Victoire de 1950 et défaite de 1960-61 : la matrice d'un régionalisme wallon centripète ?
[Cet article est une communication au colloque La mémoire de la Grande Grève de l'hiver 1960-1961 en Belgique/ De gedachtenis van de Grote Winterstaking 1960-1961 in België organisé à Liège par les principales universités wallonnes et francophones les 9, 19 et 11 décembre 2010.]
Un demi-siècle après la « grande grève », la Belgique tourne une énième page délicate de son histoire. Les tensions déclenchées par le scrutin de juin 2010 soulignent à nouveau une profondedivergence quant au futur de la Belgique 1. Dans un climat de dramatisation, nombre d'acteurs, de medias et de commentateurs politiques formulent au grand jour des hypothèses « post Belgique » : fédération Wallonie-Bruxelles, voire rapprochement Wallonie-France. Au nom d'une consolidation économique future ou de traits culturels communs hérités du passé, l'une comme l'autre de ces hypothèses reposent implicitement sur le dénominateur commun d'une Wallonie en manque d'Etat. Il est admis depuis longtemps que la question royale et la grève de 1960-61 ont amorcé lapopularisation massive du combat wallon. Faudrait-il dès lors en conclure que ces deux événements marquants ont façonné la matrice du régionalisme wallon actuel, si possible centripète ou orphelin par défaut ?
Répondre précipitamment par l'affirmative à cette question relèverait de la confusion entre les causes et les prémonitions. C'est à l'abri de tout finalisme dicté par les constats actuels qu'une relecture de ces deux grands moments d'histoire wallonne s'impose. Elle requiert d'identifier les principales modalités d'intégration politique belge. 2 Après 1830, une protonation belge s'est progressivement muée en un Etat-nation moderne. Dès avant la Seconde Guerre Mondiale, la Belgique dispose d'outils performants d'intégration socio-politique. L'Etat-nation a beau vaciller ensuite lors des secousses de 1950 et de 1960, l'issue des événements dénote sa capacité de métabolisation de conflits sociaux aigus. Ensuite, l'Etat-nation belge a consenti le prix d'une mue fédéraliste pour conserver son ambition d'intégration socio-politique nationale C'est précisément en Wallonie que le résultat paraît le plus probant : on y observe en effet que, progressivement, la nécessité d'utiliser l'autonomie acquise l'emporte sur celle de l'élargir. Ce constat est-il tributaire des événements de 1950 et de 1960 ? Autrement dit : la question royale et la « grande grève » ont-elle nourri une propension à détourner en un confinement régional l'essor d'une identification territoriale wallonne ? C'est l'examen nuancé de cette question que tentent d'aborder les lignes qui suivent.
L'intériorisation de la nation belge 3
Défini par Eric Hobsbawm comme une forme d'identification populaire débordant du cadre de vie local 4, le concept de protonation trouve adéquatement son illustration sous la plume de J. Stengers. Ce dernier a effectivement bien établi l'existence au sein des élites d'un caractère "belge" connoté à des stéréotypes autovalorisants qui s'ajoutent à des traits religieux identiques par-delà les particularismes provinciaux autrichiens 5. La dualité Liège/Pays-Bas ruine cependant encore toute perspective de faire coïncider ce premier capital d'identification nationale avec une structure étatique. A partir de 1830, le jeune Etat belge valorisera ce capital destiné à asseoir son intégration territoriale. A l'image de la Brabançonne, on assiste alors à l'éclosion d'un mythe national cherchant à puiser sa légitimé dans une profondeur historique. La réhabilitation d'une centralité bruxelloise servira également les desseins d'une élite nationale belge. Dans l'essor de cette nouvelle identité territoriale, conforme jusqu'à la fin du 19ème siècle à un modèle élitaire, l'affirmation de la nation s'avère davantage décisive que son encadrement par l'Etat. Certes, ce dernier parvient à abriter un marché du travail derrière ses frontières, à diffuser une référence commune grâce à des supports typiques de l'époque tels que la monnaie ou les édifices officiels, voire à forger de premiers outils encore rudimentaires de standardisation (école, armée). Mais le recyclage de l'héritage protonational tient une place prépondérante. Il assure principalement l'intériorisation d'une communauté de destinen répondant par des frontières garanties à la perception bien ancrée d'un territoire longtemps voué jusqu'alors au passage et à l'affrontement récurrents des armées "étrangères". On s'explique de ce fait le ralliement (passif) des masses à un nouvel establishment conservant le haut clergé et la grande noblesse, mais désormais élargi à la haute bourgeoisie. Mû par des perspectives de gain économique, réuni autour de valeurs d'ordre, privé de hautes ambitions géopolitiques et finalement rallié à une constitution libérale, cet establishment belge ne peut toutefois éviter la diffusion d'un vif antagonisme entre catholiques et anticléricaux. Tout particulièrement, l'establishment soutient l'implantation de la première révolution industrielle dans le sillon wallon en veillant - ce fut maintes fois démontré- à y éradiquer l'entreprenariat local. Outre ce bouleversement économique, l'Etat- nation belge plonge dans la modernité en connaissant à son tour le phénomène généralisé de substitution de la langue à la religion comme principal vecteur de définition d'une collectivité territoriale 6. On relève de ce fait un contraste entre une proximité philologique du français des classes dirigeantes avec les principaux parlers wallons 7 et l'isolement linguistique des élites sociales francophones de Flandre.
