La "financiarisation" du monde

Toudi mensuel n°30, juin-juillet 2000

Aujourd'hui, l'argent circule d'un bout à l'autre de la planète et vingt quatre heures sur vingt quatre via un réseau véritablement mondial de marchés intégrés. Un chiffre, par son énormité même, suffit à faire voir l'ampleur du phénomène: chaque jour, 1590 milliards de dollars transitent, en moyenne, par les marchés des changes, soit un montant supérieur à la somme des revenus distribués en France durant toute une année.

Cette hypertrophie de la sphère financière de l'économie est récente: il y a quarante ans d'ici, elle n'existait absolument pas. Comme on l'imagine, si l'on voulait dresser un tableau complet des événements qui ont conduit à l'État de choses actuel, on n'aboutirait qu'à un enchevêtrement de faits et de phénomènes sans grande signification. C'est pourquoi on utilisera une autre démarche. Pour être bref, disons qu'elle consiste à privilégier trois séries causales essentielles qui, prises ensemble, fournissent une explication globale de la tendance à la financiarisation de l'économie: il s'agit du développement et de l'autonomisation d'un marché des eurodollars, de l'abandon des parités fixes au profit d'un régime de taux de change flottants et enfin, des effets de la "révolution conservatrice" déclenchée par Thatcher et Reagan. Une fois ces différents facteurs clairement identifiés, on pourra alors revenir sur les caractéristiques actuelles de ce qu'il faut bien appeler l'espace financier mondial.

Les eurodollars

Disons d'emblée qu'un eurodollar n'est rien d'autre qu'un dollar américain placé dans une banque extérieure aux États-Unis, en l'occurrence dans une banque européenne. Mais, objecterez-vous, pourquoi dépose-t-on des billets verts dans une banque européenne plutôt qu'américaine? Tout simplement, parce qu'un dépôt est mieux rémunéré dans la première que dans la seconde.

Or, il se fait que ce marché des eurodollars a commencé à se constituer à la fin des années cinquante et a connu ensuite une croissance fulgurante durant la décennie suivante. A la suite de Jean Denizet, on peut distinguer trois facteurs principaux qui expliquent la naissance et le développement de ce marché nouveau.

En premier lieu et aussi paradoxal que cela puisse paraître, les banques soviétiques sont à l'origine du placement de dollars chez leurs homologues européens. En effet, l'Union Soviétique disposait d'importantes réserves de la monnaie américaine: d'une part, sa balance commerciale avec la zone dollar était excédentaire (elle exportait davantage qu'elle n'importait); d'autre part, elle vendait directement contre dollars sur les marchés de Londres et Zurich l'or qu'elle possédait en abondance. Ces dollars étaient déposés dans les plus grandes banques américaines. Il était clair cependant qu'en cas de durcissement des rapports entre l'Union Soviétique et les Etats-Unis, les seconds auraient pu saisir ou mettre sous séquestre les avoirs en dollars des premiers. Consciente du danger, la Russie va alors transférer, à la fin des années cinquante, ces dollars sur les places de Paris et de Londres via des filiales de banques soviétiques. Tels sont les débuts du marché de l'eurodollar.

La deuxième raison du développement de l'eurodollar réside dans le retour à la convertibilité (externe) des monnaies des dix pays les plus riches du monde, retour qui sera acquis le 28 décembre 1958. Concrètement, cela signifie qu'un particulier peut par exemple échanger sans limites des dollars contre des francs, alors qu'auparavant, ce n'était pas possible. De même, une banque commerciale, sous le régime de l'inconvertibilité, devait céder les devises en sa possession à la banque centrale dont elle relevait. Après 1958, ce n'est plus le cas et on conçoit assez facilement qu'il s'en est suivi un grand bond en avant des dépôts de dollars dans les banques européennes.

