Critique : Good Morning Belgium (Réflexions pour un fédéralisme revigoré)

R.Jacobs, N. Parent, L. Ryckaert, V.Laborderie, L. Van Coppenolle, G. Vanden Burre, Philippe Van Parijs, Paul Vaute
28 novembre, 2012

L'introduction du livre 1 est rédigé par Nicolas Parent, le seul collaborateur wallon du livre (avec Paul Vaute), qui met en cause l'idée de l'inéluctabilité du passage de la Belgique de l'unitarisme au fédéralisme puis au confédéralisme puis au séparatisme (nous parlons aussi de la collaboration importante de Dave Sinardet dans Histoire de la proposition de circonscription électorale fédérale (CF)). Et fait remonter cette idée à une façon flamande de voir les choses qui peut influencer le « sud du pays » (soit la Wallonie). Pourtant, même dans le mouvement wallon, l'idée d'une inéluctable disparition de la Belgique existe aussi. C'est sans doute au sein du mouvement réunioniste que cette idée est pour le moment la plus ancrée mais elle a pu exister par exemple chez un François Bovesse. L'hypothèse de la fin de la Belgique a été soulevée récemment par deux historiens, l'un flamand, l'autre wallon, dans la perspective de leur discipline 2, qui est aussi la transcription d'une conférence faite en commun à Lille. Peut-on simplement opposer à cette idée d'une disparition inéluctable de la Belgique des études d'opinion reflétant le désir des personnes interrogées d'éviter cette conclusion ? Il faudra voir. On peut simplement dire - et d'ailleurs Nicolas Parent le reconnaît - qu'il existe un « basculement progressif du pouvoir vers les entités fédérées » (p.12), que « si l'évolution institutionnelle se poursuit dans le même sens et avec le même rythme, il faudra peu de temps avant que l'Etat fédéral ne devienne dans les faits « une coquille vide ». »

Le danger seraitt donc que cette vision inexacte des choses ne conduise de fait à une disparition du pays (dont Nicolas Parent redit que seule une minorité de Belges la souhaitent). Pour lui, il s'agit donc de combattre ces scénarios excitants médiatiquement, mais peu réalistes (l'allusion du titre de cet ouvrage à Bye, bye Belgium est transparente). Il cite à l'appui de cela la contribution de Vincent Laborderie, qui se situe sur un plan international. Parle aussi de Roel Jacobs et Paul Vaute revisitant les mythes du passé. Il pense ensuite que Gilles Vanden Burre, Luk Rijckaert et Luc Van Coppenole mettent en cause la façon dont on utiliserait le concept de confédéralisme. Philippe Van Parijs et Dave Sinardet abordent eux le problème de Bruxelles et la question de la circonscription nationale. Il s'agit selon Nicolas Parent de « recadrer le débat » concernant l'avenir d'une petite démocratie multiculturelle qui doit faire face comme l'Europe « aux dangers d'une réémergence des nationalismes et du repli sur soi. » (p.17)

Vincent Laborderie et l'impossibilité de la scission belge

Pour l'auteur de ce chapitre, la reconnaissance internationale d'une nouvelle entité est loin d'être une formalité, contrairement, dit-il, à une « idée communément répandue » (p.20). Il examine comme on l'a fait souvent notamment dans Choisir l'avenir, la Belgique en 1999, Luc Pire, 1997, et aussi le numéro spécial Economies et sociétés, novembre 2011, n° hors-série intitulé L'après-Belgique (la contribution d'Eric David).

François André, dans la revue TOUDI en ligne a longuement examiné aussi cette hypothèse mais pour mettre en cause l'idée d'une Belgique résiduelle que pourraient prolonger de concert Wallons et Bruxellois Belgique résiduelle (Wallonie-Bruxelles), juridiquement impossible.

