Une autonomie wallonne sans finalité wallonne

Une négociation sans Wallon ni Wallonie
31 août, 2010

Qui réagit quand, pratiquement tous les jours, on raconte que la richesse de Bruxelles irrigue le pays tout entier ? Certainement pas Francis Van de Woestyne qui estime dans La Libre Belgique du 31 août que les Wallons ont compris du refinancement de Bruxelles qu'il était vital pour assurer un nouvel essor à la Wallonie!!! Quels Wallons ont-ils compris cela ? Personne ne s'est pourtant jamais aperçu de la richesse que Bruxelles irrigue au Borinage, ni à Charleroi, ni à Liège, ni en Ardenne, ni nulle part.

Les Wallons payent pour Bruxelles

Le Borinage, dont la richesse, effectivement, a irrigué tout le pays jusqu'à la fin des années 50, a perdu alors, brusquement, la moitié de ses emplois. Personne n'a jamais parlé de le refinancer. Mais c'est la Wallonie qui bouche les trous de la Communauté française et finance donc ainsi les grandes institutions d'enseignement supérieur à Bruxelles (notamment l'IHECS déménagé de Tournai puis de Mons). A la hauteur de 200 millions d'€ en décembre 2010 (et Bruxelles exige 500 millions d'€ par an pour son refinancement). 1

Combien sera-ce en 2011?

Tout en admettant que Bruxelles doive être refinancée 2 remarquons que cette région recevrait 2 milliard d'€ durant la prochaine législature, somme deux fois supérieure au Plan Marshall pour toute la Wallonie. Et alors que les autres entités fédérées vont être invitées, dans le même laps de temps, à contribuer à des réductions de dépenses pour 25 milliards d'€.

Le refinancement de Bruxelles concernera-t-il aussi l'enseignement à Bruxelles?

Ces Wallons qui veulent sauver la Belgique 3 se chargent d'y centraliser un tas d'institutions que nous sommes ensuite priés de refinancer... La solidarité se comprend par rapport aux écoles en difficultés de la capitale. Mais ce n'est pas la seule dépense que les Wallons y assument. Ils continueront donc à payer 4 pour une capitale qui ne les admire pas follement.

Le snobisme de cet enseignement (et des médias), nourrit un mépris tout particulier pour le pays wallon, que, d'ailleurs, des Wallons aussi snobs partagent avec certains Bruxellois aveuglés par leur suffisance. Le problème de Bruxelles est au centre des difficultés rencontrées par les négociateurs, mais les politologues interrogés par la RTBF (pratiquement aucun Wallon parmi ceux-ci), parlent des exigences du Sud-du-pays. 5

Ne s'agirait-il pas plutôt d'exigences du Centre-du-pays?

On avait cru que l'usage du mot francophone avait pour but d'inclure les Bruxellois dans un même groupe que les Wallons. Mais l'on continue à parler du Sud-du-pays même quand il s'agit de la position « francophone » face aux Flamands sur la question de... Bruxelles. La particratie est-elle bien sûre que l'opinion publique en Wallonie tienne tellement à ce que ses dirigeants passent le plus clair de leur temps, en son nom, à travailler à une question qui ne l'intéresse pas directement, sans jamais le lui expliquer? Sans jamais expliquer les raisons vraies du refinancement de Bruxelles à un pays wallon que Bruxelles peut regarder avec un mépris bien supérieur à celui des nationalistes flamands.

Il est vain de vouloir confondre le sort des Wallons et des Bruxellois. Régionalistes bruxellois et wallons sont d'accord à cet égard. Qu'il y ait des liens, une concertation à quoi pourrait se résumer la Communauté française, d'accord ! 6. Mais on reste perplexe face à la levée de boucliers dans les milieux les plus pro-Communauté à cause de la communautarisation des allocations familiales (qui risquerait de diviser les Bruxellois, soit !), alors que, depuis quarante ans, sous la pression des Bruxellois unitaristes, la Communauté est devenue l'effigie de la Belgique ancienne notamment en centralisant tout dans la capitale. 7

Sauf les compétences transférées à la Wallonie en 1993 suite aux difficultés de cette institution et sauf aussi le payement (qui va devenir annuel?), des dettes de cette même institution.

L'autonomie wallonne, une concession faite aux Flamands ?