Enfin, en troisième lieu, la politique économique mise en œuvre aux Etats-Unis a contribué -bien involontairement - à la croissance impétueuse de l'eurodollar. En 1958, la première puissance mondiale avait enregistré son premier déficit de la balance des paiements et ce essentiellement pour trois raisons: le poids des dépenses militaires extérieures, les aides gouvernementales aux pays non américains et les investissements directs à l' étranger. À quoi il faut ajouter qu'il était aggravé par les sorties de capitaux empruntés aux banques américaines. Ce déficit alimenta le monde en dollars et donc aussi le marché des eurodollars. Pourtant, au début des années soixante, sa persistance a commencé à inquiéter sérieusement le gouvernement des Etats-Unis. Pour contrer les sorties de capitaux, Kennedy, quatre mois avant son assassinat à Dallas, proposait une mesure qui sera adoptée en 1965 sous Johnson: la taxe d'égalisation des intérêts (Interests Equalization Tax). La taxe en question avait pour but de rendre plus coûteux les emprunts étrangers sur les marchés des capitaux de New York. L'objectif visé fut atteint: les banques et sociétés hors Etats-Unis réduisirent fortement leur recours au crédit américain. Il se produisit toutefois un effet pervers dû au fait que la demande de crédit se déplaça des Etats-Unis vers d'autres lieux, en l'occurrence les marchés des eurodollars. Parallèlement, une autre mesure prise par la réserve fédérale américaine aux débuts des années soixante - la "regulation Q" - contribua également au développement de l'eurodollar. Sans entrer dans les détails, on se contentera de signaler que cette réglementation limitaient les taux que les banques américaines pouvaient offrir sur les dépôts à terme de plus de 30 jours. Or, en 1966 et 1967, par suite de la politique de la Réserve fédérale, les taux d'intérêt se mirent à grimper et dépassèrent les plafonds fixés par la réglementation Q. Tout naturellement, les capitaux américains se déplacèrent vers des centres où les taux d'intérêt n'étaient pas plafonnés: le marché des eurodollars à Londres.

Pour toutes ces raisons donc, les eurodollars se sont multipliés à partir de la seconde moitié des années soixante: d'après les chiffres fournis par la Morgan Guaranty, le marché brassait 43 milliards de dollars en 1965, 135 milliards en 1970, 485 milliards en 1975 et plus de 1500 milliards en 1980!

La masse des liquidités rendues ainsi disponibles était si énorme qu'elle constituait un obstacle à la gestion de la politique monétaire par les banques centrales. Comme l'écrit Jean Denizet, " cet immense réservoir de disponibilités en dollars dans lequel les trésoreries des grandes banques commerciales ont pu presque constamment puiser à partir du début des années soixante, a créé pour elles un climat d'abondance de ressources qui leur permettait d'échapper au contrôle de leur banque centrale ". Ces ressources devaient aussi être utilisées pour dynamiter le système monétaire international mis en place en 1944 par les accords de Bretton Woods.

Vers les taux de change flottants...

Les accords de Bretton Woods, petite village du New Hampshire américain, reposaient sur deux piliers essentiels:

d'une part, l'or était à la base de tout l'édifice, puisque le cours de chaque monnaie était défini par un certain poids d'or;

d'autre part, les parités fixes (en valeurs-or des monnaies) constituaient la règle: ainsi, par exemple, le dollar valait 50 francs belges; en conséquence, les pays membres devaient intervenir sur tous les marchés des changes de manière à éviter que les cours de marché ne s'écartent des parités bilatérales de plus de 1% à la hausse ou à la baisse.1

Ce qui va être fatal à cette belle construction et la conduire à sa perte, c'est la disproportion, croissante au fil du temps, entre le stock d'or détenu par les Etats-Unis et le volume des dollars circulant hors USA.

