Les filles de Liège

8 juin, 2010

Liégeoises au Festival des ARDENTES

Le « Guide du routard » est formel : en Belgique, en ce début de vingt et unième siècle, c'est à Liège que les filles sont les plus belles.

Les règles qui régissent ce type de palmarès sont certes bien mystérieuses, surtout lorsque le propos s'autorise le superlatif absolu. Et ce mystère ne peut qu'engendrer le doute.

Pourtant, elles sont là. Dans la rue, elles se tiennent par le bras, à deux, parfois à trois, marchant étroitement collées l'une à l'autre. Elles parlent haut. Rient souvent. Elles mâchent parfois un chewing gum poivré, dont on goûte la saveur lorsqu'on les croise. Il arrive qu'elles apparaissent dans des automobiles aux étincelantes jantes, d'où, l'été, soufflent de puissants rythmes sourds. Elles vont à l'école, entrent dans les McDo et les sandwicheries, descendent des bus du TEC. Elles viennent de Flémalle-grande, d'Ivoz-Ramet et de Jemeppe-sur-Meuse ; d'Amercoeur, des Vennes et de Belleflamme ; elles descendent de Saint-Nicolas, de Beyne-Heusay, de Grâce-Berleur, de Sainte-Marguerite.

Leur vulgarité excite, mais elles passent sans la connaître. Les plus cohérentes parmi les militantes du women's lib se laissent aller à des métaphores ou à des synecdoques fort peu correctes : « pouliches », « femelles ». Souveraines dialecticiennes, elles infligent un élégant démenti aux esprits vulgaires qui opposeraient vulgarité et élégance.

Les formes éclatent : exagérément lisibles. Le geste est plein et serein. Le fard est fort. Leurs yeux sont blancs dans leur visage sombre, mais pas autant que les dents. Brune, la peau est mate. Le cheveu est berbère à force d'être sicilien.

Elles parlent haut, avec le meilleur accent wallon. La ville est à elles.

On est à Liège, où la lumière est gris-perle, le soleil gris jaune et le pavé gris brun. Mais le gris de Liège-aux-deux-rives a le bleu des deux rives de la Méditerranée.