Pour Vincent Laborderie le principe de droit international est que ; au moment où il acquiert son indépendance « un nouvel Etat ne fait plus partie d'aucune organisation internationale » (p. 23). Pour lui, le contexte européen n'est pas favorable à la création de nouveaux Etats car « il s'agit de ne pas créer un précédent qui pourrait être fort dommageable pour leur propre intégrité nationale » (p. 24) (et de citer l'Espagne, le Royaume Uni, l'Italie et la France). Il donne l'exemple de la séparation du Kossovo (pp. 26-28), pour signaler toutes les difficultés de ce nouveau pays pour adhérer à l'ONU, mais aussi à l'Union européenne du fait que l'Espagne notamment n'a pas reconnu ce nouvel Etat et a déclaré qu'elle ne le ferait jamais (p.28). Il examine ensuite le divorce de velours entre la Tchéquie et la Slovaquies, estimant que pour diverses raisons, ceux qui rêvent d'une séparation des Etats constituant la Belgique ne peuvent se référer à ce modèle, et, en particulier, la Flandre. Selon Vincent Laborderie, la Flandre ne peut invoquer ce précédent parce que cette séparation s'est faite selon lui contre la volonté de la population, ce qui est inenvisageable en Belgique, le nombre de matières à négociation entres les futurs Etats séparés de Belgique étant incalculable (p.31). Il nous semble cependant se référer ici aussi un peu trop facilement à des sondages d'opinion qui auraient contredit une décision précipitée prise contre l'avis des citoyens et en fonction de l'ambition de leaders politiques notamment slovaques, reprochant aussi que la négociation de la scission ait eu lieu entre parlementaires fraichement élus. Pour Vincent Laborderie dans le cas belge un accord entre Etats belges se scindant serait bien plus difficile à obtenir (p.31). En réalité François André ni, je le pense, aucun des collaborateurs de cette revue, ni même les militants de la NVA ne songent sérieusement à une scission soudaine et brutale (c'est pour cela que la NVA met tant l'accent sur le confédéralisme comme l'on sait). V.Laborderie pense aussi que l'Union européenne ne laisserait de toute façon pas facilement se démembrer l'Etat belge (p.39). Or, selon lui, sur un plan économique, une reconnaissance rapide de la Flandre est absolument nécessaire, alors que la question des frontières entre entités (p.40), l'importance de la dette publique belge (pp. 40-41), le statut de Bruxelles poseraient des questions difficiles à résoudre en peu de temps.

La critique principale à adresser ici à V.Laborderie, n'est pas ce qu'il dit de la difficulté - aujourd'hui - d'une scission brusque de la Belgique. Il me semble qu'il ne se rend pas compte à quel point beaucoup en sont parfaitement conscients. Pour François André, concluant l'article que nous avons déjà cité qu'il a écrit sur cette question voici un peu plus de deux ans, le 15 novembre 2010, l'hypothèse est absolument non prouvée « que les partis politiques flamands seraient prêts à se séparer d'un Etat belge qu'ils dominent politiquement, économiquement et socialement et ce même au prix de la perte de Bruxelles. Personnellement, nous considérons qu'il s'agit plus d'une tentative de bluff qu'une menace sérieuse » 3. F.André était tout aussi sceptique sur l'hypothèse d'une Belgique résiduelle qui est d'ailleurs peut-être, à la limite plus que les volontés flamandes à cet égard, l'origine de l'idée d'une scission brutale de la Flandre (d'ailleurs c'est la RTBF qui a d'une certaine façon rendu crédible cette possibilité) et il combat cette possibilité d'une Belgique résiduelle dans des termes qui sont les mêmes que ceux de F.André et avec des arguments similaires (p.49), en ajoutant seulement que les Bruxellois ne veulent pas former un Etat indépendant avec les Wallons en cas d'indépendance flamande (p.40) (mais ce dernier point est un peu en contradiction avec ce qui est dit des sondages durant tout l'ouvrage à savoir qu'aucun d'entre eux ne révélerait une solution favorable à un autonomie totale).

Incidemment, je critiquerais pour ma part ce que V.Laborderie dit de la difficulté du Québec à obtenir son indépendance, voire aussi de la nécessité de devoir procéder à un référendum en cas de sécession, dans la mesure où la plupart des Etats existants dans le monde et surtout les plus vieux Etats-nations ne se sont jamais créés de cette manière. Il semble aussi trouver normal que la Chambre des communes du Canada juge de la validité du référendum québécois, alors qu'il accorde une priorité d'excellence juridique ou politique à cette procédure. Or faire approuver la validité d'un référendum par une assemblée parlementaire a quelque chose de curieux dans ce contexte. On peut estimer comme il le dit qu'un référendum sur une scission a tellement de conséquences qu'on doit souhaiter un résultat clair (par exemple plus que 55% de OUI comme dans l cas du Monténégro, cité p. 33). Mais dans le cas du Québec, outre l'extrême difficulté de l'obtention d'une majorité sur un sujet quelconque dans les démocraties de vieille expérience, il y a aussi tout le jeu possible du Canada anglophone majoritaire qui a pesé de façons très diverses sur le résultat du référendum de 1995, au point qu'il semble vraiment juste de dire que ce référendum de 1995 a été volé aux Québécois 4. On ajoutera à ceci que V.Laborderie pense que les cas sont rares d'une indépendance acquise dans un cadre démocratique. Certes, il parle d'histoire récente (p.57). Pourtant, la séparation pacifique et démocratique de la Norvège n'est pas si ancienne (1905) et l'indépendance des Etats-Unis en 1776 concerne l'un des Etats démocratiques les plus anciens et les plus importants de la Planète.

Roel Jacobs, Paul Vaute, le lion de Flandre et le fédéralisme provincial

Roel Jacobs est un excellent conférencier flamand qui, de plus, a vraiment le droit de se dire parfait bilingue et il explique à juste titre à quel point la bataille des éperons d'or de 1302 a d'abord été un mythe national belge (pp. 59-72).