Le régime de Bretton Woods va, en réalité, se disloquer en deux temps. Le 15 août 1971, Richard Nixon annonce la fin de la convertibilité du dollar en or et par là même, la fin de l'étalon de change or. Il faudra alors - c'est le deuxième temps - attendre encore près de deux ans pour que la fixité des cours de monnaies, pierre cardinale des accords de Bretton Woods, soit abandonnée. Mais ce sera chose faite le dimanche 11 mars 1973, jour où les Ministres des Finances de l'Europe des Neuf, parmi les derniers à s'en tenir à des taux de change fixes, décidèrent un flottement commun de leurs monnaies par rapport au dollar.

Les conséquences de l'adoption de taux flottants ont été importantes. D'abord, parce que l'on a pu constater une grande instabilité des principales monnaies (les économistes parlent à ce sujet de " volatilité " des cours). Ensuite, le fonctionnement du régime des taux flottants a permis d'observer à nouveau ce qui avait déjà été remarqué après la première guerre mondiale, à savoir que des marchés des changes non régulés, où les taux fluctuent en fonction de l'offre et de la demande des devises, sont des marchés spéculatifs, essentiellement différents des marchés habituels. En effet, sur ces derniers, la hausse des prix accroît l'offre et diminue la demande, ce qui tend à rétablir l'équilibre. Par contre, sur les marchés spéculatifs, c'est le contraire qui se produit: la hausse des prix engendre un accroissement de la demande dû au fait que les acheteurs veulent bénéficier de cette hausse, tandis que l'offre diminue, les offrants conservant leurs titres ou devises pour concrétiser, plus tard, le bénéfice réalisé. Conséquence: il n'y a plus alors d'équilibre possible, c'est-à-dire. d'ajustement de l'offre et de la demande sur les marchés des changes; ce qui domine, c'est le principe: la hausse appelle la hausse, la baisse appelle la baisse.

Au total, le flottement des monnaies a donc puissamment contribué à transformer les marchés des changes en marchés spéculatifs, dont l'exemple typique est la bourse des valeurs mobilières, et parallèlement, il devait conduire aussi à de fortes variations des cours des principales monnaies, variations parfois sans aucun rapport avec les modifications des fondamentaux de l'économie: il suffit de penser à cet égard aux fluctuations du dollar sous Reagan pour en être convaincu!

...et l'explosion des produits dérivés

Au moment même où le système issu de Bretton Woods implosait, survenait le premier choc pétrolier qui se traduisit par un quadruplement du prix du pétrole. Parallèlement et consécutivement aux modifications de la politique monétaire aux Etats-Unis - on y reviendra plus loin -, les taux d'intérêt connurent également d'amples fluctuations. À l'instabilité des cours du change vinrent ainsi s'ajouter celles du prix de l'énergie et des taux d'intérêt. Pour se couvrir contre cette incertitude généralisée, les opérateurs vont alors développer une demande d'instruments financiers nouveaux. La réponse à ces besoins sera fournie, du moins partiellement, par les produits dérivés.

Pratiquement, un produit dérivé est un instrument financier, achetable et vendable, qui est assis sur un autre produit financier préexistant, produit qu'on appelle, pour cette raison, un sous-jacent. L'appellation ne devrait maintenant plus faire de mystère: un produit dérivé " dérive " d'un sous-jacent, d'un autre produit financier. La plupart du temps, ces sous-jacents sont des instruments classiques tels que actions ou indices boursiers, obligations, devises, matières premières, etc. A noter qu'il existe des produits dérivés complexes (dits " structurés ") dont le sous-jacent est lui-même un dérivé. Parmi les contrats dérivés de base, on retiendra quatre grandes catégories: les futures, les forwards, les swaps ou contrats d'échange (de devises, de taux d'intérêt, etc.) qui sont tous des contrats à terme et enfin, les options - pour la signification de ce dernier terme, voir l'encadré ci-contre.

