Autonomie wallonne : chiffres et arguments basiques

7 septembre, 2010

Demetrio Scagliola a écrit sans doute l'un des éditoriaux les plus importants (par la longueur), mais aussi l'un des plus intéressants par la rigueur de l'analyse dans les journaux de la chaîne Sud-Presse (ce 4 septembre) [La Meuse, La Nouvelle Gazette etc.]. Il est vrai qu'en général les éditorialistes de journaux wallons sont assez boudés à la RTBF... Il estime que si on accepte la régionalisation de la fiscalité (et d'une partie de la Sécu, mais sauf erreur de ma part, il n'est pas question de cela dans les négociations récentes), le niveau de vie en Wallonie baissera de 10 à 20%. Il estime malheureusement qu'il faut l'accepter pour une mauvaise raison: « car si les Wallons ne traitent pas d'égal à égal avec les Flamands ceux-ci conserveront l'impression qu'ils payent pour les Wallons ». Il estime aussi, malheureusement, qu'il faut garder la monarchie. Cependant, il pense qu'une autonomie fiscale permettra de mieux lutter contre le chômage. Il propose également des économies dans certains outils publics. Il ose énumérer les fruits du fédéralisme: exportations en hausse, léger recul du chômage, implantations d'entreprises importantes.

L'éditorial est intitulé OSONS!

Ce qui est intéressant aussi, c'est le reste du journal où Giuseppe Pagano (autre quasi inconnu à la Radio Télévision Bruxelloise francophone), tout en donnant lui aussi l'estimation d'un recul de 10 à 20 % du pouvoir d'achat (mais là aussi sur la base d'une suppression du financement belge de la Sécu qui ne semble pas d'actualité), étend la réflexion.

Le journal ajoute en reprenant ses propos : « Le nord n'aurait d'ailleurs aucun intérêt à se réjouir de l'appauvrissement du sud, puisque la Wallonie reste son premier partenaire économique. »

C'est un raisonnement que l'on n'entend jamais et, curieusement, c'est Yves Leterme qui l'a rappelé solennellement il y a trois ans en janvier 2007, estimant que c'est en Wallonie que la Flandre exportait le plus ses produits. Ce langage n'est peut-être pas le langage wallon le plus radical que l'on pourrait entendre, mais c'est déjà un ton différent. En outre, qui peut prévoir ce qui se passerait réellement au cas où les réformes actuelles se concrétisaient?

Le journal évoque une période de transition où joueraient encore les mécanismes de solidarité. Mais envisage peu (contrairement à la Fondation André Renard par exemple), l'opportunité qu'aurait la Wallonie de mener des politiques plus adaptées que, par exemple, la réduction des cotisations patronales qui comptent parmi les plus importantes dépenses de l'Etat. [Note de Toudi: Le journal ne tient pas compte non plus des remarques de Michel Quévit soulignant à quel point jusqu'à la fin du 20e siècle, la Flandre a pu détourner l'essentiel des ressources de l'Etat à son profit exclusif. Alors que nous avons souvent le sentiment inverse et que ce sentiment explique sans doute le plus certainement la timidité wallonne devant l'autonomie, contrairement à l'époque « renardiste ». On pense en Wallonie que l'on est incapable quand l'on voit les performances flamandes. Si réellement la Flandre était devenue riche en raison d'un dynamisme qui lui aurait été propre, face auquel nous n'aurions rien pu, d'accord, mais si c'est seulement par le fait du Prince? Or les analyses de Quévit le fondent. Ce qui permet de penser que seul le fédéralisme nous a sauvés et qu'une plus grande autonomie est le seul salut. C'est l'Etat unitaire qu'il faut complètement démanteler puisque c'est à cause de lui que la Wallonie s'est appauvrie. La question de la sécurité sociale étant autre, les Flamands ne demandant pas sa scission...] Enfin Sud-Presse souligne l'opportunité de l'alliance avec Bruxelles où le néerlandais a perdu la partie puisque les Flamands selon des chiffres publiés par La Libre Belgique vendredi, n'y seraient plus que 5% cette année et moins encore dans les années qui vont suivre. Il faut aussi ajouter que depuis que l'on a parlé de fédéralisme et surtout à partir d'André Renard, une grosse majorité de l'opinion n'a jamais pu imaginer autre chose qu'une Wallonie échouant sur toute la ligne si elle le risquait. Ce que 30 années de fédéralisme démentent assez clairement. Le journal le souligne d'ailleurs.

Voir aussi La fausse réalité des transferts flamands [ un article de 2006 demeuré actuel], une étude à laquelle a participé G.Pagano.


Commentaires

Pagano

Il faut admettre que Pagano a été invité ce matin par la RTBF, soulignant d'ailleurs avec force à un moment qu'il était wallon (et d'accord avec Michel Quévit).///////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////// J'invite ceux qui prennent connaissance de cette page à lire aussi Michel Quévit qui, contrairement à ce que l'on pense parfois, n'est pas un économiste, ce qui est tant mieux car on attribue à l'économie des vertus de sciences exactes qu'elle n'a pas. Giuseppe Pagano est prudent quand il dit que le niveau de vie des Wallons va baisser de tant de % en cas de séparation totale et immédiate. D'abord parce que personne n'est en mesure d'aller vers cette solution (sauf par la violence, ce qui est peu envisageable). Et ensuite parce que personne ne sait ce qu'il adviendrait de la Wallonie au cas où elle deviendrait indépendante ce qui ne se ferait qu'au bout de longues années de négociations (on voit bien que déjà pour augmenter les compétences, il faut un temps infini de très complexes négociations et Bart De Wever n'est pas un VB et Di Rupo n'était pas au départ un fanatique de plus d'autonomie). Enfin et surtout, le jugement de qui que ce soit ne peut qu'être influencé par tout un inconscient historique wallon marqué par des difficultés évidentes qui sont apparues déjà dans les années 1930, liées en partie à la misère de la classe ouvrière (qui s'est prolongée même au-delà de 1945: il suffit de voir ce qu'a été la grève de 60) et enfin liées à l'idée parfaitement inexacte que c'est surtout la Wallonie qui aurait bénéficié des aides de l'Etat alors que c'est complètement l'inverse, même dans le domaine du charbon, la principale faiblesse wallonne à laquelle on pense et en vérité l'une des seules choses qui permettent de parler de déclin wallon. Ce que Quévit montre c'est que le déclin du charbon limbourgeois a été arrêté près de trente ans à coups de subsides de l'Etat. La sidérurgie wallonne a reçu beaucoup de subsides? Oui, mais pas autant que, dans le temps où elle les recevait, la sidérurgie flamande et d'autres secteurs industriels flamands qui n'éprouvaient PAS de difficultés. Dit-il cela en haine des Flamands? Absolument pas mais en haine de la trouille de beaucoup de Wallons qui se sentent perdus sans l'Etat belge qui est le cadre dans lequel les difficultés wallonnes ont été organisées, non pas volontairement ni intentionnellement bien entendu, mais étant donné ce qu'a été ce cadre: http://www.larevuetoudi.org/fr/story/critique-flandre-wallonie-quelle-solidarité-michel-quévit-couleurs-livres Ne sous-estimons pas non plus qu'il y a dans les sphères médiatiques une série de militants de la cause belge qui - d'une manière assez ahurissante qand c'est la RTBF - se permettent littéralement de faire de la propagande pour l'unité belge et de manière tout aussi ahurissante critiquent le fédéralisme pourtant déjà depuis longtemps acquis. Cela parfois en reprenant les arguments les plus populistes qui soient (c'est la faute des politiciens ou des élites).