Paul Vaute - le seul Wallon qui intervienne ici dans le corps de l'ouvrage - n'a pas tout à fait raison nous semble-t-il de dire qu'il n'est pas établi qu'il n'y aurait qu'une nation par Etat (p.74). L'idée d'Etat-nation est bien le signe que les deux concepts sont associés même s'ils ne se confondent pas. Dire comme le fait Paul Vaute que ces deux notions se distinguaient dans l'Ancien régime n'est pas valable à notre sens pour l'époque contemporaine et pour la démocratie. Il est heureux qu'un philosophe comme Jean-Marc Ferry ait pu montrer que le couple de l'Etat et de la nation avait à se dépasser dans des associations de nations transnationales, mais non pas supranationales. L'échec patent de l'Union européenne aujourd'hui montre bien non pas que la nation ou le couple Etat-nation seraient indépassables, mais qu'il faut procéder avec prudence à ce dépassement. Je me permettrais sur cette question de renvoyer à un de mes articles les plus récents, simplement parce qu'il rappelle brièvement la position de Jean-Marc Ferry et Habermas sur cette question 5. Mais la revue TOUDI peut être légitimement fière d'avoir donné la parole à quelqu'un qui avait vu parfaitement clair sur les dangers du Traité de Maastricht en 1992 6. Cette interview est longue et l'actualité de la mise en cause de l'Union européenne et notamment de ses fondements peu démocratique voire même de l'absence de ces fondements y est déjà traitée en long et en large...

Paul Vaute a tort à notre sens de dire que les espaces flamands et wallons auraient été sans frontières avant 1830 alors que, au contraire, même si cette division n'avait pas reçu de signification politique dans le cadre de l'Ancien régime et sous la gouverne de dominations fort lointaines, dans le cadre d'une forte d'autonomie d'Etats parfois fort petits faisant songer à une sorte de confédération (le fait que les souverains étrangers ne régnaient sur les Pays-Bas du Sud qu'en tant que comte de Flandre, de Namur etc., le confirme (p.75)). Mais la frontière linguistique existait déjà bel et bien et tant les ordres religieux du XVIIe siècle 7 que les observateurs français dès 1800 ou ceux de la jeune indépendance belge en tinrent compte de manière tout à fait claire 8. Il est vrai de dire que la querelle linguistique opposa d'abord les Flamands entre eux (p.79). De même Paul Vaute a sans doute raison de dire que la fédéralisation bipolaire (ce qui peut se discuter, pour nous elle est surtout à trois Régions), était dangereuse, mais cette bipolarisation s'est construite sur des faits tout aussi séculaires que ceux qui l'évoquent en même temps que sur la volonté des législateurs à travers d'infinis débats où ce qui a tout de même compté jusqu'ici, c'est la volonté d'entente finalement. Il faut regretter que Paul Vaute reparle du vieux mythe éculé de Wallons refusant le bilinguisme généralisé des administrations et des services publics, en insistant sur le fait que c'eût été par crainte de voir les Flamands (plus généralement bilingues), s'emparer des emplois liés à cela (p.82). Stéphane Rillaerts dans La frontière linguistique, 1878-1963, CRISP, 2069-2070, année 2010, a montré au contraire que « L'approbation de la loi du 28 juin 1932 (...) suscitera le mythe encore vivace d'une Flandre ayant proposé aux francophones la généralisation du bilinguisme dans l'administration dans tout le pays, ceux-ci l'ayant refusé par volonté de maintenir avant tout l'unilinguisme en Wallonie... » (p. 41), alors que selon le même auteur, aucun Flamand n'a jamais proposé une telle chose. Malheureusement comme on ne le sait que trop la RTBF pense devoir entretenir ce mythe et même réduire la frontière linguistique à une volonté soudainement apparue en 1962 de « couper le pays en deux » 9.

A l'instar de Vincent Laborderie, Paul Vaute revient avec les sondages qui prouveraient que les Belges ne veulent pas de la scission et il cite des chiffres que nous voulons bien admettre. Mais c'est tout de même oublier qu'il existe tant en Flandre qu'en Wallonie de très fortes minorités (ne faisant pas face à des majorités absolues contraires !), désireuses de voir la Wallonie, la Flandre et Bruxelles se gouverner elles-mêmes 10