Ces deux éléments économique et culturel contiennent les germes d'une double perception flamande. D'un côté, on pratique un amalgame entre la population et le territoire de la (future) Wallonie avec l'establishment belge. De l'autre, on ressent de manière précoce la nécessité de préserver l'intégrité du sol flamand à la fois par l'homogénéisation linguistique et par le soutien aux projets d'une contre-élite flamande. De ce fait, un cadre mental flamand a déjà pu s'esquisser,contenant la perspective potentielle d'un devenir collectif alternatif à la Belgique. A l'opposé,l'absence de cadre de perception aussi affiné côté wallon peut justifier comparativement une plusfaible capacité de mobilisation du mouvement wallon jusqu'en 1940. Celui-ci bute alors devant la difficulté de se référer à un imaginaire territorial univoque, oscillant par exemple entre un grand espace franco-wallon défini en termes géoplitiques, économiques voire philosophiques (laïcité) et une aire de territorialisation linguistique délimitée selon les termes de la législation des annéestrente. L'intériorisation du fait wallon initialement fondée sur la connaissance du français contient des motivations d'ascension sociale ouverte par le nouvel Etat (les premiers congrès wallons l'attestent) ; elles vont conserver un ancrage au sein du mouvement. Or ce moteur linguistique ne concerne désormais plus que l'espace francophone belge tel qu'il vient de se redéfinir, là où l'instruction obligatoire relayée par l'essor des medias favorise la francisation massive de la population dialectophone. Non seulement, cette réalisation progressive de la territorialisation linguistique donne un cadre à une expression wallonne de type felibrige, mais, surtout, elle accentue l'ambiguïté née de l'absence de concordance territoriale entre la Wallonie et une Belgiquefrancophone englobant Bruxelles 8 Notons aussi dans un autre registre que les perceptions de minorisation résonnent désormais avec une tonalité économique plus puissante, contribuant à étoffer quelque peu le mouvement.
Définitivement émancipés du cadre belge unitaire lorsqu'ils servent d'incubateurs à des projetsFédéralistes 9, les mouvements flamand et wallon accusent toutefois des rythmes contrastés de mobilisation. Avant 1940, le mouvement flamand clôture déjà une phase de dynamique socialeascendante d'élargissement et atteint un seuil de masse. A l'inverse, le mouvement wallon épousera une dynamique descendante. En proie à de profondes divisions, englué dans des références identificatrices encore ambiguës, il ne recouvre encore qu'une superficie sociale restreinte en se logeant principalement au sein de la petite bourgeoisie laïque.
Mais l'Etat-nation belge a également fait en sorte d'utiliser d'autres outils d'intégration socio-politique à même de freiner une affirmation wallonne avant 1940.
En matière d'intériorisation collective, il parvient à camoufler de premières carences. Les faibles perspectives d'ascension sociale impliquant une identification à la Wallonie assurent encore contrairement à la Flandre une perception relativement favorable de la Belgique. Elles maintiennent de la sorte un climat réceptif à l'arsenal déployé autour du concept cher à Anne-Marie Thiesse de "pédagogie nationale" 10 Le mouvement wallon s'est certes doté d'un drapeau ou d'une fête officieuse à partir de 1913, puis d'un hymne (1935). On glorifie l'âme wallonne. De même, une identification à la Wallonie bénéficie de l'investissement de sociétés savantes et se diffuse à travers des grandes expositions (comme à Liège en 1905 ou à Charleroi en 1913). Elle use classiquement d'une création muséale (fondation du Musée de la vie wallonne en 1913) ou tire parti de retransmissions radiophoniques (à l'exemple des commémorations de Waterloo après 1935). Mais cette "pédagogie wallonne" demeure bien incapable répondre aux objectifs identifiés par Anne-Marie Thiesse de diffusion de valeurs transclassistes placées au service de l'idéal national. D'une nation qui incarnerait le cadre immuable de la société. En aucun cas la Wallonie ne parvient à s'ériger en référence collective au nom de laquelle se réduisent ou se transcendent des antagonismes sociaux. On cherche en vain l'effet d'un mouvement wallon qui serait aspiré par des objectifsexclusivement bénéfiques à quelques groupes sociaux dominants tirant bénéfice d'une mythologie nationale dissidente. Certes, au plan belge, la mythologie nationale fait moins recette hormispendant l'éphémère "union sacrée" liée au premier conflit mondial. Et, à cet égard, le prestige de la victoire de 1918 est entaché de nouveaux griefs flamands ; le mythe du roi chevalier pâtit del'activisme flamingant. Les échos flatteurs de l'aventure coloniale circulent principalement en dehors des frontières. Mais l'Etat recourt désormais à une panoplie nettement plus performanted'outils de standardisation. L'instruction obligatoire s'acquitte d'une mission de préservation del'ordre social ; l'organisation cloisonnée des études y contribue tout en s'adaptant aux nouveaux impératifs économiques exigés par l'establishment 11 Il n'en reste pas moins que l'instauration du service militaire obligatoire, le rôle pourtant si efficace de la presse dans l'intériorisation nationale ou diverses initiatives patriotiques sont en proie au dédoublement voire aux affrontements linguistiques. Si un fossé se creuse entre la Flandre et le reste du pays, les modalités d'affirmation nationale n'affectent guère la mainmise sur la Wallonie par l'establishment belge. Quelques thèmes de renouvellement idéologique belge n'ont guère d'audience au-delà de milieux instruits. L'"âme belge", ou, davantage, l'apparition des valeurs de métissage et du concept de microcosme del'Europe qui sont encore aujourd'hui des arguments de propagande belge révèlent la nécessité d'explorer quelques voies syncrétiques de contournement de la dualité linguistique. Globalement, une pédagogie nationale belge affaiblie n'en demeure pas moins dominante en Wallonie avant 1940.
La "pilarisation" 12 et la dialectique centre-périphérie 13 qui apparaissent durant cette période se reproduiront après 1945 sous une forme plus raffinée d'institutionnalisation des conflits.
