EDITO : Groupe pour les convergences wallonnes
C'est très encourageant de voir se développer cette initiative au sein d'un Parlement qui était encore plus que d'autres devenu une chambre d'applaudissements complètement cadenassée par la présidentocratie.
On peut se demander si cette présidentocratie n'est pas affaiblie par la crise de 500 jours qu'a demandé (et encore nous ne sommes pas au bout), la formation d'un gouvernement fédéral et la conclusion d'accords institutionnels qui vont transférer 17 milliards de compétences vers les entités fédérées. Or on sait que d'ores et déjà que les compétences des entités fédérées (le jargon des juristes belges nomment ainsi les Etats quasi souverains qui composent la Belgique 1) représentent plus de 50 % des compétences étatiques ou, comme le dit Charles-Etienne Lagasse, les recettes du budget fédéral représentent (hors service de la dette), 48,40% de l’ensemble des recettes budgétaires des trois niveaux de pouvoir, Etat fédéral, Régions et Communautés. 2
Il est donc véritablement affolant de constater que beaucoup de personnes non seulement ne se rendent pas compte de ce qui nous échoit comme responsabilité, mais combattent systématiquement les institutions de leur pays en en leur faisant perdre leur crédibilité. Même si la RTBF est un peu la tête de turc obligée d'un tel exercice, il faut admettre, honnêtement, qu'elle s'enveloppe d'un état d'esprit contraire à l'esprit du fédéralisme, par exemple en faisant la propagande des manifestations unitaristes comme celle de Shame en janvier dernier ou en terminant une séquence récente d'octobre, montrant les villes wallonnes se préparant à accueillir de nouvelles institutions comme étant des villes allant se disputer le bout de gras. On peut parier que chaque fois que Bruxelles est mis en avant d'une manière ou d'une autre, il est exclu de faire ce genre de remarques à la RTBF, par exemple en considérant que Bruxelles est parfois quelque peu mégalomane en se proclamant la capitale de l'Europe.
Il est tout aussi évident que, même si l'on doit se réjouir de la formation de ce mouvement wallon, on doit s'interroger sur ce qui rend encore nécessaire aujourd'hui que des parlementaires doivent s'organiser en groupe de pression alors qu'ils détiennent avec d'autres un pouvoir important.
La Communauté française un monstre des foires d'autrefois
On nous rétorquera sans doute qu'il ne doit pas encore y avoir unanimité au parlement wallon sur l'idée que la Wallonie doit gérer elle-même des matières comme l'enseignement et la culture. Effectivement. Mais là aussi c'est un peu désastreux si l'on songe que, ces compétences, la moindre commune partout dans le monde les assume sans en confier exclusivement la charge soit à d'autres communes, soit à un niveau supérieur, de même que les provinces ou départements français ainsi que les Régions françaises. Nulle part au monde il n'existe de pouvoirs politiques qui gérerait exclusivement l'enseignement et la culture et rien d'autre (ou quasiment). La Communauté française de Belgique, au sens étymologique du mot, est un monstre politique, c'est-à-dire quelque chose comme les femmes à barbe ou les frères siamois des foires d'autrefois.
La création de ce mouvement intervient d'ailleurs au moment où le Parlement wallon vote le décret qui impose l'appellation Wallonie en lieu et place de Région wallonne. Il faut être bien indifférent à l'idée même de communication au public pour minimiser un tel changement. Les adversaires de la Wallonie ont pratiquement saboté les pages Wallonie sur Wikipédia en imposant deux articles différents, l'un pour Wallonie, l'autre pour région wallonne, tentant de prétendre que le premier terme était un concept purement militant. Ceci peut sembler accessoire, mais cela a concrètement malmené considérablement les pages sur la Wallonie dans la célèbre encyclopédie en ligne. Il est vrai que si la Wallonie existe pleinement, suite à un vote unanime de son parlement, il sera plus difficile de nier, comme cela se fait quotidiennement, l'appartenance à la Wallonie de ses habitants, surtout quand ils se distinguent en tous domaines. La revue TOUDI a un jour noté que lorsque des ministres wallons accompagnaient une mission à l'étranger, cette mission devenait wallonne, mais ne l'était plus si les ministres n'étaient pas de la partie. Même si ce simple changement de nom va dans le bon sens et aurait dû s'imposer depuis longtemps au nom du même bon sens, il a fallu malgré tout 31 ans pour qu'il s'impose, pour que la Wallonie s'appelle tout simplement la Wallonie.
On n'est pas dupe des mots. On sait que la victoire d'un mot est sans doute moins importante que, par exemple le redressement wallon. Pourtant... il y a 19 ans un homme comme Jean-Marie Klinkenberg insistait, à l'égard du pouvoir politique, sur l'importance des mots. Ceux qui en douteraient pourraient consulter avec attention cette partie de l'ouvrage de Daniel Halévy, La fin des notables, en observant que la République Française a été instituée par le simple pouvoir d'un mot en quelque sorte magique. Ceci en janvier 1875 par le célèbre amendement Wallon (une coïncidence).
