ministre), est chargé d'une mission de conciliation le 21 octobre 2010. Ce qu'il y aura de plus important dans sa mission aura bien été de rédiger une note sans doute relativement équilibrée sur un projet de réforme de l'Etat assez radicale qui au vu des chiffres que la note indique, mettrait sans doute pas loin des trois-quarts des compétences étatiques aux mains des entités fédérées, ce qui laise penser que sur le plan des ressources budgétaires, la Flandre pourrait même dépasser le fédéral. On a parfois l'impression que l'Etat belge a réussi à se transformer tout en réglant bien des problèmes délicats comme par exemple ses rapports avec l'Union européenne, non seulement les siens d'ailleurs mais également ceux de ses composantes qui voient leurs compétences se prolonger sur la scène internationale, chose dont Charles-Etienne Lagasse a toujours dit qu'elle était unique au monde. Mais revenons à notre simple chronologie que nous croyons utile dans la mesure où la lassitude des citoyens, des observateurs voire même des hommes politiques les plus concernés a fini par voiler la poursuite de la crise belge. Cette crise malgré sa longueur, ses embrouillaminis nous concerne tous au premier chef en tant que citoyens. Il faut donc commencer par la note de Monsieur Vande Lanotte qui, du moins pour une oreille de langue française, n'a jamais porté aussi bien son nom.

La note de Vande Lanotte

Le Soir du mardi 4 janvier 2011 publie un résumé de la note du conciliateur, résumé proposé par David Coppi 1 .

Il y a d'abord un chapitre intitulé Renouveau politique.

Il prévoit la réduction des rémunérations des présidents des assemblées, des vacances parlementaires, l'alignement des retraites des parlementaires sur celle des employés de même que leurs indemnités de départ. Le nombre de ministres sera limité. Il est question aussi de réduire les dotations à la famille royale. La Chambre sera élue tous les cinq ans, le Sénat devient exclusivement une chambre des régions et communautés où ne siègeront plus d'élus directs mais des représentants de la Wallonie, de la Flandre etc. Les candidats élus doivent siéger dans le parlement pour lequel ils se sont présentés devant les électeurs.

En matière de transfert des compétences, dans le domaine de l'emploi et du marché du travail, on régionalise les mesures d'activation, le permis de travail pour les étrangers (SOIT 4,5 MILLIARDS D'€).

Pour les soins de santé : la prévention pour l'essentiel, les soins de santé de première ligne, la lutte contre les assuétudes, les politiques pour les handicapés et les personnes âgées ( 3,3 MILLIARDS D'EUROS). On régionalise de même les allocations familiales (le financement du système reste fédéral), de même que la politique de mobilité et la sécurité routière (choses acquises depuis le gouvernement Verhofstadt de 2008).

La protection civile passe aux régions, le fonds des calamités est supprimé et les moyens transférés aux régions. Le programme des grandes villes est supprimé et régionalisé. Le fonds d'impulsion pour l'immigration est transféré aux Régions. Régions et Communautés deviennent compétentes pour le statut administratif et pécuniaire de leurs agents. Les jours fériés officiels seront adaptés à la nouvelle structure de l'état (532 MILLIONS D'€).

Dans le domaine de la Justice, le fédéral garde l'essentiel du pouvoir judiciaire mais les maisons de justice, l'application des peines, les mesures à l'égard des mineurs sont régionalisées ou communautarisées. La gestion des infrastructures fait coopérer fédéral et entités fédérées (614 MILLIONS D'€). En matière d'impôt des personnes physiques (IPP), les Régions se voient attribuer les compétences en matière de déduction fiscale. A Bruxelles on peut créer des listes bilingues et un « communauté métropolitaine » est créée dépassant les frontières des 19 communes. BHV est scindé mais les habitants de l'arrondissement pourront continuer à voter à Bruxelles. Les recours concernant BHV peuvent être introduits devant la Cour constitutionnelle.