Prémisses d'une institutionnalisation des conflits avant 1940
La "pilarisation" a déjà franchi un palier décisif durant l'Entre-Deux-Guerres. Une multiplication de structures d'encadrement de masses et tout un système d'organisations nouvelles épouse la combinaison des trois clivages confessionnel, socio-économique et linguistique. D'une part, à la suite de la publication de l'encyclique Rerum novarum, le haut clergé soucieux de conserver son magistère d'influence auprès d'une classe ouvrière en expansion endigue l'influence anticléricale socialiste en concédant l'implication du petit clergé flamand dans la cause linguistique. De l'autre, l'intégration politique de nouvelles couches de population via l'élargissement de la participation électorale confirme la ligne réformatrice du POB : en jetant son nouveau poids parlementaire dans les conquêtes sociales, il confirme son option d'intégration dans le système politique belge afin de corriger à son avantage plutôt que d'abattre la société capitaliste. En résulte le développement de deux piliers étanches. L'intégration politique belge repose de ce point de vue sur la collaboration entre les partis politiques reflétant ces piliers et sur leur motivation à sauvegarder les intérêts de leurs partisans au-delà de leurs terrains d'ancrage privilégiés . Pour un mouvement wallon encore essentiellement implanté au sein de la petite bourgeoisie laïque, tout espoir d'élargir ultérieurement son audience exigera dès lors d'émerger de structures sociales bien établies. A contrario, le mouvement flamand s'y est d'emblée logé. Sa capacité à transcender les clivages au nom de l'intérêt supérieur flamand 14. ne pourrait trouver d'équivalent côté wallon 15
Autre paramètre d'intégration politique, une "dialectique centre-périphérie" commence à travailler l'Etat-nation belge. Calqué sur le modèle sur son contemporain français, l'Etat centralisé de 1830 pâtit déjà d'une tradition multiséculaire d'autonomie locale. Il va lui-même initier la territorialisation linguistique en fin de 19e siècle par l'adoption, sous la contrainte géopolitique des menaces françaises conjuguée à une stratégie de reconnaissance culturelle flamande. Une périphérisation de la Wallonie naît de cette faiblesse étatique face aux visées flamingantes ; elle s'accentue lorsqu'il s'agira d'accepter l'unilinguisme territorial afin de préserver l'homogénéité linguistique française du territoire wallon. Sachant que, de manière générale, l'efficacité d'une stratégie repose sur l'aptitude à rallier des partis à sa cause, on retiendra l'incidence des évolutions internes du parti catholique. Eneffet, durant les deux vagues de législation linguistique des années vingt et trente, les parlementaires catholiques wallons ont très fréquemment dû se sacrifier devant l'impératif d'unité d'un parti majoritairement implanté en Flandre 16
La question royale
S'ils indiquent des affirmations spectaculaires, le Congrès national wallon de 1945 suivi cinq ans plus tard du dénouement de la question royale ont en pratique rétréci les perspectives d'émancipation wallonne du cadre belge. On ne s'étendra guère ici sur la qualification "symbolique" du premier vote en 1945 17 . Le revirement fédéraliste dit "de raison" aura, lui, une portée concrète.
Les difficultés de la Wallonie à s'affirmer en dehors du cadre d'intégration politique belge apparaissent d'ailleurs sous d'autres angles de vue. Et ce, dès 1950. L'analyse du jeu de clivages qui force la réconciliation autour du jeune Baudouin dissipe l'impression qu'un ralliement de masse au mouvement wallon initié par André Renard sert une adhésion transclassiste à un destin wallon alternatif au cadre belge. Certes, les résultats de la consultation populaire du 12 mars 1950 (57,68% en faveur de Léopold, dont 72% en Flandre et 58% de résultats inverses en Wallonie) traduisent un sérieux contraste 18. Mais le résultat d'une analyse de la combinaison des divers clivages révèle davantage une opposition entre centres urbains et campagnes ; il traduit l'effet de luttes de classe 19. Les dernières semaines précédant le dénouement comportent d'ailleurs quelques traits communs avec les conflits ouvriers du siècle précédent. Ainsi en va-t-il de l'extension de la grève générale aux centres industriels flamands qui rappelle un caractère d'unitarisme ouvrier de plus en plus marqué 20. Lamise en oeuvre de toute une série de modalités pratiques de contestation 21finit par dénoter un climat insurrectionnel. Léopold III accepte alors in extremis avant la marche sur Bruxelles décrétée par les grévistes une délégation de ses pouvoirs à son fils. A la différence d'une abdication immédiate, pure et simple, selon la formule retenue proposée par le gouvernement, le roi notait une condition à l'accession de son fils au trône : si comme je l'espère et le désire, la réconciliation autour de mon fils s'est produite 22. C'est rapidement chose faite : Baudouin accède au trône dès le 17 juillet 1951. Lors du dénouement un an plus tôt, la "marche" des grévistes s'était transformée en manifestation de la victoire à l'instigation du PSB ; la classe ouvrière abandonnait la lutte. Aux yeux de Serge Deruette, elle était trop liée à un parti à qui elle accordait sa confiance, qui la représentait dans les structures de l'Etat, mais qui refusait invariablement de diriger ses luttes lorsqu'elle affrontait, par ses propres moyens et sur son terrain, celui de la rue, les appareils de cet Etat mis en place pour la contenir et s'y opposer 23. Pour Robert Devleeshouwer, la question royale s'était résolue une fois de plus, non par la rupture ou la loi du vainqueur, mais par un compromis à la belge fait de vérités étouffées et de silences en demi-teintes, grâce à quoi on pourra "continuer le travail" 24. Retour au "business as usual" ? Certainement, si il y a matière à confirmer cet élément avancé par J. Theunissen : C'est ainsi que le baron de Launoit, un des plus grands industriels de la région liégeoise et qui avait toujours été en relation financière avec la Cour, aurait, après un entretienavec André Renard, tenté de convaincre le Roi d'abdiquer par crainte de voir son empire mis à mal en cas de maintien du Roi 25.