Il me semble aussi que Paul Vaute a tort de parler de l' « impossible confédéralisme » (pp. 89-93). C'est une erreur de dire que les traits de confédéralisme dans le fédéralisme belge actuel distinguent radicalement la Belgique de ce qu'est une confédération, car l'équipollence des normes, la capacité plénière pour les entités fédérées d'exercer leurs compétences sur la scène internationale, la capacité (quasi sans veto belge fédéral possible), de signer des traités, la manière dont les accords entre entités fédérées se construisent (qui imitent la façon dont on procède en droit international), sont des réalités tangibles et indiscutées. Vincent de Coorebyter a écrit dans La Revue nouvelle de janvier 2008 : « Dans l'exercice de leurs compétences, les Communautés et les Régions sont souveraines. Exactement comme un Etat est tout à fait indépendant dans sa sphère de souveraineté, même s'il est par ailleurs membre d'une confédération. » Il a par contre raison de dire que les principaux clients des entreprises flamandes se trouvent en Wallonie ce qui relativise beaucoup les fameux transferts de la Flandre à la Wallonie et que l'évolution démographique de la Flandre va sans doute conduire à un assèchement de ces transferts (p. 92). Dans les pages qui suivent (pp. 93-99), Paul Vaute s'en prend à juste titre à l'idée de l'Europe des Régions.

Il y a 27 Etats-Nations en Europe. 20 d'entre eux sont insécables, car très homogènes à tous égards, avec une population qui souvent n'excède par les 10 millions d'habitants sauf par exemple les Pays-Bas (1) mais comment faire pour que les Pays-Bas soient autre chose qu'une nation, même dans une Europe des Régions ? Ou la Roumanie (2) qui a 21 millions d'habitants). Les dix-huit autres sont les trois plus petits pays d'Europe (Chypre(3) , Malte (4), Luxembourg (5)), les trois « scandinaves » (Danemark (6) et Suède (7) + la Finlande (8) qui n'est pas à proprement parler scandinave) , les trois baltes (Estonie (9), Lituanie (10), Lettonie (11)), la Slovénie (12), la Slovaquie (13), la Tchéquie (14) (qui a un peu plus que 10 millions d'habitants), l'Irlande (15), le Portugal (16) (un peu plus de 10 millions d'habitants également), la Grèce (17), la Bulgarie (18) l'Autriche (19) , la Hongrie (20). Il y a la Belgique (21) qui est sécable en raison d'un fédéralisme qu'il n'est pas excessif de considérer comme de dissociation.

L'Allemagne (22) est déjà une sorte de nation des régions et c'est même ce qui renforce son unité. La France (23) pourrait être considérée comme formée de régions qui pourraient devenir autonomes, mais la manière dont la France s'est unie (à l'inverse de l'Allemagne, par le haut), est aussi très forte. L'Italie (24) aussi qui est peut-être entre le modèle allemand et le modèle français. Même le Royaume-Uni (25), toutes les tentatives d'y instaurer le fédéralisme se sont heurtées au fait que l'Angleterre est insécable, soit 90 % de la population du Royaume Uni. La Pologne (26) ne semble pas avoir des Régions au même titre même seulement que la France. Il reste l'Espagne (27) où la Catalogne et le Pays basque ne seront jamais espagnols.

S'il s'oppose à l'émiettement de l'Europe des Régions, Paul Vaute, par contre, n'écarte pas l'idée d'émietter la Flandre et la Wallonie : il envisage même une fédération à 43 (les 43 arrondissements administratifs), ou 24 sous-régions (dites d'Egmont, dont on a oublié l'existence mais dont le projet n'était pas insensé). Il admet cependant qu'il faudrait agir pour que soit maintenue la visibilité des identités flamande et wallonne. Il pense aussi que l'Etat unitaire de 1830 aurait dû être attentif à ses diversités internes. Seulement, c'est justement pour ce manque d'attention que sont nées l'opposition dont l'auteur regrette qu'elle soit bipolaire. On pourrait contester que cette vision soit bipolaire, mais il est vrai que, en plus, Paul Vaute veut que l'instance qui demeurerait pour coordonner certaines matières séparées (l'enseignement, la culture, les grands travaux), soit une ... communauté au sens flamand du terme (p.96), ce qui justement risquerait peut-être de maintenait la bipolarisation ... Il propose aussi l'idée très démocratique d'un fédéralisme se construisant à partir de la commune, vers les sous-régions, les communautés. Avec des possibilités de regroupements ou d'accord qui transgresseraient la frontière linguistique. Le problème est de savoir pourquoi il faut à tout prix sauver la Belgique avec d'ailleurs la conséquence que le poids d'une ville aussi centralisatrice que Bruxelles s'accentuerait comme jamais.

Le confédéralisme

Luc Rychaert, Luc Van Coppenolle et Gilles Vandenburre veulent nous mettre en garde contre toute mésinterprétation du mot « confédéralisme » et du coup se fendent de la définition classique : « Une Confédération n'est pas un Etat, mais résulte d'une alliance entre un ou plusieurs Etats, contrairement à la fédération qui est bien un Etat (Etat fédéral). » (p.102). Ils insistent aussi sur le fait que « La prise de décision confédérale requiert l'unanimité. » (p.102).