Ces différents produits sont traités sur deux types de marchés: les marchés organisés qui, comme les bourses de valeurs, fonctionnent selon des règles très précises et les marchés de gré à gré (en anglais, " over the counter "; en abrégé, O.T.C.). Les premiers se sont développés d'abord aux États-Unis après 1973. Ce sont des marchés où sont échangés des produits standardisés, ce qui signifie qu'un opérateur n'a que très peu de choix quant aux caractéristiques des produits en question: dates d'échéance, prix d'exercice, espèces de. sous-jacent, etc. La standardisation offre l'avantage d'une très grande liquidité du marché: les opérateurs n'ont aucun mal à revendre ou à racheter un contrat. De plus, sur ces marchés, tous les ordres d'achats et de ventes passent par un organisme central: une chambre de compensation. Cette chambre de compensation va exiger des garanties financières (" appels de marge ", " dépôts de garantie ") de la part des intervenants, de sorte que les marchés organisés présentent une grande sécurité et qu'un opérateur est toujours assuré de recevoir ses gains éventuels. Les plus importants d'entre eux sont:

  • Chicago Board of Trade (CBOT);
  • Chicago Board Options Exchange (CBOE);
  • Chicago Mercantile Exchange (CME);
  • London International Financial Futures and Options Exchange (LIFFE);
  • Singapore International Monetary Exchange (SIMEX);
  • Deutsche Termin Bˆrse (DTB);
  • Marché ‡ terme International de France (MATIF);
  • Tokyo International Financial Futures Exchange (TIFFE);
  • Belgian Futures and Options Exchange (BELFOX), etc.

A l'opposé, les marchés de gré à gré sont plus souples que les précédents: les produits traités n'y sont pas forcément standardisés et présentent beaucoup de variations dans leurs caractéristiques. Les transactions s'effectuent directement entre opérateurs (appelés principaux - " principals " en anglais). Ils sont surtout animés par les banques (pour ce qui concerne les changes) et par des sociétés de négoce pour les marchandises. Les gains qui y sont obtenus sont beaucoup plus aléatoires et dépendent de la capacité des contreparties à faire face à leurs engagements.

D'une Manière générale, les produits dérivés ont pour principale fonction de transférer des risques financiers de toutes espèces entre les agents économiques, de façon rapide et peu coûteuse. Cependant, ce sont aussi des instruments bien adaptés à l'activité spéculative: ils ne nécessitent pas d'apport initial conséquent et permettent néanmoins de dégager des profits (ou des pertes!) importants moyennant, bien sûr, la prise de risques plus ou moins considérables. À cet égard, les marchés de gré à gré sont ceux qui sont les moins sûrs, mais qui offrent également les possibilités de gains mais aussi de pertes, les plus fortes.

Voir Jean DENIZET, Le dollar, Paris, Fayard, 1985. Jean DENIZET, op. cit., p.71. Pour une analyse des causes et des événements qui ont conduit à la fin du régime des taux de change fixes, on peut se reporter à: Francis BISMANS, La finance mondiale et sa crise, Toudi, 20, 1999.

D'une manière générale, les produits dérivés ont pour principale fonction de transférer des risques financiers de toutes espèces entre les agents économiques, de façon rapide et peu coûteuse. Cependant, ce sont aussi des instruments bien adaptés ‡ l'activité spéculative: ils ne nécessitent pas d'apport initial conséquent et permettent néanmoins de dégager des profits (ou des pertes!) importants moyennant, bien sûr, la prise de risques plus ou moins considérables. A cet égard, les marchés de gré ‡ gré sont ceux qui sont les moins sûrs, mais qui offrent également les possibilités de gains ó mais aussi de pertes†!ó les plus fortes, spécialement en recourant ‡ la technique de l'effet de levier (l'effet de levier désigne le rapport entre le potentiel de gain ou de perte d'un produit par rapport ‡ la mise initiale: ainsi les options sont des produits ‡ fort effet de levier, parce que la mise initiale est réduite et le potentiel de gain théoriquement infini).