Il peut paraître étonnant que cet Etat élitaire formé de 1830, qui s'est perpétué en tentant de servir les classes supérieures, subisse une telle secousse en 1950 malgré deux concessions majeures toutes fraîches. En effet, l'élargissement du corps électoral au sexe féminin et le pacte social qui jette les bases d'une solidarité interpersonnelle servent sa quête d'intégration socio-politique et confirment la mutation en démocratie bourgeoise amorcée en 1918 dans un bureau de Lophem 26. Albert Ier, auréolé de la victoire sur l'envahisseur allemand, et son gouvernement d'union nationale avaient alors ouvert la voie du suffrage universel (masculin) en dépit de la consternation des conservateurs. En 1945, Lépold III n'incarne guère l'intégration nationale à laquelle s'emploie l'Etat. Pire, ses inclinations autoritaires, corporatistes et réactionnaires maintenues dans son Testament politique 27 (connu du grand public en 1949) discréditent ensuite l'idée d'une Libération avec de nouvelles avancées dans la démocratisation socio-économique. Illustration de cet état d'esprit, les actes de sabotage rappelant les années de résistance suggèrent que 1950 fut une revanche de 1945 28, que le mouvement anti-léopoldiste se pose en rempart face à la tentation anti-démocratique. Ledénouement de la question royale clôture de la sorte la sortie de guerre en levant une ambiguïté belge ; le choix léopoldien de 1940 avait ruiné le ralliement total et unanime de la Belgique à la poursuite des combats aux côtés de Londres. La Belgique ne paie-t-elle pas en ce sens le prix de la question royale pour bénéficier d'une "restauration" ?
L'affaire royale constituait aussi un foyer de contestation préoccupant dans un climat international dominé par la guerre froide et le déclenchement récent du conflit coréen. Il n'est pas exclu que des pressions extérieures aient pesé sur le gouvernement afin de procéder à un apaisement rapide. Premier Ministre à l'époque, Jean Duvieusart le laisse entendre dans ses mémoires 29.
Au final, l'issue de 1950 sanctionne en réalité le sacrifice du roi par l'establishment et traduit son rejet par un système politique (par ailleurs resté monarchique). Au sein des générations ultérieures de militants wallons, l'affaire royale s'est érigée en mythe de l'occasion manquée, sans pouvoir offrir à ces convaincus la force mobilisante d'une victoire auxlendemains prometteurs. Fort de ses 85.000 affiliés, André Renard avait certes arraché aumouvement wallon l'approbation d'un fédéralisme servant à assurer une démocratie économique et sociale. Toutefois, sa force de frappe reposait aussi sur la mobilisation de relais dans la Flandre industrielle. Il ressort en outre que la coloration wallonne d'un mouvement de classe par ailleurs empreint d'unitarisme ouvrier puise aussi sa force dans des références étrangères à son combat. Chantal Kesteloot évoque à juste titre cette stratégie de mobilisation 30 en insistant sur la dominante laïque du combat, en dépit de ralliements catholiques isolés 31. Si il existe en 1950 une marge de manoeuvre pour populariser la cause wallonne, c'est donc au prix d'une proximité avec des forces sociales, wallonnes ou non, pour qui l'horizon de la Wallonie n'indique pas nécessairement en soi une perspective.
"Hiver 60" : "le socialisme dans un seul pays" ?
L'Etat-nation belge poursuit son oeuvre d'intégration socio-politique en inaugurant la stratégie conceptualisée par Xavier Mabille et l'équipe du CRISP sous le vocable de "l'institutionnalisation du conflit". Le pacte scolaire de 1958 met un terme à l'instabilité apparue avec la majorité absolue catholique dans la foulée de la consultation populaire. Ultérieurement, le pacte culturel de 1973 s'inscrira dans une protection de minorités garanties à l'échelon national 32. Mais l'institutionnalisation du conflit peut aussi contenir les germes de son pourrissement. C'est ainsi que la fixation de la frontière linguistique entre 1961 et 1963 renforce un cadre territorial d'identification pour des perceptions collectives débordant l'aspect linguistique. Les suites de la "grande grève" en apporteront l'illustration.
D'un point de vue, la mobilisation en faveur du retrait de la loi unique ne déclenche principalement que l'engagement des bastions industriels wallons ; elle ne repose d'ailleurs rapidement que sur les épaules des dirigeants syndicalistes renardistes. Clairvoyant, Renard s'emploie dès lors à ouvrir un "second front". Sa détermination ira en grandissant devant les signes d'essoufflement des grévistes. Avec sa transformation de l'exigence de retrait immédiat de la proposition de loi dite "inique" en un objectif plus large de fédéralisme et de réformes de structures, André Renard n'a-t-il pas dilué l'échec pressenti de la grève dans une revendication plus lointaine ? Sans que la sincérité de son dessein fédéraliste soit en rien remise en cause, l'immédiat après-grève et la création du MPW relèveraient alors de la fuite en avant. A contrario, les conditions de mobilisation avec, au contraire de 1950, cette désaffection flamande, ouvraient l'opportunité de remettre en avant une stratégie wallonne globale avec des objectifs plus ambitieux et plus lointains que le seul retrait de la proposition de loi.
Il est malaisé de faire prévaloir l'une de ces deux interprétations sur l'autre.
D'un côté, l'abandon de l'outil constitue aux yeux du leader liégeois un moyen de calmer la foule, il le présente comme l'arme ultime des travailleurs si le gouvernement persiste. Dans les faits, il n'a à aucun moment (...) réellement envisagé d'y recourir 33, s'imposant de ce fait d'en appeler à une nouvelle mobilisation derrière un objectif ne pouvant qu'être encore plus ambitieux puisque sa portée doit dépasser celle de la menace qu'on brandit (pour mieux ne pas y recourir). Seule l'évocation de cet objectif plus large peut être entendue et admise comme un motif pour ne pas procéder à l'abandon de l'outil, pour ne pas, ce faisant, déforcer une revendication moins immédiate. De l'autre côté, des faits attestent l'accentuation d'un tournant wallon antérieur à la grève : les tentatives de restructuration syndicale, la décision de publier Combat, ... Ils puisent notamment leur motivation dans la grève de 1959 vécue comme un premier isolement des travailleurs wallons, et,plus globalement, dans un encadrement social-démocrate que Renard cherche à briser en retournant l'arme fédéraliste contre le PSB lui-même afin de libérer les capacités révolutionnaires de la classe ouvrière plus concentrées en Wallonie.