Il y a encore pire dans l'abjection, ce sont ceux qui disent qu'il faut que des compétences soient transférées du fédéral à la Wallonie puisque les Flamands le demandent et parce qu'il faut sauver la Belgique! Serait-ce donc en Wallonie picarde que tous les records de l'abjection pourraient être battus?

A-t-on jamais entendu quelqu'un de responsable dire à quelqu'un d'autre qu'il lui faisait la concession de devenir autonome?

Et le sauvetage de la Wallonie ne devrait-il pas préoccuper ses dirigeants au plus haut niveau? Non, semble-t-il, on s'empresse souvent de colporter qu'ils n'ont pas joué un rôle qu'en Wallonie ou que s'ils veulent la Wallonie, ce n'est pas seulement pour la Wallonie...

La Wallonie en elle-même n'en vaudra donc jamais la peine? Mais bien la Belgique moribonde? On a l'impression que lorsque 99,8 % des compétences seront régionalisées, Béatrice Delvaux se lancera encore dans des éditoriaux exaltant la nouvelle Belgique qui se profile et exigeant un grand projet francophone le plus vite possible. 8 Et qu'on reparlera du chaos si l'on régionalise les 0,2 % restants.

Souhaitons que le Prince hériter, quand il sera roi, multiplie les gaffes et que l'on puisse aussi très vite se débarrasser en prime d'un symbole mensonger.

Souhaitons que les responsables wallons lancent une politique de relance. Puisque, sous la pression de la droite dans une Flandre qui n'a pas besoin de politique keynésienne, on se contente d'arroser les patrons chaque année de dépenses en sécurité sociale d'au moins 1 milliards d'€ (de 4 à 5 fois les dépenses annuelles du Plan Marshall), en diminuant leurs cotisations sociales 9. Si ces diminutions (donc ces dépenses), sont possibles sans menacer la sécurité sociale, on pourrait mieux les utiliser à une politique génératrice d'emplois et de plus grands apports à la Sécu.

Est-ce trop demander que l'on parle enfin des finalités wallonnes de l'autonomie wallonne et qu'on ne rebaptise plus cela de « nouvelle Belgique » ?

PS (ce 4 septembre)

Le Plan Marshall est un plan pluriannuel qui mettait 250 millions d'€ au départ pour relancer l'économie wallonne. On a dit que c'était très peu, pas assez en tout cas. Il semble don bien que pour le refinancement de Bruxelles une somme aussi importante sera allouée par les Wallons à Bruxelles, sans doute nécessaire mais de là à affirmer avec FVDS que cette somme est vitale pour l'essor de la Wallonie, n peut se poser des questions et en tout cas nos responsables ne justifient en rien cette dépense. Ils pourraient peut-être le faire comme de s'expliquer pourquoi - il faut bien u-y revenir - c'est la Wallonie qui semble revoir refinancer aussi la Communauté française à la même hauteur. On aura moins discuté de ces sommes que de Francorchamps, du moins jusqu'ici. Certaines dépenses de la Wallonie doivent être surveillées de près, d'autres moins? Même si elles sont plus importantes?

  1. 1. Communauté française/Wallonie: une confusion malsaine
  2. 2. Brussels studies, Note de synthèse n° 16: Finances publiques, financement et fiscalité à Bruxelles par P. Cattoir, J. Vaesen, G. Van der Stichele, M. Verdonck, P. Zimmer
  3. 3. On lira à ce propos les critiques que j'ai faites il y a plus de dix ans déjà : Le discours de José Fontaine à Namur, le 19 septembre 1999, au cimetière de Belgrade voir la conclusion...
  4. 4. Ah! vous entrez dans la logique libérale du juste retour. Non, pas du tout, il n'y a d'ailleurs que la Wallonie qui n'ait jamais exigé l'application d'une telle loi que l'on reproche aux Flamands d'évoquer, mais qui est louangée quand ce sont les Bruxellois qui en parlent...
  5. 5. Le "sud du pays".
  6. 6. C'est la position de Rudy Demotte dans Le Soir du 28 août.
  7. 7. On ne l'affirme pas gratuitement. Voyez : Le concept "Communauté" antiwallon et antibruxellois
  8. 8. La Belgique qui meurt (I) (L'obsession du "projet francophone" )
  9. 9. La Fondation André Renard estime que les diminutions de cotisations patronales ont coûté 27,529 milliards d'€ de 1999 à 2007 et que la part de la Wallonie dans cette somme est de 8,973 milliards dans Evolutions institutionnelles, un document de travail d'octobre 2009.