Mais il faut se souvenir ici de ce que disait Vincent de Coorebyter sur les traits de confédéralisme dans le fédéralisme belge et que dans l'exercice de leurs compétences, les Etats fédérés se gèrent comme des Etats indépendants. Bien que l'on ne doive pas parler ici d'une compétence proprement juridique des Entités fédérées, on peut, me semble-t-il dire que d'ores et déjà, existe cette règle d'unanimité dans la mesure où il devient difficile d'imaginer qu'une révision de la Constitution par exemple puisse être décidée contre la majorité de l'une des Régions. Dans l'exercice de leurs compétences sur la scène internationales, les entités fédérées belges sont en somme appelées à faire jouer cette unanimité quand elles siègent à tour de rôle dans le Conseil des ministres européens. De même on sait que pour que tous les traités impliquant les entités fédérées dans leurs compétences, l'accord de leurs Parlements - de tous leurs Parlements - est requis. Les auteurs ajoutent à cela le fait qu'il n'y a pas de grands partis fédéraux et, plus important encore, le fait qu'il n'y a pas de hiérarchie des normes. Ils oublient de fait l'exercice des compétences sur la scène internationale ce qui entraine le pouvoir de signer des traités pour chaque entité fédérée. Ils rappellent (p.110), que la Suisse, qui est une confédération en titre, a votée en 1999 un nouvel article de sa Constitution libellé comme suit : « Le droit fédéral prime le droit cantonal qui lui est contraire. » Les auteurs dont deux Flamands et un Bruxellois membre du BUB ne voient pas que du côté wallon, le fédéralisme a été voulu pour échapper à la minorisation par la Flandre dont on sait à quel point elle a pesé sur la Wallonie et pas seulement politiquement. Innombrables sont les projets de fédéralisme côté wallon qui incluaient des traits de confédéralisme et notamment la possibilité pour la Wallonie de se prononcer comme telle sur la politique internationale, cela découlant par exemple pour le projet Dehousse-Truffaut de 1938, des divergences de vies d'alors sur la politique de neutralité suivie par la Belgique 11. Indépendamment des définitions juridiques du confédéralisme, celui-ci a quelque chose de profondément lié à la position de la Wallonie en Belgique. Dire comme les auteurs qu'il fallait faire apparaître la différence confédéralisme et fédéralisme n'était peut-être pas aussi urgent. Quant au « caractère non démocratique, fragile et suranné » du confédéralisme, c'est, pour un Wallon, illisible. Si la hiérarchie des normes était rétablie en Belgique, cela voudrait dire que le dernier mot resterait au pouvoir central où, malgré tout, les Flamands continuent à exercer une vraie prépondérance.

La situation de Bruxelles

Dans l'assemblée mise sur pied par le Mouvement du Manifeste wallon (MMW) le 22 novembre 2010, Philippe van Parijs était intervenu pour exposer les raisons de son choix. Sa contribution à Good Morning Belgium n'est pas fondamentalement différente. Mais l'intervention de 2010 est plus actuelle dans la mesure où le chapitre rédigé ici par Philippe Van Parijs Bruxelles-Capitale : cinq impasses, une issue, est la reprise d'un article publié en néerlandais en 2008 (dans Ons Erfdeel). Il y insistait sur le fait que le néerlandais est la langue la plus apprise, mais que les Flamands de souche quittent Bruxelles. Le français reste la langue dominante. Autre paradoxe, par rapport à l'ensemble de la population bruxelloise le néerlandais recule (ce qui est dû au fait que des Flamands quittent l'agglomération). L'unilinguisme de la Flandre pousse les flamands à quitter Bruxelles mais pousse aussi les Bruxellois à apprendre le néerlandais. La population bruxelloise augmente (pp. 114-118). Entre la solution Bruxelles flamand, partie de la nation francophone ou district européen, c'est cette dernière solution qui l'emporte dans la population bruxelloise (mais l'auteur dit qu'une « large majorité de Wallons » veulent s'approprier Bruxelles ?). Il affirme aussi que la région bruxelloise est le principal moteur économique de la Flandre et de la Wallonie (mais on peut tout aussi bien dire que la population de Flandre et de Wallonie est le principal agent de cette prospérité, en bonne logique). L'idée d'un condominium wallon et flamand sur Bruxelles n'a pas sa faveur. Il adopte aussi la définition stricte du confédéralisme (voir la discussion plus haut sur le sujet), pour relativiser les traits de confédéralisme en Belgique et aussi affirmer que l'adoption d'un tel système généraliserait les impasses communautaires (p.124). Il préfère à ce système l'idée d'un « fédéralisme aminci » (p.124). Philippe van Parijs n'aime pas non plus la situation actuelle où ce que l'on appelle le « personnalisable » (l'enseignement par exemple), reste de la compétence des communautés. Un argument en faveur de la régionalisation à Bruxelles, c'est que l'enseignement est l'une des armes à utiliser pour lutter contre le chômage. Il opte donc pour un Bruxelles qui devienne Région à part entière. 12 A l'assemblée du MMW, Philippe van Parijs, citait le Re-Bel e-book n°8, téléchargeable sur www.rethinkingbelgium.eu)., où est montré que les meilleurs résultats de l'enseignement en Flandre, la performance flamande « est liée à la mise en œuvre d'un véritable projet collectif qui implique aussi les familles et le monde associatif et qui ne peut prendre forme et avoir un impact que si, outre l'enseignement, la culture et les médias sont mobilisés pour motiver les jeunes et leurs parents à investir dans une formation de qualité. Si cette interprétation est correcte, le succès de l'enseignement flamand ne peut pas être compris indépendamment du succès du mouvement flamand, qui est parvenu à doter les habitants de la Flandre d'une identité commune forte et leur gouvernement d'un ensemble vaste et croissant de compétences. » Voyez Bruxellois et Wallons, même combat! et concluait sur la coopération à organiser entre Bruxelles, le Brabant flamand et le Brabant wallon.