Quoi qu'il en soit, la conception même du MPW contient une ambiguïté entre les moyens et les buts. L'instrumentalisation du fédéralisme sert-elle la mise en oeuvre des réformes de structures ou le combat syndical pour l'obtention de ces réformes de structures doit-il désormais se subordonner à la lutte pour l'instauration du fédéralisme ? Les activités du MPW, quant à elles, illustrent davantage la seconde approche. En fait, l'alternative s'est déjà effacée au fil des thèmes de revendication selon le déroulement de la grève puis lors du constat d'échec qui en sanctionne le dénouement. Ceci étant, plus encore qu'en 1950, la grève de 1960 popularise un combat wallon sur fond de défaite. On verra alors le MPW s'engager dans une lutte linguistique dans les Fourons et entraîner dans son sillage d'autres composantes du mouvement -wallon parfois très éloignées pour ne pas dire opposées au credo syndical. En Wallonie, un combat ouvrier peut désormais emprunter une voie régionale et, dans ce nouveau cadre, consentir à transcender ou atténuer sous certains aspects un clivage de classe sociale. L'aspiration au fédéralisme émanant de la classe ouvrière est partageable avec d'autres classes sociales représentées dans des mouvements tels que le Mouvement Libéral Wallon, Rénovation wallonne ou Wallonie Libre. En faisant converger des acteurs sociaux distincts (et par ailleurs opposés) dans un processus d'identification régionale, cette aspiration partagée au fédéralisme vient en fait de faire émerger un paysage mental wallon dans lequel une communauté de destin est envisageable même si il ne s'agit pas d'un destin national. Maturation spectaculaire des observations qui précèdent, les propos d'un leader socialiste plus récent, politiquement éduqué dans le renardisme et protagoniste reconnu de la scission du PSB,André Cools, paraissent symboliquement révélateurs : n'a-t-il pas confessé dans un moment de haute tension se sentir plus proche d'un patron wallon que d'un ouvrier flamand ? Retenons aussi dans cette même veine d'autres propos attribués à celui qui devait devenir le premier Ministre- Président wallon : Nous disions socialistes d'abord, wallons toujours ! A présent, nous disons : wallons d'abord ... déclarait Jean-Maurice Dehousse lors du congrès des socialistes wallons de 1967.
Centre-périphérie et système des partis après 1960
Les événements de 1960-61 et ceux qui en découlèrent immédiatement dénotent donc un réel tournant. On observe ainsi un POB à même d'intégrer douloureusement le MPW puis un PS qui s'appuie de plus en plus ouvertement sur ses héritiers. De manière générale, l'indéniable popularisation d'un enjeu wallon alimente le discours et la stratégie des partis.
Les anciennes formations politiques nationales se retrouvent dans l'obligation de déterminer un équilibre entre, d'une part, leur intérêt au lotissement d'État et à une influence nationale, et, de l'autre, les gains d'influence ou les contraintes d'une prise en charge d'intérêts de périphérie. Après 1970, la recherche de cet équilibre à l'intérieur des partis contribue à orienter la composition des majorités et des oppositions lors des votes de chaque grande réforme de l'État. Les défenseurs de la cause wallonne obtiennent progressivement la régionalisation de compétences jugées nécessaires pour conjurer le déclin industriel ; ils essuient par contre des revers sur le terrain linguistico- territorial. La réalisation de l'aspiration flamande à l'autonomie culturelle paraît laisser supposer une forme de réciprocité en regard de la satisfaction de revendications wallonnes. L'échange global traduit en réalité un rapport de force défavorable au mouvement wallon. Il se révèlera par exemple dans une incapacité après les élections de décembre 1987 à contrer la mise en œuvre d'un programme gouvernemental aux ambitions institutionnelles jugées insatisfaisantes alors que le mouvement flamand est parvenu dix ans plus tôt à provoquer une chute gouvernementale sur des motifs de même ordre (crise du pacte d'Egmont).
Conjuguée désormais à l'institutionnalisation des conflits, la dialectique centre-périphérie s'amplifie et se complexifie. On observe de ce point de vue un rapprochement qui se manifeste par la suite entre la périphérie wallonne et la centralité belge ; il est largement dicté par leur perception convergente des menaces émanant de Flandre. Dans ce « réalignement belge», l'évolution de deux acteurs prépondérants de la périphérie wallonne indique que l'instauration du fédéralisme ne justifie plus après 1993 en Wallonie une mobilisation classique d'une périphérie face à un centre. D'une part, l'audience du mouvement wallon recule, ses rangs deviennent clairsemés. De l'autre, le PS, devenu presque incontournable dans le paysage politique wallon remodelé par la fédéralisation, s'attache prioritairement à préserver une sécurité sociale « belge ». Ce faisant, il perpétue l'option fondamentale du POB qui avait jadis assuré son intégration dans le système politique belge en retour de dividendes sociaux. Et les autres formations politiques de Wallonie partagent ce tabou d'une solidarité interpersonnelle fédérale.