La contre-révolution conservatrice

Même si Thatcher est devenue premier ministre en 1979, avant que Ronald Reagan ne soit installé à la présidence des Etats-Unis, il n'empêche que ce sont ces derniers qui ont initié le mouvement de déréglementation qui allait gagner la planète entière. Et affecter pas mal de secteurs: l'énergie, les transports aériens et routiers, l'audiovisuel, les télécommunications. Dans tous les cas, la logique à l'œuvre était identique, car il s'agissait d'introduire davantage de concurrence dans le secteur considéré. Toutefois, les transformations du secteur bancaire américain furent si profondes qu'il est justifié d'utiliser le terme de dérégulation - plutôt que de déréglementation - pour les qualifier. Pour bien en saisir le sens et la portée, il faut remonter quelque peu dans le temps et se reporter à l'époque où de sévères mesures législatives et réglementaires avaient été prises pour réguler l'activité bancaire, c'est-à-dire les années 1920 et 1930. Ainsi, en 1927, le Congrès des États-Unis avait interdit aux banques américaines d'offrir toute leur gamme de services dans plus d'un État. Semblablement, en 1933, une loi, le Glass-Steagall Act, imposait la séparation des banques de dépôts et des banques d'affaires (des holdings diraient-on en Belgique). De plus, ainsi qu'on l'a déjà signalé, la " regulation Q " avait sérieusement limité les possibilités de fixation des prix par les banques, puisque ces dernières ne pouvaient payer d'intérêts sur les dépôts à vue et que la rémunération des dépôts à terme était elle-même plafonnée.

Toute cette belle construction semblait être à l'abri de l'usure du temps. Pourtant, les premiers signes de craquement sont apparus dès les décennies 1960-1970 et 1970-1980 avec le développement des certificats de dépôt négociables2 ainsi que des comptes NOW3 et des fonds communs du marché monétaire (MMF).Ces derniers connurent une croissance véritablement explosive au point qu'en 1979, ils " pesaient " déjà près de 200 milliards de dollars. On peut d'ailleurs dire qu'à cette date, la réglementation des taux d'intérêt par la Réserve fédérale avait vécu.

La banque centrale américaine le reconnut implicitement puisqu'en cette année 1979, en la personne de Volcker, président du Conseil de la Réserve Fédérale, elle annonça un changement de cap monétariste4: désormais, pour briser les anticipations inflationnistes, la Réserve Fédérale assurera une croissance lente de la masse monétaire sans se préoccuper des variations des taux d'intérêt qui pourraient en résulter.

L'élection de Ronald Reagan le 4 novembre 1980 accentue encore le tournant monétariste. Rapidement, les taux d'intérêt flambent: 12,5% en octobre 1980; 16% en novembre; 24% en janvier 1981. Cependant, le but recherché, à savoir casser l'inflation, sera en fin de compte atteint. L'envolée des taux d'intérêt met à mal les banques et caisses d'épargne américaines.

C'est alors que Reagan, dont l'idéologie est précisément la déréglementation et le " tout au marché ", stimule un mouvement de dérégulation de la fonction bancaire qui revient en fait à un détricotage complet de la réglementation antérieure. En effet, le résultat de tout le processus est triple: les banques de dépôts peuvent couvrir désormais la totalité du territoire américain; la distinction entre banques d'affaires et banques de dépôts est abolie et, enfin, un ensemble d'intermédiaires non bancaires assurent désormais la fourniture d'une très large gamme de services financiers. Au total, la dérégulation reaganienne se manifeste à travers le mouvement dit des trois D:

  • décloisonnement des marchés financiers, sur lesquels tant les banques d'affaires que de dépôts interviennent;
  • déréglementation qui se traduit à la fois par la prolifération des innovations financières et par la disparition des barrières autrefois existantes entre les différents types de produits;
  • désintermédiation , par quoi il faut comprendre que les emprunteurs n'utilisent plus forcément les banques pour leurs emprunts.