Un nouveau mode de financement est adopté : les dotations régionales et l'enveloppe correspondant aux dépenses fiscales à transférer pour l'année 2010 sont converties en un taux régional dans l'IPP. Il s'agit respectivement de 13,2 et de 2,1 milliards d'euros en 2010, soit en Flandre 26,7 % de l'IPP après application du barème et avant application des réductions d'impôts. Les Communautés sont financées sur la base d'une combinaison de clés de répartition mêlant IPP, population, croissance, nombre d'élèves. On arrive à peu près à une répartition fondée sur la population. Le système sera réévalué après 10 ans. A Bruxelles, une compensation tient compte à la fois des navetteurs et du surpoids des fonctionnaires internationaux installés dans la Région. Les revenus fiscaux plus importants que la croissance économique seront affectés à l'apurement de la dette. Bruxelles sera refinancée à hauteur de 374 millions d'euros pour 2012. 2

Il y a donc bien 9 milliards d'€ de compétences transférées, somme considérable puisque l'on sait que 51% des ressources publiques sont déjà attribuées aux entités fédérées. Ces 9 milliards représentent un accroissement de 30 à 40 % des budgets (cumulés, ils atteignaient un peu moins de 20 milliards d'€ en 2002).

Cherche-t-on à se débarrasser de la NVA ?

Cette note a été refusée le 5 janvier par les démocrates-chrétiens flamands du CD&V et la NVA, le premier parti prenant l'initiative de la rejeter. Quoique plus modéré au point de vue flamand que la NVA. Bien des choses ont été dites à ce sujet. ON a dit que le CD&V ne pouvait se passer de la NVA pour sauvegarder son implantation locale lors des élections communales de 2011. On a évoqué la question de Bruxelles, mais récemment, à l'émission Matin-Première, le 5 avril 2010, Eric Van Rompuy insistait sur des solutions à trouver en fonction d'une question que soulèvent Wallons et les Bruxellois à savoir le fait que communautariser les allocations familiales présenterait le danger de créer sur un même espace régional deux nationalités ou sous-nationalités différentes. 3Van Rompuy insistait sur le fait qu'il n'en avait jamais eu conscience et sur le fait qu'il est sans doute difficile de dire qu'une gestion par la Flandre de sa culture et de son enseignement à) Bruxelles n'a pas les mêmes conséquences. Or il est possible de pallier ce danger en gérant les allocations familiales dans le cadre de la Commission communautaire commune. Il n'est pas interdit de penser non plus que, même si le Non est venu du côté flamand, ce qui a été critiqué par la presse flamande depuis Het Laaste Nieuws jusqu'à De Morgen, l'espoir existe côté wallon que la NVA pourrait ne pas faire partie du groupe de partis chargés de former un gouvernement. C'est l'analyse de Carl Devos dans Knack du 9 mars 2011. Carl Devos estime que Di Rupo, qui n'est pas content de toute la note Vande Lanotte, attend que la NVA s'en aille pour mettre ses demandes de concessions sur la table. 4

En tout cas Vande Lanotte remet sa démission au roi le 6 janvier qui la refuse, mais il est finalement contraint de l'accepter le 26 janvier. Le 2 février le roi charge Didier Reynders d'une mission d'information et lui demande de remettre un rapport pour le 16 février. En réalité Didier Reynders remettra son rapport au roi le 1er mars sans en dévoiler le contenu mais en déclarant qu'il est possible de passer à la négociation. 5