Quatre parlementaires enfin un peu plus libres?
Ceci dit, il est intéressant de constater que ces quatre parlementaires se répartissent géographiquement sur le territoire wallon. Jean-Louis Crucke est de Tournai, une région où le sentiment wallon est réputé faible. Dimitri Fourny est du Luxembourg où l'on s'attendrait encore à plus de faiblesse de ce sentiment. Si Christophe Collignon, d'Amay, appartient à un parti qui traditionnellement a fait beaucoup pour la Wallonie (s'est engagé en tout cas), Bernard Wesphael, de Liège (après tout le plus fort engagement ces der,iers temps d'un homme politique est venu de Viseur, maïeur de Charleroi, on s'en souvient), est, à certains égards, un Ecolo moins dédaigneux du sentiment wallon que son collègue Marcel Cheron. Voyez : Comment vous sentez-vous Marcel Cheron?.
Les convictions régionalistes de Dimitri Fourny sont bien connues de ses collègues depuis des années et des années comme est bien connue aussi l'impossibilité dans laquelle il était dans le parti de Joëlle MIlquet de les défendre, car telle est la réalité des partis, hélas! Cela frappe plus dans le PS où pourtant, si les régionalistes ont été combattus, c'est qu'ils ne représentèrent jamais le courant majoritaire, tout en pesant de tout leur poids qui s'est avéré bien plus lourd qu'on ne le pensait. Les socialistes wallons ont toujours joué à cache-cache avec la Wallonie, laissant tomber Renard en janvier 1961, excluant les adhérents du MPW ensuite.
Doit-on penser que la présidentocratie (voir plus haut), toute occupée par une crise interminable au fédéral aurait moins de force pour censurer la Wallonie et ses représentants parlementaires? Surtout au PS où l'on suppose Elio Di Rupo fort occupé à sauver la Belgique... Pour sauver la Wallonie comme il le répéta sans fin en 1999 au point de susciter ma colère, et je m'excuse de me citer moi-même 3. Le nouveau président du CDH, Lutgen comprend-il mieux la Wallonie que Joëlle Milquet et l'apprécie-t-il un peu plus? Les partis politiques wallons en général se méfient-ils de la volonté d'ingérence du FDF dans les affaires wallonnes (on ne peut que parler ainsi puisque la présentation de listes wallonnes à Bruxelles susciterait sans doute un tollé généralisé dans la capitale, à juste titre à notre sens, c'est un peu cela l'esprit du fédéralisme). Enfin, il faut se souvenir que dès 1983, de simples citoyens wallons avaient demandé que la culture wallonne soit reconnue puis vingt ans plus tard demandé qu'elle soit régionalisée avec l'enseignement. Ce qui demeure le but du Mouvement pour le Manifeste wallon qui se ralliera plus que probablement au nouveau mouvement wallon en espérant, cette fois que la Wallonie puisse enfin prévaloir, comme le souhaitait Marcel Thiry.
En fin, disons un dernier mot sur l'international et en premier lieu l'Europe: François André a bien expliqué à quel point la Belgique résiduelle est impossible et on sait que les Régions, sans pour autant mettre en cause le principe de l'unicité du siège de la Belgique siègent en son nom au Conseil des ministres européens: Belgique résiduelle (Wallonie-Bruxelles), juridiquement impossible
En fait, lorsque l'Etat fédéral aura disparu (ce qui n'est sans doute pas pour tout de suite), rien ne devrait être changé à ce principe même si symboliquement, on pourrait supprimer également le mot BElgique et le remplacer par une expression qui détache clairement aux yeux de la communauté des nations, la nation wallonne, la nation flamande et la Ville Libre de Bruxelles sans oublier nos amis de langue allemande.
L'avenir est là. Il est bien plus aisé à envisager que les contorsions rattachistes ou post-belgicaines de certains. Car, en réalité, si l'on suit Vincent de Coorebyter, cet avenir est déjà notre présent.
Voir aussi :
Les Manifestes et le livre blanc du MMW qui a réuni, à notre sens, les arguments les meilleurs pour cette régionalisation de la culture et de l'enseignement : Mouvement du Manifeste Wallon. Cette régionalisation étant non une condition suffisante mais nécessaire du renouveau et du redressement wallon que nous devons à tous les citoyens wallons exclu de la vie sociale par le chômage créé par les injustices profondes de l'Etat belge à l'égard de la Wallonie, il faut sans cesse le redire et que ce soit une bonne chose que l'on soit débarrassé de cet Etat.
- 1. Vincent de Coorebyter :« Dans l'exercice de leurs compétences, les Communautés et les Régions sont souveraines. Exactement comme un Etat est tout à fait indépendant dans sa sphère de souveraineté, même s'il est par ailleurs membre d'une confédération. » in La Revue Nouvelle, janvier 2008, p. 40.
- 2. Charles-Etienne Lagasse, Les nouvelles institutions politiques de la Belgique et de l'Europe, Ersme, Namur 2003, pp. 288.
- 3. Le discours de José Fontaine à Namur, le 19 septembre 1999, au cimetière de Belgrade
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