Margaret Thatcher suivra rapidement l'exemple américain et, de la sorte, contribuera fortement à ce que le mouvement lancé aux Etats-Unis se généralise à l'échelle internationale. Dans le cas précis de la Grande-Bretagne, la dérégulation bancaire prend deux formes essentielles:

d'une part, tout comme aux USA, la déréglementation va bon train et la concurrence est rendue vive entre tous les intermédiaires financiers, y compris et surtout entre les banques de dépôts (appelées clearing banks en Grande-Bretagne);

d'autre part, la libéralisation de la bourse de Londres (le London Stock Exchange) en 1986 qu'on a qualifiée de " big bang " boursier, attire les intermédiaires financiers du monde entier et contribue par là à faire de Londres la principale place internationale, avant même New York.

Une brève conclusion

De ce qui précède, il devrait être clair que le processus de financiarisation de l'économie mondiale est loin d'être un processus voulu ou contrôlé par qui que ce soit. Bien au contraire, il est très largement le produit de tendances spontanées sur lesquelles se sont greffées les politiques conservatrices et néolibérales. Autant dire qu'il reste un champ énorme d'initiatives pour les hommes et les États. A condition bien sûr que cette nécessaire intervention soit orientée par une connaissance approfondie des mécanismes aujourd'hui à l'œuvre dans le casino planétaire!

Voir Jean DENIZET, Le dollar, Paris, Fayard, 1985.

Qu’est-ce qu’une option?

Une option est un droit, mais pas une obligation, d’acheter ou de vendre une certaine quantité d’un actif (une action, une obligation, une devise, un contrat à terme, etc.) que l’on appelle le sous-jacent, à un prix convenu à l’avance, dit prix d’exercice de l’option. Une option à l’européenne permet à l’acheteur du produit d’exercer son droit à une seule date: la date d’échéance de l’option. Par contre, dans le cas d’une option à l’américaine, l’acheteur peut exercer ce droit à n’importe quel moment entre la souscription et la date d’échéance.

Une option d’achat est appelée un call, une option de vente un put. La valeur d’une option (son prix) est dite prime de l’option: elle est payée par l’acheteur au vendeur dès l’achat.

Illustrons quelques unes de ces notions par un exemple imaginaire. Soit un call sur une action, qui peut être exercé dans un mois, dont la prix d’exercice est de 100 F et la prime de 1F. Si l’on suppose alors que la transaction porte sur 1000 actions, l’acheteur de l’option doit payer 1000F au vendeur dès la conclusion de la transaction. Un mois plus tard, l’acheteur aura deux possibilités:

si le cours de l’action est supérieur à 100 (égal par exemple ‡ 120 pour fixer les idées), l’acheteur de l’option a intérêt à l’exercer; il acquerra donc les actions pour un prix de 100.000F, puis les revendra pour un montant total de 120.000F; son gain est donc égal à 20.000 F moins la prime de 1000 F, soit donc à 19.000F à;

si le cours de l’action est inférieur 100, l’acheteur de l’option n’exercera pas son droit et il aura alors perdu dans l’opération le montant de la prime, c’est-à-dire 1000 F.


  1. 1. Pour une analyse des causes et des événements qui ont conduit à la fin du régime des taux de change fixes, on peut se reporter à Francis BISMANS, La finance mondiale et sa crise, in Toudi, 20, 1999.
  2. 2. Dépôts supérieurs à un million de dollars pour une durée de un mois à un an et porteurs d’un taux légèrement supérieur à celui des bons du trésor.
  3. 3. Le compte NOW n’est rien d’autre qu’un compte d’épargne sur lequel on pouvait tirer des chèques, tandis que les Money Market Funds (MMF) sont des fonds communs de trésorerie ou encore des SICAV monétaires.
  4. 4. Le monétarisme est un courant idéologico-économique lié à l’économiste de Chicago, Milton Friedman qui enjoignait aux gouvernements de se limiter, dans leur politique économique, à une règle: accroître chaque année la masse monétaire de 4%.