La circonscription fédérale (CF) par Dave Sinardet

Ce chapitre du livre a un intérêt en soi et il mérite d'être publié à part parce qu'il fait l'histoire de cette notion, nous le publions donc ailleurs mais retenons l'idée telle que Guy Verhofstadt l'a exprimée, probablement d'ailleurs sous l'influence du groupe Pavia : « Tout Etat fédéral a besoin d'éléments centripètes. Il suffit de regarder l'Allemagne, la Suisse, le Canada ou les Etats-Unis pour voir qu'il existe, selon le cas, des partis nationaux (même dans le Canada bilingue et la Suisse quadrilingue, la CSU en Allemagne étant une exception), une Cour constitutionnelle à part entière et un Sénat (...) composé de représentants des entités fédérées. A l'exception de la Cour constitutionnelle, ces éléments font défaut dans la fédération belge. Il s'ensuite que la population de la fédération ne dispose pas de liens démocratiques avec la gestion fédérale étant donné qu'il n'est possible d'apprécier électoralement que la moitié du gouvernement fédéral ou de leurs partis. Qui plus est, le fait que l'opinion publique diverge de part et d'autre des frontières des communautés linguistiques incite facilement les responsables politiques à la surenchère au sein de leur propre groupe linguistique, ce qui rend plus difficile de trouver les compromis. En d'autres termes, la légitimité comme l'efficacité de la prise des décisions souffre de l'actuelle organisation de l'Etat fédéral. » (cité p. 169).

Voyez Histoire de la proposition de circonscription électorale fédérale (CF)

Points à discuter lors de la prochaine réforme de l'Etat

Pour Vincent Laborderie, les questions qui devront être réglées au-delà de la réalisation de la sixième réforme de l'Etat sont le choix du type d'entités fédérées (soit les communautés, soit les régions et il penche pour ces dernières tout en admettant que l'existence de la Communauté flamande lui assure un présence à Bruxelles). Pour lui la question de Bruxelles est la seconde question fondamentale et selon lui ces deux questions vont de pair. Il défend aussi l'idée que l'on va nécessairement vers l'évaporation de la Belgique est une sorte de mode, de « pensée unique » qui n'a pour elle aucun argument et qu'elle permet de battre en brèche toute proposition visant à consolider l'unité belge (p. 188).

Peut-être pourrait-on lui faire remarquer que tout dépend du point de vue auquel on se place, soit que l'on ait comme priorité le destin des entités fédérées, soit celui de la fédération. Vincent Laborderie insiste sur le fait qu'il y a maintenant des initiatives en faveur de l'unité belge qui naissent en Flandre alors que jusqu'ici c'était plutôt en Wallonie et à Bruxelles qu'elles surgissaient. (p. 189). Il regrette aussi que l'idée qu'il y aurait deux démocraties en Belgique, deux opinions publiques, serait en train de contaminer le monde politique wallon et francophone, sans cependant bien réaliser que ce monde politique sait qu'il en est ainsi depuis très longtemps, que de très nombreux événements ont illustrer cette différence, d'autant plus que cette différence est au désavantage de l'opinion publique de la partie la moins peuplée du pays, soit la Wallonie. Il se plaint aussi du fait que l'inéluctabilité de l'évaporation de la Belgique prenne l'allure d'une prophétie autoréalisatrice et que cela empêche les acteurs du jeu politique d'imaginer des solutions alternatives à la décomposition du pays (p.191). Il nous semble que lorsqu'il dit que de nouveaux transferts en faveur des entités fédérées après la sixième réforme de l'Etat qui en compte déjà pas mal, laisseraient encore ces entités fédérées en deçà d'autres entités fédérées dans le monde, il émet là une opinion qui ne se fonde en tout cas sur aucun chiffre mais qui, de plus, ne prend pas en compte les traits de confédéralisme dans le fédéralisme belge qu'il faut sans cesse rappeler malgré tout : l'équipollence des normes et l'exercice des compétences des entités fédérées qui se prolonge sur la scène internationale, ce dernier point étant unique au monde. V.Laborderie dit aussi que ce qui est beaucoup plus grave que l'éclatement du pays, c'est le sentiment que les citoyens ont de ne pas avoir de prise sur l'évolution politique. Seulement, c'est également un sentiment que les citoyens peuvent avoir d'ores et déjà sur la vie même de ces entités fédérées.

