Deux de nos amis nous ont quittés (J.Coppé et J. Robiane)

8 février, 2011

Joseph Coppé, éditorialiste et directeur de LA WALLONIE décédé ce 16 janvier en sa 84e année


Les morts se suivent et ne se ressemblent pas. Il y a une dizaine de jours, Joseph COPPE, brillant directeur de La Wallonie et remarquable éditorialiste prompt à défendre les Wallons à Bruxelles et la gauche progressiste partout, nous quittait sans grand bruit. La semaine dernière, le silence était encore plus assourdissant au moment où Janine ROBIANE tirait sa dernière révérence.

Pourtant, chacun dans leur spécialité, Joseph COPPE et Janine ROBIANE avaient brillé au firmament des vedettes liégeoises, qu’on n’appelait pas encore des « people ».

Et chacun d’eux emporte un monde avec lui.

Avec le départ de Joseph, c’était un peu comme si le cliquetis des linotypes, le brouhaha des salles de rédaction et la force profonde de l’analyse correcte avaient fermé leur quartier général.

Il n’y eut pas beaucoup de mots pour celui qui, de son fauteuil à La Wallonie, avec d’autres grands disparus comme Jean-Pierre VANDERMEUSE ou, à sa façon, Pol VANDROMME, était de ceux qui tenaient tête à la meute des éditorialistes flamands conduits alors par Manu RUYS, dans des propos recueillis et transmis chaque matin par le Centre de Production de Liège, disparu lui aussi avec la Tour Piedboeuf.

Une seule plume s’était cassée, mais c’est tout le peuple de gauche wallon qui était plongé dans un grand silence dont on ne voit pas qui peut, ni surtout qui veut, le remplacer si c’est possible, ou du moins poursuivre sa mission.

Janine Robiane

Janine ROBIANE avait, elle aussi, ses préférences politiques, qu’elle ne cachait pas à ses proches, mais qui ne faisaient pas partie de son personnage.

Avec elle, c’est le monde du théâtre liégeois, dont elle était devenue la doyenne, qui tombait en deuil.

Ici encore, un seul souffle s’arrêtait mais toute l’ancienne salle du Gymnase retenait sa respiration. Janine ROBIANE était en effet devenue la dernière survivante de la grande époque JOOSEN, puisqu’Arlette BIERNAUX, René RONGE et bien d’autres l’avaient précédée dans le silence.

Les survivants de son public - - plusieurs générations - - entendront encore les rires, se sentiront encore frissonner, admireront encore le port brillant d’une interprète hors-pair, hélas en souvenir seulement.

A l’école du Gymnase, elle avait tout joué, de la soubrette à la reine, en passant par les femmes de tous âges et de toutes conditions. Je la revois encore, saisie par l’émotion, le grand soir de la dernière des dernières, lorsque René RONGE, domptant le bouleversement qu’il ressentait, et dans un silence religieux du public, lut le fabuleux Adieu au Gymnase, promis à la disparition par des édiles irresponsables, et jamais remplacé.

A l’instar du Trianon du Boulevard de la Sauvenière, exproprié par la Ville « vu l’urgence » en 1965 ( !) et tout aussitôt détruit, et sur l’emplacement duquel on ne peut toujours fouler, près de cinquante ans plus tard, que les graviers d’un parking à ciel ouvert.

Mais Janine ROBIANE, ignorée par les nouveaux maîtres du Nouveau Gymnase, qui allaient du reste sombrer rapidement dans l’échec et dans l’oubli, ne pouvait ni ne voulait rester inactive. Elle donna des cours (notamment au Conservatoire) et fonda une nouvelle troupe, Les Comédiens Associés, qui trouva asile au Trocadéro de Juliette LEMAIRE, autre grande disparue. Cette dernière troupe subsista jusqu’il y a deux ans, puis le combat de chaque jour s’arrêta faute de combattants.

Ainsi s’éteint doucement le cœur brillant de Liège, dont Janine fut une des reines, les théâtres rejoignant progressivement dans l’oubli les journaux liégeois et les réverbères à gaz.

Les traditions s’effondrent, et il n’est pas sûr qu’elles soient pleinement remplacées par les nouvelles merveilles de la technologie.

C’est donc le moment de se souvenir qu’elles ne sont restées vivantes que grâce à ceux qui disparaissent aujourd’hui, comme Joseph COPPE et comme Janine ROBIANE.

Merci à eux : ils nous ont faits ce que nous sommes. Mais qui fera les jeunes de demain, ou même d’aujourd’hui, qu’il s’agisse des jeunes militants ou des assoiffés de planches ?

Adieu, Joseph. Adieu, Janine.

Et surtout : merci.

Jean-Maurice DEHOUSSE Ancien Mayeur de Liège