Deux Coups d'Etat européens, deux Deux-Décembre
Coup d'Etat du 2 décembre
Février 1848. Le peuple de Paris renverse Louis-Philippe. Il sera vite écarté du débat par les troupes de Cavaignac. Et en décembre 1848, Louis Napoléon est élu président de la République au suffrage universel
Le Prince est élu pour quatre ans.
Comme il sait qu'il n'est pas rééligible, l'apprenti-dictateur tente de faire réviser la Constitution en sa faveur au courant de l'année 1851. L'Assemblée législative le lui refuse.
Dès lors Bonaparte se prépare au coup d'Etat.
Lors d'une brillante réception donnée au soir à à l'Elysée, à la veille du 2 décembre (anniversaire d'Austerlitz et du sacre de Napoléon I), il fait arrêter par des troupes sûres les principaux leaders de l'opposition et l'armée occupe le Parlement.
La Résistance s'organise dans les quartiers populaires mais l'armée tire sur la foule et il y a des centaines de morts. Dix mille personnes sont déportées en Algérie et dix mille autres bannies de France. Les 20 et 21 décmbre suivants, un plébiscite donne les pleins pouvoirs au Prince pour établir un nouvelle Constitution. L'Empire est rétabli en janvier 1852.
Quelques mois plus tard Louis Napoléon devient Napoléon III.
La République est assassinée et la Liberté étranglée.
Victor Hugo écrira en 1853 Napoléon le Petit l'une des plus belles pages de la littérature mondiale qui aient jamais été écrites contre la dictature et pour la démocratie.
Nous en avons tiré les lignes suivantes où Hugo apostrophe Napoléon le petit au nom de la conscience humaine.
Elles sont dédiées aux assassins de la Liberté et de la Démocratie en Europe, dite unie, en train de perpétrer d'une manière plus sournoise encore l'attentat que l'on sait contre l'Europe et ses peuples 1
Il faut d'abord, Monsieur Bonaparte, que vous sachiez un peu ce que c'est que la conscience humaine.
Il y a deux choses dans ce monde, apprenez cette nouveauté, qu'on appelle le bien et le mal. Il faut qu'on vous le révèle, mentir n'est pas bien, trahir est mal, assassiner est pire. Cela a beau être utile, cela est défendu. Par qui ? me direz-vous. Nous vous l'expliquerons plus loin ; mais poursuivons. L'homme, sachez encore cette particularité, est un être pensant, libre dans ce monde, responsable dans l'autre. Chose étrange et qui vous surprendra, il n'est pas fait uniquement pour jouir, pour satisfaire toutes ses fantaisies, pour se mouvoir au hasard de ses appétits, pour écraser ce qui est là devant lui quand il marche, brin d'herbe ou parole jurée, pour dévorer ce qui se présente quand il a faim. La vie n'est pas sa proie. Par exemple, pour passer de zéro par an à douze cent mille francs il n'est pas permis de faire un serment qu'on n'a pas l'intention de tenir, et, pour passer de douze cent mille francs à douze millions, il n'est pas permis de briser la Constitution et les lois de son pays, de se ruer par guet-apens sur une Assemblée souveraine, de mitrailler Paris, de déporter dix mille personnes et d'en proscrire quarante mille. Je continue de vous faire pénétrer dans ce mystère singulier. Certes, il est agréable de faire mettre des bas de soie blancs à ses laquais, mais, pour arriver à ce grand résultat, il n'est pas permis de supprimer la gloire et la pensée d'un peuple, de renverser la tribune centrale du monde civilisé, d'entraver le progrès du genre humain et de verser des flots de sang. Cela est défendu. Par qui ? me répéterez-vous, vous qui ne voyez devant vous personne qui vous défende rien. Patience. Vous le saurez tout à l'heure.