Wallons tous bilingues F/N ?
Une émission récente de Jean-Claude Defossé à la RTBF suggérait que tous les Wallons allant à l'école (c'était bien des élèves qui étaient interrogés), deviennent tous bilingues et supposait qu'ils doivent le devenir. On pourrait montrer que cette hypothèse est défendue depuis longtemps. Mais elle a été répétée il y a quelques années tant par un historien, Paul Wynants dans La Libre Belgique du 7 janvier 2003 que par Elio Di Rupo dans le même journal, l'historien parlant de la non-instauration du bilinguisme en 1932 comme d'une erreur historique, le politique évoquant plutôt l'année 1963.
Il n'y a pas d'objection à avoir ici contre l'intérêt d'apprendre le néerlandais qui est, somme toute, selon certains critères, la 11e langue dans le monde (les Pays-Bas font partie des 20 pays les plus riches du monde). En revanche la question se pose de la faisabilité d'un bilinguisme en 1932 pour les Wallons et les Flamands qui aurait été imposé par la loi. Peut-on vraiment imposer un bilinguisme par la loi? On peut rétorquer à cela que les Flamands pratiquent à quasiment 50% le français. Mais cela vient du fait (qu'on oublie souvent), que le français parlé depuis longtemps par les élites flamandes n'y est pas tout à fait une langue étrangère. Comme ce sont les élites sociales qui le pratiquaient, cette langue a donc été socialement attractive en Flandre. C'est le phénomène général du mimétisme des élites sociales, phénomène puissant et même sur-puissant.
Or un tel phénomène est inexistant en Wallonie : ce pays n'a jamais eu d'élites sociales pratiquant le néerlandais comme leur première langue. On admet généralement qu'une langue ne peut s'imposer à une population par la simple contrainte étatique. Même si, sans doute, la situation des dialectes flamands et des dialectes wallons dans les cent premières années du régime belge n'est pas identique, on peut au moins dire que le mimétisme des populations, tant en Flandre qu'en Wallonie, a amené en Wallonie à la lente asphyxie du wallon tandis que, en Flandre, les langues régionales, même dans leur aspect cultivé (le "bon" flamand ou le néerlandais qui s'en distingue mais dont le bon flamand est proche), étaient menacées de disparaître. Le mouvement flamand a réussi cependant à éviter cette extinction du parler propre à la Flandre en parvenant à imposer, contre la langue des élites flamandes francophones, le néerlandais, ces élites l'adoptant quasiment illico. Comme les Flamands sont majoritaires en Belgique, le néerlandais s'impose peu à peu comme la langue belge par excellence.
Cela n'est pas sans poser bien des questions aux Wallons et à l'establishment francophone. Cet establishment ne veut pas entendre parler de la scission de BHV parce que les francophones y perdraient peut-être les facilités qui leur sont accordées en raison de leur langue maternelle. Il s'agit là pourtant d'un combat qui ne concerne pas directement les Wallons dans la mesure où les Francophones de la périphérie ne risquent même pas de perdre leurs facilités en cas de scission de BHV. Pourtant le même establishment francophone (la ministre Laurette Onkelinkx par exemple, durant le temps où elle était ministre de l'enseignement), semble indiquer que les Wallons devraient devenir bilingues. Mais ce bilinguisme n'est pas seulement présenté comme l'effort à accomplir par quelques individus pour maîtriser une langue étrangère. Il est suggéré sans cesse que l'ensemble de la population devrait acquérir cette maîtrise, à l'heure même où une tendance lourde dans le monde entier impose la connaissance de l'anglais ne serait-ce qu'élémentaire à tout citoyen du monde. Il est évident que c'est ce qui est proposé également par nos amis régionalistes bruxellois aux enfants de Bruxelles, tant d'origine belge qu'étrangère.
La question se pose à nouveau de la faisabilité du bilinguisme "généralisé" en Wallonie et à Bruxelles, étant donné que ces deux régions ne sont pas dans la même situation que la Flandre autrefois, dont les élites parlaient et parlent toujours le français comme d'ailleurs (logiquement), une grande partie de la population. En admettant que cette faisabilité existe (ce qui est tout de même douteux), l'avantage qu'en retireraient les Wallons et les Bruxellois, maîtrisant peu à peu le néerlandais jusqu'à la prochaine génération, est douteux. L'avantage que la Flandre a dans la formation sociale belge ne découle évidemment pas des compétences linguistiques de ses populations, mais de la domination politique qui est la sienne sur l'Etat belge et qui lui a permis de faire du néerlandais la première langue belge, avantageant les siens en matière d'influence politique, économique et sociale.
Il n'est donc pas dit que la seule pratique du néerlandais conférerait cette influence liée non au fait que l'on est néerlandophone, mais que l'on est flamand. Ce qui complique tout, c'est que, parallèlement à la suggestion qui est faite aux Wallons d'apprendre (tous) le néerlandais, la situation du néerlandais en Flandre n'est elle-même pas assurée, ce qui explique d'ailleurs l'intransigeance flamande sur BHV et par opposition à l'élargissement de Bruxelles.
Bien que ce ne soit pas directement cette question des langues qui y est traitée on prendra connaissance d'une série d'informations présentes dans un article, L’image de la Flandre dans le mouvement wallon paru non dans la revue TOUDI, mais simultanément en français et en néerlandais respectivement dans les Cahiers Marxistes et la revue flamande IMAVO en 2003 suite à un colloque organisé à Courtrai en octobre 2002. Cet article fort long et abondamment annoté ne paraît cependant pas en Une pour l'instant.
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