De ce fait, le « réalignement belge » de la périphérie wallonne soulève la question du fédéralisme dans son rôle et ses limites. Il s'avère en fait que la mutation de l'État unitaire en État fédéral résulte de l'alliance temporaire entre deux périphéries. D'un point de vue wallon, la source de contestation de l'Etat central s'est largement tarie avec l'obtention d'une autonomie régionale dans un cadre fédéral. Côté flamand, une source conflictuelle demeure ; elle abreuve une aspiration nationale alternative, charriant unilatéralement une revendication confédérale. À l'opposé d'un scénario associatif généralement si probant lorsqu'il transforme une confédération d'États en une fédération, la Belgique illustre de ce fait les limites d'un fédéralisme par dissociation. Ce processus dissociatif persiste au-delà de l'alliance momentanée entre les périphéries si bien que le masque fédéral ne parvient dès lors plus à camoufler la nature profonde de l'État belge, celle d'un État autonomique. Dans cette configuration si bien disséquée par Daniel-Louis Seiler, la co-détermination des périphéries sur l'ensemble fédéral s'efface devant l'application d'un principe de dévolution selon lequel une centralité demeure en subissant la nécessité de concessions successives pour freiner son érosion 34
Un fédéralisme sui generis à la source du confinement régional de la Wallonie
L'ambiguïté née d'une identité linguistique commune avec Bruxelles mais de ce fait en discordance territoriale avec la Wallonie persiste et se complexifie lorsque le mouvement wallon franchit le seuil de masse puis recule. L'amplification du mouvement wallon en 1960 coïncide avec l'apparition à Bruxelles, sur les lieux mêmes où s'exerce la centralité belge, d'une troisième périphérie née des menaces linguistiques flamandes et des griefs économiques wallons35. Le contexte des marches flamandes puis des contentieux relatifs à la volonté de fixer définitivement une frontière linguistique pèseront cependant de manière prépondérante dans la perception en Wallonie et à Bruxelles d'une appartenance commune à la francité. À partir de 1980, l'institution communautaire puisera matière à légitimation dans cette perception bien établie d'identité de langue. Puis, la montée en puissance des Régions, particulièrement après le tournant de 1989 avec la mise sur pied de la Région de Bruxelles Capitale, contribue à nourrir une intériorisation sur un mode davantage dissocié de la relation Wallonie-Bruxelles. L'assimilation des nouvelles institutions et du dualisme Région/Communauté aura pour effet de complexifier l'interaction entre les périphéries wallonne et bruxelloise. Les difficultés et lenteurs de mise en oeuvre de la décision suggérée au Parlement wallon en 1986 par Bernard Anselme d'implanter la capitale de la Région wallonne à Namur s'en font l'écho 36.
Le déclin ultérieur d'un mouvement wallon globalement satisfait par l'autonomie acquise laisse éclore une sensibilité régionale hostile à une nouvelle incarnation institutionnelle de la Belgique. En effet, la dualisation linguistique du pays déjà amplifiée sous l'effet d'une instruction généralisée et de l'audience accrue des médias se conjugue désormais avec la disparition de l'État unitaire 37 . Une nouvelle perception de la Belgique a dès lors pu prendre appui sur l'institution à même nonseulement d'incarner la dualisation linguistique mais aussi d'induire une vision nationale à travers le prisme de la langue ou de reproduire en Wallonie l'intériorisation d'une forme renouvelée de centralité bruxelloise. Il n'était pas étonnant qu'un sondage consacré à la Communauté française - puisqu'il s'agit de cette institution - révèle que 52 % de Bruxellois et 69 % de Wallons se sentent d'abord « belges », tandis que 5 % de Bruxellois et 3 % de Wallons se sentent d'abord « francophones » : la légitimité de la Communauté repose davantage sur le fait d'être « de Belgique » que d'être « française »...38 Cette vocation d'incarnation d'une Belgique en réduction se confirme à la faveur de l'imbroglio actuel.
Un effet européen de confinement régional de la Wallonie ?
Déjà un an avant la grande grève, les premières lois d'expansion économique ne rencontrèrent pas les problèmes wallons d'industrie minière en crise et d'emplois menacés. Précisément censée assurer le rattrapage wallon, la seconde législation en la matière de 1970 a substitué des grands travaux d'infrastructures routières et portuaires en Flandre ou la création d'une sidérurgie maritime (Sidmar) à l'aide aux régions de Wallonie en déclin. En pratiquant de la sorte au mépris des mises en demeure de la Commission européenne, le gouvernement belge créait une concurrence à l'encontre de Cockerill, pour finalement être confronté à la revendication plus un franc flamand pour l'acier wallon début 80.
En écho indirect à une aspiration européenne depuis longtemps présente dans le mouvement wallon, la Région wallonne se positionne comme une des pionnières (à l'instar d'autres entités fédérées, notamment allemandes) dans l'amorce d'une première et timide interaction régionale directe avec le processus d'européanisation. L'initiative prise en 1985 de constitution de l'Assemblée des Régions d'Europe doit lui procurer une légitimité et une reconnaissance accrues. En réalité, cette aspiration sera davantage rencontrée ultérieurement par un biais intra-belge lorsque les entités fédérées obtiennent après 1993 de siéger elles-mêmes et en alternance au nom de l'État belge dans les sommets européens consacrés à des thématiques relevant de leurs compétences 39
Cependant, de manière quelque peu paradoxale, la future Union européenne doit recourir à une forme d'interventionnisme public à travers une politique de développement régional pour réunir les conditions d'une libre concurrence. Divers motifs l'incitent dès lors à disposer d'interlocutrices parmi les entités subnationales. L'européanisation assigne en ce sens aux territoires régionaux une vocation d'aire pertinente pour la mise en oeuvre de sa propre politique. Il s'agit là d'un régionalisme fonctionnel 40 dans la mesure où il suscite la mobilisation de réseaux politiques supra locaux situés dans des zones éligibles conformément à des critères d'envergure continentale. Au plan wallon, ces opportunités de développement basées sur un système de cofinancement ravivent une tradition localiste ; elle a contribué à alimenter des réflexes ou tractations sous-régionales lors des décisions gouvernementales prises à Namur.
