Les faux-dieux de Laeken et Deborsu
Jamais la revue TOUDI n'a mis en cause des éléments privés de la vie de la famille royale.
Mais nous avons toujours dit que cette vie privée dans le le cas des monarchies héréditaires déborde indument sur la vie publique.
Il fallait s'attendre à ce que cela se retourne contre les gens de Laeken qui jouent aux faux-dieux comme leurs pareils et ce n'est pas la première fois qu'ils affrontent les résultats de cette posture qui n'est pas humaine.
Dans les 100 % de ce que dit Frédéric Deborsu dans son livre il y a deux choses que l'on retire qui sont certes graves (et on oublie le reste que cette réponse réfléchie veut désigner, même pas résumer bien sûr, mais il y a urgence).
Surtout le fait de dire que les enfants du Prince seraient dus à une procréation assistée.
C'est le journal flamand DE MORGEN de ce 24 octobre qui fait sur cela les meilleures remarques, texte signé par Bart Eeckhout et intitulé Zelfs een prins is maar een mens.
Oui un prince n'est qu'un homme comme les autres, mais le cinéma perpétuel de la monarchie est de le faire oublier, alors un jour il y a des retours de flamme du même type que le bouquin de Deborsu.
Cependant, dire comme DE MORGEN que cela va détruire humainement ces enfants me semble aller vraiment trop loin (ils devront l'apprendre un jour, de toute façon, si c'est vrai). Pierre-Yves Monette dans Le Soir ce 24/10 va même jusqu'à dire que ce serait une atteinte aux droits de l'homme. Il y a aussi l'homosexualité du prince : Deborsu est moins affirmatif, mais tout aussi insinuant.
Deborsu met somme toute en avant des pratiques qui ne sont plus réprouvées et qui d'une certaine façon sont courantes.
Mais il y a plus. Ici au lieu de défendre Deborsu, je vais contrer les objections de DE MORGEN
Ce serait une atteinte à la vie privée? Celle-ci serait sans lien avec l'exercice public de la fonction royale?
Allons!
Quatre objections à ces mises en cause de Deborsu par DE MORGEN
1) la monarchie, institution d'Ancien Régime se ressent de ce que l'on n'y faisait pas la distinction public/privé;
2) la vie privée des princes ou des rois a une influence sur leur vie publique : DANS L'EXERCICE MÊME DE CES FONCTIONS ILS METTENT SANS CESSE EN AVANT LEUR VIE PRIVEE parce que c'est de celle-ci qu'en monarchie procède la légitimité du pouvoir (le pouvoir se transmet par le lit, c'est ainsi : et à la cour de Louis XIV, de nombreuses personnes assistaient à l'accouchement des enfants du roi - de même qu'à son coucher avec la reine, mais soit ....) au point qu'un Prince de sang ne peut pas se marier avec n'importe qui et doit avoir l'aval de son roi-père et du gouvernement. C'est tellement vrai que la pire injure du temps de la noblesse dominante était bâtard (l'anglais a gardé bastard injure grave). La vie privée des princes est constamment mise en avant en public et si ce cinéma n'est pas convaincant ou s'il y a des raisons de penser que le cinéma est mal fait ou menteur, il faut s'attendre à de telles choses;
3) la vraie atteinte aux droits de l'homme c'est le protocole de la Cour qui réduit même les ministres à devoir faire des gestes qui les renvoient quasiment à une condition de domestiques méprisés. Ce n'est que formel, protocolaire? Non. La politesse (à laquelle je suis profondément attaché), n'est justement pas quelque chose de purement extérieur. Elle renvoie au fond des choses. Voilà pourquoi le droit romain et notre droit attachent énormément d'importance à ce que les formes soient respectées. Car c'est par elles aussi que passe la Liberté! l'Egalité! la Fraternité!
4) il arrive que Deborsu soit aussi très complaisant à l'égard de la stature d'homme d'Etat d'Albert II sur la base de choses qui ne sont pas nécessairement très convaincantes et sans que cela ne le gêne que le roi soit surtout attaché au patronat. Pourquoi personne ne relève-t-il cela?
Deborsu a certes dépassé les limites d'une certaine bienséance - pas de la bienséance ordinaire -, mais celle d'une bienséance qui, elle, porte atteinte aux droits de l'homme et qui fixe jusque dans les gestes du protocole l'infériorité des êtres humains qui ne sont pas rois jusque dans le contact en tête-à-tête avec eux, ce protocole inutilement humiliant (non sans efficacité) dont se plaignait aussi un Spaak quand il fut républicain entre le 26 et le 31 juillet 1950 : on ne peut pas poser des questions au roi par exemple, on ne peut lui tendre la main etc. Deborsu rappelle dans son livre ces images étonnantes où il a violé le protocole en interrogeant le roi, face caméra sur son yacht lors d'une réception du type fête de charité à Laeken.
L'atteinte à la vie privée, c'est inhérent à la fonction monarchique elle-même et Deborsu n'en peut rien.
Le mariage de Léopold III en 1941 n'a pas été une affaire privée et elle a été le déclencheur d'une affaire royale plus grave que celle-ci mais dont les ressorts sont sociologiquement ou même anthropologiquement les mêmes.
S'il y a bien quelque chose qui menace l'identité humaine, ce n'est pas le livre de Deborsu, c'est une institution monarchique dont la proclamation de la République libèrera bien du monde à commencer par le roi lui-même. Car il est fou d'imposer à un petit d'homme un destin dont il n'a jamais au fond à décider. Dans l'Ancien Régime, comme l'a montré Gauchet, c'était le lot de presque tout le monde, mais depuis lors c'est la Fraternité qui est la loi du monde ou, du moins, son horizon.
Il serait bon notamment pour la Wallonie de se débarrasser d'un régime dont elle n'a que faire, quelle que soit la bonne volonté de ses acteurs, bonne volonté qui d'ailleurs n'a pas toujours été si évidente que cela. Il serait bon que l'Europe toute entière devienne républicaine à l'instant même où des traités absurdes visent à détruire la démocratie comme celui du MES (mécanisme européen d'austérité) ou celui dit de la règle d'or (qui veut arracher aux parlements nationaux et régionaux leur raison d'être : le contrôle ultime des budgets, voyez Deux Coups d'Etat européens, deux Deux-Décembre).
En outre dans toute la littérature produite depuis un quart de siècle sur la monarchie belge, il y a de quoi vérifier mille fois la plupart des éléments que met en avant Frédéric Deborsu. Cet homme doit être défendu contre des médias incapables de se défaire de leur connivence avec les dominants.