Travailleurs et allocataires sociaux sommés de payer la crise du capitalisme

Chiffres concrets
27 décembre, 2011
Il aura fallu 541 jours pour former un gouvernement, mais 15 jours auront suffi pour traduire en textes de lois le catalogue des mesures socialement régressives élaboré par les 6 partis de la coalition. Nous sommes ainsi confrontés à une nouvelle forme de démocratie, une « démocratie de la canonnière parlementaire », où le personnel politique au service des « possédants » passe en force, piétine sans états d’âme le monde du travail, et ignore superbement un « modèle social » jadis vanté par les différents gouvernants !

L’addition est particulièrement épicée


* Les salariés vont devoir obligatoirement travailler plus longtemps. La possibilité de prendre anticipativement une retraite bien méritée sera retardée de 2 ans (de 60 à 62 ans) d’ici 2016 !

* Le calcul des pensions du secteur public est modifié. Dorénavant, on tiendra compte de la moyenne des 10 dernières années d’activité professionnelle en lieu et place des 5 dernières années ! Ce qui entraînera une réduction de la pension de nombreux fonctionnaires !

* La prise en compte dans le calcul de la pension des « périodes assimilées », comme l’interruption de carrière, sera restreinte !

* Les condition d’accès à la pré-pension sont durcies, ce qui aura pour conséquence que plus de travailleurs âgés se retrouveront au chômage, avec une perte financière à la clé ! Et plus il y a des chômeurs, plus la pression à la baisse sur les salaires est forte !

* Ce qui est donc mis en œuvre est un véritable « pacte des générations bis », où l’on prétend vouloir maintenir plus longtemps en activité les « seniors » alors que 150.000 jeunes sont privés d’emplois, dans un contexte de chômage de masse persistant !

Et ce n'est pas fini

Finalement, la fragilisation du système des pensions et le discours sur l’impossibilité de continuer à le financer a pour effet collatéral de favoriser les assurances privées et les institutions financières qui les proposent !

Il faut ajouter que les travailleurs des services publics sont aussi des citoyens qui vont subir de plein fouet d’autres dispositions rigoristes planifiées par le gouvernement : hausses de TVA et/ou d’accises sur certains produits (tabac, spiritueux, télévision numérique…) ou certaines prestations (notaires, huissiers), suppression des déductibilités fiscales environnementales, augmentation du prix des titres services, sans oublier les effets pervers liés aux économies draconiennes imposées à la Sécurité Sociale et… au secteur public !

Source d’inquiétude supplémentaire : il est manifeste que ce train de mesures d’austérité ne sera pas le dernier, et que d’autres mauvais coups vont pleuvoir dans les prochains mois, au gré des contrôles et ajustements budgétaires, ou de l’approfondissement de la « crise de la dette ».

Sans un vigoureux coup d’arrêt au rouleau compresseur « austéritaire » lancé par Elio 1er, il est à craindre que d’autres menaces pesant sur l’ensemble de nos conquêtes sociales se concrétisent très vite : suppression de notre système d’indexation, privatisation des derniers joyaux financièrement rentables du secteur public, démantèlement de la sécurité sociale, augmentation de l’âge légal de la retraite (67 ans ?), et remise en cause des libertés syndicales, à commencer par le droit de grève !

La catastrophe est imminente mais il est encore possible de l’arrêter, à condition que chacun et chacune prenne ses responsabilités.

Ce qui ne semble pas être le cas du sommet des organisations syndicales.

Luc Cortebeeck, président de la CSC sur le départ, vient ainsi d’accorder un entretien à La Libre Belgique (24/12/2011), où il explique en long et en large que la priorité obsessionnelle de son organisation reste la concertation et que les actions menées n’ont d’autre but que de canaliser le mécontentement des salariés !

La stratégie syndicale interpelle, indéniablement

Après la grande manifestation nationale du 2 décembre qui a connu un incontestable succès (80.000 travailleurs ont battu le pavé), une grève générale était officieusement planifiée le 19 décembre, pour être ensuite abandonnée, victime des atermoiements des responsables syndicaux. En lieu et place, nous avons alors eu droit à l’annonce d’ « évaluations régulières » et au dépôt d’un « préavis de grève », au plus tard le… 30 janvier 2012. Et puis pataras, ce scénario bien huilé est chahuté par le « gouvernement papillon » et son ministre des pensions, qui veulent faire voter au pas de charge une série de lois concernant la fin de carrière, et ce avant les fêtes de fin d’année. Une grève générale est alors précipitamment décidée dans la seule fonction publique, le jeudi 23 décembre. Mais devant des velléités de poursuite du mouvement dans certains secteurs, les dirigeants haussent le ton et enjoignent impérativement les grévistes à reprendre le travail dès le lendemain, arguant des promesses de concertation qui auraient été concédées par Vincent Van Quickenborne et ses pairs. Et omettant de souligner que cette concertation ne portera que sur les modalités et le rythme de la mise en application de ce qui a été voté au Parlement, sans la moindre possibilité de remise en cause de la substance des mesures adoptées !