Il propose par exemple pour éviter la fin du pays de redonner un rôle d'arbitre au gouvernement fédéral. Mais à notre sens c'est illusoire dans la mesure où ce gouvernement fédéral n'est, au fond, pas plus que ceux des entités fédérées au-dessus de la mêlée, étant lui-même constitué à partir des populations de ces mêmes entités au fond. Il a tort à notre sens de penser que ce serait la NVA seule qui ferait obstacle à pareilles propositions. Les difficultés communautaires sont bien antérieures à l'apparition de la NVA sur la scène politique flamande. Il pense aussi qu'il serait opportun de faire appel au soutien de la population belge pour contrer les tendances centrifuges. Mais il ne voit pas que cet appel est récurrent au moins depuis cinquante ans et que le soutien de la population belge qui s'exprimerait par exemple par voie référendaire aurait bien des chances de redonner des résultats contrastés comme en 1950. Il évoque même l'idée d'un médiateur international ...

D'une manière générale, redisons-le encore, la plupart des sources citées, des événements évoqués dans ce livre concernent les difficultés qui opposent les communautés et en tout particulier sur le plan linguistique. N'est pratiquement jamais pris en compte le fait que la Belgique n'est pas seulement composée de deux peuples (et de trois ou quatre Régions), mais que l'un de ces peuples est minoritaire. Toute la problématique wallonne est de ce point de vue oubliée dans le livre, ce point n'est presque jamais abordé. Ou à peine quand il est question des réticences du côté francophone par rapport à la fameuse circonscription fédérale. Dont même des socialistes modérées comme L.Onkelinkx voit bien le danger qu'elle représente à cet égard.

Il omet également le fait que cette minorisation est à l'origine d'un retard économique de la Wallonie par rapport à la Flandre et d'un déséquilibre entre la Wallonie et Bruxelles provoqué par l'excessive centralisation belge. Il est juste sans doute de dire que pour parvenir à l'entente deux partenaires politiques doivent se comprendre, se connaître et s'estimer. Mais on ne voit jamais pris en compte véritablement que le partenaire flamand argue le plus souvent d'une réussite économique et sociale qu'il a gagnée grâce à sa position majoritaire dans l'Etat, avec précisément comme effet d'obtenir un avantage certain sur la Wallonie, avantage qui depuis qu'il a été obtenu et connu au courant des années 1970 est sans cesse utilisé pour faire comprendre aux Wallons qu'ils vivent aux crochets de la Flandre. Est-ce que vraiment une CF est en mesure de résoudre un de ces points de friction graves qui explique d'ailleurs que le monde politique wallon et francophone soit sur la défensive depuis la fin des années 1990 en matière de nouvelles régionalisations, ce qui est peut-être un mauvais calcul ? Le livre ne prend pas non plus en compte, par ailleurs, le fait que l'usage du français en Wallonie et à Bruxelles a créé un complexe de supériorité francophone voire même une supériorité tout court (non de droit mais de fait), qui exaspère les frustrations légitimes de la Flandre qui n'est toujours pas à l'abri de la francisation du Brabant flamand et même au-delà, alors que la Flandre mène un combat séculaire contre sa francisation. Il ne faut pas oublier que le Brabant flamand, c'est le sixième de la population flamande.

Quant à Bruxelles, le conflit en cours menace son autonomie.

Les Flamands comme les Wallons peuvent de ce point de vue se considérer les uns et les autres comme des minorités. On pourrait dire que toute l'évolution du pays vers le fédéralisme, le confédéralisme voire même des solutions plus radicales est une façon pour ces deux minorités d'échapper à un statut qu'aucun peuple n'envierait et qui est le ressort profond de tous les événements qui divisent le Royaume de Belgique depuis plus d'un siècle.