Les stigmatisations inhérentes au confinement régional de la Wallonie
Depuis 1960, l'identité wallonne ne dispose, au titre de périphérie, que d'une relative marge de manœuvre tant à l'égard du géant européen qu'à celui de l'Etat belge, ce dernier lui servant désormais de rempart face à la montée en puissance de l'identité flamande. Dans cette interaction défavorable, il n'est de ce fait pas étonnant que la Wallonie subisse diverses « assignations identitaires » défavorables. Si celles-ci sont exprimées selon une intensité variable, elles procèdent toutefois identiquement d'un mécanisme de confinement régional : les traits identitaires wallons demeurent rivés à ce seul horizon toléré de référence collective et territoriale.
Au plan européen, le statut rémunérateur de région en retard de développement n'occasionne certes guère de stigmatisations de l'identité wallonne. Mais l'espoir cultivé au sein du mouvement wallon d'un accès sur la scène européenne ne débouche que sur une reconnaissance de portée consultative.Symbolisé par le concept flou d'« Europe des Régions », il s'est évanoui face aux réalités d'une construction européenne en élargissement territorial continu, où l'on ne traite principalement qu'avec des États-membres. Déjà peu à même d'infléchir un processus de territorialisation linguistique consenti par une centralité belge de plus en plus sous emprise flamande, la Wallonie servira ensuite de creuset à une identification régionale encouragée par le déclin économique. Les assignations identitaires extérieures provenaient de l'establishment belge qui avait désinvesti les bassins industriels wallonsUn discours d'affirmation flamande prend ensuite le relais afin de contester les transferts socio-économiques dont profiterait la Wallonie à son détriment. Le réalignement belge de la périphérie wallonne inspiré depuis lors par l'exacerbation des revendications d'une Flandre de moins en moins périphérique traduit un ajustement stratégique d'une périphérie wallonne située dans un contexte d'interactions plus que jamais défavorable. Une stigmatisation venue de Flandre s'est affranchie du seul registre culturel (linguistique) et déborde dans les sphères économique (« transferts Nord / Sud ») et territoriale ( confédéralisme).
Pour conclure
Le confinement régional qui caractérise l'identité wallonne induit la recherche d'un État protecteur. À cet égard, la référence belge s'impose d'autant plus aisément non seulement grâce à une communauté de destin belge qui demeure une perception majeure en Wallonie mais aussi par son aptitude à garantir l'autonomie régionale 41 . C'est là tout le paradoxe d'un régionalisme centripète wallon, parfaitement illustré par un gouvernement régional qui présentait il y a quelques années un Contrat d'avenir à la population wallonne au motif, entre autres, d'endiguer la partition de la Belgique.
Lors de ses pics d'affirmation, et la grève de 1960 en fut le point d'orgue, jamais la Wallonie n'a pu représenter aux yeux de sa population un horizon commun de lendemains prometteurs. Son incapacité à incarner territorialement une destinée collective autre que régionale tire probablement sa source dans la persistance d'une société structurée au gré des modalités empruntées par l'Etat- nation belge pour servir ses propres intérêts. En ce sens, si l'héritage de 1960 consiste en une formidable popularisation d'une référence wallonne, sa valorisation n'a jamais pu s'émanciper d'un cadre régional. L'avenir dira si cette constatation constitue une clé de lecture de la nouvelle page d'histoire qui s'écrit depuis le 13 juin dernier.
- 1. A l'heure d'écrire ces lignes en octobre 2010, l'issue de la formation du gouvernement fédéral reste inconnue.
- 2. Par "intégration politique" (ou nationale), on entend ici les processus sociaux qui favorisent l'affirmation d'une identité nationale à la faveur d'un encadrement étatique, sur un territoire donné, qui est partagée par des couches de population de plus en plus larges sur ce territoire.
- 3. Par "nation", on entend ici une communauté de destin ayant la particularité de s'appuyer sur une structure étatique.V. VAGMAN, Indéfinissable et imprévisible nation, dans Toudi mensuel n°41, septembre-octobre 2001.
- 4. E. HOBSBAWM, Nations et nationalismes depuis 1780, Paris, 1992 (édition revue et augmentée), pp. 62-104.
- 5. J. STENGERS, Histoire du sentiment national en Belgique des origines à 1918. Tome 1, Les racines de la Belgique, Bruxelles, 2000, pp. 121-147.
- 6. 6 Ibidem, pp. 41-54.
- 7. D. DROIXHE, Symétries ? Flamand, wallon et politique de la langue à la révolution française, dans Etudes sur le18e siècle, tome 41, 1989, p. 33.
- 8. On y décèle une source de distanciation entre des ailes wallonne et bruxelloise du mouvement de plus en plus orientées vers des champs revendicatifs spécifiques. V. VAGMAN, Le mouvement wallon et la question bruxelloise,dans Courrier hebdomadaire du CRISP n°1434-1435, 1994, pp. 5-12..
- 9. F. JORIS, Les Wallons et la réforme de l'Etat. De l'Etat unitaire à l'Etat "communautaire et régional" (1890-1970), Charleroi, 1998, pp. 74-79.
- 10. Une pédagogie nationale consiste en une construction de légitimation d'une nation grâce à des instruments de basetels que les ancêtres fondateurs, une histoire, des héros, une langue, des monuments, des paysages ou un folklore, mais aussi grâce à de nouveaux vecteurs offerts par une société de masse (à l'exemple des compétitions sportives) ou par une série de fabrications culturelles permises par les medias modernes. A. M. THIESSE, La création des identités nationales. Europe, XVIII-XXème siècle, Paris, 1989..
- 11. Voir tout particulièrement les figures idéales de l'individu promues par l'école au fil du temps, par D. GROOTAERS, Cent cinquante ans d'instruction publique, à la poursuite de l'intégration sociale et de la promotion individuelle, dans Id. (sous la dir.), Histoire de l'enseignement en Belgique, Bruxelles, 1998, pp. 106-107.
