Manifestations pour l'unité de la Belgique (1963-2010)
Histoire de Belgique et de Wallonie
Il y eut dans l'histoire depuis l'exacerbation des problèmes communautaires dans les années 60, quatre manifestations clairement unitaristes, toutes organisées à Bruxelles: en 1963, en 1993, en 2007 et en 2010. On ne prend pas en compte ici les manifestations indirectes ou implicites d'unitarisme belge, car cela peut être controversé (comme par exemple la marche blanche de 1996, les émotions manifestées à la mort de Baudouin Ier en 1993, la réception offerte à l'équipe belge sur la Grand-Place de Bruxelles en 1986, la fête du roi en 1975 etc.).
La manifestation de Bruxelles le 18 novembre 2007 ne rassembla que des BCBG bruxellois comme le notait Jean Quatremer : "Autant dire que, comme beaucoup le craignaient, elle montre qu'un possible éclatement du pays est surtout une inquiétude francophone et, pour tout dire, une inquiétude de la bourgeoisie francophone si l'on en juge par le public largement composé de BCBG des communes de la région de Bruxelles-capitale." 1
que des bourgeois bruxellois, comme le notait Jean Quatremer le lendemain dans le journal Libération du 19 novembre 2007. Deux autres manifestations de ce genre eurent déjà lieu avant cette date, l'une le 31 mars 1963, analysée par La décision politique en Belgique, Crisp, Bruxelles, 196, p. 145: "Le rendez-vous des Belges du 31 mars 1963 à Bruxelles rassemblait essentiellement des Flamands francophones plus ou moins bilingues d'Anvers, de Gand, d'Ostende, de Louvain, Tirlemont, etc., beaucoup de francophones installés dans la périphérie bruxelloise et très peu de Wallons (une proportion d'un sixième des effectifs globaux du cortège, de l'aveu même des organisateurs)." Elle avait été précédée d'une vaste campagne d'affiches dans tout le pays, un drapeau belge se déchirant dont la déchirure était barrée par les mots NON et NEEN.
La deuxième, le 25 avril 1993, fut décrite par un témoin avisé comme Michel Molitor, qui nous le confia à l'époque, comme ne rassemblant que des privilégiés qui n'avaient jamais eu l'occasion de manifester. Le 18 novembre, les images à la RTBF (JT de 13 h de ce jour-là) des femmes et hommes rassemblés par Marie-Claire Houard vers midi ont donné le même sentiment. Un train spécial venant de Liège emmenait 70 manifestants. La manifestation n'a atteint sa participation maximum que vers midi, au fur et à mesure que des habitants de Bruxelles en venaient grossir les rangs au long de la matinée. Il s'agissait bien de Bruxellois puisque les manifestants parvenus au Cinquantenaire, rentrèrent alors chez eux - "pour dîner" précisait le JT de la RTBF. Le ciel de Wallonie vide d'hélicoptères personnels en direction de Charleroi, Mons, Tournai, ou Namur, Liège, Wavre et Arlon, permettait de conclure que ceux qui allaient prendre le repas du dimanche ne provenaient pas de ces villes. Elio Di Rupo explique ici en néerlandais pourquoi il y a surtout des francophones dans la manifestation et Anne-Marie Lizin que la Belgique est un beau pays 2. Le commentateur d'Antenne-Centre parle de manifestants essentiellement francophones tout en ajoutant paradoxalement qu'il y a de très nombreux néerlandophones 3.
Cette opinion nationaliste belge en Wallonie est manifeste, certes de manière ahurissante. Ce sentiment belge non explicité rationnellement est inapte à déboucher sur un projet politique. Les manifestations du 31 mars 1962, du 25 avril 1993 (avec Julos Beaucarne en vedette), et du 18 novembre 2007 ne sont plus seules à concrétiser le désuet de la Belgique de papa. La monarchie est devenue aussi désuète que ces défilés (tout de même un peu pathétiques), depuis que toute la presse publie les secrets des colloques singuliers comme ce fut le cas fin 2007. Bagehot a souligné dans ses ouvrages que le prestige symbolique de la monarchie ne se nourrit (et ne s'amplifie aussi), d'un vrai rôle politique implicite (sans cesse dénié cependant, mais c'est logique), que si ses partenaires politiques gardent le silence sur le rôle du roi. La crise ouverte par les élections de juin 2007 a fait tomber l'un des derniers tabous de la Belgique ancienne, violé d'ailleurs déjà en 1990, après l'interruption de règne (sur l'avortement), lors de l'intervention militaire belge au Rwanda de l'automne de cette année.
La manifestation d'aujourd'hui, pourtant annoncée à grand fracas la veille par le JT, a rassemblé selon la RTBF de 2 à 5000 manifestants (soit beaucoup moins que les trois précédentes qui regroupèrent de 20 à 30.000 participants chacune). Pour la première fois face à pareil événement, la RTBF parlait, le 16 mai au soir, d'un échec, ce qu'elle n'avait fait ni en 1963, ni en 1993, ni en 2007. On ne peut certes pas contester le fait que beaucoup de Bruxellois francophones (surtout) et de Wallons (jamais fort présents à Bruxelles), demeurent attachés au pays. Mais quel est leur projet politique? Quel est d'ailleurs le sens de cette effervescence unitaire en faveur de la Belgique? En 1963, 1993 et en 2007, de nombreux jeunes étaient présents comme ce 16 mai 2010. Mais ces manifestations ont été chaque fois suivies régulièrement d'une extension parfois considérable des compétences des Etats fédérés. En 1963, la frontière entre la Flandre et la Wallonie était fixée. En 1980, Wallonie et Flandre et puis Bruxelles devenaient autonomes, leurs compétences connaissant une extension maximale l'année même de la manifestation de 1993, pour se poursuivre résolument en 1994 et 1999. Après celle d'aujourd'hui, on sait que Wallons, Bruxellois et Flamands se mettront autour de la table pour engranger des réformes étendant les compétences à diverses matières sur lesquelles il y a eu accord en 2008. Ce processus va s'amplifier après les élections fédérales de 2010.
On peut cependant compter sur le nationalisme belge des médias francophones pour faire preuve, encore de nombreuses fois à l'avenir, du même enthousiasme nationaliste belge des 5000 manifestants de ce 16 mai. Ces médias se donnent peu d'occasions de mettre en valeur les Etats fédérés autour desquels va s'organiser de plus en plus complètement sinon même exclusivement la vie des citoyens. Pourtant, il n'est pas nécessairement judicieux d'entrer dans l'avenir à reculons. Et l'attitude le plus souvent hostile des milieux bruxellois des grands médias à l'égard de la Wallonie, de la Flandre - ou même de Bruxelles - dans leur autonomie entre en contradiction très profonde avec le rôle civique qu'ils prétendent remplir.
- 1. Défilé en anglais pour sauver l'unité de la Belgique.
- 2. http://www.youtube.com/watch?v=WK-Dc7AcGqE
- 3. http://www.youtube.com/watch?v=6sye4xJ1-Mw
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Commentaires
Manifestation du 23 janvier (par Alain Van Praet)
5000 ou 2000?