  1. 1. Roel Jacobs, Vincent Laborderie, Nicolas Parent, Luk Ryckaert, Dave Sinardet), Luc Van Coppenolle, Gilles Vanden Burre, Philippe Van Parijs, Paul Vaute, Good Morning Belgium, Mols, Bruxelles, 2012.
  2. 2. Critique : La Belgique va-t-elle disparaître? (M.Beyen et Ph. Destatte)
  3. 3. Belgique résiduelle (Wallonie-Bruxelles), juridiquement impossible
  4. 4. Victoire du PQ et indépendance du Québec
  5. 5. Un fédéralisme destructeur
  6. 6. Europe, démocratie, nations
  7. 7. La Wallonie en filigrane de cartes du XVIIe siècle
  8. 8. Wallonie et Flandre ont précédé la Belgique
  9. 9. Le JT du 31 octobre 2012
  10. 10. I. En faveur de la gestion régionalisée de l'emploi

    53% de Flamands, 35% de Bruxellois et 36% de Wallons

    (20% de Wallons ne sont ni pour ni contre, 8% n'ont pas d'avis, et 36 % sont contre)

    II. En faveur de la gestion régionalisaée de la politique familiale:'

    52% de Flamands, 32% de Bruxellois, 35 % de Wallons

    (17% de Wallons ne sont ni pour ni contre, 7 sont sans avis et 41 sont contre)

    III. En faveur de la gestion régionalisée de la politique de la santé

    49% de Flamands sont pour, 27% de Bruxellois, 30 % de Wallons

    (15% de Wallons ne sont ni pour ni contre, 6% sont sans avis, 49% sont contre)

    IV En faveur de la gestion régionalisée des allocations familiales

    49% des Flamands sont pour, 31% de Bruxellois et 30% de Wallons

    (15% de Wallons ne sont ni pour ni contre, 48% de Wallons sont contre et 7 sans avis)

    V. En faveur de la gestion régionalisée des allocations de chômage

    51 % des Flamands sont pour, 34 % de Bruxellois, 33 % de Wallons

    (17% de Wallons ne sont ni pour ni contre, 43% sont contre, 7 sans avis)

    VI.En faveur d'une gestion régionalisée de la consommation

    48% de Flamands sont pour, 45 % de Bruxellois et 46 % de Wallons

    (17 % de Wallons ne sont ni pour ni contre, 31 % de Wallons sont contre et 6 sans avis)

    VII. En faveur de la gestion régionalisée des pensions

    38 % de Flamands sont pour, 26% de Bruxellois, 28% de Wallons

    (14% de Wallons ne sont ni pour ni contre, 52 % de Wallons sont contre [seule majorité absolue contre ces 8 régionalisations envisagées], 7 sans avis)

    VIII. En faveur de la régionalisation de la Justice

    40 % de Flamands sont pour, 32 % de Bruxellois, 30 % de Wallons

    (17% de wallons ne sont ni pour ni contre, 45% de wallons sont contre, 8 % sans avis) Voir Le sondage de "L'Avenir" et l'affaire Marie-Rose Morel

  11. 11. Paul Delforge Un siècle de projets fédéralistes pour la Wallonie 1905-2005, IJD, Namur, 2005
  12. 12. Il rappelait dans son intervention à Charleroi de 2010 le sondage du journal Le Soir relatif aux préférences des Wallons et des Bruxellois en cas de scission de la Belgique : 33% des Bruxellois pour une fédération Wallonie-Bruxelles (comparé à 63% de Wallons) et 47% optaient pour une région indépendante ou européenne (8% de Wallons pour une Wallonie indépendante), et estimait que les 33% de Wallons favorables à un lien avec la Wallonie étaient exagérés sur la base d'une estimation de la population Bruxelloise de ce type : un tiers de Bruxellois, étrangers d'origine européenne, un autre tiers d'étrangers d'origine non-européenne et un tiers (en décroissance), de Bruxellois d'origine belge. Estimant en outre que le dernier tiers de cette population était celui qui disposait le plus d'une ligne de téléphone fixe. C'est dans ce dernier tiers (en décroissance), que seraient les plus fervents partisans du lien avec la Wallonie. En 2006, un autre sondage plus pointu estimait à 51.7 % les Bruxellois optant pour le statu quo (comparé à 60.5 % en 2000), 2.9 % pour un rattachement à la Flandre (comparé à 0.9 % en 2000), 1.7 % pour un rattachement à la Wallonie (comparé à 2.1 % en 2000) et 43.7 % pour un statut séparé en tant que capitale européenne (comparé à 36.4 % en 2000). (Voir Ph. Van Parijs, Trêve de bricolage ethnique, en route pour la fédération des régions, in La Revue nouvelle 4, avril 2008. Chiffres calculés à partir du tableau 134 de R. Janssens, Van Brussel gesproken, VUB Press 2007, p.142. ) Ces chiffres, estimait Van Parijs, basés sur un échantillon moins tronqué suggèrent que l'affirmation selon laquelle un tiers des Bruxellois serait favorable, en cas de scission, à une fédération Wallonie-Bruxelles est fortement exagérée. La nation francophone chère à Jean Gol estimait-il n'offre pas un plan B plus plausible qu'un Groot-Vlaanderen qui garderait Bruxelles comme capitale.