Pour inverser une situation lourdement compromise, après le trêve des confiseurs, beaucoup dépendra de la reprise de la mobilisation par « en bas », de la vigueur du mouvement et des objectifs qu’il se donne.

Il s’agira d’expliquer, très vite et très largement, qu’il existe des alternatives aux politiques d’austérité dictées par les gouvernants actuels.

Les syndicats regroupent 3 millions d’affiliés et disposent des moyens de les informer, concernant notamment la portée des projets gouvernementaux et de leur impact pour chaque travailleur, chaque allocataire social, chaque citoyen.

La nouvelle équipe gouvernementale essaie de nous faire croire que la crise de la dette et des finances publiques ne laisse pas d’autres choix que ceux posés. Or, rien n’est plus inexact. Toutes les difficultés présentes ne sont pas dues à une explosion des dépenses publiques ou au train de vie des citoyens, mais aux aides étatiques apportées à un secteur financier en pleine déroute (suite à la crise provoquée par les banques, la dette publique est passée de 84,1 % du PIB en 2007 à 97,9 % du PIB en 2009 !), à l’érosion organisée des recettes fiscales et aux multiples largesses concédées aux entreprises, depuis de nombreuses années.

Quelques données clés

- Déductibilité des intérêts notionnels = 5,4 milliards €, en 2011 !

- Réductions de cotisations sociales, de précomptes professionnels et aides diverses des régions = 10 milliards €, sur base annuelle !

- Montant des recettes non perçues par l’Etat suite à la fraude fiscale = 20 milliards €/an !

- En 4 décennies, la richesse créée a doublé. Mais la redistribution de cette richesse n’a jamais été aussi inégale ! En 1981, la part salariale dans le PIB était de 57 % ; en 2008 elle était retombée à 51 %. 6 % de la richesse produite est ainsi passée de la poche des travailleurs à celle des actionnaires, ce qui représente, pour la seule année 2010, plus de 20 milliards € !

- Alors que 1, 6 millions de belges vivent sous le seuil de pauvreté, les actionnaires des entreprises belges cotées en bourse ont empoché 5,6 milliards € de dividendes en 2010, et les bénéfices des entreprises privées non financières ont quadruplé en une décennie !

- Alors que le taux d’imposition d’un travailleur touchant le salaire moyen (3027 €/mois) est de 32, 9 %, Electrabel a payé -en 2010- 35 millions € d’impôts, soit 4,33 % !

(Pour des chiffres -plus complets et plus édifiants encore- voir entre autres :

La crise en chiffres

Où est passé l'argent

Dossier d'automne : assainir socialement

Une fiscalité équitable

Le constat est clair : les moyens existent, encore faut-il avoir la volonté politique d’aller chercher l’argent là où il se trouve en surabondance.

Pour dénicher les 11,3 milliards € brandis théâtralement par le gouvernement, la FTGB a, par exemple, proposé de lutter plus efficacement contre la fraude fiscale (4 milliards €), d’imposer les revenus financiers (3 milliards €) de supprimer certaines niches fiscales, telles que les intérêts notionnels, la tva réduite dans l’Horeca, etc. (4 milliards €).

Rien de bien révolutionnaire, on en conviendra.

Et pourtant, Monsieur Di Rupo et consorts, poussés par les instances de l’Union Européenne, préfèrent s’en prendre aux chômeurs, aux jeunes, aux travailleurs âgés, aux consommateurs, bref à toutes les victimes de la crise, sommées de payer encore un peu plus celle-ci !

Il est urgent de changer de cap.

Les prochains mois seront, à cet égard, décisifs : ou un puissant mouvement vers la grève générale porteur de véritables alternatives à la pensée unique rétro-libérale et aux politiques mortifères qui en découlent, ou la plongée de la majorité de la population dans une spirale récessive sans fin, avec de lourdes conséquences (anti-sociales) à la clé…