- 12. Terme tiré du vocable verzuiling évoquant la construction de piliers sociologiques sur la base de la théorie du système de clivages initiée par S. Lipset et St. Rokkan. Voir par exemple V. de COOREBYTER, Clivages et partis en Belgique, Courrier hebdomadaire du CRISP n° 2000, 2008.
- 13. Sur cet outil majeur de la science politique moderne initialement suggéré par E. Shils, voir par exemple B. BADIE, Le développement politique, Paris, 1994, pp. 111-133.
- 14. Notons la défaite électorale du POB en Flandre en lien avec l'affaire Borms suscitant le "compromis des Belges" de 1929, lui-même indirectement aux sources des nouvelles lois linguistiques
- 15. M. MOLITOR, Orthodoxie des piliers et conduites novatrices, dans Revue de l'Institut de sociologie, Bruxelles,1992, n°1-4, p. 132.
- 16. P. DELFOSSE, Les institutions politiques belges au coeur du conflit linguistique dans l'entre-deux-guerres ou le nationalisme flamand en quête d'identité politique, dans Res Publica, 1997, 3, p. 397.
- 17. Ph. RAXHON, Histoire du congrès wallon d'octobre 1945. Un avenir pour la Wallonie ?, Charleroi, 1995.
- 18. Les arrondissements wallons où la cause du roi recueille le plus de voix se situent au niveau même de l'arrondissement flamand où elle en recueille le moins. Voir les résultats publiés dans J. ALEXANDRE, Géographie politique de la Belgique : résultats de la Consultation populaire du 12 mars 1950, dans La Revue Nouvelle, n°4, avril 1950, pp. 379-381.
- 19. S. DERUETTE, La phase finale de la question royale : une question populaire, dans Toudi n°5-Contradiction n°65- 66, p. 231.
- 20. et l'apparition de toutes une série de modalités pratiques de contestation. P. THEUNISSEN, 1950, le dénouement de la Question royale, Bruxelles, 1986, p.128.
- 21. abandon de l'outil, grève générale politique, organisation de la vie sociale par les grévistes, affrontements et barricades, sabotages, mot d'ordre de la "marche sur Bruxelles".
- 22. J. DUVIEUSART, La question royale. Crise et dénouement : juin, juillet, août 1950, Bruxelles, 1975 (seconde édition), p.146 et pp.150-151.
- 23. S. DERUETTE, Op. Cit., p. 253.
- 24. R. DEVLEESCHOUWER, La Belgique, contradictions, paradoxes et résurgences, in Histoire et historiens en Belgique depuis 1830, Bruxelles, 1980, dans Revue de l'Université de Bruxelles, 1-2, 1981, p. 34.
- 25. J. THEUNISSEN, Op. Cit., p. 143.
- 26. M. DUMOULIN, E. GERARD, M. VAN DEN WIJNGAERT et V. DUJARDIN,Nouvelle Histoire de Belgique, volume 2 : 1905-1950, Bruxelles, 2006, pp. 17-34.
- 27. J. GERARD-LIBOIS et J. GOTOVITCH, Léopold III : de l'an 40 à l'effacement, Bruxelles, 1991, pp. 111-119.
- 28. J. GOTOVITCH, Wallons et Flamands : le fossé se creuse, dans La Wallonie, le Pays et les Hommes. Histoire – économies – sociétés, tome II de 1830 à nos jours, Bruxelles, 1976, p. 316.
- 29. J. DUVIEUSART, Op. Cit., p. 158.
- 30. qui sera reproduite ultérieurement.
- 31. Ch. KESTELOOT, Etre ou ne pas être, le cheminement difficile de l'identité wallonne, dans Cahiers d'Histoire du Temps Présent/Bijdragen tot Eigentijdse Geschiedenis, n° Nationalisme, 1997, p. 200.
- 32. L. HUYZE, Passiviteit, pacificatie en verzuiling in de Belgische politiek : een sociologische studie, Antwerpen,1980.
- 33. > J. NEUVILLE et J. YERNA, Le choc de l'hiver 1960-61. Les grèves contre la loi unique, Bruxelles, 1990, p. 115.
- 34. D.L. SEILER , L'État autonomique et la science politique: centre, périphérie et territorialité, dans BIDEGARAY (Ch.) (sous la dir.), L'État autonomique : forme nouvelle ou transitoire en Europe ?, Paris, 1994, pp. 11-35.
- 35. A. SMOLAR-MEYNAERT et J. STENGERS, (sous la dir.), La Région de Bruxelles. Des villages d'autrefois à la ville d'aujourd'hui, Bruxelles, 1989 et Ch. KESTELOOT, Au nom de la Wallonie et de Bruxelles français. Les origines du FDF. Préface de Hervé Hasquin, Bruxelles, 2004.
- 36. J. P. HIERNAUX, Namur, capitale de la Wallonie, dans Encyclopédie du Mouvement wallon, t. II, pp. 1161-1168.
- 37. W. DEWACHTER, La Belgique d'aujourd'hui comme société politique, dans DIECKHOFF (A.), sous la dir. de,Belgique. La force de la désunion, Bruxelles, 1996, pp. 105-142.
- 38. Sondage réalisé par Dedicated Research et publié à l’occasion de la fête de la Communauté française. Le Soir, 26 septembre 2003.
- 39. J. CLEMENT, J. DE GROOTE, M. DE VISSCHER, H. D'HONDT, J. VAN CROMBRUGGE et CH. VANDERVEEREN, Les accords de la Saint-Michel. Préface de Jean-Luc Dehaene, Bruxelles, 1994, pp. 33-45.
- 40. Notion empruntée à Richard Balme. R. BALME, Pourquoi le gouvernement change-t-il d'échelle ?, dans ID. (sousla dir.), Les politiques du néo-régionalisme. Action collective régionale et globalisation, Paris, 1996, p. 34.
- 41. Rappelons à cet égard que l'équipollence des normes dont bénéficie la Région wallonne traduit un degré élevé d'autonomie.