Un éditorial antidémocratique de Béatrice Delvaux

31 août, 2009

Nous avons entendu la semaine passée des responsables politiques bruxellois dire que l'intérêt bruxellois était aussi l'intérêt de la Flandre et de la Wallonie, sans nuancer leurs propos et sans souligner que ces intérêts divers doivent être partagés. Et sans vraiment s'opposer à l'idée que Wallons et Flamands qui travaillaient dans la capitale devaient y payer leurs impôts. Par ailleurs la Flandre est décidée à laisser s'asphyxier l'Etat fédéral et en a les capacités.

Nous n'entendons du côté wallon, aucune voix autorisée s'élever contre ces façons de voir les choses. Nous n'avons jamais entendu non plus un tel langage (notre intérêt est celui du pays), depuis que la Wallonie souffre mille morts avec les mutations accélérées de ses mutations industrielles (qui ont détruit des centaines de milliers d'emplois et qui donnent le sentiment de placer certaines régions comme le Borinage plus bas qu'elles ne l'avaient jamais été (il faut voir à cet égard le film de Patric Jean, Les enfants du Borinage). Au contraire, on fait sentir aux Wallons combien ils coûtent à ce reste-du-pays. Quand on lit les plans des patronats régionaux sur la capitale, on remarque que, comme beaucoup d'autres instances, ils insistent sur le fait que la Région bruxelloise se développe sans créer de l'emploi local. Les travailleurs exerçant leur métier dans la capitale et qui viennent de Wallonie - qui n'ont jamais revendiqué de devoir aller à Bruxelles, mais qui y sont forcés - y sont contraints par une certaine logique du développement économique belge qui a été fortement déterminée par une structure longtemps ultra-centralisée et unitaire dont les Wallons ont été les premiers perdants.

Fidèle à la ligne antidémocratique du journal Le Soir dès qu'il s'agit des questions communautaires 1, Béatrice Delvaux critique ce 31 août 2009 le fait que Kris Peeters n'ait pas réagi aux propos de la Tour de l'Yser mettant en cause la légitimité du gouvernement fédéral et qualifie son comportement de populisme. Evidemment, elle vise le camp flamand. Côté wallon, on risque de ne rien entendre dire sur le gouvernement de Bruxelles dont toute la tradition du mouvement wallon a fait l'un des principaux responsables du déclin wallon et cela à travers des analyses d'historiens, sociologues et économistes comme Pierre Lebrun et Michel Quévit, notamment.

Il n'est pas question de laisser entendre ici que les associations patronales sont antidémocratiques, mais, enfin, ce n'est tout de même pas dans l'activité économique pure qu'on se préoccupe au premier chef de l'égalité et de la liberté démocratiques. Pourtant, Béatrice Delvaux met son espoir dans les associations patronales bruxelloise, flamande et wallonne en ces termes: "Autre exemple du défi à ce populisme belge: un groupe composé des trois fédérations patronales régionales belges (dont la très radicale Voka flamande), ont approuvé un projet baptisé ”Brussels Metropolitean Region" qui définit les contours d'un hinterland bruxellois économiquement porteur. Qui va oser accompagner la construction de ce Bruxelles qui ignore les contraintes identitaires et politiques? C'est sur ces points aussi précis que, dans les mois à venir, on mesurera les hommes politiques qui veulent garantir le futur des citoyens et prennent des risques même par rapport à leur propre communauté, pour l'assurer."

On ne veut pas dire ici que le projet de développer Bruxelles est détestable en soi. Mais il est clairement louangé parce que faisan fi des "contraintes identitaires et politiques". Et les contraintes politiques - contrairement aux contraintes économiques - ne sont-elles pas aussi dans notre système parlementaires où des mandataires ont à répondre de leurs actes face à une communauté de citoyens, des contraintes démocratiques? Il est probable que les responsables politiques qui seront les moins populistes au sens de B.Delvaux seront les responsables bruxellois. Mais quid des responsables flamands ou wallons qui pourraient tout de même, éventuellement, en hommes responsables devant leurs mandants, émettre des craintes ou faire des critiques face à cette polarisation du patronat de tout le pays pour renforcer la métropole bruxelloise? S'il s'y opposent, seront-ils des "populistes" et les vrais défenseurs de la démocratie, est-ce vraiment le patronat wallon, flamand et bruxellois qui veut développer Bruxelles au-delà des contraintes identitaires et politiques?

Il n'y a en réalité pas l'ombre d'un souci authentiquement démocratique dans cet éditorial, mais le ressentiment d'une journaliste vis-à-vis des Flamands et vis-à-vis de ce que l'on appelle le "communautaire", soit le développement du fédéralisme et des autonomies de Flandre et de Wallonie dont nous avons la faiblesse de penser que, vues sur le long terme, elles ont sans aucun doute plus de racines démocratiques et émncipatrices que le plan des patrons admirés par l'antipopuliste Béatrice Delvaux. Qui a sans doute oublié que le but final des entreprises, ce n'est quand même que le profit de quelques uns et les miettes pour les autres. On peut penser ce que l'on veut du personnel politique, même autonomiste ou nationaliste, ce personnel, lui, est contraint de par sa situation même à rendre des comptes régulièrement aux citoyens, cette catégorie d'êtres humains - assez dominante finalement! - et que l'éditorialiste du "Soir" semble oublier. Ce n'est pas la première fois que Le Soir se réjouit d'événements extérieurs au dialogue politique et démocratique entre Bruxellois, Flamands et Wallons quand ces événements peuvent nous faire sortir de ce qu'ils appellent "le communautaire" par d'autres voies que celles de la démocratie. C'est la raison pour laquelle nous avons déjà écrit qu'il y a certaines façons de parler du communautaire au journal Le Soir qui sont liberticides et antidémocratiques. Voyez la note de bas de page ci-dessous en cliquant sur les liens bleus de cette note pour vous faire une idée de ce qui est vraiment une ligne rédactionnelle du journal Le Soir. Tout ce qui est contre le "communautaire" semble bon aux yeux du journal, d'où que cela vienne et peu importe ce que c'est...

Béatrice Delvaux s'inscrit dans un certaine tradition.

Voir aussi Béatrice Delvaux et la Wallonie

  1. 1. Il y a pratiquement dix ans, ce fut le cas déjà de Guy Duplat, le 5 mai 1999 - un édito qu'on peut résumer comme ceci : "il fallait une bonne guerre aux nationalistes flamands pour leur clore le bec" - avec l'analyse qu'il fallait en faire: Belgique, terre d'élection de la « Pensée unique » dans laquelle on trouvera une certaine colère qu'on verra justifiée par la lecture de ce texte dont on peut trouver la source au bas de l'analyse