Ferry sur la fracture Nord/Sud de la zone euro
« On sait que les structures économiques sont très différentes entre le « Nord » et le « Sud » de la zone euro. Or l'actuelle disparité entre d'une part, un Nord industriel et exportateur net et, d'autre part, un Sud qui se spécialise dans les services non exportables est une conséquence logique et prévisible de la création d'une vaste zone monétaire de libre circulation. Les déficits publics du Sud sont largement une conséquence de la dégradation de leurs balances extérieures, dégradation qui est elle-même un effet de la spécialisation inhérente à la logique économique de la zone. En refusant la coresponsabilité, c'est-à-dire a solidarité communautaire, l'Allemagne fait comme si son avantage actuel n'était pas corrélé à la situation économique de ses partenaires : pour paraphraser une juste parole d'Helmut Schmidt à ce sujet, les excédents du Nord (et de l'Allemagne en particulier) sont bel et bien nos déficits (ceux du Sud). En vérité, les maximes de ladite « politique de l'offre » (« désinflation compétitive » et ajustements structurels par compression des revenus du travail) ne sont pas universalisables : tout le monde ne peut pas être exportateur net, et si tous les Etats de la zone euro avaient fait comme l'Allemagne, la récession serait générale. » (Jean-Marc Ferry Dix propositions et trois considérations sur l'actuelle situation de l'Union dans Yves Charles Zarka (directeur) : Refaire l'Europe avec Jürgen Habermas, Puf, Paris, 2012 p. 81-82).