Le 3 mars, le roi charge le président du CD&V d'une « mission de négociation pour préparer un accord sur la réforme de l'Etat ». Le chrétien-démocrate flamand a accepté et se veut optimiste. 6 Ce même site de la RTBF écrit (sous la signature de JM et HC) : « L'arrivée dans le jeu d'un CD&V, qui n'a pas été "mouillé" jusqu'ici, était déjà évoquée mardi soir. Il circulait donc l'hypothèse d'un duo, peut-être PS-CD&V. Ce scénario tombe à l'eau. L'inexpérimenté Beke se retrouve donc en première ligne, alors qu'au mois de juin dernier, ce sénateur a été propulsé à la tête du CD&V après la démission de Marianne Thyssen. Jeune - 36 ans-, sérieux, cheveux courts noirs, petites lunettes, originaire de Lommel dans le Limbourg, il a grandi dans l'ombre d'Yves Leterme. C'est un intellectuel plutôt effacé et manquant de charisme pour certains. C'est l'idéologue du parti, étiqueté centre-droit, un homme de dossiers, discret mais efficace selon ses fans. Il est docteur en sciences sociales et politiques, chercheur à la KUL, échevin à Bourg-Léopold. Ce mercredi matin, sur nos antennes, Jean-Michel Javaux, co-président d'Ecolo, affirmait qu'il était favorable à ce que le CD&V entre en piste . Le CD&V s'est, lui, dès le début de a semaine montré prêt à coopérer. Et le député Rik Torfs l'a confirmé mercredi matin. Depuis quelques semaines, le CD&V est très critiqué par les partis francophones pour qui le parti social-démocrate ne se démarquait pas assez des positions de la N-VA. Voilà le CD&V au pied du mur : il va devoir tomber le masque. La "mission Beke" commence demain avec une entrevue entre le chrétien-démocrate et Didier Reynders, l'ex-informateur royal. Wouter Bele remet un premier rapport au roi le 16 mars. Il lui remet un deuxième rapport le 31 mars. Evidemment dans ses consultations Wouter Beke rencontre la NVA. Mais celle-ci laisse entendre que le 30 avril il faudra un gouvernement de plein exercice faut de quoi elle quittera la table des négociations. Le 2 avril Kris Peeters laisse entendre à La Libre Belgique que Bruxelles ne sera jamais une région à part entière 7, ce qui attire la riposte du changement officieux de nom de la Communauté française en « Fédération Wallonie-Bruxelles » le 4 avril 8 Ce que Philippe Destatte considère comme intéressant du point de vue du progrès de l'idée régionale mais trop connoté anti-flamand.

Les partis flamands ont plusieurs fois insisté sur le fait qu'ils ne pouvaient monter à bord u train gouvernemental sans la NVA. Par exemple De Croo 9 ou Wouter Belke 10

L'étrange gouvernement Leterme qui « e xpédie les affaires courantes » a imposé dans les trois premiers mois de 2011 un accord interprofessionnel, fait voter le budget de l'Etat et engagé la Belgique aux côtés de l'OTAN en Libye dans une intervention militaire, certes d'ampleur modeste, mais dont le principe a été ratifié à l'unanimité au Parlement. Quant à l'hypothèse d'une mise à l'écart de la NVA, elle peut sembler étrange dans la mesure où le triomphe de ce parti a rendu possible la discussion d'une réforme de l'Etat souhaitée par les Flamands depuis douze ans et que sans doute l'obstination des partis wallons et francophone avait jusqu'ici empêchée.


  1. 1. Voici le contenu de la note de Vande Lanotte
  2. 2. Intégralié de la note de Vande Lanotte
  3. 3. Eric Van Rompuy est l'invité de Matin Première Le texte de ces déclarations est à relire...
  4. 4. "Een goed akkoord zonder de N-VA: het is de logica zelve"
  5. 5. Reynders : « Il est possible de passer à la négociation. »
  6. 6. Le roi a chargé le président du CD&V d'une mission de négociation pour préparer un accord sur la réforme de l'Etat
  7. 7. Kris Peeters « Bruxelles ne sera jamais une région à part entière »
  8. 8. " Ne dites plus Communauté française mais fédération Wallonie-Bruxelles
  9. 9. De Croo wil niet onderhandelen zonder de N-VA
  10. 10. Beke: "CD&V stapt niet in regering zonder N-VA"